de Pierre Assouline

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La République des livres
Cette terre que l’on quitte

Cette terre que l’on quitte

Si vous vous demandez à quoi peut bien ressembler ce qu’on appelle un « roman-paysage », imaginez qu’il puisse se lire comme on regarderait de tous ses yeux un site fascinant menacé de disparition. Nous sommes en Lozère, au creux d’un hameau du nom de Maheux niché dans le Haut-Pays des Cévennes. Juste en dessous, le lieudit s’appelle Mazel-de-mort. Au recensement de 1954, la commune toute proche de Saint-Julien-d’Arpaon compte 251 habitants et un château du XIIIème siècle. D’une beauté sombre et austère, l’endroit se dépeuple. La famille Reilhan est parmi les dernières à s’y accrocher. La vie y est dure, âpre, implacable. Le père, taciturne du clan, séduit et y attire sa cousine par la magie de fausses lettres personnelles, en réalité calquées dans des feuilletons retrouvés dans des magazines du type « Les Veillées des chaumières » ; elles ne reflètent en rien son caractère, sa personnalité, la dureté des conditions de vie locales. Une fois sur place, l’élue ne peut plus repartir malgré sa déception. Deux fils leur naissent aux tempéraments aux antipodes l’un de l’autre : Abel, une force de la nature mais à l’esprit limité et Joseph-Samuel qui est son image inversée. Bien que la quête de l’eau tourne à l’obsession jusqu’à creuser le puits à mort, nous ne sommes pas chez Pagnol car ici, avec l’aîné, paysan qui ne cesse de s’adresser au ciel tel Job vitupérant, un épervier poursuit son vol et à force de tournoyer le rend fou. Abel ne s’avoue pas vaincu mais en meurt. Mort, où est sa victoire ? Somptueux, le décor de cette histoire rude et brutale aux accents tantôt ramuziens (pour le rapport à la nature) tantôt faulknériens (pour l’invention d’un monde) vaut aussi par l’écho qu’il renvoie de l’inquiétude métaphysique de l’auteur. Une puissante expérience de la solitude sourd de cette […]

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