de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Il faut que tout change pour que rien ne change

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S’il est vrai qu’une phrase lue dans un livre suffit à engager une vie, on en connait qui passent leur vie à creuser une phrase. Ils confesseront volontiers que toute leur vie n’aura pas suffi à en épuiser le sens. Encore ne s’agit-il pas là de traducteurs du Bartleby le scribe qui s’affrontent depuis 1853, pour savoir si « I would prefer not to », la formule-clé de l’anti-héros d’Herman Melville, doit se traduire par « Je préfèrerais ne pas », « je ne préfèrerais pas », « Je préfèrerais pas » ou « j’aimerais mieux pas ». Personnellement je me garderais bien de ne trancher pas la querelle. De […]

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Call me Olson

Call me Olson

Thierry Gillybœuf

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Charles Olson (1910-1970) a dix-neuf ans quand ses parents lui offrent un exemplaire de Moby Dick, dans l’édition de 1926 de la Modern Library, avec une introduction de Raymond M. Weaver, qui fut l’un des véritables pionniers et artisans de la redécouverte de Herman Melville. Tombé dans l’oubli le plus complet à sa mort, en 1891, l’auteur de Bartleby connut un regain d’intérêt auprès de la génération désenchantée de l’après-guerre, qui s’était reconnue dans le sentiment de déréliction qui habite son œuvre et ses personnages les plus emblématiques, en particulier depuis que Weaver, professeur de Columbia University, avait publié en 1924 […]

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Le couteau de Salman Rushdie, c’est le langage

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Si l’on veut juger le degré d’intégration d’un britannique d’origine indienne à la société anglaise, il n’est pas de meilleur baromètre que le sens de l’humour. La chose est un cocktail improbable, immatériel et immarcescible de différents éléments de natures diverses qui se manifeste in fine par l’understatement, figure de rhétorique connue en français sous le nom de litote, d’euphémisme. Autrement dit, la faculté d’exprimer en dessous de la vérité. Pas de meilleur exemple que Salman Rushdie, écrivain de langue anglaise, natif de Bombay en 1947, de langue maternelle ourdou, élevé dès l’âge de 13 ans à la Rugby School […]

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La traduction demeure une affaire de désir

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Malgré la commande qui en est souvent à l’origine, et en dépit de la difficulté matérielle à la refuser, la traduction est une affaire de désir. Son point commun fondamental avec la création littéraire. Ce qui confirme d’emblée, dès la première page du Dictionnaire amoureux de la traduction (539 pages, 29 euros, Plon) de Josée Kamoun notre conviction selon laquelle un traducteur est le coauteur du livre qu’il a traduit puisque tous les mots français qui y figurent sont de lui, résultent de son propre choix avec ce que cela peut compter d’honnêteté, de trahison fidèle et d’arbitraire. Traduire, c’est […]

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 Italo Calvino tout sauf perché

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La tentation est grande de faire d’Italo Calvino (1923-1985) un écrivain perché. Les journaux y résistent difficilement. C’est la rançon à payer lorsque le titre d’un livre ou le nom de son héros accèdent à une grande et durable notoriété. De quoi porter préjudice à son auteur. Non que cela soit infâmant mais son génie propre, l’ampleur de son œuvre, sa diversité risquent d’en souffrir. Le cas de Calvino et la faute à son Baron perché (Il barone rampante, 1957), fable virant au conte philosophique, second volume d’une trilogie constituée également du Vicomte pourfendu (Il visconte dimezzato,1957) et du Chevalier […]

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Zoé Milagros, telle qu’en elle-même enfin…

Zoé Milagros, telle qu’en elle-même enfin…

Albert Bensoussan

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Le prénom, le nom de baptême véritable de Zoé Valdés est Milagros. Je ne sais s’il figure sur ses papiers d’identité, mais mon accès à sa vie/son œuvre a eu quelque chose de miraculeux. C’est, d’ailleurs, son roman Miracle à Miami qui fit de moi, depuis 2002, son traducteur. Et ce sésame m’ouvrit la porte de cet univers d’une exilée dont la trajectoire me rappelait, en plus grand, plus pathétique, plus révoltant, la mienne propre, moi qui, en mon âge avancé, revois tout ce que j’ai laissé au rivage algérien : mes murs, mes fétiches, mes orishas, et par-dessus tout cet […]

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La nouvelle résonance d’une retraduction

La nouvelle résonance d’une retraduction

Josée Kamoun

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Certaines oeuvres appellent la retraduction par leur polysémie, leur singularité stylistique ; Le Meilleur des mondes, le plus souvent explicite, n’est pas à proprement parler un roman énigmatique ; l’énigme pourrait résider dans la position de son auteur vis‑à‑vis du texte, mais ce n’est pas non plus l’impression qui domine puisque que Huxley s’est largement expliqué sur sa démarche, au point de la critiquer, dans sa préface et ailleurs. Si ce roman semble « appeler » la retraduction plus ou moins permanente, c’est plutôt que, le temps passant, le futur créé se rapproche, se concrétise parfois, les projections de l’original […]

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Sous la tour blanche de Salonique

Sous la tour blanche de Salonique

Albert Bensoussan

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Au siècle dernier Thessalonique s’appelait Salonique, grande cité de la Macédoine grecque, berceau du christianisme primitif et ville peuplée aux deux tiers de Juifs séfarades qui l’avaient surnommée la Jérusalem des Balkans, la nommant même Madre de Yisrael :  סלוניקה Salonika. On se rappellera ce chant élégiaque célébrant la Tour blanche de Salonique : Là une fenêtre, une colombe,  les hommes de la mer et, conjurant la maudite solitude, cette main tendue ouvrant à l’amour : En la mar hay una torre Y en la torre hay una ventana Y en la ventana hay una paloma Que a los marineros ama.   […]

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Canavaggio de la Mancha

Canavaggio de la Mancha

Albert Bensoussan

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Un dimanche, allant m’asseoir à ma table de travail, j’ai promené la main sur les rayons de livres derrière moi, et tiens, en bonne place, ce Dictionnaire Cervantès, de mon ami Jean Canavaggio, voilà que je l’ai caressé. Puis, j’ai ouvert ma boîte mail, et là, le choc d’apprendre la mort du plus grand cervantin de France et même du monde : Jean Canavaggio nous a quittés dimanche 20 août 2023. Mais alors, venait-il de me faire signe, moi son vieil ami, lui que j’avais connu en 1960, à l’agrégation d’espagnol dont il fut reçu premier, « cacique », disions-nous, et moi juste après, lui emboîtant le […]

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Zweig à l’identique

Zweig à l’identique

Françoise Wuilmart

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Pourquoi retraduire Marie-Antoinette de Stefan Zweig mis une première fois, avec succès, sur le marché français en 1933 ? La coutume veut certes que l’on retraduise tous les vingt ou trente ans, ne serait-ce que parce qu’une langue évolue, se modifie et devient désuète, et si l’original ne vieillit pas, les traductions qui se succèdent, hélas, prennent des rides. Pourtant, là n’est pas la raison véritable. Rappelons d’abord que c’est à Alzir Hella que l’on doit d’avoir fait connaître Zweig dans la francophonie et d’y avoir suscité l’enthousiasme pour cet auteur, mais auprès d’un public qui, forcément, n’avait pas connaissance de […]

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