de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres
« Après Sainte-Beuve » : vous permettez, Proust ?

« Après Sainte-Beuve » : vous permettez, Proust ?

Un livre doit porter un titre pour le meilleur et pour le pire. Il arrive si souvent qu’il en soit rehaussé qu’on oublie trop les occasions où il en est accablé. Chaque lecteur peut en dresser sa liste personnelle, subjective, et nécessairement arbitraire. Encore ces titres ont-ils été choisis par leurs auteurs, ce qui limite les reproches qu’on peut leur adresser. Mais qu’un titre appliqué à titre posthume vienne à s’abattre sur un livre inachevé, et que le nom de Marcel Proust vienne couronner le tout sans qu’il l’ait vraiment voulu, voilà qui pose problème. L’affaire n’est pas d’aujourd’hui puisqu’elle remonte à 1954, date de la parution de son fameux Contre Sainte-Beuve. On sait qu’en fouillant dans les papiers de famille de Suzy Mante-Proust, Bernard de Fallois, qui n’était pas encore le grand éditeur qu’il devînt mais un professeur de Lettres de Stanislas préparant une thèse sur la Recherche, mit par hasard la main sur un trésor : les manuscrits inédits de Jean Santeuil et d’un ensemble hétéroclite de textes critiques qu’il rassembla sous le titre Contre Sainte-Beuve ; Gallimard le publia avant de le canoniser dans la collection de La Pléiade, sanctuaire fort bien fréquenté où l’on délivre un passeport pour l’éternité littéraire. Ce qui n’était peut-être pas un livre a donc accédé à ce statut par la seule vertu de sa publication. Nombre de ceux qui ne le connaissent que par son titre (certes tiré d’une lettre mais portant sur la préfiguration du roman et non sur ces textes précisément) en ont acquis la conviction que Proust était contre Sainte-Beuve, tout simplement ; elle a été il est vrai renforcée par l’analyse de ceux qui l’avaient lu et en ont déduit le syllogisme suivant : Proust distingue et oppose radicalement le Moi social du Moi créateur, l’un étant superficiel et l’autre profond ; il reprochait à Sainte-Beuve d’expliquer une œuvre par la biographie de son auteur ; Proust était donc contre la biographie. Ce qui a découragé des vocations de biographes, et singulièrement de biographes de Proust qui l’ont lu comme un bref traité de disqualification par anticipation. Il n’aurait pas aimé qu’un inconnu fouillât dans ses papiers, établît des concordances entre sa vie privée telle que exposée par sa correspondance et des pages de son roman, révélât son homosexualité, inventa ses serrures à une cathédrale de prose qui est tout sauf un roman-à-clés etc

C’est dire si l’essai de Donatien Grau vient à point. Ce jeune normalien, qui doit son prénom à l’admiration de ses parents pour un marquis qui n’était pas de ces salons-là, consacre son Tout contre Sainte-Beuve (401 pages, 24 euros, Grasset) à un démontage brillant, méthodique, parfois un peu naïf (il faut oser, par exemple, affirmer que « Rares sont les romans au XXème siècle à pouvoir afficher une issue heureuse » ; que de lectures cela suppose…) mais le plus souvent habile, de l’immarcescible doxa, du lieu commun et de la tarte à la crème qu’elle a enfanté dans tout commentaire proustifiant selon lesquels Proust a osé s’en prendre au grand Sainte-Beuve et le rejeter en même temps que le principe biographique.

Donatien Grau a eu des prédécesseurs, et comment en serait-il autrement si l’on considère l’immensité de la bibliographie proustienne. Jean-François Revel pour ne citer que lui : « La thèse de Proust sur la création littéraire est le retournement exact de celle de Sainte-Beuve, et elle est du même niveau. A la thèse que l’œuvre procède du moi des dîners en ville, Proust réplique qu’elle procède d’un moi qui ne mange jamais. » Et de défier Proust d’avoir eu plutôt le courage de se lancer dans un « Contre Taine », qui eut été d’une tout autre envergure et d’un tout autre intérêt eu égard à la qualité de grand historien des lettres, et d’une tout autre difficulté. Dans le sillage de Revel, Donatien Grau montre que si Proust a tant insisté sur son inimité pour Sainte-Beuve, ce sceptique absolu, c’est qu’il lui importait vraiment : il admirait l’historien de la littérature qui l’avait grandement influencé. Et l’essayiste de reprendre les textes d’Emile Faguet, des frères Goncourt, d’Eudore Soulié, de Gustave Lanson, Jules Lemaître, Léon Séché. Ce qu’il tire de sa relecture ? Rien moins que ceci : contrairement à une idée reçue, la critique de ladite méthode de Sainte-Beuve était monnaie courante plusieurs années avant que Proust ne s’y mette ; il n’a pas, comme on l’a souvent écrit, fait figure de subversif en s’en prenant au maître ; son point de vue sur la dualité des Moi n’était en rien une innovation puisqu’elle se trouvait déjà formulée dans le Journal des Goncourt que Proust avait lu passionnément. Et Donatien Grau, porté par son élan démystificateur, de s’interroger : « Proust ne serait-il pas un autre Sainte-Beuve ? Ne se serait-il pas identifié à l’écrivain ? En ce cas, l’examen de la matière beuvienne serait comme un moyen pour lui d’éprouver sa singularité. »

Dans sa quête des affinités électives, il établit des proximités entre Proust et Sainte-Beuve, entre la Recherche et Volupté, dresse des parallèles jugés troublants entre le jeune Proust et le grand Sainte-Beuve, à commencer par l’érudition. Sauf que, comme il le reconnaît, celle de l’auteur de ce chef d’œuvre qu’est Port-Royal (Donatien Grau en fait même l’équivalent monumental de la Recherche dans le versant de la connaissance positive et du savoir historique, et dans un même souci de la totalité,) était sans limites, alors que celle de Proust n’est impressionnante que pour les lecteurs du XXIè siècle ; elle l’était moins en son temps pour qui sortait des bonnes écoles.

Mais pourquoi continue-t-on à disputer de la dimension autobiographique ou non de la Recherche, de la dissociation du moi social et du moi qui écrit quand il apparaît désormais évident que l’œuvre de Proust se nourrit de sa vie, mais que dans le processus de création, rien ni personne ne s’y trouve intégralement transporté, tous les éléments y étant amalgamés, fondus et confondus ? De la contiguïté entre l’auteur et le Narrateur se dégage une ambiguïté qui ajoute à son mystère, et qui s’en plaindrait. Gardons-nous de trop les confondre tout en nous gardant de les distinguer systématiquement. Le débat paraît aussi vain que l’on écoute les partisans de l’un ou l’autre bord alors que Proust, malgré le postulat exposé dans sa philippique contre Sainte-Beuve, a de longue date souterrainement opéré la jonction entre les deux, comme le font tant de romanciers sans même que la question théorique ne les effleure. Alors ni Proust ni Sainte-Beuve, dans la mesure où l’on en a fait deux absolus de la critique littéraire exclusifs l’un de l’autre. Combien de fois Proust lui-même est-il sorti du texte seul, du texte nu, pour s’aventurer dans les dédales de la vie et en tirer une information, qu’il s’agisse de Balzac, Thomas Hardy, John Ruskin, Baudelaire ! Il brûle de savoir quels modèles de la vraie vie ont inspiré à George Eliot, Maggie et Tom Tulliver, les personnages du Moulin sur la Floss. Ses lettres regorgent de cette curiosité restée rarement inemployée. Et dans le Contre Sainte-Beuve même, ne remarque-t-il pas que le grand critique du XIXe siècle s’était bien gardé de s’en prendre à Chateaubriand du vivant de Mme Récamier ; mais Proust, lui, s’en prend à l’homme privé en Sainte-Beuve, le guignolisant comme peu de caricaturistes oseraient le faire et l’anecdotisant comme peu de biographes l’ont fait, pour mieux dénoncer le critique.

Quel plus bel exemple d’unité de l’œuvre à la vie et réciproquement que l’édification de cette grande machine romanesque qu’est la Recherche ! Elle est la négation même du principe exposé, succinctement mais radicalement, dans sa critique de l’esprit Sainte-Beuve ; mais à force de l’étirer en théorie, les glosateurs en ont fait un axiome de nature à terroriser des générations de biographes. Car si Proust l’a dit, n’est-ce pas, il n’y a plus qu’à ranger les instruments de l’enquête et à changer de genre. Après tout, Flaubert a cruellement méconnu, sinon méprisé, Stendhal, qui lui-même se moquait de Balzac ; mais chez Sainte-Beuve, l’erreur de jugement est impardonnable, parce qu’il a vocation de critiquer, c’est à dire mettre à leur rang les auteurs dont il est le contemporain. En fait, Proust le caricature, comme l’on fait d’ordinaire quand on veut discréditer une thèse adverse. Il en fait le critique incapable de démarquer la création littéraire, qui a partie liée avec la solitude et le face à face avec soi-même, de la conversation mondaine.

On verra bien si un jour, son « tout contre Sainte-Beuve », probablement inspiré par un mot de Sacha Guitry (« Je suis contre les femmes, tout contre »), en vient à replacer le « contre Sainte-Beuve » dans l’esprit public. Car à suivre Donatien Grau dans ses analyses, on se dit que Proust n’avait pas l’intention d’écrire « contre » mais « sur » Sainte-Beuve. Et que, si on voulait être fidèle à l’esprit en réinterprétant la lettre, quitte à faire parler Proust à notre tour, c’est « Après Sainte-Beuve » que son non-livre devrait être réintitulé… Vous permettez ?

(Illustration de Jean-François Martin ; « Sainte-Beuve vers 1860 »  et « Marcel Proust », D.R.)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire.

491

commentaires

491 Réponses pour « Après Sainte-Beuve » : vous permettez, Proust ?

Virginia L dit: à

On cherche toujours du rationnel, même dans l’ écriture. Un comble.

renato dit: à

Les arts sont, parmi les activités humaines, ce qu’il y a de plus rationnel, même si l’opinion dominante voudrait nous faire croire le contraire pour justifier le n’importe quoi.

Eliza Minsky dit: à

> on finira tous sur Wikipedia a copier-coller

Oui Monsieur, parce que mes conneries à moi elles sont officiellement certifiées.

La mauvaise langue dit: à

Une autre influence majeure sur Proust, comme sur de très nombreux écrivains fin de siècle : Schopenhauer. Notamment sur la notion de kaléidoscope.

« L’histoire a beau prétendre nous raconter toujours du nouveau, elle est comme le kaléidoscope : chaque tour nous présente une configuration nouvelle, et cependant, ce sont, à vrai dire, les mêmes éléments qui passent toujours sous nos yeux. » (Schopenhauer)

Une doctrine qui met à mal la notion de progrès que Proust articule avec ce qu’il a lu de l’instinct grégaire chez Tarde pour dire que seuls quelques-uns créent alors que la plupart imite dans un cercle naturel, la plupart se réduisant à un moi social fait de conventions opposé au moi profond de l’artiste. Tarde en fournit aussi des analyses pour les nations comme pour les sous-groupes qui auront peut-être même une influence jusque chez Sartre dans sa théorie des ensembles pratiques qu’il était allé exposer à la rue d’Ulm en présence dans la salle de Merleau-Ponty.

C’est d’ailleurs pourquoi Proust peut dire sans sourciller qu’il a voulu écrire un livre « dogmatique ». Ses dogmes doivent beaucoup au sociologue Tarde et à un courant de la pensée allemande qui part de Schelling repris par Schopenhauer et plus tard Nietzsche avec son éternel retour du même (mais dont Nietzsche a fait autre chose de plus subtil qu’explique notamment Clément Rosset quelque part) : « partout et toujours le vrai symbole de la nature est le cercle, parce qu’il est le schème du retour » (Schopenhauer)

La mauvaise langue dit: à

Erratum; ce n’est pas un extrait de Proust (I, 308), mais de Tarde évidemment.

La mauvaise langue dit: à

Abdel avoue ses limites, c’est déjà un point positif qui le fait apparaître un peu moins con. Mais le chemin est encore long, Abdel. Néanmoins, vous êtes en progrès. Poursuivez dans cette voie prometteuse.

Eliza Minsky dit: à

> et cependant, ce sont, à vrai dire, les mêmes éléments qui passent toujours sous nos yeux. (Schopenhauer)

On se doute que c’est pas Leonard qui explique l’aviation à Ader.

Abel le berger dit: à

LML par contre n’est pas sur voie prometteuse, ni en progrès.

Simon dit: à

« La question mérite d’être posée. »

Toute équation est une recherche d’inconnues.

Eliza Minsky dit: à

> Toute équation est une recherche d’inconnues.

Alors cette fois je ne dis rien sinon on va s’imaginer que je m’ennuie ce soir.

Simon dit: à

« sinon on va s’imaginer que je m’ennuie ce soir »

alors là ce serait en manquer, je ne sais pas moi, picture this: comment faire des petits tas d… avec des ambulances

La mauvaise langue dit: à

Problème de la biographie.

Il serait intéressant d’approfondir (si possible) les liens biographiques de Proust et de Tarde qui fréquentait les Faure, les Raffolovitch, relations de Proust. Mais en même temps il serait sans doute abusif de penser que l’influence de Tarde ne s’opère pas sur un terrain favorable chez Proust auquel néanmoins Tarde donne une forme plus achevé, assuré et même dogmatique. De ce point de vue, la biographie éclaire mais n’explique pas ; elle ne fait que reporter la question : que cherche Proust à travers ce dogmatisme sociologique ? Pourquoi a-t-il besoin de la sociologie pour écrire son roman ?

On retombe en somme sur des questions d’esthétique : Quel est le lien entre l’art du récit et la pensée abstraite et son statut dans une œuvre romanesque ? Comment Proust s’y prend-il pour insérer tout ce savoir sociologique dans la gangue de l’anecdote ? Et pourquoi un roman a-t-il besoin de cette pensée sociologique pour se rehausser en quelque sorte et donner l’impression d’une totalité ?

C’est là où on voit que la biographie d’un auteur peut être une voie où on peut facilement s’égarer pour éviter d’aborder les vraies questions de tout roman. Car on pourrait faire le même genre de réflexion avec Le Voyage de Céline qui fait lui aussi à sa manière le penseur, le sociologue, le moraliste, le philosophe.

Ces auteurs partent d’un préjugé largement partagé chez leurs lecteurs que c’est en donnant l’impression d’une pensée à l’œuvre dont le romancier peut tirer le fil qu’il éclaire notre monde réel alors que ce n’est qu’une fiction de pensée. La pensée ainsi narrativisée ressemble étonnamment à une fiction. Le préjugé c’est qu’on y croit. Mais il serait peut-être possible de donner l’impression de totalité fictive dans une œuvre romanesque autrement qu’en impressionnant le lecteur en utilisant les ressorts de ce préjugé ?

La mauvaise langue dit: à

Erratum : Raffalovitch

Eliza Minsky dit: à

Bonsoir Simon, l’horaire de votre post (22 h 44) est lui aussi tiré au hasard ?

Jean Marie dit: à

Pour les influences, ML :

Donatien Grau Tout contre Sainte-Beuve
(…) » Proust fait également allusion, d’une façon secrète, cachée, à l’autre pan de l’œuvre de Sainte-Beuve, auquel il s’accorde dans les arcanes de la littérature : l’« obscurité », le « silence », ce sont les marqueurs de ce chef-d’œuvre inconnu qui a pour titre Volupté. C’est comme si, de cette manière, Proust rendait hommage à ce qui a le plus compté pour lui, mais demeurait dans la crypte : les catacombes du Moi, les instants de souffrance, ces caches souterraines que sont à la fois les événements donnant lieu au roman et le roman lui-même, source dissimulée de la littéra­ture du Moi au XIXe, puis au xxe siècle. L’apport ambigu de Sainte-Beuve, ce qui est refusé et ce qui est intégré, est dramatisé dans un moment de bravoure de la Recherche.
L’affinité entre ces deux cœurs et ces deux esprits, ces deux bibliothèques infinies, est si grande que le rôle même de son héritage dans la formation du romancier en devenir est sus­ceptible d’être lui-même au second rang der­rière leur propre communauté intellectuelle. Assurément, Anatole France, Henri de Régnier,
Faguet, Paul Bourget tiennent une place impor­tante dans la culture et l’époque de Proust. Il n’est qu’à songer au quatrième cahier de ses manuscrits, où il noue clairement le lien entre Sainte-Beuve et Faguet, dans leur lecture de Bal­zac, voire au quarantième, où il associe encore les deux critiques dans leur analyse de Racine – encore une fois, un auteur si cher à son cœur. Racine, le poète de sa mère, Balzac, le père du roman architecture a posteriori, tel qu’il le cri­tique et l’admire, tel qu’il l’inspire. A n’en point douter, ces épigones beuviens, au premier rang d’entre eux Anatole France, le préfacier des Plai­sirs et les Jours, tiennent une place éminente dans l’élaboration de son devenir d’écrivain. Mais tout aussi incontestablement, cette place est à situer au deuxième rang : dans l’œuvre de chacun de ces disciples, ainsi que le manifeste l’entreprise des pastiches, c’est le substrat originel beuvien qu’il tente d’extraire, la matière qui originaire­ment se trouve dans la réflexion, la pensée, la pratique du lundiste.(…)pages 370 et 371.

Notre auteur esquisse dans sa conclusion un parallélisme avec Ruskin ,( autre influence) soulignant aussi le même mouvement d’ adhésion et d’ exclusion que pour Sainte-Beuve.( pages 378 et suivantes.)

La mauvaise langue dit: à

Donatien Grau était aussi récemment à la Bibliothèque Médicis, l’émission d’ Elkabach.

Jean Marie dit: à

Vous aurez compris que je suis en train de lire ce fameux Tout contre Sainte-Beuve!
J’ y retourne

Simon dit: à

Hazard ou nécessité, ou ni l’un ni l’autre, il vous est permis d’en douter, Eliza, comme de se lancer à la recherche des poux perdus. Bonne fin de soirée!

Simon dit: à

à -> dans
(ou même s’y perdre)

Giovanni Sant'Angelo dit: à


…cette nuit,…j’ai rêver que je courrais dans la souricière qui était ce blog,…et que j’y mangeais un attirail de plombier-zingueur,…

…la meilleure, c’est que je trouvais que c’était,…bon,…
…et c’est pour éssayer de recracher tout ces tubes, clous et vis de ma bouche,…que je me suis réveiller,…
…merci,…pour le bricolage en littérature,…la tête en vis,…Ah,…Ah,…
…etc,…

C.P. dit: à

Abdel, je ne sais pas copier-coller. Comme je n’ai pas trop la flemme, je tape le texte de « Combray » auquel je faisais allusion :

 » Mon grand-père, il est vrai, prétendait que chaque fois que je me liais avec un de mes camarades plus qu’avec les autres et que je l’amenais chez nous, c’était toujours un juif, ce qui ne lui eût pas déplu en principe, -même son ami Swann était d’origine juive- s’il n’avait trouvé que ce n’était pas d’habitude parmi les meilleurs que je le choisissais. Aussi quand j’amenais un nouvel ami, il était bien rare qu’il ne fredonnât pas : « Ô Dieu de nos Pères » de LA JUIVE ou bien « Israël romps ta chaîne », ne chantant que l’air naturellement (Ti la lam ta lam, talim), mais j’avais peur que mon camarade ne le connût et ne rétablît les paroles.
Avant de les avoir vus, rien qu’en entendant leur nom qui, bien souvent, n’avait rien de particulièrement israélite, il devinait non seulement l’origine juive de ceux de mes amis qui l’étaient en effet, mais même ce qu’il y avait quelquefois de fâcheux dans leur famille.
– Et comment s’appelle-t-il ton ami qui vient ce soir ?
– Dumont, grand-père.
– Dumont ! Oh ! je me méfie.
Et il chantait :

 » Archers, faites bonne garde !
Veillez sans trêve et sans bruit » ;

Et après nous avoir posé adroitement quelques questions plus précises, il s’écriait : « A la garde ! A la garde ! » ou, si c’était le patient lui-même déjà arrivé qu’il avait forcé à son insu, par un interrogatoire dissimulé, à confesser ses origines, alors pour nous montrer qu’il n’avait plus aucun doute, il se contentait de nous regarder en fredonnant imperceptiblement :

 » De ce timide Israëlite
Quoi, vous guidez ici les pas ! »

ou :

« Champs paternels, Hébron, douce vallée. »

ou encore :

« Oui je suis de la race élue. »

Ces petites manies de mon grand-père n’impliquaient aucun sentiment malveillant à l’endroit de mes camarades. Mais Bloch avait déplu à mes parents pour d’autres raisons… »

Sans faire trop de biographie, on peut situer cette adolescence vers 1885-86 (les potaches parlent de Leconte de Lisle, etc.). Je ne sais si, pour reprendre une remarque de John Brown, l’écriture de ce texte plus ou moins fictif coïncide avec des souvenirs ravivés par l’Affaire Dreyfus, et ne veut justement pas tomber dans le déterminisme extérieur.

C.P. dit: à

Pardon : « ne veux… »

Giovanni Sant'Angelo dit: à


…n’importe quoi,…pourvu que sainte beuve,…etc,…

de nota dit: à

« Et quelle potinière, reprit Brichot, à nourrir tous les appendices des Causeries du Lundi, que la conversation de cet apôtre ! »
l’apôtre c’est Charlus.
« la Prisonnière. »

en passant dit: à

La forme déconne un peu (quoique l’imperfection puisse être séduction), mais l’étude de l’histoire du droit donne une certaine consistance à son propos.

elle n’est pas stupide mais elle vient de faire une grosse bouse. nobody is perfect

D. dit: à

L’imperfection peut être séduction, mais pas trop. Regardez TKT.

C.P. dit: à

Il y a tout de même beaucoup de : « Euh ! Euh ! »…, et l’exemple donné ne va pas bien loin.

Simon dit: à

a-t-elle des fans ici?

la performance c’est ce qu’il faut servir partout

mais ceux qui font dans l’emballage sont vraiment odieux parfois, multi-purpose cleaning wipes, franchement…

C.P. dit: à

D., quelle différence avec zoom avant / zoom arrière ? Il faut que l’effet persiste.

renato dit: à

« a-t-elle des fans ici? »

Elle qui ?

D. dit: à

Demandez à plutôt à Bouguereau.

Simon dit: à

ah ben la vache, d’habitude c’est vous qui êtes désolés par ceux qui ne suivent pas

Giovanni Sant'Angelo dit: à


… » le commerce des illusions « , par Stéphane Marchand,…Jean-Claude Lattès,…1999.

…Enquête sur les moeurs et coutumes des réseaux de pouvoir en France,…

…etc,…comme ailleurs,…qu’est ce qu’il dit,…rien, du beurre pour les tartines,…avant la confiture,…et la tasse de café,…

D. dit: à

Simon, puis-je vous appeler Pierre ?

Simon dit: à

Pourquoi pas Yves tant que vous y êtes? ça ferait diabolo menthe, ce serait plus drôle

C.P. dit: à

renato, je ne comprends pas ueda : il y a six minutes de bafouillage sur l’exemple simple de la copulation en public dans l’ancien temps par rapport à l’attentat public aux moeurs dans le code aujourd’hui.

renato dit: à

La question était pour rire, Simon, car il m’était semblé déceler une certaine réticence de votre part à écrire le nom. Cela dit vous faite confusion entre les compétences (elle en a) et le sens de l’opportunité (elle en est complètement dépourvue)… enfin, on peut pas tout avoir.

renato dit: à

C.P., c’est un post qui m’a échappé. Pourriez vous me dire où (heure et date) ?

C.P. dit: à

renato, oui : ueda à 21h40.

D. dit: à

Tenez puisque vous en parlez, Yves.

D. dit: à

Tenez. Pour vous consoler.

renato dit: à

C.P., je comprends. Moi même je suis tombé d’en haut et pour le livre sur DSK et pour les exemples visuels qui circulent sur le net car on m’avait prêté ‘Une société de violeurs ?’ que j’avais lu.

D’autre part si on regarde quelques uns de ces exemples (moi deux), il est difficile de ne pas se laisser aller à une analyse du comportement. On voit qu’elle n’est pas bien dans sa peau ; qu’elle est insatisfaite ; trop prise par ce qui se passe autour d’elle — surtout par le regard qui est porté sur elle. Et je m’arrête là. On comprend que nonobstant une culture professionnelle solide, elle est tombée dans ce guet-apens parce que elle l’a elle-même préparé.

Cela pour elle. Pour ueda, il se peut que, moins suspicieux que je ne le suis, il se soit arrêté aux contenus

C.P. dit: à

Ou Pierre Aucaigne.

C.P. dit: à

Merci, D.
Pas trop de chair de mammifères, surtout ! Préférez les invertébrés marins.

Bonne nuit à tous.

Bloom dit: à

Tombé par hasard dans la rue sur Byron d’après le pontifiant partisan de naBoléon le Petit . Même relooké dans la langue de Gaskell, ça reste presque aussi indigeste que de l’antilope la girafe…

« If, as Byron desired, Pope’s school had kept the supremacy and a sort of honorary empire in the past, Byron would have been the first and only poet in his particular style; the height of Pope’s wall shuts out Shakespeare’s great figure from sight, whereas when Shakespeare reigns and rules in all his greatness, Byron is only second. »

(Qu’on ne vienne pas nous dire que c’est l’époque actuelle qui a inventé les palmarès, les jeux olympiques des écrivains et toutes ces petits jeux de l’esprit immature).

abdelkader dit: à

La mauvaise langue dit: 1 mars 2013 à 22 h 23 min
Abdel avoue ses limites, c’est déjà un point positif qui le fait apparaître un peu moins con.

franchement, ML…z’avez pas toujours pas compris le film…au stade ou j’en suis, rien a tâter d’apparaitre un peu plus ou un peu moins con (que qui? que vous? vous rigolez la surement?)…je parle de ce que je sais et de livres que j’ai lus et …avec ou sans grec ou latin…vous, par contre, vous êtes abonné a Wiki…vous êtes une fraude et la personne que vous fraudez n’est finalement que vous-même, pov’type…et remettez ces mitaines, toute sweet, vilain garçon…presque-agrégé de mes klaouis…

abdelkader dit: à

C.P. dit: 1 mars 2013 à 23 h 22 min
CP, vous etiez le seul ici a relever ma reference aux pages marbree et noire du Tristram Shandy (Florida Edition)…

Bloom dit: à

à (la girafe).

De retour du congrès des écrivains. Du beau linge, conversation édifiante avec Babel et Pasternak, échanges de perceptions avec Huxley, de vues avec EM Forster. Guéhenno nous a dit qu’il témoignerait, Nizan qu’il se ferait bref, Musil qu’il ne mettrait aucune de ses qualités au service du nazisme, Gide qu’il essaierait de ne pas se contenter de traduire Klaus. Sinclair Lewis assure que son Midwest est plein de ces fascistes au petit pied qui ne souhaitent qu’une chose, la disparition de FDR.
Me voilà ragaillardi. Avec tant de culture et de déclarations de courage, on est assuré que la barbarie ne l’emportera jamais.

Bloom dit: à

Et hop, encore un coup de Shango, juju problem, magical hocus pocus.
Et Van The Man & ses Pagan Streams. O joy! O bliss! O pulchritude!

W dit: à

Soyez les bienvenus à Elseneur _

Hamlet reste,à n’en pas douter,un personnage prodigieusement moderne;il n’est qu’un personnage de plus moderne que lui_son souffleur.

Peu d’appels se croisent dans l’air.Une affiche n’est pas un appel.C’est une publicité.Un dialogue humain a cessé,constate Camus avec amertume.Exact.Mais si l’on ne peut plus persuader personne,est-ce vraiment parce que les convictions ont acquis en chacun cette sorte de solidité sans recours qui décourage tous les échanges?Ne serait-ce pas que dans un monde qui dérive à vue d’oeil,l’homme éprouve le besoin de se raidir,toutes portes scellées,dans des convictions,dont la fragilité le trouble,l’irrite,l’exaspère et l’induit,pour finir,à un fanatisme qui constitue sa contribution personnelle et bien sentie à la dérive générale?Une façon désespérée de dire: »je suis là! »dans toute la mesure où il ne lui et pas donné d’être ailleurs,ni de concevoir cet ailleurs.Les poncifs de la présence ont vite fait de soumettre tous les problèmes à un éclairage unique.Il devient difficile de préciser ce à quoi l’homme aspire.Peut-on assurer qu’il aspire à la paix?Ou,pour revenir à ce fond démoniaque qui me parait la principale constante de son histoire,à se détruire,à se préparer à succomber à l’heure même où une succession de conquêtes inouïes l’assure d’un pouvoir jamais égalé sur la matière…

Si l’aspiration humaine demeure obscure et contradictoire,une chose par contre est assez évidente:l’impossibilité de ruser plus longtemps avec la crise morale qui n’aura choisi de mûrir en plein coeur du siècle que pour mieux le marquer de bout en bout.

De Bruxelles,Jacques Michel que je n’ai jamais rencontré et dont je ne sais rien m’écrit: »Quels remèdes apporter à la confusion actuelle?Une revue internationale,produit d’une mise au point rigoureuse »à propos de morale »et d’une élimination impitoyable des littérateurs,des artistes et autres crapules qui empoisonnent le mouvement surréaliste,pourrait-on nous découvrir de nouvelles orientations… »Peu importe le sens auquel Jacques Michel entend ce resserrement moral.Son exigence est loin d lui appartenir en propre.Tour à tour Denis de Rougemont,André Breton,Albert Camus,ont décrit et circonscrit les éléments d cette crise qui semble avoir atteint son point le plus violemment stagnant.Du coté adverse,on essaie de rabaisser le débat à un niveau électoral,en décriant ce désir de pureté qui sert,nous dit-on de camouflage à la pire réaction.

Réaction ou pas,les conflits subsistent.Et il est bon que chacun s’éveille à une suprême injonction,à un grand « que personne ne bouge! »qui ferait justice de tout ce qui n’est que préliminaires patiemment accumulés pour n’avoir pas à affronter nos attitudes-limites.Un préliminaire de plus et la respiration passait pour une fin en soi…Il était temps que la crise se déclarât.

« Les temps sont tels… »Oui,certes.Mais aussi,la pensée est telle.La perversité de la pensée est du domaine de l’insondable.Les ressources de la sensualité la plus folle ne sont encore rien comparées à celles d’une pensée sure de pouvoir percer dans toutes les directions.Les écarts frémissants de Georges Bataille sont cependant l pour nous en informer.La pensée atteint à son degré le plus féroce de malignité lorsqu’on la croit vouée à l’arbitraire absolu et presque sans défense contre son pouvoir déterminant.La ^pensée ne se contente pas d’entretenir u rapport de complicité capricieuse avec tout ce qui la provoque(misérable reflet du réel des hautes provocations nées seule et pour sa seule mesure),elle se réserve les moyens de désavouer cette complicité à l’instant même où elle éclate.Le désaveu est irréfutable.C’est même généralement une oeuvre d’art(fierté intime de la pensée devant le fini de son propre travail;un mot insignifiant auquel peut-être personne n’a pris garde et qui démantèle tout).Entre deux puits comblés,la soif se fait une caravane de raisons.Mais qui a comblé les puits?

« Sa confiance dans sa raison ébranlée,épouvante par la transgression de toutes les règles établies de la part des tyrans contemporains,l’intellectuel dans sa poursuite d’une moralité nouvelle,oriente ses préférences vers l’Archétypes,vers celui qui désire sauver l’humanité par son comportement exemplaire dont les différentes phases seraient posées à l’avance. »Ainsi s’ouvrait une précieuse étude de Nicolas Calas parue en 1942 dans View,sous le titre: »The new Prometheus ».Il est frappant que dans le coeur de l’individu comme dans celui des masses gronde un refus, tantôt sourd, tantôt affirmé,de la morale démocratique.Si l’individu se tourne vers l’Archétype,les masses ont fait la part singulièrement belle à la plupart des directeurs de conscience qui se sont présentés.De toutes les explications données jusqu’ici du cas Hitler,la moins satisfaisante est l’explication marxiste qui prétend s’en tenir aux conditions économiques de son avènement.Dans u texte beaucoup plus récent,Nicolas Calas observe encore ceci: »Comme tous les magiciens réellement doués,le Fuerher s’est rendu compte qu’il ne suffisait pas de concentrer l’attention sur lui par des actes;si cette attention devait assumer un caractère durable,il lui fallait aussi devenir le foyer d’un mystère. »…

George Henein
La part du sable n 1,février 1947 .

W dit: à

22h25: »on se doute que ce n’est pas léonard qui explique l’aviation à Ader. » Raphael Ader? Du « regarder dans la fêlure »?

Eliza Minsky dit: à

Je ne me donne point la peine de relever. Qu’est-ce qu’on dit dans ces cas-là ? hi hi hi hi hi hi ?

W dit: à

Vous écrivez bruyamment ou vos réveils sont ricanants!La question est honnête ,au hasard je trouvai cet auteur pour ce livre et la question s’imposât de vous la poser mais si vous rechignez à la relever,laissons-la en suspens …

Carl+Larmonier@gmail.com dit: à

Lucky Luke était l’homme qui dégainait plus vite que son ombre, l’homme moderne et l’homme qui envoie un tweet ou un sms plus rapidement souvent maintenant que sa pensée.
Toute personne que l’on voit commencer de nos jour cette immensité dans tout les domaines qu’est A La Recherche du Temps perdu doit être vu comme un homme qui part en ascèse. En ermitage définitif même,… pour le restant de ces jours.

Carl Larmonier

Carl+Larmonier dit: à

Ha j’ai du pot cette adresse mail est obsolète depuis peu !

Eliza Minsky dit: à

> laissons-la en suspens. . .

Ah, maintenant que vous m’avez fait le coup, je dois le concéder, je ne pouvais penser à cet auteur ne le connaissant pas. Je voulais objecter un exemple à la citation de Schopenauer et de l’exemple pris sur l’aviation je m’étais permis d’omettre le prénom Clément.

Eliza Minsky dit: à

Bonne Journée !

L'homme pressé ne perd pas son temps dit: à

Le meilleur moyen d’éviter le temps perdu : laisser ce pensum vieilli, daté, dans sa poussière, et vivre son présent

renato dit: à

« Mais si l’on ne peut plus persuader personne,est-ce vraiment parce que les convictions ont acquis en chacun cette sorte de solidité sans recours qui décourage tous les échanges? »

Comment ça ? Oublié que ‘‘cette continuelle insuffisance — par laquelle chaque chose qui vit meurt chaque instant — chaque chose qui vit se persuade d’être vie’’ ?

C.P. dit: à

Abdelkader, honnêtement, il y avait aussi renato.

Collège Sainte Aqmi du Désert dit: à

Ce samedi 14h, projection au patronage du film « Churchill au Mali » avec dans le rôle titre notre jeune premier, François Le Mol.

ueda dit: à

@ C.P.

« renato, je ne comprends pas ueda : il y a six minutes de bafouillage sur l’exemple simple »

Be fair, dear CP.
Ces six minutes ne sont que l’introduction.
Il y en 9 de même durée.
C’est au terme de sa présentation que cela devient intéressant.
C’est une causerie qui se veut grand public, et la mise en perspective de quelques repères juridiques (art. 133, etc.) lui permet de proposer un diagnostic qui lui est propre, et qui ne repose pas seulement sur des généralités abstraites.

Je vais vous dire l’impression qui est la mienne, lors du visionnage de ces vidéos, ne connaissant d’elle que ce qu’on en dit). Cette impression peut être prise à charge comme à décharge:

« C’est quand même une excellente étudiante ».

christiane dit: à

N’ayant pas lu « Contre Sainte-Beuve » mais ayant lu l' »Autodictionnaire Proust » de P.Assouline riche en citations et correspondances, je retiens entre les pages 615 et617 ces extraits du livre dont il est question ici et qui éclairent d’autres questions qui sont aussi dans le filigrane et du billet (et petites annonces dans le cadre de droite – facebook ?) et des commentaires.
« l’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une oeuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait, selon Taine, selon M. Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique au XIXe siècle, cette méthode qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas indifférent pour juger l’auteur d’un livre, si ce livre n’est pas « un traité de géométrie pure », d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissent le plus étrangères à son œuvre (comment se comportait-il…), à s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-même nous apprend : qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices. Ce moi-là, si nous voulons essayer de le comprendre, c’est au fond de nous-même, en essayant de le recréer en nous, que nous pouvons y parvenir. Rien ne peut nous dispenser de cet effort de notre cœur. (…)
En réalité, ce qu’on donne au public, c’est ce qu’on a écrit seul, pour soi-même, c’est bien l’œuvre de soi… Ce qu’on donne à l’intimité, c’est-à-dire à la conversation et à ces productions destinées à l’intimité, c’est-à-dire rapetissées au goût de quelques personnes et qui ne sont guère que de la conversation écrite, c’est l’œuvre d’un soi bien plus extérieur, non pas du moi profond qu’on ne retrouve qu’en faisant abstraction des autres et du moi qui connaît les autres, qu’on sent bien le seul réel, et pour lequel seuls les artistes finissent par vivre, comme un dieu qu’ils quittent de moins en moins et à qui ils ont sacrifié une vie qui ne sert qu’à l’honorer. »
(Contre Sainte-Beuve, 1908, publié en 1954)
Et dans ce billet, aujourd’hui, je lis :

« …C’est dire si l’essai de Donatien Grau vient à point…
Quel plus bel exemple d’unité de l’œuvre à la vie et réciproquement que l’édification de cette grande machine romanesque qu’est la Recherche ! Elle est la négation même du principe exposé, succinctement mais radicalement, dans sa critique de l’esprit Sainte-Beuve… »

Diantre !

« On verra bien si un jour, son « tout contre Sainte-Beuve », probablement inspiré par un mot de Sacha Guitry (« Je suis contre les femmes, tout contre »), en vient à replacer le « contre Sainte-Beuve » dans l’esprit public… »

La belle énigme que voilà…

C.P. dit: à

Cher ueda, j’ai été injuste. Mais si vous zeuh-euhtiez comme ça, mettons devant un public de syndicalistes, m’est avis que vous seriez bientôt tarred and feathered.

Je n’ai pas lu « Une société de violeurs ». Mes filles l’ont fait, je crois.

TKT dit: à

@ C.P.: Tarred, un rapport avec Tarr Heels UNC, Chapel Hills ?

ueda dit: à

La dame a du charme, CP.

Pendant qu’elle euh-euhieute, elle se fait quand même z’yeuter .
Le public semble attentif…

(Elle mentionne les pièces de Courteline et de Feydeau autour de 1900, en relation avec la loi relative à ce qui relève du « public » en matière d’outrage aux bonnes moeurs).

La mauvaise langue dit: à

Bonnes vacances à tous ! Je m’emporte Graziella de Lamartine à lire dans le train et les portraits de femmes par Sainte-Beuve…

renato dit: à

« … vous seriez bientôt tarred and feathered »

ueda bien à part, cela m’a rappelé la punition classique qu’on réservait aux escrocs (goudron et plumes à foison ces temps-ci), et tout de suite après ‘The System of Doctor Tarr and Professor Fether’…

C.P. dit: à

Chère Christiane, oui, j’ai moi aussi été un peu surpris. J’ai repris hier, rapidement, « Contre Sainte-Beuve » dans la version poche de « Idées/ nrf », et suis tombé sur les mêmes passages que vous, et sur la « conception si superficielle… »
Autre chose, en effet, est que dans « Mes Poisons » Sainte-Beuve soit cruel envers lui-même. Pas un mot sur sa méthode.
Pensé un peu à Baudelaire et à des commentaires d’hier sur sa méconnaissance « normale ». Pénible, tout de même, ses visites dans l’Île Saint-Louis ! Mais même Delacroix note dans son « Journal » qu’une espèce d’hurluberlu est venu le voir. Cela s’est un peu arrangé par la suite.

renato dit: à

ueda, la bonne élève devrait prendre des cours de afin d’apprendre à vivre avec elle-même… avoir des compétences n’est pas suffisent…

renato dit: à

Oups ! des cours de > des cours de …

C.P. dit: à

Thierry Traube, je ne sais pas, mais je connais le journal « Tarr Heel » des étudiants de Caroline du Nord que vous évoquez. Il y a peut-être un rapport.
Adolescent, c’est un texte de Kenneth Roberts (dans « Oliver Wiswell ») qui m’avait rappelé cette pratique.
Un album au moins de « Lucky Luke » en use pour deux petits escrocs.

C.P. dit: à

ueda, promis, je vais écouter (et regarder, vous êtes sous le charme !) cela plus complètement.

Chaloux dit: à

Proust, cité par Christiane,

« …non pas du moi profond qu’on ne retrouve qu’en faisant abstraction des autres et du moi qui connaît les autres, qu’on sent bien le seul réel, et pour lequel seuls les artistes finissent par vivre, comme un dieu qu’ils quittent de moins en moins et à qui ils ont sacrifié une vie qui ne sert qu’à l’honorer. »

Sainte Beuve:
« Un homme de lettres, j’ai honte de le dire, n’est plus franchement un homme. Là où il devrait être navré de douleurs, abîmé de chagrin, dans les situations les plus faites pour l’affliger (perte d’una mi, perte de maîtresse etc.), il y a toujours en lui un certain endroit chatouilleux d’amour-propre où vous n’avez qu’à le gratter

Chaloux dit: à

Parti trop vite …
« pourle faire sourire ».
Sainte Beuve, Cahiers, Volume 1, P.274.
Le volume 2 n’est jamais paru du fait de la mort du spécialiste qui travaillait à cette édition.

renato dit: à

Il faudrait analyser finement les deux citations : Sainte Beuve ne tient pas en compte le temps, Proust oui — ceci est d’une grande banalité mais il faut bien que quelqu’un le dise !

abdelkader dit: à

merci du rappel CP…
@renato, mes excuses…

ueda dit: à

Thanks, guys (CP et renato)

Le français n’est pas sa langue maternelle (mais je pense que vivant en contact avec les non-francophones, on a toujours un petit décodeurs dans l’oreille).

MI semble être toujours un peu borderline, mais elle est smart.
Elle a aussi du courage et la manière dont elle nargue la génération des dames féministes est bien amusante à observer.
Elle est visiblement prête à prendre des coup (intellectuels, politiques, érotiques).

Le problème est que, si elle s’expose (bravo), elle met aussi d’autres en danger (y compris sur le plan légal).

Je répète ma première réaction:
1. Son dernier livre n’est pas du kiss-and-tell ordinaire.

2. Elle aurait dû soit changer de genre littéraire (essai théorique ou roman), soit l’écrire tel quel mais le publier plus tard.

Le moment choisi n’est pas bon, à tous points de vue.

(Le correcteur automatique = SS, a remplacé miss-and-tell par miss-and-tell.
Ma foi, c’est bien aussi)

Jacques Barozzi dit: à

« qu’on sent bien le seul réel, et pour lequel seuls les artistes finissent par vivre, comme un dieu qu’ils quittent de moins en moins et à qui ils ont sacrifié une vie qui ne sert qu’à l’honorer. »

Mais de quel « réel » parle-t-il ? Un réel filtré assentiellement à travers l’imaginaire n’est-il pas déjà du surréel, de l’orfre du divin, qui est très peu réel ? Ce que l’on nomme la trascendance ou le trascendant ?

Paul Edel dit: à

Christiane
il ne faut pas exagerer l’influence de taine sur sainte- beuve, elle a duré moins de cinq ans et il est revenu à sa liberté et à son « flair ». tout ca est dans les dictionnaires littéraires et il suffit de le lire pour voir son apport merveilleux. tiens, quelqu’un qui lit ou relit lamartine , ne peut être qu’un lecteur interessant.

renato dit: à

Ce n’est pas un problème abdel, on ne peut pas se souvenir de tout ce qui se passe ici.

Jacques Barozzi dit: à

ordre, pardon.

Je crois me souvenir que Dexter (D.) a aussi très bien parlé jadis du Tristram Shandy, il ne faudrait pas l’ignorer dans vos remerciements, Abdel…

Simon dit: à

L’arène de coeur est sans issue, oui, elle aussi!

ueda dit: à

miss-and-tell par miss-and-tell > kiss-and-tell par miss-and-tell.

Hihihi…
Ce sont des snipers.

renato dit: à

Le nœud, Jacques, n’est pas au niveau de qui a parlé du Tristram, mais dans le fait que LML en parlait comme d’un livre qu’il avait lu. Puis à un moment, et de façon impromptue, la page marbrée fit son apparition sur le rouleau RdL et on découvrit, avec un certain amusement — il faut dire, que LML n’avait pas lu le Tristram…

Jacques Barozzi dit: à

Enfin, ueda, il me semble que la miss dont vous parlez porte un jugement hâtif sur Nafissatou Diallo (consentante) et surtout sur Anne Sinclair, qui a plutôt été exemplaire dans cette affaire !

Chaloux dit: à

En feuilletant:

« Le plus souvent nous ne jugeons pas les autres, mais nous jugeons nos propres facultés dans les autres ».
P. 326.

« Quand on voit une personne, une double question à se faire. Quel âge à cet homme? Quel âge ont ses pensées? ».
P.328.

« Je ne suis après tout qu’un auteur d’Elégies et de portraits. Qu’on mette cela sur mon Épitaphe, tout simplement: Sainte Beuve, auteur d’élégies et de portraits.
P.226.

Et ceci, surtout:
« L’infirmité de l’esprit humain est telle ques les impressions reçues par les même objets diffèrent selon les personnes, selon les âges où les moments: la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau ».
P.224.

ueda dit: à

Je n’ai pas lu le livre puisqu’il n’est pas encore publié, Jacques, et je suis (heureusement) ignorant de la nature des rapports entre DSK et AS.

Je donne des impressions (de fraîche date) sur MI, qui se réfèrent à des éléments antérieurs.

John Brown dit: à

Sainte Bévue ? Le sobriquet cruel que lui appliqua un jour Musset semble amplement mérité quand on lit les deux chapitres que, dans les « Causeries du lundi », Sainte-Beuve consacre à l’oeuvre de Stendhal. IL s’étonne du regain d ‘intérêt d’une partie de la critique et des lecteurs pour l’oeuvre de Beyle. Manifestement cet intérêt lui paraît très excessif. Le premier chapitre est entièrement consacré à Beyle critique musical; bilan plutôt élogieux. Le début du second chapitre étudie les récits de voyage, « Voyages en Italie », « Mémoires d’un touriste ». Sainte-Beuve loue les dons d’observateur de l’auteur et conclut que ces ouvrages peuvent servir de guides utiles au voyageur. Là où ça se gâte, c’est quand il en vient aux romans. Passons sur le cas d’ « Armance », qu’il considère comme un ouvrage raté. Voici ce qu’il dit du « Rouge et le noir », dont le titre lui paraît bizarre et incompréhensible :
 » Le défaut de Beyle comme romancier est de n’être venu à ce genre de composition que par la critique, et d’après certaines idées antérieures et préconçues ; il n’a point reçu de la nature ce talent large et fécond d’un récit dans lequel entrent à l’aise et se meuvent ensuite, selon le cours des choses, les personnages tels qu’on les a créés ; il forme son personnage avec deux ou trois idées qu’il croit justes, et surtout piquantes, et qu’il est occupé à tout moment à rappeler. Ce ne sont pas des êtres vivants, mais des automates, ingénieusement construits ; on y voit presque à chaque mouvement les ressorts que le mécanicien introduit et touche par le dehors « .

les relations entre Julien Sorel et Madame de Rênal donnent lieu à un lourd contresens. L’importance du personnage de Mathilde est complètement ignorée. Sainte-Beuve ne comprend pas plus le personnage de Fabrice qu’il n’a compris Julien. Il lui paraît sans caractère et insignifiant. Il croit pouvoir résumer « La Chartreuse de Parme » de la façon suivante :  » ce roman qui n’est guère d’un bout à l’autre (j’en excepte le commencement) qu’une spirituelle mascarade italienne ».
Là où un adolescent de dix-sept ans serait immédiatement subjugué par le génie romanesque de Stendhal, Sainte-Beuve ne voit rien. Beyle n’est pour lui qu’un petit maître, un bel esprit sans véritable envergure.
J’ai cité plus haut les seules lignes (pitoyables) que Sainte-Beuve ait consacrées à Baudelaire. En consultant les tables des matières des « Lundis » et des « Portraits de contemporains » , on est surpris du peu de place occupée par les auteurs contemporains de Sainte-Beuve que nous considérons aujourd’hui comme majeurs : outre ces deux chapitres sur Stendhal, on ne trouve guère que deux chapitres sur Balzac, deux sur Musset, deux sur Lamartine, une étude sur Théophile Gautier. Nerval est totalement ignoré. Le Hugo d’après 1851 (en exil il est vrai) est totalement passé sous silence : rien sur « les Misérables », rien sur « les Contemplations ». Il n’est pas sûr que tous les articles que Sainte-Beuve a consacrés, entre 1830 et 1850, aux parutions de tel ou tel ouvrage aient été recueillis dans les « Lundis » et dans les « Portraits de contemporains » ; en tout cas, on ne trouve, par exemple, q’un seul article sur un roman de Balzac, « la Recherche de l’absolu », rien sur « Notre-Dame de Paris », rien ou à peu près rien sur le théâtre, etc. (qu’on me corrige si je me trompe). Bien sûr, un critique est libre de choisir comme il l’entend ses centres d’intérêt, mais, tandis que les articles sur des auteurs plutôt secondaires du XVIIe, du XVIIIe et du XIXe siècles abondent, on est surpris de ces absences. En 1851, toute fois, pour saluer Balzac qui vient de disparaître, Sainte-Beuve lui consacre un article de synthèse d’une réelle équité et d’un réel discernement. Il sera aussi à la hauteur de sa tâche quand il rendra compte de « Madame Bovary », dans un article qui garde tout son intérêt et sa pertinence, même si le critique tempère ses éloges des réserves moralisatrices qu’on pouvait attendre de lui.

Jacques Barozzi dit: à

Il n’en demeure pas moins vrai que « quelqu’un qui lit ou relit lamartine (et Sainte-Beuve), ne peut être qu’un lecteur interessant « , renato ! Le seul problème de ML, c’est son tropisme…

Chaloux dit: à

Ueda, la faiblesse de tout ça, c’est que Flaubert n’a pas eu besoin d’organiser un festin dans le jardin des Tuileries pour commencer Salammbô.

Jacques Barozzi dit: à

Les jupons, toujours vous perdront, ueda !

abdelkader dit: à

@Barrozi, renato a tout a fait raison…le garde-champetre, quant a lui, avait fourni le ISBN pour prouver qu’il l’avait lu (c’etait le sujet du billet je crois) mais lui non plus s’est du coup tu, a la mention de cette fameuse page marbree ou noircie…mais cela ne les a aucunement empeche, ML et le grade-champetre, d’en parler a grosse voix…sinon, pour ce qui est de D, je le remercie dans 5 ans…promis…

renato dit: à

« L’infirmité de l’esprit humain est telle ques les impressions reçues par les même objets diffèrent selon les personnes, selon les âges où les moments: la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau ».

C’est encore une vision XVIIIe du temps. Entre-temps on a entendu la première mesure de la Ve de Beethoven (pré phénoménologique selon Celibidache) et l’anticipation de la klangfarbenmelodie dans la IXe, qui déterminent une nouvelle approche du temps, ce qui Sainte-Beuve semble ignorer. Mais bon, là il faudrait ouvrir sur un argument dans lequel je n’ai aucune envie de me replonger … les années d’apprentissage sont loin désormais, et il serait bien que chacun fasse sa route…

Chaloux dit: à

C’est peut-être JB que ce n’est pas ce qu’on va chercher chez lui, – plutôt le XVIIe et le XVIIIe, c’est un fantastique initiateur. Ensuite ce qu’on fait de cette initiation concerne chaque lecteur.
Sur les Misérables, il y a une ou plusieurs lettres de Flaubert qui ne sont pas piquées des vers.
Il faudrait surtout regarder aussi dans les Nouveaux Lundis (Les Causeries s’arrêtent vers 1856, c’est à dire juste au moment du grand chambardement littéraire, ou juste avant) mais il n’y a pas de table et pas le temps aujourd’hui…
Bonne journée,

Himmler dit: à

Echanges entre prisonniers du même goulag littéraire.

christiane dit: à

Oh, là, les amis, j’ai bien écrit que JE N’AI PAS LU le « Contre Sainte-Beuve ». J’ai donc pioché ces fragments dans le livre de P.Assouline pour mieux comprendre la problématique posée par l’essai de Donatien Grau (et du billet qui se clôt sur cette interrogation étrange…). Quant à l’influence de Taine Sur Sainte-Beuve, c’était dans le fragment et c’est l’idée de Proust… Là J’ignore tout de leur pas-de-deux !
Moi, je lis et relis « La Recherche » et je ne sais plus trop bien qui du narrateur ou de Proust me fascine le plus… Je sais que les lettres de Proust, ses croquis, ses brouillons sont maintenant offerts aux lecteurs et chercheurs.
Je pense à lui quand j’entre au musée Carnavalet qui cache jalousement sa chambre à coucher tout près de celle de Mme de Noailles. Je l’imagine alors, écrivant, raturant, rêvassant dans ce lit recouvert de satin bleu, au long de ses nuits d’insomnie. Cette habitude qu’il avait, depuis l’enfance de scruter le monde du fond de son lit…
P. Assouline nous avait raconté, dans le passé, l’épopée du vieux manteau de Proust. Je ne l’ai pas vu (il doit dormir dans quelque carton…) Quelques photos des années 1900 le montre enveloppé dans ce manteau. Je crois qu’il avait toujours froid hors de son lit, même l’été… (manteau qui est même évoqué dans « La prisonnière ».) et Cocteau l’a dessiné, le portant. (Un fameux dessin, très étrange, inquiétant…)
Alors le moi intérieur et l’autre, qu’importe, quand on plonge dans la moire de « La Recherche »…

renato dit: à

« quelqu’un qui lit ou relit lamartine (et Sainte-Beuve), ne peut être qu’un lecteur interessant »

C’est quoi un ‘lecteur intéressant’ au juste ?

Chaloux dit: à

La question serait qui a crié « au génie ! » en voyant paraître Baudelaire? Je n’ai pas la réponse. Si quelqu’un l’a…

C.P. dit: à

John Brown, je ne vous corrige pas, mais dans « Mes Poisons » (vous devriez lire ce « testament »), non seulement Balzac est « sale » (je me répète), mais « Les Misérables » sont accablés, comme tout le théâtre de Hugo, même celui d’avant « Les Burgraves » (qui, il est vrai, n’est pas une réussite).

renato dit: à

C’est Barbey d’Aurevilly, il me semble, mais il se peut que je me trompe…

Jacques Barozzi dit: à

« C’est quoi un ‘lecteur intéressant’ au juste ? »

Celui qui nous en donne de bons comptes-rendus ici, renato, et de ce point de vue ML est toujours intéressant, jusqu’au moment où il dérape ou est rattrapé par son tropisme !

Chaloux dit: à

Hugo l’appelait aussi « Sainte Bave », ils se détestaient. Il y a beaucoup de choses sur Hugo dans les Cahiers (d’où proviennent sans doute Mes Poisons »).

renato dit: à

C’est donc relatif à votre expérience, Jacques, et non une nouvelle catégorie ni un amélioration de la catégorie déjà instituée par Borges…

Jacques Barozzi dit: à

« La question serait qui a crié « au génie ! » en voyant paraître Baudelaire ? »

Poulet-Malassis, sur manuscrit avant édition, déjà, et après, en payant l’amende pour la condamnation des Fleurs du Mal, Chaloux.

C.P. dit: à

Bloom, je n’oublie pas votre évocation (un peu triste) du Congrès de juin 1935. Je crois bien que Joyce n’y était pas présent, entre autres. Si vous en avez le temps, renseignez-moi.

Chaloux dit: à

Merci renato et Jacques, il faudrait faire comme dans La Mouette : « je me souviens de tout et je revis chaque existence en moi-même ». La phrase qui a ébloui mes treize ans…Mais c’est impossible. Bonne journée.

Jacques Barozzi dit: à

« C’est donc relatif à votre expérience »

Oui, mon infime et intime exprérience, noyée dans un océan d’ignorance, renato, mais àa vous le savez déjà !

C.P. dit: à

Et Gautier, quand même, que Sainte-Beuve trouve aimable et parfumé, … sauf qu’il a mauvaise haleine.

C.P. dit: à

Jacques, Poulet-Malassis, oui, que Baudelaire, je crois, appelait « Coco mal-perché ». Mais c’est « parce que c’est samedi » (comme dit Proust, dans « Combray »).

DHH dit: à

@chaloux
l’histoire retient je crois que Hugo avait de bonnes raisons pas uniquement littéraires de detester Sainte-Beuve

Chaloux dit: à

Mme Hugo avait peut-être quelques raisons pour ne plus aimer son mari, et s’attacher à Sainte Beuve. Sainte Beuve avait ses raisons pour aimer Mme Hugo, et Hugo les siennes pour ne pas être d’accord. Vous remarquerez tout de même que Mme Hugo n’avait pas le droit d’aimer mais que le poète avait tous les droits.

Daaphnée dit: à

Elle aurait dû soit changer de genre littéraire (essai théorique ou roman)

Encore faut-il en être capable, Ueda !
Et les pages qui auraient dû faire ressortir à tout le moins, les qualités « littéraires » de la chose, données par le Nouvel Obs qui se réfugie derrière cet argument pour envisager de faire appel de la décision de justice, ne sont en rien de la littérature, justement . C’est clairement raté de ce côté-là.
Au mieux, la dame raconte sa petite expérience. Genre « enquête sociologique » dont elle-même serait l’objet dans sa relation à un homme qui a occupé la une des médias. ? Genre « témoignage » ? Et encore, il serait question de sexe à lire le titre, mais l’expérience du sexe est escamotée.
Alors, « essai théorique » disiez-vous ? Mais sur quoi ? On comprend qu’elle a désavoué ce projet (dans un éclair de lucidité de la chercheuse qu’elle est, peut-être ou de culpabilité de celle qui s’est livrée à une basse manœuvre ?) mais que l’appât du gain ( lequel ?) l’a emporté. Elle ne fait pas appel de la décision de justice (d’après ce que j’ai lu).
Alors, le genre ? On ne sait pas trop ou mettre la chose si ce n’est, vu la démarche, à la poubelle.

Bon, elle est chercheur, très bien. Et ce n’est peut-être pas nécessaire de l’enfoncer plus qu’elle ne l’est déjà.

Chaloux dit: à

Daaphnée, votre dernière phrase « fait image », comme dirait Feydeau.

renato dit: à

Chaloux et Jacques, Poulet-Malassis, a évidemment reconnu l’essentialité de la substance de l’œuvre. Mais pour Barbey d’Aurevilly l’apparition de Baudelaire représente la réalisation de la figure qu’il avait esquissé in ‘Du dandysme et de George Brummell’ (j’ai du mal à croire que Poulet-Malassis ne l’ait pas lu), de là son enthousiasme : « Il y a du Dante dans l’auteur des Fleurs du Mal, etc. », un Dante qui a su faire la scission entre poésie et morale, etc.

Jacques Barozzi dit: à

Mme Hugo fut admirable, voire charitable, car Sainte-Beuve était laid comme un pou, contrairement à son royal époux !

Chaloux dit: à

Et de plus Sainte Beuve était hypospade…

Jacques Barozzi dit: à

D’ailleurs, sur le buste que l’on voit sur sa tombe au cimetière du Montparnasse, Sainte-Beuve, en empereur drapé, a des faux-airs de Jambrun !

court dit: à

Trés vite également. Sainte Beuve épargne un Banville, esprit qui lui ressemble beaucoup, poésie en plus. Le grand feuilleton sur Madamev Bovary est loin d’etre idiot, et il me semble tout à fait excessif de transformer Sainte Beuve en Sainte Bévue.
Le Moliere sombre est tout de meme, ML,une conquete du romantisme. Que Sainte-Beuve ne la ratifie pas plaide en faveur de sa lucidité. L’ambiguité du Georges Dandin, liée auc condituions de représentation et de lecture de la pièce au XIXeme siècle, et surtout aux coupures, est un résultat de cette lecture là. Et, je ne sais plus qui, Lemaitre je crois, avoue quelque part, a ne plus etre sur que Dandin soit si tragique qu’il le pensait dans sa jeunesse. Ce genre de basculement nous dit beaucoup sur l’évolution des sensibilités.Il est intéressant de savoir que Lemaitre lisait sur édition d’époque. On pourrait aussi citer Vacquerie et son réquisitoire versifié, fort instructif, adressé à la Table tournante de Jersey « Moliere que dis-tu de tes femmes Savantes? ». C’est presque du Jean Brun, dans la mesure ou il est reproché à Moliere de na pas avoir enseigné la Femme tel que la conçoit le romantisme ou Madame Sand Et tout ça aboutit aux sinistres Mises en scene de Roussillon et Planchon. Rendons grace à Sainte-Beuve de ne pas avoir donné dans le travers du Moliere juste milieu pour bourgeois de la Monarchie de Juillet.
Sur Proust, il y a quand meme le rappel constant d’Halévy, le Fromenthal, et du « Rachel quand du Seigneur » de La Juive, ce qui prouve qu’on peut etre un grand écrivain et garder le sens de l’humour.Ou la proximité de Geneviève Halévy, l’Alma Malher de la bonne société parisienne, l’expliquerait-elle?!
ecrivaillon,PE? en lisant la Compagne de Buchner, je ne m’en étais pas douté…Mais tel qui traite les autres ainsi pourrait peut etre nous faire profiter de ses oeuvres, incomparablement grandes, sans nul doute….
Bien à vous.
MCourt

Jacques Barozzi dit: à

« Et ce n’est peut-être pas nécessaire de l’enfoncer plus qu’elle ne l’est déjà. »

On peut en dire de même pour DSK !

renato dit: à

« Et de plus Sainte Beuve était hypospade… »

Bah, la chose pouvait intéresser, déjà comme ‘exotisme’…

Faux-culs à vendre, comme neufs dit: à

S’intéresser aux histoires de cul entre Madame Hugo et Monsieur SB, en quoi est-ce différent de s’intéresser au love me tender du cochon DSK et de la fermière fourbe ?

Daaphnée dit: à

(Tiens, Chaloux, aucun rapport avec le sujet mais suis allée hier soir au théâtre du Chatelet écouter H.Texier et John Scofield (d’autres aussi ). John Scofield, très bien )

Chaloux dit: à

Faux-culs à vendre, comme neufs dit
La différence, c’est qu’il y a des oeuvres. Et est-ce qu’on s’y intéresse tellement? On le sait, voila tout.

Daaphnée dit: à

(Absolument, Jacounet, mais cela je l’avais déjà dit)

Faux-culs à vendre, comme neufs dit: à

Naïveté, Chaloux !

Chaloux dit: à

Daaphnée, je ne connais pas ce guitariste, je l’écouterai.

Pour finir (il faut que je file, la Volvo s’impatiente), c’est que Sainte Beuve a laissé des milliers de pages qui, pour une raison ou une autre, restent bien intéressantes à lire. Qu’il en soit loué,
Bon week-end,

de nota dit: à

Un article,et quel!De Sainte-Beuve pour la revue des deux mondes(1839)

« La littérature industrielle.

De loin la littérature d’une époque se dessine aux yeux en masse comme une chose simple ; de près elle se déroule successivement en toutes sortes de diversités et de différences. Elle est en marche ; rien n’est encore accompli. Elle a ses progrès, ses écarts, ses moments d’hésitation ou d’entraînement. Il y a lieu de les noter à l’instant, de signaler les fausses routes, les pentes ruineuses ; ce n’est pas toujours en vain. On fait partie d’ailleurs du gros de la caravane, on s’y intéresse forcément, on en cause autour de soi en toute liberté : il est bon quelquefois d’écrire comme on cause et comme on pense.

C’est un fait que la détresse et le désastre de la librairie en France depuis quelques années ; depuis quelques mois le mal a encore empiré : on y peut voir surtout un grave symptôme. La chose littéraire (à comprendre particulièrement sous ce nom l’ensemble des productions d’imagination et d’art) semble de plus en plus compromise, et par sa faute. Si l’on compte çà et là des exceptions, elles vont comme s’éloignant, s’évanouissant dans un vaste naufrage : rari nantes. La physionomie de l’ensemble domine, le niveau du mauvais gagne et monte. On ne rencontre que de bons esprits qui en sont préoccupés comme d’un débordement. Il semble qu’on n’ait pas affaire à un fâcheux accident, au simple coup de grêle d’une saison moins heureuse, mais à un résultat général tenant à des causes profondes et qui doit plutôt s’augmenter.

Lorsqu’il y a tout à l’heure dix ans, une brusque révolution vint rompre la série d’études et d’idées qui étaient en plein développement, une première et longue anarchie s’ensuivit ; dans cette confusion inévitable, du moins de nouveaux talents se produisirent ; les anciens n’avaient pas péri ; on pouvait espérer dans un ordre renaissant une marche littéraire satisfaisante au cœur et glorieuse. Mais voilà qu’en littérature, comme en politique, à mesure que les causes extérieures de perturbation ont cessé, les symptômes intérieurs et de désorganisation profonde se sont mieux laissé voir. Je m’en tiendrai ici à la littérature.

Sous la restauration on écrivait sans doute beaucoup et de toute manière. A côté de quelques vrais monuments, on produisait une foule d’ouvrages plus ou moins secondaires, surtout politiques, historiques. L’imagination n’était guère encore en éveil que chez les talents d’élite. A cette quantité d’autres écrits de circonstance et de combat, une idée morale, une apparence de patriotisme, un drapeau donnait une sorte de noblesse et recouvrait aux yeux du public, aux yeux des auteurs et compilateurs eux-mêmes, le mobile plus secret. Depuis la restauration et au moment où elle a croulé, ces idées morales et politiques se sont, chez la plupart, subitement abattues ; le drapeau a cessé de flotter sur toute une cargaison d’ouvrages qu’il honorait et dont il couvrait, comme on dit, la marchandise. La grande masse de la littérature, tout ce fonds libre et flottant qu’on désigne un peu vaguement sous ce nom, n’a plus senti au dedans et n’a plus accusé au dehors que les mobiles réels, à savoir une émulation effrénée des amours-propres, et un besoin pressant de vivre : la littérature industrielle s’est de plus en plus démasquée.

Pour ne pas s’effrayer du mot, pour mieux combattre la chose, il s’agit d’abord de ne se rien exagérer. De tout temps, la littérature industrielle a existé. Depuis qu’on imprime surtout, on a écrit pour vivre, et la majeure partie des livres imprimés est due sans doute à ce mobile si respectable. Combinée avec les passions et les croyances d’un chacun, avec le talent naturel, la pauvreté a engendré sa part, même des plus nobles œuvres, et de celles qui ont l’air le plus désintéressé. Paupertas impulit audax, nous dit Horace, et Le Sage écrivait Gil Blas pour le libraire. En général pourtant, surtout en France, dans le cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, des idées de libéralité et de désintéressement s’étaient à bon droit attachées aux belles œuvres.

Je sais qu’un noble esprit peut, sans honte et sans crime,
Tirer de son travail un tribut légitime,

disait Boileau, en faveur de Racine, et c’était une manière de concession. Lui-même, Boileau, faisait cadeau de ses vers à Barbin et ne les vendait pas. Dans tous ces monuments majestueux et diversement continus, des Bossuet, des Fénelon, des La Bruyère, dans ceux de Montesquieu ou de Buffon, on n’aperçoit pas de porte qui mène à l’arrière-boutique du libraire. Voltaire s’enrichissait plutôt encore à l’aide de spéculations étrangères que par ses livres qu’il ne négligeait pourtant pas. Diderot, nécessiteux, donnait son travail plus volontiers qu’il ne le vendait. Bernardin de Saint-Pierre offrit l’un des premiers le triste spectacle d’un talent élevé, idéal et poétique, en chicane avec les libraires. Beaumarchais, le grand corrupteur, commença à spéculer avec génie sur les éditions et à combiner du Law dans l’écrivain. Mais, en général, la dignité des lettres subsistait, recouvrait toute cette partie matérielle secondaire, et maintenait le préjugé honorable dans lequel on nous secoue si violemment aujourd’hui. Sous l’empire, relativement, on écrivit peu ; sous la restauration, en écrivant beaucoup, on garda, je l’ai dit, de nobles enseignes. Il est donc arrivé qu’au sortir de nos habitudes généreuses ou spécieuses de la restauration, et avec notre fonds de préjugés un peu délicats en cette matière, aujourd’hui que la littérature purement industrielle s’affiche crûment, la chose nous semble beaucoup plus nouvelle qu’elle ne l’est en effet : il est vrai que le manifeste des prétentions et la menace d’envahissement n’ont jamais été plus au comble.

Ce qui la caractérise en ce moment cette littérature, et la rend un phénomène tout-à-fait propre à ce temps-ci, c’est la naïveté et souvent l’audace de sa requête, d’être nécessiteuse et de passer en demande toutes les bornes du nécessaire, de se mêler avec une passion effrénée de la gloire ou plutôt de la célébrité ; de s’amalgamer intimement avec l’orgueil littéraire, de se donner à lui pour mesure et de le prendre pour mesure lui-même dans l’émulation de leurs exigences accumulées ; c’est de se rencontrer là où on la supposerait et où on l’excuse le moins, dans les branches les plus fleuries de l’imagination, dans celles qui sembleraient tenir aux parties les plus délicates et les plus fines du talent.

Chaque époque a sa folie et son ridicule ; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies ; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps ; l’art pur a eu son culte, sa mysticité ; mais voici que le masque change ; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire. Chacun s’exagérant son importance, se met à évaluer son propre génie en sommes rondes ; le jet de chaque orgueil retombe en pluie d’or. Cela va aisément à des millions, l’on ne rougit pas de les étaler et de les mendier. Avec plus d’un illustre, le discours ne sort plus de là : c’est un cri de misère en style de haute banque et avec accompagnement d’espèces sonnantes. Marot, tendant la main au Roy pour avoir cent escus dans quelque joli dizain, y. mettait moins de façon et plus de grace [1].

Sur ce point comme sur presque tous les autres qui touchent à la littérature, il ne s’élève pourtant aucun blâme, aucun rire haut et franc : la police extérieure ne se fait plus. La littérature industrielle est arrivée à supprimer la critique et à occuper la place à peu près sans contradiction et comme si elle existait seule. Sans doute pour qui considère les productions de l’époque d’un coup d’œil complet, il y a d’autres littératures coexistantes et qui ne cessent de pousser de sérieux et honorables travaux : par exemple la littérature qu’on peut appeler d’Académie des Inscriptions et qui reste fidèle à sa mission de critique et de recherche en y portant un redoublement d’activité et en y introduisant quelque jeunesse ; il y a encore la littérature qu’on peut appeler d’Université, confinant à l’autre, et qui par des enseignements, par des thèses qui deviennent des ouvrages, est dès long-temps sortie de la routine sans perdre la tradition. Mais, il faut le dire, avec toute l’estime qu’inspirent de semblables travaux, l’entière gloire littéraire d’une nation n’est pas là ; une certaine vie même, libre et hardie, chercha toujours aventure hors de ces enceintes : c’est dans le grand champ du dehors que l’imagination a toutes chances de se déployer. Or, ce champ libre qui a formé jusqu’ici le principal honneur de la France, qu’en a-t-on fait ? Sa condition d’être commun et ouvert à tous l’a sans doute, à chaque époque, laissé en proie à tous les hasards des esprits. Les différentes formes du mauvais goût, les modes bigarrées, les bruyantes écoles y ont passé ; les fausses couleurs y ont fait torrent. Ce champ, en un mot, a, été de tous temps infesté par des bandes ; mais jamais il ne lui arriva d’être envahi, exploité, réclamé à titre de juste possession, par une bande si nombreuse, si disparate et presque organisée comme nous le voyons, aujourd’hui, et avec cette seule devise inscrite au drapeau Vivre en écrivant. Dédain ou intimidation, on se tait et cela gagne ; des esprits sérieux et qui honorent l’époque, renfermés dans leurs vocations spéciales, gardent le silence sur des excès qu’ils ne sauraient comment qualifier. Cependant de grands et hauts talents, obsédés ou aveuglés, cèdent au torrent et y poussent, imitent et encouragent les déportements dont ils croient pouvoir toujours se tirer eux-mêmes sans déshonneur. Quelques plumes sages protestent çà et là, à la sourdine ; mais la digue n’est nulle part. La connivence éteint tout cri d’alarme. On en est réduit (le croirait-on ?) sur certaines questions courantes et vives, à n’avoir plus pour sentinelle hardie que l’esprit et le caprice de M. Janin, qui dit ce matin-là avec un bon sens sonore ce que chacun pense. Jamais on n’a mieux senti, au sein de la littérature usuelle et de la critique active, le manque de tant d’écrivains spirituels, instruits, consciencieux, qui avaient pris un si beau rôle dans les dernières années de la restauration, et qui, au moment de la révolution de juillet, en passant brusquement à la politique, ont fait véritablement défection à la littérature. Quelque hauts services que puissent penser avoir rendus à leur cause les anciens écrivains du Globe devenus députés, conseillers d’état et ministres, je suis persuadé qu’en y réfléchissant, quelques-uns au moins d’entre eux se représentent dans un regret tacite les autres services croissants qu’ils auraient pu rendre, avec non moins d’éclat, à une cause qui est celle de la société aussi : il leur suffisait d’oser durer sous leur première forme, de maintenir leur tribune philosophique et littéraire, en continuant, par quelques-unes de leurs plumes, d’y pratiquer leur mission de critique élevée et vigilante ; aux temps de calme, l’autorité se serait retrouvée. Leur brusque retraite a fait lacune, et, par cet entier déplacement de forces, il y a eu, on peut l’affirmer, solution de continuité en littérature plus qu’en politique entre le régime d’après juillet et le régime d’auparavant. Les talents nouveaux et les jeunes espoirs n’ont plus trouvé de groupe déjà formé et expérimenté auquel ils se pussent rallier ; chacun a cherché fortune et a frayé sa voie au hasard ; plusieurs ont dérivé vers des systèmes tout-à-fait excentriques, les seuls pourtant qui offrissent quelque corps tant soit peu imposant de doctrine. Beaucoup, en restant dans le milieu commun, exposés à cette atmosphère cholérique et embrasée, sur ce sol peu sûr, en proie à toutes les causes d’excitation et de corruption, ont été plus ou moins gâtés, et n’ont plus su ce que c’était que de l’être. De là, une littérature à physionomie jusqu’à présent inouïe dans son ensemble, active, effervescente, ambitieuse, osant tout, menant les passions les plus raffinées de la civilisation avec le sans-façon effréné de l’état de nature ; perdant un premier enjeu de générosité et de talent dans des gouffres d’égoïsme et de cupidité qui s’élargissent en s’enorgueillissant ; et, au milieu de ses prétentions, de ses animosités intestines, n’ayant pu trouver jusqu’ici d’apparence d’unité que dans des ligues momentanées d’intérêts et d’amours-propres, dans de pures coalitions qui violent le premier mot de toute morale harmonie.

Je n’exagère pas. En province, à Paris même, si l’on n’y est pas plus ou moins mêlé, on ignore ce que c’est au fond que la presse, ce bruyant rendez-vous, ce poudreux boulevart de la littérature du jour, mais qui a, dans chaque allée, ses passages secrets. En parlant de la presse, je sais quelles exceptions il convient de faire ; politiquement j’en pourrais surtout noter ; mais littérairement, il y en a très peu à reconnaître. La moindre importance qu’on attache probablement à une branche réputée accessoire a fait que sur ce point on a laissé aller les choses. Il en est résulté dans la plupart des journaux, chez quelques-uns même de ceux qui passeraient volontiers pour puritains, un ensemble d’abus et une organisation purement mercantile qui fomente la plaie littéraire d’alentour et qui en dépend.

Une première restriction est pourtant à poser dans le blâme. Il faut bien se résigner aux habitudes nouvelles, à l’invasion de la démocratie littéraire comme à l’avènement de toutes les autres démocraties. Peu importe que cela semble plus criant en littérature. Ce sera de moins en moins un trait distinctif que d’écrire et de faire imprimer. Avec nos mœurs électorales, industrielles, tout le monde, une fois au moins dans sa vie, aura eu sa page, son discours, son prospectus, son toast, sera auteur. De là à faire un feuilleton, il n’y a qu’un pas. Pourquoi pas moi aussi ? se dit chacun. Des aiguillons respectables s’en mêlent. On a une famille, on s’est marié par amour, la femme sous un pseudonyme écrira aussi. Quoi de plus honorable, de plus digne d’intérêt que le travail assidu (fut-il un peu hâtif et lâché) d’un écrivain pauvre, vivant par là et soutenant les siens ? Ces situations sont fréquentes : il y aurait scrupule à les déprécier.

De nos jours, d’ailleurs, qui donc peut se dire qu’il n’écrit pas un peu pour vivre (pro victu), depuis les plus illustres ? Ce mobile va de pair même avec la plus légitime gloire. Pascal, Montaigne, parlant des philosophes qui écrivent contre la gloire, les montrent en contradiction avec eux-mêmes et la désirant. Et moi qui écris ceci, ajoute Pascal… Et moi-même qui écris ceci, doit-on se dire lorsqu’on écrit sur ceux qui écrivent un peu pour vivre.

Mais ces avertissements donnés, ces précautions prises, et profitant de cette audace qu’appuie la nécessité même, et de cette inspiration âpre et libre d’une vie de plus en plus dégagée, on est en position et en droit de dire le vrai comme on l’entend sur un ensemble dont l’impression n’est pas douteuse, dont le résultat révolte et crie de plus en plus. L’état actuel de la presse quotidienne, en ce qui concerne la littérature, est, pour trancher le mot, désastreux. Aucune idée morale n’étant en balance, il est arrivé qu’une suite de circonstances matérielles a graduellement altéré la pensée et en a dénaturé l’expression. Et, par exemple, M. de Martignac a légué, sans s’en douter, un germe de mort aux journaux par sa loi de juillet 1828, loi plus libérale, mais qui, en rendant à certains égards les publications quotidiennes ou périodiques plus accessibles à tous, les greva de certaines conditions pécuniaires comme contre-poids, et qui, en les allégeant à l’endroit de la police et de la politique, accrut en leur sein la charge industrielle. Pour subvenir aux frais nouveaux, que ferons-nous ? disaient les journaux. — Eh bien ! vous ferez des annonces, leur répondait-on. Les journaux s’élargirent ; l’annonce naquit, modeste encore pendant quelque temps ; mais ce fut l’enfance de Gargantua, et elle passa vite aux prodiges. Les conséquences de l’annonce furent rapides et infinies. On eut beau vouloir séparer dans le journal ce qui restait consciencieux et libre, de ce qui devenait public et vénal : la limite du filet fut bientôt franchie. La réclame [2] servit de pont. Comment condamner à deux doigts de distance, qualifier détestable et funeste ce qui se proclamait et s’affichait deux doigts plus bas comme la merveille de l’époque ? L’attraction des majuscules croissantes de l’annonce l’emporta : ce fut une montagne d’aimant qui fit mentir la boussole. Afin d’avoir en caisse le profit de l’annonce, on eut de la complaisance pour les livres annoncés ; la critique y perdit son crédit. Qu’importe ! l’annonce n’était-elle pas la partie la plus productive et la plus nette de l’entreprise ? Des journaux parurent, uniquement fondés sur le produit présumé de l’annonce : alors surtout la complaisance fut forcée ; toute indépendance et toute réserve cessèrent.

Cette malheureuse annonce n’a pas eu suie influence moins fatale sur la librairie ; pour sa bonne part, elle a contribué à la tuer. Comment ? L’annonce constitue, après l’impression, un redoublement de frais qu’il faut prélever sur la première vente, avant d’atteindre aucun profit ; mille francs d’annonces pour un ouvrage nouveau ; aussi, à partir de là, les libraires ont-ils impitoyablement exigé des auteurs deux volumes au lieu d’un, et des volumes in-8° au lieu d’un format moindre ; car cela ne coûte pas plus à annoncer, et, les frais d’annonce restant les mêmes, la vente du moins est double et répare. De cascades en cascades, je n’aurais pas de si tôt fini sur l’annonce, qui demanderait toute une histoire : Swift, d’une encre amère, l’aurait tracée.

La situation des journaux a notablement empiré depuis l’introduction de la presse dite à quarante francs : je ne m’attache à juger que du contre-coup moral. Le personnage trop célèbre et d’une capacité aussi incontestable que malheureusement dirigée, qui a eu cette idée hardie, prétendait tuer ce qu’on appelait le monopole de quelques grands journaux ; mais il n’a fait que mettre tout le monde et lui-même dans des conditions plus ou moins illusoires, et où il devient de plus en plus difficile, à ne parler même que de la littérature, de se tirer d’affaire avec vérité, avec franchise. Les journaux, par cette baisse de prix, par cet élargissement de format, sont devenus de plus en plus tributaires de l’annonce : elle a perdu son reste de pudeur, si elle en avait. Maintenant, quand on lit dans un grand journal l’éloge d’un livre, et quand le nom du critique n’offre pas une garantie absolue, on n’est jamais très sûr que le libraire ou même l’auteur (si par grand hasard l’auteur est riche) n’y trempent pas un peu. Il est très fâcheux qu’à l’origine de cette espèce d’invasion de la presse dite à quarante francs, les conséquences morales et littéraires n’en aient pas été présentées avec vigueur et netteté par quelqu’une des plumes alors en crédit. Une voix pourtant, celle de Carrel, avait commencé à s’élever, quand elle s’est tue. Les autres journaux étaient trop intéressés sans doute dans la question, et le Vous êtes orfèvre, eût diminué l’autorité de leur résistance. Malgré cette défaveur de position, certains faits auraient pu ressortir avec évidence et certitude. Je crois, par exemple, que ç’a été une faute au Journal des Débats, resté après tout à la tête de la littérature quotidienne, d’obéir en cette crise à son système de prudence, et de ne pas protester tout haut. Mais comment alors, dans le gouvernement, des hommes d’état sérieux et vertueux ont-ils pu prêter appui à la légère, et dans des vues toutes momentanées, à des opérations qui n’ont jamais présenté aucune chance de succès légitime et qui entraînaient visiblement à une corruption immédiate ? Ce qui est certain (et en réduisant toujours notre point de vue), c’est que la moralité littéraire de la presse en général a baissé depuis lors d’un cran. Si l’on peignait au complet le détail de ces mœurs, on ne le croirait pas. M. de Balzac a rassemblé, dernièrement, beaucoup de ces vilainies dans un roman qui a pour titre un Grand Homme de Province, mais en les enveloppant de son fantastique ordinaire : comme dernier trait qu’il a omis, toutes ces révélations curieuses ne l’ont pas brouillé avec les gens en question, dès que leurs intérêts sont redevenus communs.

Au théâtre, les mêmes plaies se retrouveraient ; les mœurs ouvertement industrielles y tiennent une place plus évidente encore. Il en fut ainsi de tout temps : mais, dans une histoire du théâtre depuis dix ans, on suivrait le contre-coup croissant et désordonné de ce mauvais régime littéraire. L’exigence des auteurs en vogue augmente et souvent ne ressemble pas mal à de la voracité. Pour se les attacher on a, par exemple, l’appât des primes : aussitôt une pièce de l’un d’eux lue et reçue, une somme est donnée, cinq mille francs, je crois, si la pièce a cinq actes. Quand la pièce réussit, quand les engagements se tiennent avec quelque fidélité, tout va au mieux, mais l’ordinaire n’est pas là. Les théâtres s’en tirent parfois pourtant mieux que le reste. Leur plaie réelle a toujours été dans la rareté des bonnes pièces et dans celle des bons sujets, des bons acteurs. Une seule bonne fortune en ce genre répare bien des pertes. Passons.

C’est à la littérature imprimée, à celle d’imagination particulièrement, aux livres auparavant susceptibles de vogue, et de degrés en degrés à presque tous les ouvrages nouveaux, que le mal, dans la forme que nous dénonçons, s’est profondément attaqué. Depuis deux ans surtout, on ne vend plus : la librairie se meurt. On a tant abusé du public, tant mis de papier blanc sous des volumes enflés et surfaits, tant réimprimé du vieux pour du neuf, tant vanté sur tous les tons l’insipide et le plat, que le public est devenu à la lettre comme un cadavre. Les cabinets de lecture achètent à peine. On a vu dernièrement un auteur réclamer tout haut contre l’usage de quelques-uns de ces cabinets qui, pour ne pas se ruiner en doubles achats, découpent dans les journaux et font relier les romans qui paraissent en feuilletons : l’auteur dénonçait avec indignation cette mesure économique : c’est heureux qu’il n’en ait pas déféré au procureur du roi. Mais qu’attendre aussi d’un livre quand il ne fait que ramasser des pages écrites pour fournir le plus de colonnes avec le moins d’idées ? Les journaux s’élargissant, les feuilletons se distendant indéfiniment, l’élasticité des phrases a dû prêter, et l’on a redoublé de vains mots, de descriptions oiseuses, d’épithètes redondantes : le style s’est étiré dans tous ses fils comme les étoffes trop tendues. Il y a des auteurs qui n’écrivent plus leurs romans de feuilletons qu’en dialogue, parce qu’à chaque phrase et quelquefois à chaque mot, il y a du blanc, et que l’on gagne une ligne. Or, savez-vous ce que c’est qu’une ligne ? Une ligne de moins en idée, quand cela revient souvent, c’est une notable épargne de cerveau ; une ligne de plus en compte, c’est une somme parfois fort honnête. Il y a tel écrivain de renom qui exigera (quand il condescend aux journaux) qu’on lui paie deux francs la ligne ou le vers, et qui ajoutera peut-être encore que ce n’est pas autant payé qu’à lord Byron. Voilà qui est savoir au juste la dignité et le prix de la pensée. Il se rencontre des entrepreneurs charlatans qui consentent à ces excès de prétention pour avoir au moins un article et se parer d’un nom : cela se regagne sur l’actionnaire. Des hommes ignorants des lettres, envahissant la librairie et y rêvant des gains chimériques, ont fait taire les calculs sensés et ont favorisé les rêves cupides. Ainsi chacun est allé tout droit dans son égoïsme, coupant l’arbre par la racine. Chacun, en y passant, a effondré le terrain sous ses pas : qu’importe les survenants ? après nous le déluge ! L’écrivain ayant mis son cerveau en coupe réglée, il y a eu des mécomptes, bon an et mal an comme on dit : les livres vendus et payés d’avance n’ont pu toujours être faits. De scandaleux procès ont trop souvent éclairé ces misères. Quoi donc d’étonnant que la librairie, ainsi placée entre toutes les causes de ruine, entre son propre charlatanisme, les exigences des auteurs, les exactions des journaux, et enfin la contrefaçon étrangère, ait succombé ? Car il n’y a plus de librairie en ce moment que celle d’université, de droit, de médecine, de religion, précisément parce qu’en ces branches spéciales elle est restée à peu près soustraite aux diverses atteintes.

J’ai nommé la contrefaçon étrangère, et je l’ai nommée la dernière parce qu’en effet elle ne vient qu’en dernier lieu dans ma pensée, et qu’il y a bien d’autres causes mortelles avant celle-là. Tel ne paraît pas l’avis de beaucoup d’intéressés, et c’est à la contrefaçon étrangère presque uniquement qu’auteurs et éditeurs s’en sont pris dans la dernière crise. Je crois pourtant qu’eux-mêmes les premiers ont fait beau jeu à la contrefaçon belge, qui se fonde avant tout sur le débit de volumes gros de matière et à bon marché [3]. Mais sans prétendre diminuer l’idée du tort immense qu’apporte la contrefaçon extérieure, on n’y peut rien directement : il faudrait là une intervention de gouvernement, une négociation internationale. On fait bien d’appeler et de provoquer l’attention du pouvoir sur ce point ; le pouvoir a fait semblant de s’en occuper, comme il fera toujours désormais de ce qui lui sera déféré avec bruit et grand concert d’intérêts en souffrance : mais tout s’est borné à des démonstrations. Qu’on le pousse toutefois, qu’on le prêche et qu’on l’édifie là-dessus, s’il y a moyen : rien de mieux, et, avec de la constance et quelque cinquante ans de lutte, nos Wilberforce, qui ont comparé la contrefaçon étrangère à la traite des nègres, pourront l’emporter. Mais, encore un coup, il n’y a rien là sur quoi l’on ait prise immédiate, et cela est si vrai que la société récemment fondée à l’occasion même du débat, la Société des Gens de Lettres, après avoir posé le principe général, a dû appliquer son activité vers des détails plus intérieurs.

L’idée première de cette société est due à un écrivain d’esprit, M. Desnoyers, qui a su conserver dans la mêlée la plus active des intentions droites et des habitudes élevées de caractère. Dans ce que je me permettrai de dire de l’association naissante, je m’enquerrai moins de son objet positif et financier que des conséquences littéraires probables et de certains abus (il s’en glisse partout, et surtout dans les corps) qui pourraient s’entrevoir déjà. Rien de plus légitime assurément que des gens de lettres s’associant pour s’entendre de leurs intérêts matériels et s’y éclairer. A défaut de la contrefaçon étrangère qu’on ne peut atteindre, il y a des manières de contrefaçon à l’intérieur, sinon pour les livres, du moins pour les feuilletons : il y a des journaux voleurs qui vous citent et vous copient. Quelques auteurs entichés pourraient s’en trouver purement et simplement flattés ; de plus aguerris et de plus stricts useraient du droit de répression, requérant en justice dommages et intérêts ; le plus sûr et le plus fructueux est d’amener par transaction ces journaux à payer tribut pour leur reproduction, et à s’abonner, en quelque sorte, à vous. Régulariser en un mot ce genre de contrefaçon à l’intérieur, voilà un résultat. Comme l’homme de lettres isolé a peu de force, de loisir, et souvent peu d’entente de ces chicanes, un agent spécial, un comité permanent, veilleront pour lui et plaideront son intérêt. Rien de mieux jusque-là. Il y a toujours à prendre garde cependant de trop aliéner les droits de l’individu dans le pouvoir du comité. Si en traitant, par exemple, avec chaque membre de la société, un éditeur se trouvait avoir affaire à une société plus réellement propriétaire de ses œuvres à quelques égards que lui-même, ce serait un inconvénient, une entrave, une vraie servitude. Si une Revue (pour préciser encore mieux), qui paie un article à un auteur, se trouvait presque aussitôt dépossédée de cet article par quelque journal payant tribut régulier de reproduction à cet auteur, ce serait une piquante façon d’être leurré : on serait contrefait à bout portant, à l’aide de ce qui aurait été fondé précisément contre la contrefaçon. Mais je laisse là ces questions, qui appartiennent au plus subtil du code de commerce ; je ne sais jusqu’où la légalité s’en accommodera ; les tribunaux, mis en demeure de prononcer dans quelques cas, paraissent jusqu’ici peu y condescendre, et les vieux juges, ouvrant de grands yeux, n’y entendent rien du tout. On conçoit cependant, je le répète, une société de gens de lettres s’entendant de leur mieux pour s’assurer le plus grand salaire possible de leurs veilles, si leur force unie se contient dans des termes d’équité et ne va jamais jusqu’à la coaction envers les éditeurs : car il ne faudrait pas tomber ici dans rien qui rappelât les coalitions d’ouvriers ; on a bien crié contre la camaraderie, ceci est déjà du compagnonnage.

Premier résultat moral pourtant. Quelle que soit la légitimité stricte du fond, n’est-il pas triste pour les lettres en général que leur condition matérielle et leur préoccupation besogneuse en viennent à ce degré d’organisation et de publicité ? Je m’étais figuré toujours, pour ce qu’on appelle la propriété littéraire, quelque chose de plus simple. On écrit, on achève un livre ; on traite de la vente avec un libraire ; on remplit ses conditions et lui les siennes ; après quoi l’on rentre dans sa propriété. Si l’on est contrefait en Belgique dans l’intervalle, malheur et honneur ! Le libraire n’est pas d’ailleurs tout-à-fait sans l’avoir prévu. Au lieu d’un livre, est-ce de simples articles qu’on écrit : on traite avec un journal, on remplit mutuellement ses conditions. Si l’on est contrefait, copié par une feuille voleuse, c’est l’affaire du journal de défendre son bien, et de poursuivre, s’il lui plaît. L’auteur reste dans l’ignorance de ce détail et se lave les mains du procès. C’est là sans doute une économie politique bien élémentaire et bien mesquine en fait de propriété littéraire : elle doit faire pitié à bien des illustres ; il y a particulièrement de quoi faire hausser les épaules à plus d’un de nos douze maréchaux de France, comme les appelle le président actuel de la Société des Gens de Lettres dans une lettre récemment publiée [4] ; car un maréchal de France en littérature, c’est un de ces hommes, sachez-le bien, qui offrent à l’exploitation une certaine surface commerciale. .Notre chétive et frugale théorie de propriété littéraire n’a qu’un avantage : tant qu’elle a régné dans les lettres, on n’y jetait pas un éclat de financier aux yeux des passants, on ne les attroupait pas non plus autour de ses misères.

Mais la Société des Gens de Lettres nous paraît recéler d’autres inconvénients littéraires, si elle n’y prend garde. Dans de telles associations, la majorité décide ; et qu’est-ce que la majorité en littérature ? La société s’engage (c’est tout simple) à aider ses membres, à procurer le placement de leurs travaux, à aplanir aux jeunes gens qui en font partie l’entrée dans la carrière. Mais où sont les conditions littéraires et les garanties de l’admission ? Tout le monde peut se dire homme de lettres : c’est le titre de qui n’en a point. Les plus empressés à se donner pour tels ne sont pas les plus dignes. La société songera-t-elle au mérite réel dans l’admission ? peut-elle y songer ? où sera l’expertise ? Dans les compagnonnages des divers métiers, on ne reçoit que des ouvriers faits et sur preuves ; mais, en matière littéraire, qui décidera ? Voilà donc une société qui recevra tous ceux qui s’offriront pour gens de lettres, et qui les aidera, et qui les organisera en force compacte ; et dans toutes les questions, les moindres, les moins éclairés, les moins intéressés à ce qui touche vraiment les lettres, crieront le plus haut, soyez-en sûr. Les bons esprits que renferme l’association ont dû y réfléchir déjà, et par expérience. Que serait-ce qu’une société qui, comprenant la presque totalité des littérateurs du jour à tous les degrés de l’échelle, deviendrait pour eux une espèce d’assurance mutuelle contre la critique et pour la louange ? Je signale un écueil lointain, mais non pas toutefois sans qu’il y ait des signes, avant-coureurs. Ne voit-on pas des journaux, coalisés sur ce point, s’entendre à merveille, au milieu des injures qu’ils se lancent par d’autres endroits ? Le Siècle répétait l’autre jour la lettre du président de la société, et l’empruntait courtoisement à la Presse, en ajoutant, sans rire, que cette lettre soulevait de graves questions. Je crains que le spirituel Charivari n’ait aussi, cette fois, oublié de rire. Les journaux politiquement s’attaquent, s’injurient, se font avanie et guerre : les feuilletons fraternisent. On correspond d’une place à l’autre par le bas, par le rez-de-chaussée, par les caves.

Mais que fais-je en ce moment ? Et n’est-ce pas courir de grands risques que de parler ainsi ? Car un des inconvénients d’une telle société, si encore elle n’y prend garde, ce serait l’intimidation. Quand on se croit la force en main, on en abuse aisément. L’autre jour, il est arrivé à une personne de notre connaissance, à l’ancien gérant de cette Revue, d’être accusé d’un mot inouï : il se serait plaint, en plaisantant, d’avoir affaire à deux sortes de gens les plus indisciplinables du monde, les comédiens et les gens de lettres. Le propos eût été leste, et je ne puis croire que M. Buloz l’ait tenu. Quoi qu’il en soit, une note se trouva insérée dans deux ou trois journaux, dans ceux-là même qui s’attaquent tous les matins en politique, mais qui s’entendent si cordialement en littérature, note qui avait une tournure vraiment officielle, et qui relatait qu’à la nouvelle du propos scandaleux, le comité de l’association s’était transporté chez le mauvais plaisant pour recevoir son désaveu formel. On a inséré tout cela sans rire. Il n’est donc peut-être plus permis de dire que les gens de lettres sont, non pas indisciplinables, mais trop disciplinés, et que la coalition en ce sens aurait d’étranges conséquences. Il y a peut-être, à l’heure qu’il est, des personnes qui se croient les représentants uniques et jurés de la littérature française, prêts à vous demander compte des bons ou méchants mots, et à vous citer par-devant eux pour la plus grande dignité de l’ordre. Ce serait une liberté de plus que nous aurions conquise, et semblable à beaucoup d’autres, en ce siècle de liberté : Boileau le satirique et le portraitiste La Bruyère auraient eu meilleure condition en leur temps. Au reste, nous parlons d’autant plus à l’aise de cette Société des Gens de Lettres, que, le grand nombre nous en étant parfaitement inconnu, une portion suffisante du moins nous semble offrir, par les noms, toute sorte de garanties. Nous sommes persuadé qu’une quantité de membres sont de notre avis au fond, et qu’ils sauront, au besoin, résister aux tentatives d’envahissement immodéré. S’il faut quelque audace pour cela, ils l’auront. Comment n’en serions-nous pas persuadé, quand, pour citer un illustre exemple, nous trouvons que le membre qui a le premier présidé la société est M. Villemain ? Je ne puis m’ôter de la pensée que le spirituel académicien n’avait accepté cette charge que pour avoir occasion, avec ce bon goût qui ne l’abandonne jamais et avec ce courage d’esprit dont il a donné tant de preuves dans toutes les circonstances décisives, de rappeler et de maintenir devant cette démocratie littéraire les vrais principes de l’indépendance et du goût. Il est dommage que d’autres fonctions suprêmes l’aient enlevé avant qu’il ait pu exprimer ce qui dans sa bouche aurait eu une autorité charmante. Mais tant que cette espèce de courage ne manquera pas aux hommes de talent haut placés, il y aura de la ressource contre le mal.

M. de Balzac, qui a été nommé président à l’unanimité en remplacement de M. Villemain, aidera peut-être au même résultat par des moyens contraires. Homme d’imagination et de fantaisie, il la porte trop aisément en des sujets qui en sont peu susceptibles, et il pousse, sans y songer, à des conséquences fabuleuses dont chaque œil peut redresser de lui-même l’illusion. Sa lettre sur la propriété littéraire que nous avons déjà indiquée, est faite par ce genre d’excès pour remettre les choses au vrai point de vue : elle ne tend à rien moins qu’à proposer au gouvernement d’acheter les œuvres des dix ou douze maréchaux de France, à commencer par celles de l’auteur lui-même qui s’évalue à deux millions, si j’ai bien compris. Vous imaginez-vous le gouvernement désintéressant l’auteur de la Physiologie du Mariage afin de la mieux répandre, et débitant les Contes drolatiques comme on vend du papier timbré ? Des conséquences, si drolatiques sont très propres à faire rentrer en lui-même le démon de la propriété littéraire, dont. M. de Balzac n’a peut-être voulu, après tout, que se moquer agréablement.

Non ; quel que soit à chaque crise son redoublement d’espérance et d’audace, la littérature industrielle ne triomphera pas ; elle n’organisera rien de grand ni de fécond pour les lettres, parce que l’inspiration n’est pas là. Déjà en deux ou trois circonstances notables, depuis plusieurs années, elle a échoué fastueusement. Elle avait rallié des noms, des plumes célèbres, sans lien vrai ; elle les a compromises, décréditées plutôt en détail, sans en rien tirer de collectif ni de puissant. Déjà on l’a vue à l’œuvre dans cette entreprise, gigantesque qui s’intitulait l’Europe littéraire, une autre fois dans la Chronique de Paris renouvelée, une autre fois et plus récemment dans la presse à quarante francs. Au théâtre, elle a eu à sa dévotion la scène de la Renaissance : qu’en a-t-elle fait ? Grace aux promptes rivalités, aux défections, aux exigences, cet instrument dérouté se réfugie dans la musique et se sauve, comme il peut, par des traductions d’opéra italien. Le drame industriel a eu, à d’autres moments, d’autres théâtres encore, la porte Saint-Martin, l’Odéon, les Français même, qui, pour n’en pas subir les conditions ruineuses, ont dû bientôt l’éloigner ou ne s’y ouvrir qu’avec précaution. Cette littérature en un mot, qu’on est fâché d’avoir tant de fois à nommer industrielle quand on sait quels noms s’y trouvent mêlés, a eu le vouloir et les instruments d’innovation, les capitaux et les talents, elle a toujours tout gaspillé : l’idée morale était absente, même la moindre ; la cupidité égoïste d’un chacun portait bientôt ruine à l’ensemble.

Pourtant, à chaque reprise de tentative, c’est pour tous ceux qui aiment encore profondément les lettres le moment de veiller. De nos jours le bas fond remonte sans cesse, et devient vite le niveau commun, le reste s’écroulant ou s’abaissant. Le mal sans doute ne date pas d’aujourd’hui ; mais tout est dans la mesure, et aujourd’hui on la comble. Les ressources sont grandes, mais elles tournent aisément en sens contraire si on ne les rallie. Entrez dans les bibliothèques : quelle émulation ardente ! que de jeunes gens étudient, et dans une bonne direction, ce semble ! Mais qu’il faut peu de chose à travers ces nobles efforts pour les faire dévier et avorter ! Il est donc urgent que tous les hommes honnêtes se tiennent, chacun d’abord dans sa propre dignité (on le peut toujours), et entre eux, autant qu’il se pourra et quel que soit le point de départ, par des convenances fidèles et une intelligence sympathique. C’est le cas surtout de retrouver le courage d’esprit et de savoir braver. Que cette littérature industrielle existe, mais qu’elle rentre dans son lit et ne le creuse qu’avec lenteur : il ne tend que trop naturellement à s’agrandir. Pour conclure : deux littératures coexistent dans une proportion bien inégale et coexisteront de plus en plus, mêlées entre elles comme le bien et le mal en ce monde, confondues jusqu’au jour du jugement : tâchons d’avancer et de mûrir ce jugement en dégageant la bonne et en limitant l’autre avec fermeté. »

SAINTE-BEUVE.

↑ Plaise au Roy ne refuser point

Ou donner, lequel qu’il voudra,
A Marot cent escus apoinct,
Et il promet qu’en son pourpoint
Pour les garder ne les coudra…

Je conseille de relire les dizains charmans au Roy de Navarre :

Mon second Roy, j’ay une haquenée, etc. ;

et à la Royne de Navarre :

Mes créanciers, qui de dizains n’ont cure, etc.

Dans l’épître au Roy pour avoir esté desrobé, il épuise tous les tours et toutes les gentillesses de la requête ; il ne ressemble pas à tant de gens insatiables, dit-il, il ne veut plus rien demander :

Mais je commence à devenir honteux
Et ne veux plus à vos dons m’arrester ;
Je ne dy pas, si voulez rien prester,
Que ne le prenne
Et avez-vous, Sire, comment je paye ?
Je vous feray une belle cédule
A vous payer (sans usure s’entend)
Quand on verra tout le monde content ;

Grave, je dis ! Grave je vous le dit: à

Cet article de Sainte Beuve intéresse t il un contemporain hors maison de retraite pour enseignants solitaires ? J’en doute : interrogez vos enfants !

TKT dit: à

J’ai aussi cet essai édité en 1976 par A.-G. Nizet à Paris.
P.-E. Robert
« Marcel Proust Lecteur des Anglos-Saxons »
Quelques uns des auteurs cités dans cet essai:
Thomas Carlyle
Charles Dickens
George Eliot
Ralf waldo Emerson
Thomas Hardy
Henry James
Rudyard Kipling
Edgar Allan Poe
John Ruskin
W. Shakespeare
Laurence Sterne
Thackeray
Thoreau
H.-G. Wells
Oscar Wilde
Il y aurait aussi un article de J.M. Cocking paru le 27.08.1953: English influences on Proust.

Henry James et John Ruskin sont peut-être dans cette liste les deux auteurs les plus proches de Proust. Le premier par ses études sur le monde de la bourgeoisie américaine et le deuxième, car Marcel Proust après avoir faire traduire de textes en anglais par sa propre mère, joua l’ « editor » de sa maman.

Lire aussi sur la judéïté de Marcel Proust, le livre de Jean Recanati « Profils Juifs de Marcel Proust » Buchet/Castel 1979

Chaloux dit: à

Grave, je dis ! Grave je vous le dit: 2 mars 2013 à 13 h 44 min

Ils ne seront peut-être pas tous esclaves techniques…

John Brown dit: à

On peut se demander si Sainte-Beuve, qui se percevait pourtant comme un Romantique, ou tout au moins comme un compagnon de route des Romantiques, a aimé le Romantisme. A ma connaissance, il n’a pas laissé de texte sur le Romantisme en tant que mouvement et n’a pas réfléchi sur sa nature spécifique, comme l’avait fait Stendhal ou comme le fera Baudelaire. Je le vois plutôt comme un classique égaré et mal à l’aise dans le mouvement romantique. Il est manifestement soulagé, quand le retour du réalisme,dans la peinture de Courbet, dans le roman flaubertien, lui proposent des formes d’art qui conviennent mieux à son tempérament.

Jacques Barozzi dit: à

Cet article, Grave de Grave, il parle de l’état de la librairie aujourd’hui !

TKT dit: à

Jacques Barozzi, la différence entre Sainte-Beuve et le Jambrun (jambon brun), à l’époque de Sainte-Beuve les moustaches dressées au fer chaud, pommadées, n’étaient pas encore ridicules.

Jacques Barozzi dit: à

Ah, l’admirable Compagne de Buchner, M. Court !

Vous auriez pu aussi citer Un autome chez Diderot, ou le récent et plus intimiste Emotion praguoise !

Grave, je dis ! Grave je vous le dit: à

Vivant au pssé, mort au présent.

Jacques Barozzi dit: à

Automne, bien sûr !

Jacques Barozzi dit: à

Probablement que quelque chose n’est pas bien passé dans votre histoire personnelle, Grave de Grave ?

Bloom dit: à

Très juste, C.P.: Saint James Juice n’en était pas, bien qu’il fut à Paris au même moment. Accablé par la folie de sa fille Lucia, il était au désespoir. Il s’était éveillé du cauchemar de l’histoire pour plonger dans celui de la psychose familiale et de ses implications personnelles… Je crois me souvenir qu’il avait écrit en français à un ami ‘Je suis bien triste’. L’époque était bien à la tristesse pour les plus clairvoyants…Il parlait de la folie de sa fille cmme d’une prescience…Mirages du volontarisme?
C’est en parcourant Le Siècle des intellectuels de Michel Winock en vue de la rédaction d’un article sur Camus pour la presse d’ici que je suis tombé sur le chapitre consacré à ce fameux congrès – de quoi vous donner le cafard effectivement. Illustration de la célèbre maxime de Benjamin: toute oeuvre de civilisation est également une oeuvre de barbarie… On pense à la pensée complexe du « à la fois…et’ de l’admirable Edgar Morin, et à la pensée orientale…

Irina Palm dit: à

« . . . l’expérience du sexe est escamotée. »

Le problème de la sexualité, c’est moins de réunir des personnes que de résoudre pour chacun l’unification des contraires entre instinct naturel et bagage culturel.

C.P. dit: à

Marc Court, pour Flaubert, c’est juste. Qu’est-ce donc qui a fait Sainte-Beuve si réticent à Balzac ?
Sur Molière : j’avais signalé le début de « Une soirée perdue » de Musset, vous savez bien pourquoi. Je vous lis avec attention, et il est vrai qu’une époque se fait « son Molière » et que Sainte-Beuve reste là-dessus assez sage. Mais Mauvaise Langue n’avait pas tort de relever des extravagants, et moi je pense par exemple à ce qui attend à Paris Monsieur de Pourceaugnac, ou à « La Comtesse d’Escarbagnas ». Vrai aussi que « George Dandin/Le Mari confondu « , -le personnage et la pièce-, ont été interprétés encore de manière bien sombre depuis une trentaine d’années.

C.P. dit: à

John Brown, oui, il y a de cela. C’est pourquoi j’avais parlé de la crainte de Sainte-Beuve de tomber en même temps que…

« Qu’on ne croie pas qu’en indiquant les fautes et les chutes de tous, Lamennais, Hugo, Lamartine, je m’estime tout bas meilleur et que je m’applaudisse de faire exception. Hélas ! leur ruine est la nôtre, comme leur triomphe eût été le mien. Ma sagacité de critique était liée à leur destinée de poètes fidèles et d’écrivains révérés. Le meilleur de mes fonds était embarqué à bord de leurs renommées et je péris pour ma part dans leur naufrage. »

MES POISONS, « Jugements divers » (1848)

Diagonal dit: à

1 – (humour) A quand un « Avant Sainte Beuve » post Donatien Grau, par un Pierre Bayard ?

2 – (gain de sel) Avec ce nouveau billet de la RDL, on est prié d’assister aux débuts de la fin de « l’immarcescible doxa » des « glosateurs de Proust » qui auraient, semble-t-il, « terrorisé des générations de biographes » !… Eh bé, rien que ça !
On aimerait, à titre de saine curiosité, connaître plus de détails sur les membres de ladite doxa… Mais à supposer que la RDL nous en éclaire, on s’apercevrait assez vite qu’il n’y en a jamais eue d’homogène, ni de consistante, ni même de réelle. Pour ma part, ayant assez perdu de temps pour la chercher un moment, je ne l’ai jamais rencontrée, faute sans doute d’avoir toujours préféré lire le texte original de LR aux interprétations des prétendus biographes de son auteur qui nous ont toujours indifféré, comme nous indiffère un B. Lahire « objectivant » un Kafka, alors que son enjeu n’est comme tous les autres que de s’objectiver lui-même en un Kafka qu’il ne sera jamais.
Il me semble d’ailleurs assez clair que pour le monde moyennement cultivé en matière de proustisme, où je me flatte de me ranger, personne de mon entourage n’a jamais été dupe de la prétendue canonisation du « contre Sainte-Beuve » par la Pléiade, en dehors de ceux -et ils sont nombreux à vouloir briller dans les diners en ville-, qui ont parfois tendance à confondre la bible avec son support de papier… Sans compter tous les gogos qui vont s’empresser d’aller faire croire qu’ils auront lu Gau (après avoir seulement lu du Passoul)sans avoir jamais lu Sainte-Beuve ni n’avoir même jamais entendu causer de cette « grande religieuse »…, comme on le voit souvent dans les copies des étudiants de Science Po prép’ENA.

Sergio dit: à

Les dîners en ville c’est surtout Paris, non ? Les autres endroits c’est que des éboulis…

Sergio dit: à

Bon c’est absolument létal, cette nouvelle fonte, on voit mais alors rien sauf à prendre un monocle comme Saint-Loup ou alors le général de Froberville…

Eliza Minsky dit: à

Par contre les titres en gras ça on peut plus les rater.

renato dit: à

« objectivant » un Kafka

Ce qui est grotesque car Kafka est déjà objectivé par Kafka lui-même…

Afflelou le Foufou dit: à

Ne changez pas la police de caractères : c’est excellent pour mes affaires.

C.P. dit: à

Sergio, je l’ai dit hier, sûrement de façon naïve : avec le zoom avant, on arrive à agrandir, mais ça ne tient pas au retour suivant et il faut recommencer. Pourquoi ?

D. dit: à

@17.58, nous sommes donc bien d’accord.

Sergio dit: à

C.P. dit: 2 mars 2013 à 18 h 34 min

avec le zoom avant, on arrive à agrandir, mais ça ne tient pas au retour suivant et il faut recommencer. Pourquoi ?

Tu as bien de la chance, au moins tu fais ce que tu veux à chaque fois. Moi j’ai Chromium sous Debian, évidemment c’est ultra-moderne donc c’est pire que la Carlingue ça retient tout ce qu’on a pensé voulu souhaité il y a deux siècles, si on était bourré ou pas en entrant dans la Kommandantur, même le fisc c’est des dames patronnesses à côté…

Sinon à tout hasard farfouille dans les paramètres de ton navigateur voir s’il y a une option pour retenir les zooms par site, comme cela le fait chez moi comme des forcenés.

En attendant la fonte d’avant elle était belle idoine ad hoc, et voilà bim ! Sic transit…

DHH dit: à

Contrairement à la plupart de ceux qui viennent sur ce blog je n’avais jamais lu Contre Sainte-Beuve
Ce billet m’en a donné l’envie ;j’en suis au premier chapitre et j’y découvre avec intérêt un Proust essayant d’expliquer ce qu’est son experience de la mémoire involontaire, thème qui restera le cliche attaché à son œuvre et dont parleront même ceux qui sans l’avoir lu voudront faire croire qu’ils l’ont lu .
Plus à l’aise pour être théoricien et développer son analyse dans un essai que dans le roman, où le thème apparaîtra de maniere retravaillée et epurée ,il insiste surtout sur le fait que l’intelligence n’a rien à faire dans ce processus ;
Et surtout il nous livre les trois moments déclencheurs de mémoire involontaire qu’on trouvera dans la Recherche ,la madeleine ,le pave à écho venitien,et le tintement du couvert ;sauf que dans son texte la Madeleine est encore une biscotte et tante Leonie son grand-père,….mais le the est déjà là….
Le rapprochement des deux versions est-il une leçon d’autofiction ?

Jacques Barozzi dit: à

« Ma sagacité de critique était liée à leur destinée de poètes fidèles et d’écrivains révérés. Le meilleur de mes fonds était embarqué à bord de leurs renommées et je péris pour ma part dans leur naufrage. »

Il se prenait pas pour une merde, le Sainte-Beuve, C.P. !
En gros, il nous dit : Il y avait Lamennais, Hugo, Lamartine et MOI.

Jacques Barozzi dit: à

C’est pourquoi les textes autres que ceux de la Recherche… nous intéressent, DHH, car tout ce qui la précède dans l’oeuvre de Proust y conduit : c’est un Grand Tout !

Jacques Barozzi dit: à

Parce qu’avant tout Proust est un poète en prose, une prose poétique pas mal cérébrale, en digne fils d’un père grand chirurgien : il ausculte au scalpel l’esprit humain, mais en musique et sur un air de Vinteuil !

christiane dit: à

CP,
il faut, après avoir placé votre marqueur(souris) sur le texte, appuyer sur la touche ctrl. Pendant que vous la maintenez enfoncée avec un doigt de la main gauche, vous faites rouler la petite roue de la souris avec un doigt de la main droite. Et là, banco ! Les caractères du texte suivent votre désir, enflent ou se réduisent. Quand vous êtes heureux (texte bien lisible) vous relâchez la pression et votre texte (par exemple RDL) se présentera toujours accordé à votre réglage. Il suffira de renouveler l’opération si vous voulez changer la taille des caractères. C’est très très pratique et confortable !

C.P. dit: à

DHH, plaisir à vous lire ! Tel qu’il est organisé (la présentation de Bernard de Fallois pour Idées / nrf est prudente et bonne), cet « atelier » qu’est le CSB est frappant en ce qu’il encadre d’ébauches les quatre sections concernant la critique à proprement parler… et Sainte-Beuve (transition avec « Le Balzac de Monsieur de Guermantes »). Votre question subsistera, avant la Conclusion sur la lecture et l’esthétique, et comme bien d’autres lecteurs de Proust j’ai la même. Car, au-delà de la mémoire involontaire, il y a des souvenirs qui paraissent plus « vrais », d’autres moins, des personnes ou des personnages qui changent ou s’étiolent (le petit frère de « Retour à Guermantes » dont je parlais, par exemple). Et donc aussi un travail préparatoire qui lui-même ne peut être une autobiographie de surface. Au fond, bien autant que de la théorie (que l’on peut retrouver aussi bien dans « La Recherche », comme vous le dites) ce « Contre Sainte-Beuve », c’est d’abord Proust au travail, et voilà. J’ai trouvé que Diagonal avait bien raison de trouver sa canonisation discutable.

C.P. dit: à

Waouh, Christiane, je viens de suivre votre recette et ça marche. Merci et merci !

Chaloux dit: à

Proust pris au jeu contraire en plein commentaire sur l’attitude de Sainte Beuve envers Baudelaire:
« (…) (« Je sais que vous faites des vers, , n’avez-vous jamais été tentée d’en donner un petit recueil? » disait un homme du monde à Mme de Noailles)(…). »
CSB, P. 245.

Desproges, pour Chaloux... dit: à

« Proust pris au jeu contraire en plein commentaire sur l’attitude de Sainte Beuve envers Baudelaire »

Et puis quoi, qu’importe la culture ? Quand il a écrit Hamlet, Molière avait-il lu Rostand ? Non.

C.P. dit: à

DHH, j’aurais dû dire : qui paraîtront …qui changeront ou s’étioleront… dans l’oeuvre accomplie sous le titre plus célèbre.

hamlet dit: à

très vite également je voulais remercier pour l’astuce permettant d’augmenter la taille des caractères avec les ctrl alt et la souris.
cela m’a permis de lire les articles de Monsieur Assouline, jusque là je n’arrivais à lire que les titres.
Le fait de ne lire que le titre n’empêche bien sûr pas de tenter de pondre un commentaire pertinent, lire l’article change la donne.

Aussi si c’est possible, maintenant que j’ai réussi à lire l’article de Monsieur Assouline j’aimerais me permettre de laisser un commentaire pertinent non plus sur le titre mais sur l’article lui-même.

Un commentaire pertinent est un commentaire qui permet d’avancer dans la réflexion, soit en apportant des réfutations, soit au contraire en adhérent aux conclusions de l’auteur de l’article.
Dans le cas où le commentaire pertinent se permet de réfuter il est évident que ces réfutations se doivent d’être argumentées.
L’important dans un commentaire pertinent est de toujours garder un style clair, savoir se montrer concis et surtout respecter les règles de courtoisie, je veux dire éviter les insultes ou les insinuations perfides qui laisserait entendre que l’auteur de ce commentaire pertinent serait animé de quelques intentions belliqueuses.
Le désir d’en découdre ne fait jamais bon ménage avec un commentaire pertinent, le plus souvent il dessert les intérêts de son auteur.
L’idéal serait d’aller de suite dans les détails, trouver dans les oeuvres des auteurs faisant l’objet de l’article quelques détails, peu connus, susceptibles d’apporter un indéniable intérêt.
Un intérêt n’a pas toujours besoin d’être indéniable, souvent ce qui semble indéniable pour les uns peut ne pas l’être pour les autres.
Le mieux est de savoir ménager la chèvre et le chou.
A noter que l’expression « ménager la chèvre et le chou » n’est, hélas, plus guère utilisée de nos jours. J’imagine que c’est une expression assez ancienne qui pourtant a su traverser les époques pour arriver intact jusqu’à nous.
Par contre d’autres expression comme par exemple « plumitif talentueux » sont quasiment mortes dans leur oeuf, elles n’ont pas eu le temps d’éclore.
Désolé mais comment fait-on pour réduire la taille des caractère, je crois que j’y suis allé un peu fort et du coup maintenant sur mon écran je ne vois plus qu’une seule lettre…

christiane dit: à

Hamlet,
vous êtes irrésistible ! (pour réduire ? Même démarche mais tournez la mollette dans l’autre sens. Mais je suis certaine que vous l’aviez déjà expérimenté, farceur !)

Philippe Régniez dit: à

« Selon un sondage IFOP pour le site monBestSeller.com, 17 % de Français ont un manuscrit dans un tiroir. Parmi eux, 24 % souhaiteraient le faire publier, 9 % l’ont déjà envoyé à un éditeur et 55 % le publieraient volontiers sur internet. Chaque année, les maisons d’édition ne publient, en littérature, que 1 % des ouvrages reçus. Internet offre une vitrine aux auteurs avec des sites spécialisés de publications en ligne, comme monBestSeller.com. »

Jacques Barozzi dit: à

Moi, ça marche pas sur mon Mac et j’en suis réduit à croquer la pomme en m’usant les yeux ! On dirait des caractères gravés dans un grain de riz ! hi hi hi aie !

renato dit: à

« Ménager la chèvre et le chou »… tu parles ! Tu ménages la chèvre et tu perds le chou, ou alors la chèvre n’a rien à manger… c’est vrai que l’on parle de chèvres qui mangent même les vieux pneus… ici le mot ‘vieux’ est politiquement correct, ce n’est pas comme ‘vieille savate’ qui se prête au malentendu ou ‘vieille peau’ qui ne renvoie pas à une peau vieillie et peut se révéler plus blessante que ‘vieux con’ que l’on peut substituer avec « alors, pépé, sa roule ? ». J’ai une fois entendu quelqu’un dire « le chien-chien de la mémé », mais il s’agissait plutôt d’une observation ironique à propos d’un clébard teigneux, rien à voir avec la mémé qui se tenait à l’autre bout de la laisse et me semblait plus une ‘peau de vache’ qu’une ‘vieille peau’. Enfin-bref, ménager la chèvre et le chou me semble plus une vue de l’esprit qu’autre choses…

Jacques Barozzi dit: à

« 17 % de Français ont un manuscrit dans un tiroir.  »

ça ne me parait pas croyable !

hamlet dit: à

Proust avait raison : on ne peut pas faire une étude d’un critique sans faire référence à la biographie de ce critique.
lorsqu’on lit un critique il faut savoir qui il est, d’où il vient et quels sont ses dadas.

Sainte Beuve a été orphelin très jeune, d’ou son intérêt sans doute pour tout ce qui relève de la biographie.
du coup Sainte Beuve a été élevé par des femmes : sa mère et sa tante.
l’absence d’une figure paternelle ne peut pas ne pas avoir des influences sur ses lectures : Sainte Beuve a toujours recherché le père qu’il n’avait pas eu.
Sainte Beuve s’est rallié au second Empire ! ce qui lui a velu d’être obligé de démissionner.
Avant de se lancer dans la littérature Saint Beuve a fait des études de médecine.
De ses études de médecine il a gardé la notion d’erreur médicale qu’il a reporté sur l’erreur littéraire : pour Sainte Beuve une erreur littéraire équivaut à une erreur médicale et devrait être poursuivi en justice.
D’où l’affaire Stendhal, Flaubert, Balzac, qui, si elle avait été ramenée au plan du diagnostic médical aurait causé la mort de nombreux patients.
Une autre donnée de type biographique du critique est que le critique appartient à son temps, il appartient aussi à son journal qui le paie, le critique appartient aussi à ses peurs, ses angoisses existentielles, à ses rancoeurs, ses joies, ses peines, ses histoires d’amour réussie ou échouée : le critique appartient à un tas de trucs, à la limite le critique appartient à beaucoup trop de choses intimement liées à sa vie pour que ses critiques puissent être, comme on dit, totalement objectives.

J’ai vu des photos sur google de de Mr Gau, c’est un homme jeune, beau, plein d’ambitions, il doit être un objet de fierté familial, je ne connais pas encore tous les détails de sa vie personnelle mais je viens d’engager un détective qui devrait pouvoir nous révéler les aspects les plus louches de sa vie.
Ce jeune a tout pour réussir, il serait dommage que quelques détails glauques de son existence viennent mettre des bâtons dans les roues de son avenir qui au demeurant s’annonce brillant.

Donatien si tu lis ces commentaires je t’en supplie écoute mes conseils : tu es jeune et beau, surtout méfie toi des femmes, ce n’est pas le lieu pour parler de sa vie mais moi-même à ton âge j’y ai laissé des plumes, (oui elle était danseuse au crazy horse, d’où les plumes), reste concentré sur ton travail, tu possèdes tous les atouts pour devenir un grand, quand la génération des Assouline aura trépassé (je suis désolé de vous l’apprendre Monsieur Assouline mais vous allez trépasser, comme nous tous), tu prendras la relève ! tu fais partie de la jeune garde, c’est une lourde responsabilité, le trésor de notre littérature est entre tes mains, laors prends y bien garde, surtout si tu as des propositions pour aller faire le clown à la télé, chez Ruquier ou sur avec Begbeider sur canal plus : dis non ! c’est une truc à te flinguer la réputation, ne répond pas aux sirènes de la renommée, et si on te propose des gros salaires pour aller coacher des cadres chez Total ou Auchan : ne fais pas comme Sponville, refuse ! reste dans les hautes sphère de la connaissance.

car c’est une bonne chose de s’occuper de la biographie de ceux qui sont morts depuis un siècle mais aujourd’hui le monde intellectuel est complètement vérolé, l’argent est roi, tout se vend et tout s’achète.
Donatien : garde ta pureté d’âme !!!

comment tes parents ont pu te filer un prénom pareil ? si un jour tu as le temps écris un livre sur cette question, c’est totalement irresponsable de la part de parents d’appeler son gamin Donatien. Personnellement j’aime bien mais si tu as un rencard avec une fille mignonne genre bimbo dis lui que tu t’appelles Charles Augustin plutôt que Donatien.
Sinon curage, tu tiens le bon bout ! avec un peu de chance et un prénom pareil tu pourrais même finir ministre de la Culture.

capric ornement dit: à

si ça passe sans censure, je voudrai juste faire remarquer en vous disant bonsoir qu’on ne peut pas dire que la figure de l’illustration est gauchère, même contrariée , il tient le stylo de la main droite, la bouteille de la gauche … et alors ?
mais ce qui est certain, c’est qu’il écrit de droite à « gauche » et que son écriture vient le traverser

capric ornement dit: à

! » ce qui lui a velu  » quelle horripilosité! ce n’est pas une sainte bévue ?

Chaloux dit: à

hamlet dit: 2 mars 2013 à 21 h 24 min

D. Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois.

hamlet dit: à

renato, je ne pense pas, en fait je crois que ça vient du fait les chèvres mangent les choux.
cela dit il est vrai que pas d’expressions sont des vues de l’esprit.
je suis désolé mais il m’est arrivé un truc difficile : j’ai fait un burn out.
jusque là ceux qui faisaient des burnoutes étaient des cadres de 0 50 ans, mais actuellement on s’aperçoit que les individus font des burnoutes de plus en plus jeunes.
Dans mon cas, selon ma psy (elle m’a fait faire un truc qui font pour les militaires qui reviennent du front pour retrouver l’origine de leur traumatisme) mon burnoute remonterait, semble-t-il, au moment de ma naissance, ce qui semble-t-il, était une première pour le corps médical, du coup ils m’ont disséqué comme une grenouille pour comprendre le phénomène, en fait je n’aurais pas supporté le fait de me retrouver tout nu devant des gens que je ne connaissais pas et au final j’ai pété les plombs, à cause d’un excès de pudeur, en plus ce toubib qui m’a pendu par les pieds pour me taper sur les fesses m’auraient prédisposé comme Saint Loup à des pratiques sadomaso que j’aurais tenté de refouler en menant une vie tout à fait normale.

renato dit: à

« … 24 % souhaiteraient le faire publier… »

Des années de ratages ne leur suffisent pas, et les voilà qu’ils souhaiteraient renouveler l’expérience…

de nota dit: à

« 17 % de Français ont un manuscrit dans un tiroir. »

ça ne me parait pas croyable !

Enfin,Jacques,rien de nouveau sous le soleil,souvenez-vous de ce que disait Céline rapport manuscrit dans le tiroir…

L’EXPRESS. – J’ai lu « Voyage au bout de la nuit » avant la guerre, je ne l’ai pas acheté sur un scandale.
Céline. – Vous avez suivi la foule. Vous êtes à une époque de pléthore littéraire. Maintenant il y a tellement de gens qui ont de l’instruction supérieure, quiconque a son brevet ou sa licence peut faire un roman. C’est la lettre à la petite cousine en plus grand. Il y en a partout. Je ne connais pas un notaire, un médecin qui n’ait un roman dans son tiroir.

L’EXPRESS. – La quatrième passion des Français?

Céline. – Oui mais sous la dépendance de la machine à laver. La femme se dit: « Pour avoir une machine à laver, quelque chose de bien, ça coûte 200,000 francs ». Elle y pense, et comme elle est femme, elle ne dira pas qu’elle y pense. Le jeune homme sait écrire, il a écrit des articles de-ci de-là. Elle pense à sa machine à laver. Un beau jour elle regarde les devantures et dit: « Tiens, Mlle Sagan a fait paraître son livre, on en parle beaucoup. Il se vend 500 francs. Combien touche-t-elle par livre? 20%. Ah, 100 francs par livre?  » Elle pense toujours à sa fameuse machine à laver. Et elle lui dit: « Ecoute, toi tu ne pourrais pas?… – « Oh moi, non tu sais. – Oh si, tout de même tu pourrais très bien faire un roman comme elle. Je l’ai lu, ce n’est pas extraordinaire ». Alors, hop! Un roman de plus, ça y est! Il part chez Gallimard, Gallimard en a 400 dans ses caisses chaque année. Il les fout à la Seine. Personne ne les lit. Ils ne valent ni mieux ni moins que ceux de MIle Sagan, mais ils ne sont pas sortis. C’est la loterie.

hamlet dit: à

je ne suis pas D. !!!! nom d’une pipe c’est vexant à la fin.
pourquoi ce D. ne s’est pas appelé E. ou F., si ça se trouve c’est parce qu’il doit s’appeler tout simplement Didier ou Donatien.

Jacques Barozzi dit: à

surtout avec une bite courbée, Hamlet, ça prédispose pas à se montrer tout nu ! Vous avez déjà préparé la nécrologie de Passou ! On peut en avoir un aperçu ?

hamlet dit: à

et bien moi mon livre doit sortir à la rentrée.
na !
sauf que j’en suis pas l’auteur mais juste un personnage, qui plus est le personnage principal…
au début ça a été une bonne nouvelle.
quand l’auteur m’a dit : ‘je ne vous conseille pas de lire, ça risque de vous faire de la peine’… la bonne nouvelle s’est transformée en mauvaise nouvelle.
moi qui avait toujours rêvé d’être le personnage d’un livre, c’est vraiment pas de bol.

renato dit: à

17% me semble peu…

hamlet dit: à

Jacques Barozzi une question : D. vous a-t-il déjà appelé une seule fois Jacky ?
je suis sûr que non ! D. ne vous connait pas aussi bien que moi et lui ne vous aime pas comme je vous ai aimé (pardon de parler au passé, je sais pas si vous êtes toujours celui que j’ai connu autrefois). preuve que je ne suis pas D.

ça fait longtemps que j’ai écrit la nécro d’Assouline, sans doute la plus belle nécro jamais écrite depuis celle de Malraux pour Jan Moulin du genre : « aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé. Ce jour-là, elle était le visage de notre Littérature ! »
J’espère juste que passou mourra avant moi, sinon ma nécro tombe à l’eau.

Henry VI dit: à

D., je ne suis pas chaloux! Nom d’une pipe !

hamlet dit: à

Monsieur Assouline quand vous mourrez il faudrait vus arranger pour laisser votre blog ouvert quelques jours, juste le temps pour les nécros de vos commentateurs, je suis sûr qu’elles seront hyper sympas, c’est même dommage que vous pourrez pas les lire.

Simon dit: à

bon, après sainte beuve proust RG ?

Sagesse du scribe dit: à

Navet en février, radis sec en avril.

Giovanni Sant'Angelo dit: à

…comme pourrait dire Gérard Depardieu,…

…Cinéma ce sainte Beuve et avec tout çà,…pourvu que l’oseille entre,…
…Dada,…j’en veux encore,…pourvu,…
…qu’il revienne avant la retraite de Russie,…comme avec tout ces orphelins de la patrie,…
…mieux se faire taxé chez soi,…que d’être revenu dépourvu avec ses os,…et avec la sauce tartare,…

…etc,…risquer gros pour rien,…qui du russe ou du français vas prendre l’oseille entre amis,…
…Da,…Da,…Da,…en repassant par la Hollande avec mes sabots,…coquelicots,…

Bonux dit: à

Alors, maintenant, commençons !!! !! !,
ainsi Passou se sentira accompagné !.

hamlet dit: à

non il faut arrêter avec ces histoires.
nous sommes tous des critiques littéraires, même ceux qui comme moi détestent les livres et la lecture.

dans le passé, dans l’histoire de la littérature il a existé plusieurs genres de critiques littéraires, construites sur des modèles de pensée différents.
Toutes les formes de critiques possibles et imaginables qui chacune s’appuyait sur des théories fournissant les outils permettant d’élaborer sa critique.
on n’imagine pas toutes ces théories, je n’ai pas lu les livres mais je connais tout de l’histoire de la critique littéraire.
on n’imagine pas l’inventivité de l’esprit humain pour critiquer les livres : le social, psychologique, marxiste, philosophique, la critique de « composition » de Giraudoux, constructiviste, réaliste, structuraliste, créationniste, impressioniste, érudite, universitaire, journalistique, scientifique, objectiviste, absolutiste, moderniste.
et franchement je ne vois l’intérêt, à mon petit niveau de lecteur amateur, de savoir tous ces trucs hyper compliqués et totalement inutiles.

Simon dit: à

C’est pas une raison pour en dégoûter les autres…

Daaphnée dit: à

Vous avez raison, Hamlet, les critiques ne sont pas doués pour apprendre à lire aux autres..

hamlet dit: à

Sainte Beuve était-il meilleur que Taine ? et Taine que Thibaudet, ou Nisard ?
c’est sympa que la critique ait gardé des grands noms.

sans doute que s’ils vivaient aujourd’hui Taine aurait une émission télé sur Antenne2 et Ste Beuve une sur la 5.

j’imagine Sainte Beuve recevoir dans son émission Chrisitne Angot et Michel Houellebeqc,
et Taine recevoir Carrère et Darrieusseqc.

bonsoir, je reçois ce soir deux grands auteurs qui vont nous parler leur dernier livre : Truisme et d’autres vies que la mienne.
mais juste avant une petite annonce de notre sponsor.

pourrait l’uchronie littéraire se pratique-t-elle si peu ?

Jacques Barozzi dit: à

Hamlet, mieux vaut être un mauvais personnage de roman qu’un gentil, on se souvient plus des premiers que des seconds ! On se souvient plus de l’odieux Charlus que du bon Swann…

Daaphnée dit: à

De plus, héros ou anti-héros, l’audimat est le même …

Jacques Barozzi dit: à

Et Saint-Simon présiderait l’Académie Française !

beatrice Anne dit: à

« Vous avez raison, Hamlet, les critiques ne sont pas doués pour apprendre à lire aux autres. »
vous n’avez pas honte de prendre vingt secondes de votre vie pour déclarer une telle stupidité ?

Daaphnée dit: à

Désolée,Béatrice, mais il vous faudrait plus de vingt secondes pour comprendre l’humour !

Jacques Barozzi dit: à

aie, je crains le crépage de chignon !

Daaphnée dit: à

Non, non, jacounet, voyez comme avec leur jargon barbare de litote, euphémisme, anti-phrase et j’en passe … les critiques ont perdu des générations de lecteurs .
Et certains qui avaient tout appris par coeur, en plus. Comme les déclinaisons latines. Quel gâchis, pfff !

Simon dit: à

oui bon, personnellement je ne passe pas mon temps à rajouter des ismes dans x blogs, bonne nuit la 2ème compagnie

court dit: à

CP
Il y a l’affaire Volupté, bien sur, et la formule assassine « Le Pigaukt-Lebrun des Duchesses ». Pluriel de politesse, car je ne vois guere que celle d Abrantes.
Dans « L’Homme Précaire », Malraux y voyait « le vertige de l’intellectuel Sainte Beuve » devant la puissance du roman.
Si je me fie à « Mes Poisons », on peut trouver une autre grille de lecture. un mépris de caste.  » il a toujours gardé quelque chose de la bassesse et de la crapule de ses débuts ». On est Charles Augustin de Sainte Beuve, de lignage estimable sinon grandiose,et l’on voit arriver un illuminé qui se proclame descendant des Balzac d’Entraigues quand l’état-civil hurle « vous vous appelez Balssa ».
L’autre ligne, complémentaire, serait les femmes.Vu ce que SB dit de lui-meme – « Je suis un général qui n n’a gagné qu’une bataille(mon Adèle) »- je pense qu’il ne devait guére lui plaire de voir ce petit homme emporter une de Berny, une de Castries,meme une d’Abrantes.
Sans préjuger de Port-Royal encore à venir, et pour revenir sur le Pigault-Lebrun en question, il ne devait guere plaire à SB de voir des romans vécus, pour lui synonymes de romans à clés, déferler sur la société de son temps via, du moins l’imaginait-on, la Duchesse d’Abrantes, Laure de Berny, ou la Marquise de Castries. les débuts de Balzac en nègre des Mémoires de Samson, en tacheron du Dictionnaire de la Conversation, ne plaidaient pas en sa faveur.Voulant bien faire, Delphine de Girardin dans la Canne de Mr de Balzac ne faisait que conforter l’illusion d’un copieur du réel.
L’illusion du grand sujet, aussi, a du jouer.
 » Balzac a conquis son public infirmités par infirmités. Aujourd’hui les femmes de Trente, demain celles de cinquante, après demain les chlorotiques, dans Claes les contrefaites. Nulle part il n’est question de santé ».
Dans ce très curieux passage SB voit admirablement la modernité de Balzac, et la rejette comme étrangère à l’esprit Princesse de Cléves, robe à paniers et talons rouges,sujets nobles, et non sujets jugés bas, qui lui semble caractériser le roman français.
Et à bien y regarder , le roman beuvien reste celui d’une certaine caste. les héros de Volupté, du Clou d’Or, de Madame de Pontivy n’ont pas grand chose à voir avec les problématiques balzaciennes du déclassement, de la chute, de la promotion sociale, de la philosophie occultiste, ou que sais-je encore? on est entre soi, dans son chateau, on ne parle ni argent, ni politique, ni Napoléon, ni Swedenborg. Peut etre est-ce ce coté aristocrate classique délibérément voulu, combiné aux autres aspects signalés qui entraine chez Sainte Beuve cette répulsion anti-Balzacienne.
Le meme phénomène l’amènera , adèle en plus, à s’éloigner du Pere Hugo.  » Hernani, pour moi, c’était déjà la fin de la Constituante ».
Il y aurait beaucoup à dire sur cette référence implicite au début de la Révolution comme ligne de partage littéraire s’agissant du romantisme, d’ ou l’impossible tentative, certes pas sans noblesse, d’etre un « romantique modéré » façon Joseph Delorme, et de penser servir de modérateur à Hugo lors de l’élaboration des « Feuilles d’Automne », le seul recueil qui obtiendra son suffrage.
Mais quand l’ubris d’Hugo se fait trop forte, et quelque part qu’on donne au cas Adèle, il y a rupture. « Hugo nous a fait un Discours à l’Académie qui eut été bon à beugler au Colisée sous Domitien ». D’autres raisons interviennent, certes. le piquant est que la Table tournante de Jersey dure avec Sainte Beuve « Chien d’aveugle, il conduit le dictionnaire » reprend vis-à-vis de Balzac des griefs quasi beuviens. « Le romancier de la femme, le poete de l’infini dans le mignon, celui à qui il manque le style ». Est-ce charles Hugo qui parle,Victor, ou charles ressassant Victor?
bien à vous.
MCourt
PS
je crois que Chloé m’attribue des propos qui ne sont pas de moi pour Armance.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

*