de Pierre Assouline

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La République des livres
Passage du temps

Passage du temps

« Ce n’est pas une bataille, la vieillesse, c’est un massacre » ». Qu’il s’agisse de l’horreur de la dépendance, de l’aveu d’impuissance, du sentiment d’isolement, de l’aliénation absolue, il n’est plus seulement question de ce naufrage, de cette déchéance qui humilie d’autant plus qu’elle laisse intacte la lucidité, mais de la conjuration du spectre qui rôde. On pouvait lire quelque chose comme ça dans Un homme (2007) de Philip Roth. La violence de la phrase m’avait marqué de même que les commentaires suscités à l’époque (1973) par l’annonce de la mort de Salvador Allende ; on disait alors qu’en se suicidant avec un AK-47 que Fidel Castro lui avait « amicalement » offert, il était parti en héros « au sens grec du terme puisqu’il a préféré une vie brève à la longue durée d’une vieillesse soumise », et qu’à ce titre, il méritait le respect. Il n’y a pas que les mots choisis. Une série d’images me hante depuis que je l’ai vue il y a une vingtaine d’années : le portrait signé du grand Richard Avedon d’un homme âgé, le teint blafard et les joues creusées du cancéreux, silhouette déjà décharnée flottant dans sa chemise, que seul son regard rattache encore au monde des vivants, des premiers signes de son cancer en 1969 à sa mort en 1972. Un regard plein de désarroi, de compassion, d’humanité qui implore qu’on ne le laisse pas s’éteindre. Ca aurait pu être celui de mon père, ou celui du père de Roth magnifiquement évoqué autrefois dans Patrimoine (1994), c’est celui du sien, Jacob Israël Avedon photographié à toutes les stations de la course du mal en lui. Nos pères guettés par la maladie de la mort. Soutenez son regard. Cette image, de même, que celle de l’instant d’après où il baisse les yeux dit tout. Dans Beau, beau et vieux à la fois […]

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