de Pierre Assouline

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La République des livres
Malgré que Bernadette Chirac n’ait pas de goût pour les chevaux

Malgré que Bernadette Chirac n’ait pas de goût pour les chevaux

Une entreprise post-moderne, « conseil et communication », ce genre. De temps en temps, le patron décrète une journée de « veille » : Vendredi, on veille. (C’est un exemple, ça peut être un mardi.) « Veiller » consiste à lire les journaux. Pendant huit heures, moins la pause déjeuner, les employés lisent des journaux, ou ce qui y ressemble, un peu au hasard de ce qui se présente dans « Google news ».
Après quoi ils se rendorment.

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Voici ce qu’on dit de Bernadette Chirac :
– Vous savez ce qu’elle fait de ses vieilles robes ?
– Non…
– Elle les met.

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Filer à l’anglaise, qui se dit en anglais « to take a French leave ».

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Debussy, qui aurait volontiers joué son Pelléas à Mozart, Beethoven ou Wagner, mais n’aurait jamais osé le faire « devant le vieux Bach » !

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Le goût des petites filles pour les chevaux.

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La mode des « playlists ». On demande à quelqu’un, pourvu qu’il soit célèbre, de dire ce qu’il écoute « ces temps-ci ». Tous les journaux en publient. Voyons-en une, dans l’Obs. C’est un chanteur, Vincent Delerm, qui répond : « The other woman », de Lana del Rey, « To America », de Joan as Police woman, « La vérité est une espèce menacée », de Jérôme Minière, « T’es beau ,» de Pauline Croze, « Another day on sun », la bande originale de La La Land. On se demande comment il peut apprendre son métier en n’écoutant rien d’intéressant. Il n’a peut-être pas envie du tout d’apprendre son métier, cet homme. C’est son droit.

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(Suite)
« Joan as Police woman » : quel nom ! On peut préférer, dans Balzac, Mme de Beauséant.

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Jérôme Lindon (Éditions de Minuit), qui rappelle que Beckett s’était fait refuser Molloy 27 (vingt-sept) fois ; et qu’en termes de prix littéraires, cet auteur n’a reçu ni le Goncourt, ni le Fémina, ni le Médicis, ni rien de ce genre. Uniquement le prix Nobel.

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(Suite)
Lindon, que certains écrivains ont accusé de ne les avoir publiés qu’à « seule fin de saboter leur diffusion ».

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Être tout le portrait de son fils.

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Les iris, qui meurent en se recroquevillant, comme les araignées.

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Les pêches et brugnons, qui ont doublé de taille en vingt ans.

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Pierre le Grand, qui avait institué une taxe sur le port de la barbe. Tête des popes !

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(Suite)
Les jours de beau temps où, pour bien faire, il faudrait se raser deux fois.

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Occurrences de « malgré que » dans À la recherche du temps perdu :

« [C’]est aussi impossible que de se faire une bonne santé (malgré qu’on manque à toutes les règles de l’hygiène et qu’on commette les pires excès) rien qu’en dînant souvent en ville avec un médecin. » (Jeunes filles)

« Celle que nous pressons, dont nous soupçonnons qu’elle est sur le point de nous trahir, c’est la vie elle-même, et malgré que nous ne la sentions plus la même, nous croyons encore en elle… » (Guermantes)

« Il me prit violemment le bras, et malgré que je me défendisse comme contre un viol par des : « monsieur, monsieur, monsieur » répétés, il m’entraîna vers maman… » (Guermantes)

« Car malgré qu’il enviât ses frères, il les aimait et pouvait ainsi cultiver pendant des semaines des sentiments de famille. » (Sodome)

« Par la triste comédie que j’avais jouée, est-ce à un péril réel que j’avais paré, et, malgré qu’elle prétendît se sentir si heureuse à la maison, avait-elle eu vraiment par moments l’idée de vouloir sa liberté, ou au contraire, fallait-il croire ses paroles ? » (Prisonnière)

« Un homme calcule tout ce qu’il peut citer de traits glorieux pour lui, afin de plaire à une femme, il varie sans cesses ses habits, veille sur sa mine, elle n’a pas pour lui une seule des attentions qu’il reçoit de cette autre,  qu’en la trompant, et malgré qu’il paraisse devant elle malpropre et sans artifice pour plaire, il s’est à jamais attachée. » (Prisonnière)

« Malgré que ce fût son jour, et après avoir hésité, maman était allée déjeuner chez Mme Sazerat… » (Fugitive)

« Malgré que » + « par contre » :
« Nous nous rappelons qu’il portait enfant d’étranges guêtres jaunes aux Champs-Élysées, dans lesquels par contre, malgré que nous le lui assurions, il n’a aucun souvenir d’avoir joué avec nous. » (Temps retrouvé).

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

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Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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