de Pierre Assouline

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La République des livres
Amazon vs Hachette : George Orwell se rebiffe

Amazon vs Hachette : George Orwell se rebiffe

Au fond, ils ont parfois du bon, les héritiers, ayant-droit et autres gardiens du temple. Et il ne faut pas rater une occasion de le reconnaître eu égard au nombre de fois où il prêtent le flanc à la critique pour leurs abus sur l’œuvre, la mémoire ou la biographie de l’écrivain qui les nourrit à titre posthume pour une vie au moins. Cette fois, il faut rendre grâce au Orwell Estate, à son agent littéraire et aux organisateurs du Orwell Prize, d’avoir réagi en lieu et place du vieux George. Car rien n’est détestable comme le détournement de citation et le dérapage contrôlé du sens. On commence comme ça et vous verrez qu’un jour, on finira par faire d’Orwell un suppôt du franquisme pendant la guerre civile espagnole !

Amazon, puisque c’est encore de la librairie en ligne qu’il s’agit, a en effet instrumentalisé un paragraphe de George Orwell (1903-1950) pour lui faire dire… le contraire de ce qu’il avait dit. Un paragraphe pêché dans sa « Review of Penguin Books », un texte obscur publié dans le New English Weekly du 5 mars 1936 (il fallait vraiment aller le chercher, ce texte de derrière les fagots !). Si encore c’était une question d’interprétation…  Jugez-en.

Le cadre en est le conflit qui l’oppose depuis des semaines à Hachette Book Group (HBG) sur le prix des livres numériques : moins de $ 10, prix unique pour tous les livres, alors que l’éditeur, soutenu à travers une pétition par un bon millier d’auteurs américains, propose des tarifs oscillant de $12,99$ à $19,99. Amazon, qui n’apprécie pas que l’on ne se plie pas à un diktat qu’elle s’autorise en raison de sa situation de monopole, traine donc les pieds et se livre à une guerre des nerfs depuis des semaines dès qu’un livre du groupe Hachette est commandé par un lecteur : soudain, les délais de livraison s’allongent… soudain, il devient impossible d’enregistrer des précommandes… soudain, les rabais sont plus difficiles à négocier… (question chiffres, si vous voulez en faire un ou plusieurs fromages, c’est ici).th

Mais que vient faire l’auteur de 1984 là-dedans ? Pressé de contre-attaquer face à la désastreuse campagne d’image qu’elle subit, Amazon a cru bon publier sur son blog une lettre ouverte à Michael Pietsch, patron d’Hachette USA, communiquant par la même occasion son adresse professionnelle électronique, manière d’inciter d’autres à lui écrire, afin de lui reprocher une « entente illégale » ; et au passage, le rédacteur rafle cet extrait signé du grand écrivain britannique à propos de la controverse qui avait jadis entouré l’arrivée du livre au format de poche sur le marché :

… If publishers had any sense, they would combine against them and suppress them. » / Si les éditeurs étaient un peu sensés, ils comploteraient contre eux (les livres de poches) et les feraient disparaître. »

 Et ce même rédacteur de commenter finement :

Yes, George Orwell was suggesting collusion/ « oui, George Orwell a suggéré une collusion » (entre éditeurs)

Et d’en rajouter une couche :

It was never in George Orwell’s interest to suppress paperback books — he was wrong about that. “Ce n’était pas dans son intérêt de supprimer le format de poche – il avait tort sur ce point là »

Or Orwell disait exactement le contraire, ce qui saute aux yeux dès lors qu’on replace la phrase dans son paragrahe :

The Penguin Books are splendid value for sixpence, so splendid that if the other publishers had any sense they would combine against them and suppress them.” « Les Penguin sont splendides pour des livres qui ne valent que six pence », tellement « splendides qui si les autres éditeurs étaient un peu sensés, ils s’entendraient entre eux et les feraient détruire. »

 Troisième degré, litote, understatement, ironie provocatrice, ad libitum, mais on se doute bien qu’il n’appelait pas à un Fahrenheit 451 avec les poches ! Nul besoin d’être diplômé de novlangue pour le comprendre. On s’en doute, la bande à Hachette a sauté dessus, et les chroniqueurs alertés se sont gaussés de Londres à New York. Sauf que, à l’examen, on serait tenté de renvoyer les belligérants à leurs chères études et de laisser Orwell tranquille. D’autant qu’Amazon et Hachette ne sont précisément pas des philanthropes mais des mastodontes du marché du livre. En effet, si on lit la totalité de son texte, si peu impérissable qu’il ne figure même pas dans le recueil de ses œuvres complètes, on lit ceci :

 In my capacity as reader I applaud the Penguin Books; in my capacity as writer I pronounce them anathema / « En tant que lecteur, j’applaudis les livres de poche de Penguin, mais en tant qu’écrivain, je les maudis »

Et ce n’est pas le solliciter abusivement que de le juger finalement assez ambivalent ; mais c’est tout de même plus intéressant et plus… orwellien ainsi, isn’it ? Ceux qui veillent sur  son héritage littéraire, The Orwell Estate, ne s’y sont pas trompés : ils n’ont pas seulement dénoncé dans l’initiative d’Amazon une manipulation « honteuse » mais « dystopique », digne du double langage du Ministère de la Vérité; certains s’en souviennent peut-être, en 2009, les amazoniens de Kindle avaient déjà jeté un livre dans leur « trou de mémoire, le retirant unilatéralement des liseuses des lecteurs qui l’avaient acheté, lu et déjà annoté, en raison d’un désaccord sur les droits avec son agent ; or il s’agissait de 1984… On se doute de ce que l’écrivain aurait pensé de tout ça. Le soutien posthume de George Orwell aurait eu du poids face à la pétition de Stephen King et compagnie. Raté ! Disons que cette fois, Amazon a manqué de … blair !

(photos D.R.)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire, La vie numérique.

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1 072 Réponses pour Amazon vs Hachette : George Orwell se rebiffe

Le jeu des 1000 bornes dit: à

OOOuuuuaaaiiiiissssssss !
Je l’ai eu.

hamlet dit: à

le top du top c’est l’obsession des gens pour la Palestine, une catastrophe pourrait faire périr les trois quarts de la planète qu’ils seraient devant leur écrin fasciné par les juifs.
on peut appeler ça le syndrome de Vezelay, quand Bernard de Clairvaux appelait à la croisade et au pogrom du haut de la basilique, et les types y allaient tous.
c’est hyper flippant d’imaginer qu’on a pas bougé d’un poil.

ST dit: à

« dommage qu’ils soient passés à la trappe de l’histoire » hamlet

Kraus peut-être un peu, mais certainement pas Wittgenstein !

hamlet dit: à

Monsieur Assouline c’est pas vrai que le plus névrosé de votre blog c’est pas Alba ?

tant que greubou ne m’aura pas déclaré vainqueur je continuerai !

greubou c’est qui le plus névrosé ici ?
espèce de psychotique de mes deux ! c’est qui le plus névrosé ?

des journées entières dans les arbres dit: à

Heureusement l’été a été pluvieux. Du coup tous les bobos parisiens partis faire l’expérience de « tristesse animal noir » de S. Nordey n’ont pas mis le feu à la forêt.
Vous avez remarqué ? c’est l’un des rares étés en France où il n’y a pas eu d’incendies ravageurs.

ST dit: à

« c’est qui le plus névrosé ? » hamlet

Névrosé, sans doute. Mais pas historien pour un sou !

Antonio Corrado dit: à

P’tain je m’en veux, jouer aux 1000 bornes quand Hamlet dit plein de trucs sensés et intelligents c’est pas très sérieux.
Mais je lisais hein hamlet, faut me croire, mais comme je sais que sur une série de ce type vous arrivez vite à 6, 7 posts j’avais le temps de guetter peinard.

Tiens comme j’ai jamais lu hier j’ai commandé l’hsq, avec Leys et son Orwell qui doit arriver je sens que je vais changer de catégorie, je vais enfin pouvoir répondre à Michel.

hamlet dit: à

tous ! ils sont tous passés à la trappe !
allez me trouver un seul prof dans une université française qui parle de Wittgenstein. pas la moitié d’un.
pourquoi ? parce que c’est de la dynamite.
les types ils disent il faut pas parler de Nietzsche aux gamins, Nietzsche c’est un enfant de choeur à côté de Wittgenstein, Nietzsche il a fait exploser la métaphysique ? Wittgenstein il fait exploser tous les philosophes, ceux qui explosent la métaphysique compris !

Le prof de philo qui donne un cours sur Wittgenstein s’il croit à ce qu’il dit il finit son cours et il n’a qu’un truc à faire : donner sa dem !

au lieu de ça aujourd’hui c’est la mode de la philosophie, les types perdnrt leur boulot on leur faire lire les stoïciens, leur femme les plaque on leur refile Rousseau, ils sont mal payer on les gave d’Epicure : Wittgenstein avait raison la philosophie ça sert à tout gober.

même onfray il en parle pas de Wittgenstein parce que si on le passe à la moulinette wittgensteinnienne il n’en reste plus rien, de la poussière, des copeaux minuscules.

les viennois ont dit un truc simple : les philosophes c’est tous des faux culs, ils connaissent les rouages de la rhétorique et ils s’en servent pour entuber les gens pourquoi ? pour flatter leur vanité ? accroitre leurs profits.

croisière de luxe philosophique…
la compagnie du Ponant, dans la mer Egée, berceau de la philosophie.

Wittgenstein n’est pas passé à la trappe vous dites ?
http://www.ponant.com/Croisieres2/Toutes-nos-croisieres/Capitales-du-Nord/Intervenant/%28pays%29/84/%28devise%29/euro/%28redirect%29/1

si vous voulez les tarifs :
http://www.ponant.com/Croisieres2/Toutes-nos-croisieres/Capitales-du-Nord/Tarifs

abdelkader dit: à

Puree…le Yorick s’est choppé une diarrhée verbal chronique aujourd’hui…tout y passe, la littérature, la plomberie, le cinéma, l’antisémitisme, la cuisinière a gaz, le micro-onde, le lavabo, le cul du garde-champêtre et j’en passe…calmez-vous, voyons…vous brulez la chandelle des 2 bouts, mon cher…a vot’age, on se doit d’économiser son énergie…on sait jamais, hein…ca peut servir, un jour…enfin, j’dis ca, mais a vrai dire, j’m’en tâte…kiss kiss…

Polémikoeur. dit: à

Monroe-Miller et Bardot-Godart…
Pas connaissance du second mariage.
Le premier n’a pas tellement duré.
Preuve que la chair tente l’esprit ?
Preuve que l’esprit apprivoise la chair ?
Approche sous l’angle de la Lolita ?
Quelle psycho pour hebdo télé est donc testée là ?
Actrices et comédiens, vedettes de rêve,
sont, sauf exception, gens de mauvaise vie.
Faut-il vraiment rappeler leur place
dans la « bonne » société ?
Il n’y a qu’un prince croupier pour épouser
la star de son temps et sauver ainsi la façade
de son décor d’opérette et d’affairisme privé.
Du caractère ? Comme si les maquerelles en manquaient !
Ne pas juger mais ne pas prendre non plus
le strass clinquant de la scène et de l’écran
pour les perles de la rosée naissante !
Un monde aussi fascinant que factice.
Autant que celui du sport spectacle,
venu sur la table du commentarium.
Spectacle, spectacle, spectacle !
Sport, stars, « people », pas une de ces vitrines
n’est fragile au point de ne pas devoir
être secouée de temps à autre.
Pour se convaincre de leur venin, il suffit
d’une promenade, derrière, dans leur cimetière
rempli de cancers et de surdoses fatals.
Bouder alors le plaisir de l’innocence
devant le tour de magie exercé avec adresse ?
Ce serait ne jamais avoir été enfant.
Quoi de plus triste que de ne plus du tout l’être ?
Mais pas dupe, sorti de la lumière du projecteur,
le prestidigitateur n’est qu’un pickpocket !
(Comme Amazon ?).
Coulissencieusement.

Polémikoeur. dit: à

Tenez, vous n’avez qu’à vous repasser
la Sharon Stone que le vieux Scorcese
vous envoie traverser la salle du casino
dans le film du même nom !
Cultirudement.

ueda dit: à

Pour saluer Simin Behbahani…

Hélas, qui va se joindre à ça, sinon peut-être notre camarade Bloom?
(Abdelkader, c’est un roastbeef, il est perdu pour la cause)

Une fenêtre sur la liberté (Yek daricheh azadi), tu connais?

D. dit: à

Je suis assez déçu de Pécresse, qui fait la tiède et refuse de comprendre que même si certaines choses sont légales, cela n’empêche pas leur caractère choquant et méprisant pour la nation accueillante. C’est aussi simple que ça. Ou bien on continue et on détruit culturellement notre pays sous 20 ans -et il est déjà sérieusement amoché, ou bien on se réveille.
Heureusement de plus en plus de personnes sont en train de se réveiller, je le sens.

hamlet dit: à

D. vous êtes un type sensé ! vous avez gardé l’esprit de déception !
vous voyez bien, le problème aujourd’hui, les gens ne sont pas assez déçus, et pourtant iles auraient de bonnes raisons d’êtres déçus.
La culture mon ami, la culture est si décevante.

Voyez-vous D. cette affaire n’était jouée d’avance.
Demandez donc à Monsieur Assouline s’il n’est pas déçu !
Déçu des ces gens qu’ils côtoient tous les jours, les gens sont tellement décevants, même au plus haut niveau, je veux parler de la culture d’en haut : les prescripteurs, les décideurs, les collectionneurs, ces hommes d’affaire de la culture, qui font et défont les modes, les carrières.

D. je vous aime bien parce que vous êtes un type profondément déçu par le monde, vous au moins vous n’êtes pas un ravi de la crèche, moins déçu que je le suis mais déçu quand même, c’est bien, c’est très bien de garder en soi, au plus profond de soi cette capacité de déception.

c’est bien mon ami, continuez d’être déçu, vous êtes encore jeune, l’avenir appartient aux déçus du monde.

hamlet dit: à

D. vous êtes un type sensé ! vous avez gardé l’esprit de l’inquiétude !
vous voyez bien, le problème aujourd’hui, les gens ne sont pas assez inquiets, et pourtant iles auraient de bonnes raisons d’êtres inquiets.
La culture mon ami, la culture est si inquiétante.

Voyez-vous D. cette affaire n’était pas jouée d’avance.
Demandez donc à Monsieur Assouline s’il n’est pas inquiet !
Déçu des ces gens qu’ils côtoient tous les jours, les gens sont tellement inquiétants, même au plus haut niveau, je veux parler de la culture d’en haut : les prescripteurs, les décideurs, les collectionneurs, ces hommes d’affaire de la culture, qui font et défont les modes, les carrières.

D. je vous aime bien parce que vous êtes un type profondément inquiété par le monde, vous au moins vous n’êtes pas un ravi de la crèche, moins inquiet que je le suis mais inquiet quand même, c’est bien, c’est très bien de garder en soi, au plus profond de soi cette capacité de l’inquiétude.

c’est bien mon ami, continuez d’être inquiet, vous êtes encore jeune, l’avenir appartient aux inquiets du monde.

hamlet dit: à

D. vous êtes un type sensé ! vous avez gardé l’esprit du tourment !
vous voyez bien, le problème aujourd’hui, les gens ne sont pas assez tourmentés, et pourtant iles auraient de bonnes raisons d’êtres tourmentés.
La culture mon ami, la culture est si tourmantante.

Voyez-vous D. cette affaire n’était jouée d’avance.
Demandez donc à Monsieur Assouline s’il n’est pas tourmenté !
Déçu des ces gens qu’ils côtoient tous les jours, les gens sont tellement tourmentants, même au plus haut niveau, je veux parler de la culture d’en haut : les prescripteurs, les décideurs, les collectionneurs, ces hommes d’affaire de la culture, qui font et défont les modes, les carrières.

D. je vous aime bien parce que vous êtes un type profondément tourmenté par le monde, vous au moins vous n’êtes pas un ravi de la crèche, moins tourmenté que je le suis mais tourmenté quand même, c’est bien, c’est très bien de garder en soi, au plus profond de soi cette capacité d’être tourmenté.

c’est bien mon ami, continuez d’être tourmenté, vous êtes encore jeune, l’avenir appartient aux tourmentés du monde.

D. dit: à

Tu sais quoi, hamlet ?

: ta gueule keupu. Epicétou.

palingénésie dit: à

la culture est si tourmantante.(sic!)

…que cela en devient une tournante!?

éternel retour dit: à

(…) » On avait peint comme les vieux maîtres, écrit comme Goethe et Schiller, bâti dans le style gothique ou Renaissance. L’exigence d’idéal pesait sur toutes les manifestations de la vie comme une préfec­ture de police. Mais en vertu de cette loi secrète aux termes de laquelle aucune imitation n’est permise à l’homme si elle ne s’accompagne d’un excès, tout se faisait alors avec une méthode dont les modèles tant admirés n’auraient jamais été capables, méthode dont on peut voir les traces aujourd’hui dans nos rues et dans nos musées ; et, que ces choses soient ou non en rapport, les femmes de cette époque, aussi farouches que pudiques, devaient être couvertes de vêtements des pieds à la tête, mais présenter une poitrine abondante et un plantureux derrière. D’ailleurs, et pour mille raisons, il n’est pas de passé qu’on connaisse plus mal que ces trois ou quatre décennies qui séparent vos propres vingt ans des vingt ans de votre père. C’est pour­quoi il n’est peut-être pas inutile de se remémorer encore le fait que les maisons et les poèmes les plus laids des mauvaises époques naissent de principes exactement aussi beaux que ceux des bonnes époques ; que tous les gens qui sont intéressés à démolir les réussites d’une bonne période ont le sentiment qu’ils les améliorent; et que les jeunes gens exsangues de ces époques-là tirent autant de vanité de leur jeune sang que les hommes nouveaux de n’importe quelle autre époque.
Et chaque fois c’est comme un miracle quand se révèle tout à coup, après ces périodes d’avachissement, une petite remontée de l’âme, comme ce fut alors le cas. De la sta­gnation de l’esprit en ces deux dernières décennies du XIXe siècle s’était brusquement élevée, dans toute l’Europe, une sorte de fièvre ailée. Personne ne savait exactement ce qui était en train ; personne ne pouvait dire si ce serait un art nouveau, un homme nouveau, une nouvelle morale, ou encore un reclassement de la société. C’est pourquoi cha­cun en disait ce qui lui agréait. Mais partout, des hommes se levaient pour combattre les vieilleries. En tous lieux, brusquement, l’homme qu’il fallait se trouvait là ; enfin, fait essentiel, les inventeurs intellectuels faisaient alliance avec les inventeurs pratiques. Des talents se développaient,
qui naguère avaient été étouffés ou maintenus à l’écart de l;i vie publique. Ils étaient aussi divers que possible, et les contradictions qui séparaient leurs buts, insurmontables. On aimait les surhommes, on aimait les sous-hommes ; on adorait la santé et le soleil, on adorait les fragiles jeunes phtisiques ; on s’enthousiasmait pour les professions de foi des héros, pour le credo social de l’Homme de la rue ; on était crédule et sceptique, naturaliste et précieux, robuste et morbide ; on rêvait de vieilles allées de château, de jardins à l’automne, d’étangs vitreux, de pierres précieuses ; on rêvait de haschisch, de maladie et de démons, mais l’on rêvait aussi prairies, grands horizons, forges et laminoirs ; on voyait des lutteurs nus, le prolétariat en révolte, Adam et Eve dans le Jardin, la société culbutée. C’étaient là sans doute de sérieuses contradictions et des cris de guerre aussi différents que possible, mais ils avaient tous en commun un certain souffle. Analysant cette époque, on n’eût guère trouvé en son fond qu’un non-sens, quelque chose comme un cercle carré ou une pierre en bois. Mais, dans la réalité, tout se fondait en la scintillation d’un unique sens. Cette illusion, qui s’incarna dans la date magique du changement de siècle, était si forte que les uns se précipitèrent avec enthousiasme sur le siècle tout neuf, encore intact, tandis que les autres profitaient des derniers instants de l’ancien pour se laisser aller, comme il arrive dans une maison d’où l’on va déménager, sans qu’aucun des deux partis sentît d’ailleurs une grande différence entre leurs attitudes res­pectives.
On ne forcera donc personne à surestimer contre son gré ce « mouvement » passé. Il ne se produisit d’ailleurs que dans cette couche mince et instable de l’humanité que forment les intellectuels, méprisés d’un commun accord par les hommes dont la conception du monde, en dépit de toutes les nuances, est garantie inusable, et qui ont aujourd’hui, grâce à Dieu, repris le dessus ; il n’agit donc pas sur la masse. Néanmoins, même si ce ne fut pas un événement historique, ce fut tout de même un « petit évé­nement». »

Robert Musil – Révolution intellectuelle – Tome 1.

éternel retour...du même! dit: à

« présenter une poitrine abondante et un plantureux derrière. »

Brigitte et Marilyn, rien n’est fichu et moité Vichy.

Sergio dit: à

L’inquiétude c’est vraiment bien : ça fait des guerres extraordinaires…

C.P. dit: à

Cher hamlet, bonsoir !

Vous enfoncez le clou « Nordey » à partir de la pièce de Peter Handke dont je ne crois pas que vous l’ayez vue ou lue. Au reste, je comprends fort bien que, comme comédien, Nordey vous agace, et d’abord par sa diction et même sa gestuelle. Par ses choix de metteur en scène aussi. Vous n’êtes pas le seul…
Ce n’est pas mon cas. C’est aussi que je le connais depuis trente ans, c’est-à-dire depuis son adolescence. Et puis, je travaille pour lui et les filles (qui vous saluent) à l’adaptation de « La Peau et les Os » de Georges Hyvernaud, qui ouvrira la saison de la Comédie de Clermont-Ferrand. Mettons que je sois de parti pris ? Cela au moins fait équilibre…

J’ai trouvé curieux que vous associez facilement, fût-ce à propos d’un « dada » que vous définissez assez bien, Musil et Kraus, qui se détestaient, et dont tout de même les positions sont différentes. Mais bon…Sur Musil, « L’Homme sans qualités » et en somme « l’hésitation », vous avez d’ailleurs dit mieux chez Paul Edel, où je vous ai bien lu.

Bonne soirée encore !

Sant'Angelo Giovanni dit: à


…cet après-midi,…de la veine,…sans amazones,…&…sans la rousse,!…

…une petite perle,…de 1947,…dépôt légal 23, S.I.P. Paris

…Vie et Aventures du Général de La Perche

…d’après les documents ramenés par le suédois Syllog de son Voyage en Absurdie

…je vous dis pas, une merveille de caricatures et textes,…pour s’éclater de rire,!…

…jamais vus auparavant,…évidement,…
…il faut connaitre tout les personnages de la politique en 1947,…& d’avant,…

…çà nous change, de disque,…

…tout dans les histoires récentes avec,  » l’Icter, diktant de Mochie « ,…jusqu’au refus de sa constitution de Baïeu en Mornantie,!…

…la culture,!…quels pieds,!…Ah,!Ah,!…
…etc,!…

Jacques Barozzi dit: à

Superbe extrait de Musil, éternel retour, et je m’y connais, un grand merci anthologistique à vous !

C.P. dit: à

Pardon : « associiez »…

C.P. dit: à

Jacques, oui, l’extrait donné par éternel retour est superbe, et étonnamment alerte.

Jacques Barozzi dit: à

J’ai vu en avant-première le « Sils Maria » d’Olivier Assayas, qui se passe dans le région de notre ami TKT. J’ai trouvé les réponses aux questions que je me posais : il est évident que ce film ne pouvait être tourné qu’en anglais (modialisation oblige !) et ce n’est pas vraiment un plagiat de « All about Eve » de Mankiewicz ou alors 65 ans après : en trois générations le monde a bien changé. Dans ce film on a intégré la dimension internet, google et même les commentaires de blog. C’est moderne et dans ce maestrom, Juliette Binoche est solide comme un roc…
Il me semble que ce film, en compétition à Cannes, n’y a pas fait d’éclat, ce qui est injuste ?

Jacques Barozzi dit: à

Merci à vous, C.P., de pondérer un peu les ardeurs du pauvre hamlet ! Il va exploser ? Que faire pour le calmer ? Je crois que j’ai trouvé : « Oui, hamlet, vous êtes le plus grand névrosé de ce blog, loin devant ML, qui n’arrive pas à vous suivre sur son vélo électrique sans piles ! »

de nota dit: à

Musil,Mach,Mulligan,Wittgenstein…
Hamlet,c’est votre anniversaire demain?
Parce que Monsieur Bouveresse est né le 20 août.
Vous n’êtes pas Jacques Bouveresse?
C’est dommage.
Vous me direz qu’est-ce que Monsieur Bouveresse viendrait bien fiche sur ce blog?
Je lui poserais bien la question,il se pourrait qu’il me réponde: »et pourquoi pas?hamlet y est bien,lui. »

D. dit: à

Vous avez raison de préciser que TKT est mon ami, Jacques, car il l’est. Un ami de 9 ans déjà.
Le temps passe si vite.

Jacques Barozzi dit: à

de nota, après la librairie vous pourriez vous recycler en détective privé ?

Eh oui, il ne faut rien attendre de plus d'une concierge dit: à

« les ardeurs du pauvre hamlet ! Il va exploser ? »

Il n’arrive pas à s’y faire le baroz.
Quoi, ce D., ce hamlet, ce puck, ce…..troll qui ose nous critiquer, NOUS, le duo de charme et de choc, vontraube et baroz, les égéries de l’élégance cannoise.
Pfuitttt, balayons.

D. dit: à

On parle de plus en plus de reconstruction à Gaza, alors même que la déconstruction n’est pas totalement terminée.
Que ce soit très clair : je ne donnerai pas un centime d’Euro pour aider à reconstruire quoi que ce soit. Et j’encourage toute personne qui a pouvoir de décision à réagir et à ne pas donner non plus un seul centime.
Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons.
Ça aussi, ça fait partie du grand sursaut qui se prépare.

Jacques Barozzi dit: à

La névrose fait son effet, il a explosé !

D. dit: à

J’en ai assez de voir ce type sourire derrière son micro.
Changeons de sujet s’il vous plait.

La concierge est un pétard mouillé dit: à

Jacques Barozzi dit: 20 août 2014 à 0 h 19 min

Au moins une certitude Jacky n’explosera pas.
Trop inexpressif, trop mou, trop inerte.

D. dit: à

La situation économique de la France est une catastrophe. Le gouvernement est incapable de réformes, paralysé par les lobbies, les dogmes et la constitution.
Changeons d’abord de République, simplifions les lois, appliquons-les, supprimons le Sénat, donnons les poires juteuses du Jardin du Luxembourg au peuple, pas à des nantis assistés peu capables et endormis.
Vendons 2/3 des écoles de la République aux enchères, forçons les enseignants assistés à rejoindre le privé, supprimons Polytechnique et l’EHESS, privatisons l’ENA et les IRA, ne donnons les allocations qu’aux Français méritants, simplifions la fiscalité et supprimons-là peu à peu.
Vous verrez tout ira beaucoup mieux.

D. dit: à

Entendu ce matin Harlem Désir sur BFMTV : bon. Tendance libérale nettement affichée. Ça m’a rassuré sur l’avenir.

Joyeux mélange dit: à

D. dit: 20 août 2014 à 0 h 29 min

Quelques trucs bien, quelques conneries, aucun doute D. vous êtes prêt à gouverner.

D. dit: à

Quand les chauffeurs routiers se défendent avec des barres de fer contre les clandestins qui prennent d’assaut leurs camions, c’est qu’il y a un très grave problème d’immigration non contrôlée, une pompe qui -loin d’avoir été désamorcée, s’est complètement emballée.
Concrètement très peu de migrants clandestins retournent dans leur pays. Il faut les y forcer sinon cela s’appelle une invasion.
Nous sommes dans notre droit en préservant notre territoire et notre culture.

Conseil d'ami dit: à

D. dit: 20 août 2014 à 0 h 33 min
Entendu ce matin …..sur BFMTV

Vous n’avez rien d’autre à foutre au petit déjeuner.

Tiens demain écoutez ça :
https://www.youtube.com/watch?v=XEesD8Pvw1M
et laissez tomber la bourse.

D. dit: à

Je mangeais un croissant au beurre en même temps, c’est quand même marrant quant on y pense.
Et mon chat m’en piquait des miettes.

D. dit: à

Vous connaissez l’origine du croissant, Jacques, je suppose ?

éternel retour dit: à

à J. Barozzi et CP.
Vous savez je suis en pleine lecture des deux tomes du Robert Musil.
881 et 1280 pages chacun, mais qui se lisent bien et facilement dans la traduction de Ph. Jaccottet et l’ introduction de J.P. Cometti.
Ce qui est drôle c’est que notre Hamlet local prend des accents Musiliens dans ses commentaires qui mériteraient en partie la muselière…
Bonne nuit car c’est l’heure!
( Je vous mettrais bien Birimbau de Baden-Powell en lien…)

Sant'Angelo Giovanni dit: à


…tout le monde vit et mange de quelque chose en toutes républiques,…
…changer pour d’autres profiteurs, autant garder les mêmes,!…& qu’ils restent rassasiés,…çà nous feras, toujours çà,!…de stables et responsables,…pour garder la maison, les républiques,…
…attention aux loups à l’affût,…
…lavons notre linge sale en famille, sans faire connaître nos faiblesses,!…
…pas de quoi, revenir prodigue,!…Ah,!Ah,!…au pied levé,!…
…etc,!…

éternel retour dit: à

musilien vs muselière, beaucoup pour la sonorité nettement moins pour l’appareillage en cuir.
A demain, si c’est votre destin!

Il est fort ce D., tout le monde lit Musil dit: à

éternel retour dit: 20 août 2014 à 0 h 47 min

Si tu débutes la lecture tu sais pas tout, donc tu frimes pas,
un principe.
Ou alors c’est quet’es Mimi et alors non seulement tu peux mais tu te dois.

éternel retour dit: à

@ 20 août 2014 à 0 h 53 min

Je ne veux être désobligeant avec personne, mais convenez avec moi que les trois commentaires dans lesquels on change un mot seulement, c’ est du remplissage, un doux mais agaçant aboiement.
Non?
A demain vraiment.

ST dit: à

Le revoilà, en clandestin, – on se demandait où il était passé !
A demain peut-être.

C.P. dit: à

éternel retour, merci pour votre choix de l’extrait. Je le connaissais bien, mais j’aurais dû dire que la traduction de Jaccottet elle aussi était particulièrement alerte.

Bonne lecture et bonne nuit !

A propos de Simon Leys et d’Orwell : il y a bien sûr « Orwell ou l’horreur de la politique », mais aussi, dans « Le Studio de l’inutilité » le petit essai chaleureux « Orwell intime ».

Bonne nuit à tous !

Bloom dit: à

Pour saluer Simin Behbahani…
u.

On aurait pu la saluer de son vivant en publiant ses poèmes en français.
Mais il est vrai que la poésie, c’est pas vendeur, comme on dit au Monde des Livres…Et la poésie étrangère en traduction, encore moins. Quant à la poésie extra-européenne, celle de l’au-delà du pourtour méditerranéen,à de très rares exceptions, elle n’est accessible que dans l’original ou en anglais.
Ce ne sont pourtant pas les persanophones de talent qui manquent…

JC..... dit: à

Bloom dit: 20 août 2014 à 3 h 10 min
Pour saluer Simin Behbahani…
« On aurait pu la saluer de son vivant en publiant ses poèmes en français. »

Traduire de la poésie, c’est l’équivalent littéraire du musical « pisser-dans-un-violon » !!!

Laissons la poésie persane aux persophones.

JC..... dit: à

La France est la patrie des défenseurs des Droits de l’homme, pas de ceux de la femme.

Lorsque sur le sable de la plage, un ou plusieurs arriérés bâchent sous le soleil une ou plusieurs femmes… nous tolérons chez nous l’intolérable, une atteinte à ce qui fonde notre vivre-ensemble : l’égalité entre les sexes.

Patrie des droits de l’Homme, pas de la Femme ! Le changement, c’est pour quand ?

JC..... dit: à

Comment est ce possible que l’on perde son temps à commémorer la Libération de Paris ? En 2014 !!!

JC..... dit: à

Nous sommes passé du « cher vieux pays » de Galouzeau, au « pauvre vieux pays » de Culbuto !

des journées entières dans les arbres dit: à

C’est bien Hamlet a réussi à refourguer en une soirée 4 tomes de so Musil; soit, en quelques années: rentabilité = zéro.

Je comprends bien qu’il faille être ami de S. Nordey- ou travailler pour lui- pour défendre ses travaux. Cela dit on n’est forcé d’accepter ce marché.

Barozzi, vu la bande annonce du film  » Sils Maria » pojetée dans les salles: bof.
J’espère surtout que ce réalisateur parisien a oublié Nietzsche dans le décor panoramique.

des journées entières dans les arbres dit: à

son Musil
On n’est pas forcé
( fait froid, ce matin, un peu)

Bloom dit: à

You are the polo ball.
With my mallet I make you run.
Then I track you.

éternel retour dit: à

Je tiens à signaler que je ne suis pas « Mimi »(sic).
Et aucune antipathie à son égard, non plus.

de nota dit: à

« éditeurs, libraires et auteurs vivront de plus en plus des conférences qu’ils donneront. De nouvelles entreprises proposeront sur internet des services de prêt de livres entre lecteurs: tant de bibliothèques dorment quand tant de gens rêvent de lire! »

Face à l’expertise de Attali,on reste songeur… »libraires et auteurs vivront de plus en plus de conférences qu’ils donneront. »
Ah bon? des conférences payantes donc et où viendra bien sûr un nombreux public qui achètera plein de livres.
A Lyon, tous les ans désormais s’y déroule « Les Assises internationales du roman »et les gens viennent nombreux, c’est vrai, pour y écouter des « pointures »: Magris, Grossmann, Rancière, Lobo Antunes, Svetlana Alexievitch, etc…pour organiser cette prestigieuse manifestation, ça réclame de l’argent-beaucoup-du temps et de nombreux employés, par ailleurs, lors de cette manifestation un stand librairie important est implanté sous un chapiteau, et je peux vous affirmer que la recette est relativement modeste et bien moindre que celle retirée par une autre manifestation littéraire lyonnaise: »Quai du polar ».les libraires savent très bien que, sauf exception, les conférences, rencontres, signatures, c’est rarement « payant », quand on a comptabilisé le temps rémunéré consacré à leurs préparations, les frais d’expédition,d’hébergement des auteurs, etc…tout ça pour dire que les libraires ne seront pas, à mon sens, sauvés par des conférences.
« Des bibliothèques dorment,les gens rêvent de lire? »
Bien, bien, il faut croire que les bibliothèques municipales sont saturées, qu’elles ne peuvent pas répondre à la demande, alors que moins de 30% de la population française y est inscrite.
Enfin, « des entreprises proposeront des services de prêt de livres entre lecteurs, Pourquoi pas? Mais comme le prêt existe déjà dans les bibliothèques municipales et que les frais d’inscription y sont tout à fait modiques,je ne vois pas comment une entreprise privée pourrait et concurrencer les bibliothèques municipales et être économiquement viable.
Mais je ne suis pas un expert
et devrais sagement me taire.

JC..... dit: à

« Mais je ne suis pas un expert
et devrais sagement me taire. » (de nota)

Difficile n’est ce pas ? Surtout lorsqu’on a l’impression qu’il FAUT le dire … Personnellement, je n’y arrive pas non plus !

Camarade Ogilvy dit: à

La pénurie de noisettes en Turquie menace la production de Nutella (Le Monde).

JC..... dit: à

Le plus dramatique est l’influence que cela induit sur la vie des écureuils turcs : le suicide est en hausse de 27,8% !

des journées entières dans les arbres dit: à

entamées.
Vous corrigerez les fautes. Une pose, une pause poétique.

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