de Pierre Assouline

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La « Personnalité de l’année » sont des femmes

La « Personnalité de l’année » sont des femmes

Pas sûr qu’en 1929, en inventant le principe de « l’homme de l’année » quatre ans seulement après la création de l’hebdomadaire américain, la direction de Time ait imaginé qu’elle lançait là un rituel et une institution appelés à connaître un retentissement international dans la durée. Un ratage (l’aviateur Lindbergh absent des couvertures après son vol transatlantique) en était à l’origine : il fut le premier « Homme de l’année », en rattrapage. Depuis, chaque année dès la mi-novembre, les paris sont ouverts et les pressions vont bon train. Les lecteurs sont appelés à voter via le site du magazine. L’enjeu n’est pas seulement politique à court terme mais historique car il offre un miroir de l’époque. D’où le secret des délibérations. Signe des temps : en 1999, on est passé de l’« Homme de l’année » et/ou « la Femme de l’année » à « la Personnalité de l’année ».

Leur critère ? Contrairement à ce que l’on croit, il ne s’agit pas seulement de consacrer en couverture la personne la plus influente des douze derniers mois, mais d’envisager son ascendant, son autorité, son empire sur le cours des choses… « pour le meilleur ou pour le pire ». Ce qui change tout même si ce n’est guère perçu ainsi. Ni récompense, ni prix, ni honneur, c’est une distinction au sens où un individu peut se distinguer de la masse en bien ou en mal. Du moins jusqu’à un certain point : Einstein fut finalement préféré à Hitler comme « Homme du siècle » car il apparut que l’influence de ce dernier sur l’Histoire avait été vraiment… « négative ».1101430104_400

Parfois, la décision va de soi tant les événements l’imposent : Churchill en 1940, Eisenhower en 1944, Truman en 1945, Kennedy au moment de son élection, les astronautes du programme Apollo en 1968, Walesa en 1981 etc Encore qu’avec le recul, Staline, même le 4 janvier 1943… D’autres fois, elle prête à contestation sinon à d’houleuses polémiques : le choix de l’ayatollah Khomeiny l’année de son retour en Iran (1979) fut si clivant au sein même de la rédaction de Time que bien des années après, se souvenant des remous que cela avait provoqués, le maire de New York Rudolf Giuliani fut finalement préféré à Oussama Ben Laden au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

La désignation d’un groupe ou d’une entité plutôt que d’une personne ne reflète pas l’indécision mais bien une prise de position : ainsi des « soldats américains » dès le début de la guerre de Corée (1950) et à nouveau au moment de la guerre d’Irak (2003), des « révoltés hongrois » au moment de l’insurrection de Budapest (1956), des « scientifiques américains » (1960), des « jeunes » issus du baby boom en 1966, de « la classe moyenne américaine » ( (1969), des « Américaines » (1975), des « Faiseurs de paix » (Mandela etc 1993), des « Lanceurs d’alerte » (2002)… Encore que le choix de la Terre comme « planète de l’année » (1988), laisse dubitatif, de même que celui des « Bons Samaritains » (le chanteur Bono, et les philanthropes Bill Gates et sa femme) en 2005.

Il arrive même que de rares audaces prennent tous les observateurs de court : désireux de faire écho à l’ordinateur affiché en couverture comme « machine de l’année » en 1982, « You » (Vous) était élu en 2006, autrement dit les internautes des réseaux sociaux et les contributeurs de Wikipédia, ce qui a été perçu comme une blague un peu potache sinon démagogique et racoleur ; cette année-là, le sondage auprès des lecteurs propulsait largement en tête le vénézuélien Chavez suivi par l’iranien Ahmadinejad…

A noter que deux Français à peine ont fait la couverture : le général de Gaulle évidemment en 1958 et avant lui le président du Conseil Pierre Laval en 1931 qui venait d’effectuer une tournée triomphale aux Etats-Unis au cours de laquelle il avait exprimé l’opposition de la France au « Moratoire Hoover » sur les dettes de guerre.

061217_time_vlrg_7a.grid-4x2A propos, la personnalité de l’année 2017 en couverture de Time n’est autre que les premières femmes ayant « brisé le silence » et révélé l’affaire Weinstein aux milliers de personnes qui ont suivi avec le hashtag #metoo. Le magazine a mis six femmes en « une », dont l’actrice Ashley Judd, la chanteuse Taylor Swift et l’ex-employée d’Uber Susan Fowler, parmi les premières à dénoncer des abus sexuels, ainsi qu’une femme au visage caché, en référence à celles et ceux restés anonymes. Les lecteurs avaient quant à eux largement plébiscité le jeune prince héritier et vice-Premier ministre d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane Al Saoud…

Donald Trump, qui avait eu cet honneur l’année de son élection, a tweeté en novembre dernier que le magazine avait appelé la Maison blanche pour faire savoir au président qu’il serait probablement à nouveau l’homme de l’année. Une éventualité que l’intéressé dit avoir décliné car elle était assortie d’une interview, d’une séance photo et d’un caractère hypothétique qui l’offusquait ; il est vrai aussi que la première fois, son portrait en couverture était assorti d’une légende assassine : « Président des États divisés d’Amérique », ce qui était nettement moins sympathique qu’Angela Merkel l’année précédente « Chancelière du monde libre ». La rédaction du magazine a poliment fait savoir qu’il n’en était rien sans aller toutefois jusqu’à traiter le président de mythomane. N’empêche que, pour affligeante qu’elle soit, cette couverture imaginaire est, elle aussi, un reflet de l’air du temps.

 

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commentaires

1 211 Réponses pour La « Personnalité de l’année » sont des femmes

bouguereau dit: à

où Passou enseigne aujourd’hui

bientôt ça sra les femmes nues torturées dans les caves..havec des publicités d’eau minérale

bouguereau dit: à

j’ai mis l’adresse de Sergio donnée par bérénice dans la fenêtre site web et il me réclame une URL ! Sinon rien ne passe…

le suspens est insoutenabe

bouguereau dit: à

Il n’y a que dans les recoins malfamés d’un blog généreux qu’on puisse voir grouiller pareille vermine gonflée de sa suffisance prétentieuse !

pour les femmes nues généreuse faut dmander à ed..jles trouve jamais sur hinternet

bérénice dit: à

j’ai mis l’adresse de Sergio donnée par bérénice

.com, c’est le premier si vous avez google comme moteur de recherche.vous tapez amayerling, c’est suffisant à le trouver.

JAZZI dit: à

« le suspens est insoutenabe »

Il aurait fallu me passer sur le corps pour aller chez Sergio, le boug !

Piqure de Rappel dit: à

A vous lire, ce n’était pas Jérusalem, mais tout un système scolaire mis en place par Josias, O Lumière des Lumières… « L archéologie dit que.. » c’est un peu « l’Aristote dit » de Sganarelle! Elle peut dire tant de choses la pauvre, selon le site fouillé. Mais tranquillisez-vous,on à l’habitude, Glorieuse intelligence, et on s’en contentera.
PS
J’aime bien aussi « le blog généreux « , quand on a en mémoire les sarcasmes dont vous l’avez pourfendu, lui et son patron.

rose dit: à

L’épouse de Guy, Pierina poursuit « C’est toujours amusant, quand nous quittons quelqu’un de dire que nous rentrons à Bethléem…Dans un grand étonnement, on nous souhaite bonne et longue route.. » Il y a quelques années, Guy et Pierina sont allés à Bethléem, en Palestine. « C’était tout à fait décevant, raconte Pierina. Une église minuscule, il fallait se baisser pour rentrer, on ne voyait rien. Tout autour, des marchands de souvenirs….Nous en avons ramené une crèche en bois d’olivier. »

Zerbinette À 16H27

c’est fait exprès : le guide palestinien nous l’a expliqué : plusieurs portes dans l’église de Bethléem sont très basses : c’est pour nous obliger à nous incliner ; une manière de nous mettre in situ en position d’humilité, courber l’échine, baisser sa superbe. Leçon de modestie obligée.

christiane dit: à

@D. dit: 29 décembre 2017 à 18 h 12 min
Ces cinq rencontres eurent lieu dans une belle salle de yoga, au siège de la Fédération nationale des enseignants de yoga sous la responsabilité de Ysé Tardan-Masquelier et Patrick Tomatis qui leur offrirent l’hospitalité. Donc, oui, un détour par l’oralité avant pour ces paroles d’être fixées par l’écriture.
Ce sont les trois commentaires de Jazzi nous présentant deux pages de son travail d’écriture et un commentaire sombre sur sa traversée du mois de décembre qui m’ont donné envie de lui offrir ce fragment de la cinquième méditation, construit tout en spirale, revenant inlassablement sur le même thème : « La mort n’est point notre issue mais un désir de commencement… »
Les trois commentaires de Jazzi ont été, je l’ai lu ici, très mal reçus, donnant lieu soit à des conseils d’écriture (quelle faute de vanité) ou à un changement de registre (on désire lire le « vrai » Jazzi, soit l’amuseur du blog…) C’est vraiment un manque de respect et d’écoute envers celui qui nous faisait confiance. Heureusement Paul Edel a dit ce qu’il fallait…

christiane dit: à

@Janssen JJ,
sur le fil de commentaires que vous donnez pour retrouver Sergio, je lis c post de Clopine :
Clopine dit: à

Ah, au fait, redéliens, redéliennes, qu’on se le dise ! Ce soir, sur ARTE, un des plus jolis téléfilms de ces dernières années, et l’un de ceux qui bousculent avec le plus de légèreté les clichés qui se trimballent partout (notamment sur ce qu’on sait de la société iranienne…) : LES PIEDS DANS LE TAPIS (titre vilain à mon sens, pour une si jolie histoire…).

Autre particularité : ce film a fait chavirer le cœur de toutes les erdéliennes de ce blog. Perso, comment dire ? J’attribue volontiers le titre de « personnalité de la soirée » à l’actrice Golab Adineh (la mère). Son élégance m’a transportée !!!

Qu’on se le dise : c’est à ne pas louper ! »

Et, ô coïncidence, ce film de Nader Takmil Homayoun repasse ce soir à 21h sur la chaîne tnt TV5 Monde (35) à 21 heures !
Le fils et la mère qui arrivent en Corrèze en droite ligne de Téhéran pour rapatrier le corps de leur père et époux, décédé brutalement, c’est inoubliable !
DHH et Lavande, si vous passez ici….

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