Quand l’affaire Iveton devient l’affaire Andras
Le 11 février 1957, un militant communiste du nom de Fernand Iveton, 30 ans, a la tête tranchée par la lame de la guillotine. Il est et demeurera le seul Européen exécuté par la justice de l’Etat français durant la guerre d’Algérie. Celui que la presse populaire de métropole qualifie de « tueur » ou de « terroriste », et ceux qu’il prétend aider des « rebelles », en un temps où l’on parle toujours d’ « événements » et pas encore de « guerre d’Algérie ».
Natif du Clos-Salembier, quartier populaire d’Alger, militant communiste et anticolonialiste rallié au FLN, il a été volontaire dans son organisation pour réaliser un attentat à la bombe dans l’usine de gaz où il travaille comme ouvrier tourneur. Le but est de saboter pour provoquer une grande panne d’électricité. La bombe est réglée pour exploser après le départ de tous. Repéré par un contremaitre, Iveton voit aussitôt son projet échouer, et la bombe désamorcée par les militaires alertés (étonnante bande d’actualité à visionner ici). Arrêté, détenu à la prison algéroise de Barberousse, il est torturé. Soumis à la question comme on ne disait pas encore, et comme on dira plus souvent après qu’Henri Alleg aura dénoncé l’art et la manière de l’extorsion des aveux en témoignant de ce qu’il avait subi dans La Question (Minuit, 1958). On veut lui faire cracher des noms. Ceux de ses complices. Ses poumons sont totalement bouchés. On le dit malade. Une tache d’opacité a été repérée à la radiographie sur le lobe de son poumon droit. Tout de la tuberculose. Parachutistes et policiers ont toute latitude pour lui faire cracher des noms, malgré les problèmes de conscience et les dilemmes moraux de Paul Teitgen, ancien résistant lui-même torturé et déporté par les Allemands, devenu secrétaire général de la police d’Alger.
La formulation de l’accusation à son procès en novembre 1956 peut paraître assez anodine :
« Tentative de destruction par substance explosible (sic) d’édifices habités ou servant d’habitation ».
A l’accusé enchaîné, on jette à la figure les articles 434 et 435 du code pénal. Mais c’est bien un traître que veulent juger les uniformes qui siègent au tribunal militaire de la rue Cavignac. Il a beau répéter qu’il aime la France mais déteste les colonialistes, rien n’y fait. Il a beau assurer que jamais il n’aurait accepté de participer à une quelconque action qui aurait entraîné la mort d’un seul homme, ils n’entendent pas. Il est vrai que l’affaire s’inscrit dans le contexte extrême des sanglants attentats à l’explosif de la rue Michelet, au Milk-Bar et à la Cafétéria, à la gare d’Hussein-Dey, au Monoprix de Maison-Carrée, dans des autocars, dans d’autres cafés à Mascara et Bougie.
Verdict : la mort. Son sort est entre les mains du président de la République. Or René Coty a déjà gracié seize « terroristes » les mois précédents, il y a donc un espoir. Mais quand l’un des avocats est reçu à l’Elysée en audience pour défendre le pourvoi, il est douché par l’anecdote que lui raconte le chef de l’Etat, ancien combattant comme tous ceux de sa génération : c’était en 1917, il était un jeune officier et il vit un général dire à l’un des deux soldats qui allaient se faire fusiller au poteau Toi aussi, mon petit, tu meurs pour la France… Dès lors, l’avocat de Fernand Iveton comprit que son sort était scellé, avec l’approbation du président du Conseil Guy Mollet et du Garde des sceaux François Mitterrand.
Il a été dit et écrit qu’Albert Camus serait intervenu en sa faveur. Quant à Sartre, il publiera un texte en défense d’Yveton dans les Temps modernes mais un an après. Bien longtemps après, dans ses Mémoires, Roland Dumas dira que son ami François Mitterrand devenu président de la République s’empressera de faire abolir la peine de mort afin de se « racheter » de l’exécution d’Yveton.
Et le Parti ? Pas pressé de le soutenir, c’est le moins qu’on puisse dire. Ses journaux, pas davantage. L’Humanité, un peu, mais rien du côté de L’Huma-dimanche et de la Vie ouvrière. Le PC n’a même pas envoyé d’avocat pour l’assister. Il a fallu en commettre deux d’office : Me Albert Smadja, communiste juif et Me Charles Laînné, engagé lui au Secours catholique.
Il n’est pas de récit de la guerre d’Algérie qui ne consacre une ou deux lignes au moins à l’affaire Iveton, sans parler des recherches de Jean-Luc Einaudi, qui ont donné le seul livre sur le sujet. Si on en reparle aujourd’hui, c’est qu’un roman (qui paie sa dette à tout ce que Einaudi avait mis en lumière) paraît qui exalte la figure de Fernand Iveton. De nos frères blessés (135 pages, 17 euros, Actes sud) est une récit au couteau de son histoire, nerveux, puissant, efficace. Ces choses vues le sont avec acuité : la ponctualité quasi maniaque des militants, la peur au ventre, l’esprit de réseau, les chansons de l’époque… Il est dénué de pathos et de lyrisme tout en étant en évidente et totale empathie avec le personnage. Sans la moindre distance, et après tout, pourquoi pas. Il y a quelque chose de l’acte militant dans ce projet littéraire très abouti, tenu par son intensité de bout en bout. Des formules heureuses (« La lutte contraint l’amour au profil bas ») en côtoient d’autres plus rares et moins heureuses (« La Marne tire sa langue verte à la paix bleue du ciel », c’est du lourd, surtout en début de chapitre) sans compter d’interminables et puérils « tictac- tic-tac » pour évoquer la minuterie de la bombe.
A noter une étrangeté : une vingtaine de mots ou d’expressions en arabe et non traduits. On croit savoir que l’éditeur l’a fait remarquer à son auteur, mais il n’a pas réussi à le faire plier. Il refusa toute note, périphrase ou explication. Son argument, qui reposait sur la sonorité de la langue et la volonté de restituer la rumeur hybride des parlers arabe et français dans les rues d’Alger à l’époque, aurait pu tenir : après tout, cela tenait parfaitement dans le Meursault, contre enquête de Kamel Daoud ou dans Pas pleurer, le roman de Lydie Salvayre truffé de fragnol. Sauf qu’ici, l’argument ne tient pas. Car si cela avait été vraiment le cas, il aurait transcrit ces mots du dialecte algérien en phonétique, de manière à ce que le lecteur puisse au moins les lire et donc les entendre ; or ils s’inscrivent dans le corps du texte en caractères de l’arabe classique, que très peu de lecteurs de De nos frères blessés « entendront », et pour cause ; cette coquetterie d’auteur est d’autant plus regrettable que dans les deux dernières pages, ce sont des phrases entières qui subissent ce traitement et dont le sens échappera au lecteur.
N’empêche, les qualités l’emportent, tant et si bien que le Goncourt du premier roman lui a été attribué en début de semaine. Lui, c’est Joseph Andras. Un pseudonyme : Joseph comme le charpentier ou comme le petit père des peuples, ainsi qu’il est écrit à propos d’un personnage dans le roman, et Andras qui signifie « l’homme » en grec ; en goétie, science occulte de l’invocation d’entités démoniaques, il désigne « un Démon du crime et de l’avidité, qui provoque volontiers la discorde et aime susciter des querelles ». On veut bien le croire ! Prémonitoire, même.
Car ce jeune auteur inconnu de 30 ans, dont on sait juste qu’il vit en Normandie, et voyage beaucoup (deux séjours en Algérie, notamment), est parti pour susciter quelque controverse. Et ce n’est pas parce qu’il s’en prend à François Mitterrand via la phrase placée en épigraphe de son roman, l’ancien Garde des sceaux en a vu d’autres (mais quelle référence de vieux, étonnante chez un si jeune auteur, serait-il militant communiste !). Passe encore qu’il n’ait pas souhaité se rendre à la traditionnelle invitation des Goncourt à déjeuner le jour de la proclamation, laissant ainsi son éditrice le représenter. Chacun est libre de choisir ses commensaux et nul n’en prit ombrage. Mais on apprenait hier soir qu’il refusait le prix dans une lettre assez décevante car plutôt plate, transmise par son éditeur à l’Académie Goncourt. Tout en remerciant ses membres d’avoir trouvé quelque intérêt à son livre, il écrit :
(…) La compétition, la concurrence et la rivalité sont à mes yeux des notions étrangères à l’écriture et à la création. La littérature, telle que je l’entends en tant que lecteur et, à présent, auteur, veille de près à son indépendance et chemine à distance des podiums, des honneurs et des projecteurs. Que l’on ne cherche pas à déceler la moindre arrogance ni forfanterie dans ces lignes : seulement le désir profond de s’en tenir au texte, aux mots, aux idéaux portés, à la parole occultée d’un travailleur et militant de l’égalité sociale et politique.”
Il n’est pas le premier ni le dernier. Mais pour marcher sur les brisées d’un Julien Gracq refusant le prix Goncourt 1951 pour Le Rivage des Syrtes (mais pas la notoriété et les ventes assorties au coup d’éclat), ou sur celles d’un Sartre refusant le Nobel de littérature 1964 pour l’ensemble de son oeuvre (mais acceptant le chèque dont il distribua une grande partie du montant autour de lui), il faut en avoir les moyens, et ce n’est pas d’argent qu’il s’agit. Sauf à croire que ce n’est que l’ultime avatar d’une stratégie de communication bien éprouvée consistant à disparaître pour mieux apparaître. Alors quoi : une nouvelle ajaritude ? Difficile en tout cas de ne pas déceler sous la revendication d’idéalisme un mélange de mépris, d’arrogance, d’immaturité, surtout trois jours après, alors que sur le site de l’éditeur le livre était déjà ceint du bandeau “Goncourt du premier roman”. L’orgueil est toujours mal placé lorsqu’il se manifeste à retardement. Il est vrai aussi que cette récompense étant dotée, Joseph Andras aurait eu à dévoiler sa véritable identité pour la recevoir, ce qu’il paraît redouter par-dessus tout.
(« Fernand Iveton au moment de son arrestation » photo .D.R ; « François Mitterrand » photo D.R.; « Joseph Andras » photo S. Rezvan)
429 Réponses pour Quand l’affaire Iveton devient l’affaire Andras
Quand on se sera lassé, et l’effort à fournir n’est pas léger, de porter la contradiction à sse et consorts, le monde se portera-t-il mieux ? L’histoire que l’on raconte doit être un accommodement des modes du moment et en ce moment elle sont funestes
https://www.youtube.com/watch?v=1UeFu7QdZPI
« Et d’où la France tira-t-elle, de 1830 à 1945, une grande partie de sa richesse et de sa prospérité, qui empêchèrent la colonisation de peuplement de réussir en Algérie ?
De l’exploitation de ses possessions coloniales. »
sse, comment pouvez-vous écrire une aussi énorme conne..rie?
Les travaux des économistes ont toujours montré que les colonies ont coûté de l’argent à la France. Le coût des travaux d’infrastructure, du personnel expatrié, des subventions et assistanat divers ont toujours dépassé les recettes que l’on pouvait en tirer. D’un territoire (l’Algérie) où il n’y avait à peu près rien, la France a fait un territoire sillonné de routes, d’équipements, de villes. Croyez-vous sérieusement que les recettes tirées de l’Algérie et des colonies africaines couvraient les énormes dépenses engagées? Si encore il y avait eu du pétrole en masse…Ce n’est pas la découverte de pétrole au Sahara à l’extrême fin de la présence française et au moment où il fallait payer la guerre et les divers plan d’équipements, qui ont changé quoi que ce soit…Les colonies ont été une erreur totale du point de vue de l’intérêt français. La seule motivation était stratégique pour faire le poids face à la puissance montante de l’empire allemand, avec une motivation de développement humain qui n’était pas pure hypocrisie chez beaucoup d’hommes politiques de la 3ième république.
En Europe, on peut presque dire que le développement économique des principaux pays a été inversement proportionnel à l’étendue de leur empire colonial. Zéro colonie (la Suisse par ex), richesse maximum; colonies significatives (Portugal, Espagne longtemps, France), développement entravé. On a rendu un fier service à l’Allemagne en 1918 en lui confisquant tout son empire africain. Bon débarras pour elle…
Reposez-vous sse, vous en avez besoin.
Incidemment, si sse et consorts pouvaient nous conter ce que fut l’histoire du peuple et de la nation algérienne avant 1830 – outre les trois siècles espagnols d’Oran évoqués plus bas – … Et l’antériorité d’une occupation ne donne aucun droit sur une terre
Rien de binaire, Roca, de la même façon que l’andras est tout sauf binaire. J’ai apprécié ce livre:est-ce un crime? d’autres aussi, apparemment, qui l’ont publié & lauré.
Il y a sur ce blog des nostalgiques de la colonisation & des tenants du pouvoir blanc: ce ne sont pas mes amis, c’est à leurs mensonges que je réagis.
Feu mon meilleur ami, juif algérois m’a raconté son arrivée dans la région parisienne, les doigts gourds, la suspicion, le soleil d’Algérie à jamais disparu…Il continuait à manger de la semoule au Yorick et confiait ses clés à « l’arabe du coin ».
Je laisse les théories aux universitaires qui souvent s’agitent dans leur bulle sans que cela n’ait malheureusement aucun effet sur le monde. Ce qui m’intéresse, c’est le chatoiement de l’expérience humaine. Comment le fils d’un leader du FLN devient chanteur dans le groupe de rock auquel j’appartiens, comment un survivant de l’extermination des juifs de Budapest, arrivé à 11 ans avec les oreillons à Sydney, devient un des meilleurs spécialistes de Shakespeare & un excellent traducteur du français, avant de balancer ses archives que souhaitaient acheter la Australian National Library.
Incidemment, je connais mieux les filles qu’on renvoie au bled que celles qui y restent: 4 ans de Zep à la cité du Luth à Gennevilliers me servent de viatique. Je ne regrette pas, mais je ne le referai plus & malgré le trésor d’histoires à raconter: le môme qui t’annonce à 8h du mat qu’au moment où il ouvre la poubelle de son immeuble pour mettre son chewing gum, il trouve un macchabé dedans: ‘il était tout vert, m’sieur’; les flics qui viennent dans ta classe chercher le petit Haïtien qui dormait tout le temps près du radiateur parce que la nuit un gang l’employait à passer par le soupiraux des grandes surfaces pour ouvrir les portes de l’intérieur…
Momo, dont je crois reconnaitre le style, pas franchement beckettien, a oublié les Brahmanes hindous qui poussent les joueurs de machettes à découper en sushi les musulmans ou chrétiens mangeurs de vache. On l’oublie toujours l’hindouisme, mais c’est la plus intolérante de toutes les religions; elle n’a fait qu’exporter son modèle de royauté dans toute l’Asie du sud-est, mais le jour où ils se sentiront suffisamment forts économiquement, militairement, etc, ne croyez pas qu’ils hésiteront à prendre leurs machettes et AK 47 de pèlerins. Des teignes je vous dis…
Gilbert Meynier « Un mariage forcé, une séparation sanglante »
http://medias.lemonde.fr/medias/pdf_obj/sup_algerie_041027.pdf
« Je ne peux que constater que vous ne connaissez pas grand chose tant en chiens qu’en enfants. »
De toute évidence vous vous connaissez, ce qui suffit largement à andiguer le grand fleuve de mon ignorance.
Gilbert Meynier
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Que je connais bien, Guillaume, pour l’avoir invité à venir nous parler de l’Algérie pendant la Grande Guerre. Un excellent historien, doublé d’un merveilleux chanteur occitan, qui plus est!
Bloom
si en plus il chante bien!
Les échanges sur ce fil ont montré que tout pouvait être dit et le contraire sur le rôle de la France dans l’Algérie coloniale ; civilisatrice ?peut-être ; spoliatrice ?probablement
En tout cas il y a une catégorie « d’indigènes « qui a été la grande gagnante de la présence de la France . Ce sont les juifs, devenus français à part entière en 1870 par l’effet du décret Crémieux et qui ont acquis avec cette nationalité en toute propriété la langue et la culture françaises et ont bénéficié des leçons de l’ecole de la republique . C’est de cette mutation culturelle qu’ont pu émerger dans les générations suivantes un Derrida , un BHL, un Paul Benichou ,un Elkabbach
Le « traitement spécial » dont ont beneficié les seuls juifs et dont étaient exclus les autres indigènes était évidemment injuste .C’est cette injustice que Giraud a voulu reparer en abrogeant une deuxième fois le décret Crémieux après son retablissement . De fait le texte de 1870 avait eté abrogé une première fois en 1940 dans le cadre des lois antisémites de Vichy replaçant ces juifs sous le statut d’indigène ; puis, avec son rétablissement en 1942,ces juifs ont recouvré leur citoyenneté, jusqu’au moment où la nouvelle mesure d’abrogation voulue par Giraud, et rapidement remise en question, les privait de nouveau ,mais pour une période très brève, de leur nationalité
DDH, vous avez oublié de mentionner Hélène Cixous, qui parle très bien de « l’apatridité » qu’elle a vécu.
vécu-e
@Bloom
le fait que je n’aie pas pensé à elle en écrivant mon post tient sans doute à tous mes efforts infructueux pour entrer dans son œuvre sans parvenir à en comprendre le sens et la beauté ,qui sont probablement riches mais impénétrables pour moi
Et ce cher Raoul Girardet, proche de l’OAS et pourtant rapporteur de si beaux textes sur l’amour de l’Algérie…
http://www.histoire.presse.fr/actualite/infos/mythes-mythologies-politiques-raoul-girardet-25-09-2013-61495
On parle mal de la période française, riche et fructueuse, de ce territoire algérien qui fut bien équipé. Et on parle souvent en bien de l’indépendance qui en fit une nation, en pleine réussite, maladroite, fragile et claudicante …
Pourquoi cette bipolarité idéologique ? Pourquoi tant de mensonges déformants ?….
à 9h25 le malade continue sa propagande
Globalement , le livre mérite l’intérêt , ce qui fait que l’on s’en fiche qu’il ait reçu , pas reçu , accepté , pas accepté , le Goncourt.
Par ailleurs,l’auteur a parfaitement le droit d’émettre une opinion sur sa perception de la guerre d’Algérie , fût elle fausse , ce qui reste discutable.
Bien entendu, tout le monde peut écrire n’importe quoi, en particulier une bleuette Harlequin sur un traitre à la nation, justement raccourci : c’est ça la liberté d’expression.
Rien ne nous empêche, non plus, de dire que l’harlequinade de ce gamin de 30 ans est une fausseté, partisane, inutile, et mal écrite…
Mieux qu’un bandeau » j’aime », le libraire avait mis un marque-page avec un gros coeur, « coup de coeur », avec cette petite annotation: « premier Goncourt, largement mérité » dans plein d’exemplaires du livre de Joseph Andras, » De nos frères blessés ».
Je reviendrai vous dire. Ou pas.
Avant que de lire ce petit livre, petit en taille, 139 pages, de J. Andras, et autre que ce refus du » bandeau rouge », je me souviens avoir lu un début de roman, tout aussi intransigeant sur la mémoire de la guerre d’Algérie, telle qu’elle pourrait être altérée par les affects de la cinquième colonne… C’est « la nuit de Zelemta » de R-V. Pilhes.
Au tiers de ce livre je dois faire une pause.
Parce que le livre de J. Andras est dense. Une écriture efficace.
Le choix de composition est original. Sans transition dans le cours du récit, il est mêlé deux temps différents.
On suit à la fois, le calvaire de la torture d’Iveton, par la police française, -rien n’est épargné en clair, de cette cruauté de la flicaille, oui, bien française, bravant une certaine éthique, celle de leur chef qui avait connu la torture sous d‘autres cieux…- et puis ce qui se passe dans le même temps pour les autres clandestins. J‘ai du mal à définir à minima, vous allez comprendre pourquoi,, ceux qui furent dans ce récit, et à leur manière, apparaissant comme des résistants. « Rebelles« , écrit J. Andras.
Et tout l’enjeu de la « question » est là. Va-t-il céder, Fernand ,et livrer se camarades. Ce qu’il fait, sans faire, au bout de l’inhumain.
Avec un écran hors temps, dans tous les sens du termes, que J. Andras excelle à décrire p.44 à 47. La rencontre d’Iveton avec celle qui allait devenir, sa-digne- épouse. Et ce « truc » qui se passe alors, pour lequel « (Hélène n’a pas droit aux lieux communs, au chromos de rimailleurs)« , comme dire l’encre de ses yeux, ai-je eu la tentation d’ajouter.
Si je fais étape, exactement là, c’est aussi parce qu’il y a une référence explicite à Max, page 37.
Où il est indiqué: « il (Iveton, note de moi) n’a pas eu les épaules assez larges pour faire honneur au costume du préfet de l’Eure-et-Loir »
Cette référence est bien venue.
Je vous écris cela, parce que je suis sous influence. On a celles qu’on peut.
En même temps que j’ai pris ce livre de J. Andras, plein de cœurs partout à la librairie, j’ai également pris un autre livre. Plus épais. Il est écrit par le procureur général de Lyon. Il a été chargé de l’organisation du procès de l’officier SS Klaus Barbie. Et son livre donne un portrait de Romanin, intime, séducteur. Avant qu’il ne devienne Max. Et il met à mal, un peu, cet attachement un peu exclusif de M. le sécrétaire particulier, pour redonner un peu de place à l’homme Moulin, époux…
Voilà, mais tout ça pour vous dire que je cherche également quelques personnes qui auraient étudié l ‘arabe littéraire et qui auraient lu ce livre de J. Andras.
Il s’avère que, tour rapidement fait, aucune personne issue de l’immigration algérienne auxquelles j’ai pu causer today, ne lit l’arabe… Et que l’appli Google trad, ne fonctionne pas, en mode photo.
Après avoir terminé la lecture de ce livre, je dois dire merci à J. Andras.
Merci pour des éclairs de finesse. Et dans l’ensemble, pour un livre qui m’a personnellement apporté, dans la réflexion au sujet d’une guerre, sujet qui reste souvent encore inadapté au partage.
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Le procès vite expédié, et l’attente de la décision tiennent environ les deux tiers de ce livre, après l’éprouvant passage à tabac chez les tortionnaires.
Cette lenteur qui semble s’installer, avec ses espoirs et des déconvenues, est brisée, un matin à l’aube. Par les yeux noirs d’un co-détenu, « qui sectionnent d’un coup d’un seul les vapeurs du réveil. Ses yeux noirs(…) contraignent le condamné à ouvrir les siens »
Le contexte, les forces en présence, en Algérie, entre 1953 et 1957 sont peu évoquées. A peine une toile de fond, à ce que vivait F. Iveton.
Dont l’engagement dans la lutte, le point où tout bascule, est évoqué.
Et à l’image de ce caractère d’Iveton, que nous fait découvrir J. Andras, ce motif ne pouvait être que … fraternel
Ce motif avait un nom.
Il nous est présenté sous les traits d’un homme, dont « le calme n’était pas de la quiétude, plutôt une sorte de pureté. Celle des lacs de haute montagne »
Je retiendrai que Fernand Iveton fut le seul Européen exécuté sur décision de justice de l’Etat français durant la guerre d’ Algérie.
Quant aux » coquetteries » -calligraphiques- pour reprendre un terme du billet, well, elles sont assez nombreuses, dans les toutes dernières pages. Et je ne perds pas espoir d’en avoir un jour, le fin mot.
Pour ce qui est de la signification des mots reproduits en arabe : dans le fil du récit, ce sont généralement des « Dieu merci ! » etc Pour ce qui est des phrases de la fin, ce sont des paroles de chants du FLN.
Merci. Il ne m’est pas nécessaire d’en écouter plus.
Cadeau; c’est l’une des seules chansons de ce livre peu musical.
Je n’avais en tête qu’un titre de ce chansonnier/acteur; elle est très triste, en cette saison où les champs se piquent du rouge des coquelicots.
Celle mentionnée dans le livre a été le générique d’une série télé, en Italie. Je n’ai pas besoin de vous présenter le héros.
« Sigla dello sceneggiato televisivo « Le inchieste del commissario Maigret », regia di Mario Landi, trasmesso sul Programma Nazionale a partire dal 27 dicembre 1964.
L’ultima puntata è stata trasmessa il 17 settembre 1972. »
Une petite précision. Andras (άνδρας) signifie homme en grec moderne.
En grec ancien c’ est aner (ανήρ), qui devient ανδρός au génitif.
« un travailleur et militant de l’égalité sociale et politique. »
Ca aussi ça fait vieux con pour un type né en 84
voir suite des commentaires, le 3 juin 2016 au matin, sous le billet Kipling, suite aux derniers « rebondissements » de l’affaire.
Lire est dangereux ! Vous êtes passibles de devenir complices !
Je reporte aux comments de ce jour, du billet Kipling.
Pourquoi mettre en tweet vitesse, ce qui doit se siroter, à petites gorgées.
http://the-dissident.eu/10842/joseph-andras-je-place-poesie-au-dessus-de-tout/
Iveton, Syveton, de quoi croire à la réincarnation?
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