La fabrique de l’imaginaire de Bacon&Eggs
Etrangement, en quittant l’exposition « Bacon en toutes lettres » du Centre Pompidou à Paris (jusqu’au 20 janvier 2020), et en se replongeant dans les livres et albums à lui récemment consacrés à cette occasion, on a envie de l’appeler comme ses amis avaient l’habitude le faire « Bacon & Eggs ». Une familiarité qui s’impose face à la religiosité et la dévotion qui semblent désormais nimber un artiste et une œuvre comptant certes parmi ceux qui ont dominé leur temps, mais envers qui un brin d’irrespect ne ferait pas de mal. Eux comme d’autres.
Le réflexe m’en est venu à la vue de la mise en scène (le « dispositif » murmuront les scoliastes de l’art qui, comme les critiques littéraires, n’ont plus que ce mot à la bouche) qui préside à la présentation des six livres de chevet de Francis Bacon. Ceux qui l’ont le plus inspiré : L’Expérience intérieure de Georges Bataille, L’Âge d’homme de Michel Leiris, Humain, trop humain de Nietzche (« le Cassandre du XIXème siècle ! »), Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, l’Orestie d’Eschyle, les poèmes de T.S. Eliot (les deux premiers livres, en français dans le texte). Non des exemplaires choisis au hasard mais les siens propres extraits de son abondante bibliothèque (1300 livres aujourd’hui conservés au Trinity College de Dublin, sa ville natale). Ainsi isolés et encagés, comme c’est parfois le cas de personnages dans certaines de ses toiles, tout abîmés d’avoir été tant manipulés, les voilà sanctuarisés dans l’expo. Rarement on aura autant fait de livres des objets sacrés. Du fétichisme en l’espèce. D’autant plus regrettable que ce qui interroge le regard dans ce beau projet de la mise en relation d’un grand créateur particulièrement littéraire avec ce qui l’a tant inspiré dans la littérature, ce n’est pas l’objet livre mais ce qu’il contient : le texte.
« La réalité abandonne ses fantômes »
L’accent est donc mis sur ses références extrapicturales. Comme une tentative de mesurer leur influence sur son acte créateur – même si l’on sait bien la vanité de prendre la mesure de quoi que ce soit dans ce domaine. Or s’il y a bien un artiste qui se soustrait à ce genre d’exercice c’est bien lui. N’empêche qu’on aimerait bien lire quelque part une réflexion sur la qualité étrangement a-littéraire des titres de ses tableaux. Reste à s’en remettre à la biographie pour comprendre l’œuvre au risque de saintebeuviser. Passer l’ineffable, l’indicible, l’insaisissable à la moulinette du positivisme : un comble pour celui qui fuyait l’anecdote, la narration, l’histoire. Ca tue la peinture et revient à un aveu d’impuissance. Bacon aurait pu faire sien le titre (et le contenu) de la chanson de Billie Holiday : « Don’t explain ». Un cri ne s’explique pas : il se ressent. Il n’a cessé de répéter à ses interviewers :
« Si l’on peut tout expliquer, à quoi bon peindre ? »
Gageons qu’il n’a pas dû détester cette perle hautement philosophique de Margaret Thatcher à son sujet : » Quoi ? Cet homme affreux qui peint des cauchemars ? ». Des sources, à n’en pas douter, mais encore ? Les poètes ? des détonateurs d’images, des stimulants, et leurs poèmes des concentrés pour ouvrir les portes de l’imaginaire. Les écrivains ? Des aiguillons. Lecteur compulsif des deux, il plaçait Saint-Simon au-dessus de Proust. Son panthéon est vaste : Yeats, Rimbaud, Poe, Pound, Baudelaire, John Donne, William Blake. Les références sont toujours discrètes et qu’importe si nombre de visiteurs de l’exposition passent à côté de la citation quasi subliminale pour n’avoir lu l’explication accrochée : ici un bout d’un poème de T.S. Eliot dans le portrait en en tryptique son amant George Dyer. Ou, du même, « Sweeney Agonistes » à l’origine d’un autre tableau. Ou encore ailleurs les six journées et nuits de guerre de l’Iliade qu’il relit ad nauseam.
C’est du Bacon des derniers temps qu’il s’agit, généralement sous-évalué et sous-estimé. Mais le rapport entre ces tableaux d’après 1971 et leur inspiration poétique et littéraires demeure problématique au visiteur. Peut-être doit-il acquérir le catalogue du commissaire Didier Ottinger pour y voir plus clair. Il paraît que l’absence de cartel en dérange certains. Ravages et tyrannie de l’identification, ce fléau des expos, alors qu’il s’agit d’abord et avant tout de regarder et de se laisser envahir. Tout invite à dissiper les malentendus. Jamais un tableau n’illustre un livre. Maudits soient ceux qui usent de l’œuvre de Bacon comme d’une décoration pour leur appartement.
Quel étalement de viande, de corps suppliciés, de carcasses d’hommes, mais quelle force vitale exprimée sous cette provocation à l’effroi ! Il y a du boucher en lui :
« L’odeur du sang humain ne me quitte pas des yeux. »
Bien vu. Ce vers d’Eschyle la hante. Les corps de ses tableaux sont d’autant plus tordus qu’ils se détachent sur un fond d’une rigueur clinique. Où d’autres voilent salles de torture et lieux d’équarissage, on est invités à entendre le hurlement de la vie et les contorsions du vivant. La violence est bien là mais pour dire l’humain.Le personnage central, tordu, enchevêtré, noué, distordu, douloureux accroche d’autant mieux notre regard qu’autour de lui le décor est toujours raide, ascétique, glacé, inerte, clinique. Un environnement d’un dépouillement strict et absolu, aux antipodes de l’indescriptible chaos de papier, de chiffons, de matières, de produits, d’objets et de poussière (très utile) de l’atelier de Reece Mews (à South Kensington, Londres), d’anciennes écuries orientées est-ouest où il a été conçu. Ses formats s’expliquent d’ailleurs par le fait que, au maximum, il pouvait sortir des tableaux de 147,5 cm x 198 cm de biais.
« C’est une bête d’atelier » (Michel Leiris)
Difficile de se soustraire au face à face avec la mort auquel ce grand viveur nous invite. On comprend mieux cette obsession lorsqu’on se souvient que la vision du Massacre des innocents de Poussin n’a cessé de le hanter depuis une lointaine visite au musée Condé. Le cri toujours mais en tenant compte de la désarticulation du visage, de la bouche distordue, des dents carnassières, du rictus, de l’abject sourire d’où il surgit. Autant d’autoportraits de l’homme à la tête de batracien. Nul besoin de souligner, aucune nécessité de solliciter en nous l’émotion face à la détresse. Il lui suffit de nous angoisser en nous entrainant dans le huis clos du tableau, chambre ou boîte. Alors tout naturellement Innocent X donne l’impression d’être assis non sur le trône papal mais sur une chaise électrique. Un tel art, tout à sa fascination de l’extrême, ne s’adresse pas à notre intelligence ou notre connaissance, mais bien à notre système nerveux sans ces filtres-là. On songe à l’excipit du Nadja de Breton : « La beauté sera convulsive ou ne sera pas »
On peut dire qu’il a créé son poncif sans que ce soit un reproche tant le résultat est fort. Chaque toile apparaît comme une scène de crime. Il n’y manque pas une flèche. Une œuvre de dramaturge. Pour qui n’a jamais vu autant d’œuvres de Bacon réunies, la vue d’ensemble est saisissante. Des tableaux accrochés à 40 cm du sol, soit le double de la distance souhaitée par l’artiste, loin du ras du sol exigé par Rothko afin que le spectateur entrât dans le tableau en l’enjambant. Au Centre Pompidou, on y entre sans mal. Quand on en ressort, on s’interroge moins sur ce qui l’a formé que sur ce qui l’a déformé. Là git une partie de son exacte vérité. Yves Peyré commente à propose du portrait de Michel Leiris (1976) : « Comble de la déformation, sommet de la justesse ». Ca veut tout dire. La technique, tôt acquise et maitrisée, est oubliée pour s’en remettre entièrement à la surprise, l’inattendu et, partant, à l’intuition. De quoi s’isoler du monde dans un nuage de sensations. Inutile de préciser que nul ne l’a vu peindre tant la solitude est consubstantielle à sa création.
« Ca ne marche jamais comme je veux. Je rêvasse, une image me vient, les choses vous tombent dessus. Ou pas » (à Frank Maubert)
Le voilà face à une toile. Il attend que ça vienne. Il sait ce qu’il veut, comme toujours ou presque : représenter l’instantané de la mort. Mais il ne sait pas comment. Un poème de Federico Garcia Lorca revient l’attraper, l’envelopper, l’envahir. Celui que le poète écrivit en hommage au torero Ignacio Sanchez Mejias. Le dernier quatrain s’inscrit en lui et ne lâche pas. Après, on ne saura jamais s’il y a peinture ou pas… Le secret, c’est l’imprégnation et non l’inspiration. On sait juste que l’intuition permet la grâce qui rend l’effort invisible, graal de tout artiste, à commencer par ceux qu’il influenca comme Rebeyrolle et Jean Rustin.
Bacon&Eggs, l’homme et l’œuvre, ont suscité un grand nombre d’études, de biographies, de livres d’entretiens, d’analyses, de commentaires. Ceux de Harrison sur le travail du peintre (Actes sud, 2008) et de John Deakin sont souvent cités. De même que Francis Bacon ou la vérité criante (Fata Morgana , 1974) de Michel Leiris (qui lui a par la suite consacré deux autres ouvrages), Logique de la sensation (La Différence de 1981) de Gilles Deleuze qui lui aura apporté le prestige de la philosophie, ainsi que les fameux entretiens de David Sylvester et les textes de Michaël Peppiatt. Dans Francis Bacon ou la mesure de l’excès (336 pages, Gallimard), Yves Peyré, qui l’a longtemps fréquenté, mêle l’analyse au témoignage ; et passant en revue tous ses prédécesseurs en baconologie, il se demande si au fond, nul n’a mieux compris l’artiste qu’un romancier, Mario Vargas Llosa dans Eloge de la marâtre (1988, merveilleusement traduit par Albert Bensoussan) qui donne sa voix à Triptyque 1 (1948). Sous la plume d’Yves Peyré, comme sous celle du journaliste d’art Frank Maubert dans son précieux Avec Bacon (139 pages, 9,50 euros, Gallimard), compte-rendu de leurs rencontres parisiennes et londoniennes, on découvre un artiste timide, raffiné, urbain, courtois, prévenant, chaleureux, généreux du moins avec les intellectuels parisiens, mais cruel avec ses compagnons nocturnes de Soho. Bacon est bien vivant et il habite en ce moment au Centre Pompidou avec ses amis poètes et écrivains. C’est là qu’on est le mieux pour lire ses tableaux.
(« Three figures in a room, 1964 » Centre Pompidou ; « Bacon par Cartier-Bresson, 1952 » ; « Portrait de Michel Leiris, 1976 » Centre Pompidou , « Portrait d’Innocent X d’après Velasquez », 1953, Des Moines photos D.R.)
1 272 Réponses pour La fabrique de l’imaginaire de Bacon&Eggs
Capa à la campagne :
[« The camera is an instrument that teaches people how to see without a camera.”, Dorothea Lange]
Emission « Répliques » d’Alain Finkielkraut
L’émission « Répliques » d’Alain Finkielkraut, on le sait, est diffusée chaque samedi de 9h à 10h
sur France Culture. Il reçoit deux invités et ils conversent sur un thème donné.
Ce samedi 12 octobre 2019, le thème était La Bruyère, l’un des deux invités, l’excellent Jean-Michel Delacomptée venant de publier un livre sur cet important auteur français du XVIIe siècle. Je recommande chaleureusement cet ouvrage.
Le samedi 19 octobre, les deux invités seront Pascal Bruckner et Robert Redeker. Emission à ne pas manquer !
@ il faudrait fréquenter les bistrots plutôt qu’un blog littéraire…
Vous commencez à vous gâter un brin, c’est dommage. Où avez vous pris que ce blog était autre chose qu’un bistrot virtuel ? Vous vous croyez chez Proust, vous aussi, ou quoi ? Allons allons, un peu d’humour, que diante ! et voyhons donc ! Rengorgez votre amour-propre, on ne vous voit pas rougir ni fulminer…
Sans blagues, vous dîtes : «… vos valeurs vous portent à préférer le droit du sang, alors que les miennes sont toujours orientée vers le jus soli…», j’aimerais donc que vous m’expliquiez où se situe votre humour dans ce jugement infondé ?
Evidemment ! Tout blog, dont celui-ci, est un bistroquet virtuel pour freluquets diplômés …
Dans l’espace malsain d’un bar-tabacs normal, réel, vivant, les trois-quart des commentateurs auraient la frousse de se faire péter la gueule et la fermeraient…
lu ce matin
On connaît l’humour juif, l’humour anglais, voire la ravageuse comédie à l’italienne; mais l’humour français ? Est-ce réellement un trait national ? Certains en doutent. Les pochades d’un Louis de Funès laissent en général les étrangers imperméables. La satire, la caricature, le rire engagé, oui, bien sûr, sans hésiter, c’est français. Le mot qui blesse. Encore mieux. Typiquement franchouillard. Mais l’humour ? Le second degré, l’autodérision ? Le mot « humour » est-il même hexagonal ?
Avant la révolution de 1789, il était quasiment inconnu dans le royaume des Bourbons. Les Français évoquent les mots « esprit », « farce », « bouffonnerie », parfois « humeur ». Mais pas d’« humour ». C’est que cette forme d’esprit, reposant essentiellement sur l’autodérision, semble un trait plutôt anglais. Voltaire écrit que les Britanniques sont les seuls à avoir un mot pour décrire cet état d’esprit qui se joue des règles au point de rire de soi-même.
Rabelais et l’esprit comique à la française
Probablement la lettre du grand auteur de Candide a-t-elle inspiré cette scène célèbre du film Ridicule, de Patrice Leconte, où un courtisan relate son séjour outre-Manche et dit à propos des Anglais :
« Ils ont une forme de conversation appelée humour, qui fait beaucoup rire tout le monde.
– Humour… Est-ce comme l’esprit ?
– Non, pas vraiment.
– Mais alors comment le traduisez-vous ?
– Eh bien, je ne peux pas. Nous n’avons pas de mot pour cela en France. »
Il faut attendre 1878 pour que l’Académie introduise l’adjectif « humoristique » dans la langue française et c’est un an plus tard qu’Edmond de Goncourt utilise le mot dans son roman Les Frères Zemganno. Et, en 1932, les académiciens finissent par consacrer « humour » comme un nom commun.
A-t-il pour autant conquis les esprits ? À relire Milan Kundera, ce génie littéraire qui devrait en ce domaine être notre guide, notre pays a commencé à briller dans l’Europe littéraire avec le créateur de Panurge qui, après les satires médiévales, incarne au mieux l’esprit comique qui serait le propre de la modernité: « Pour Rabelais, la gaieté et le comique ne faisaient encore qu’un. Au XVIIIe siècle, l’humour de Sterne et de Diderot est un souvenir tendre et nostalgique de la gaieté rabelaisienne. » […]
[…] Henri Bergson, dans son célèbre essai sur le rire, a voulu en faire le propre d’une nation qui aime à persifler. Depuis, chacun s’était mis à chercher, comme le philosophe, « quelle est l’intention de la société quand elle rit ». Et de distinguer entre le rire des anges et celui du diable. Car l’humour ne serait jamais neutre, selon Bergson, « c’est une anesthésie momentanée du cœur, pendant laquelle l’émotion ou l’affection est mise de côté; il s’adresse à l’intelligence pure », ce qu’affectionne particulièrement la nation de Descartes.
Le comique et l’insignifiance de tout
Baudelaire n’hésitait pas à en faire même quelque chose flirtant avec le diable : « Le rire est satanique; il est donc profondément humain. » Kundera renchérit en rappelant que le comique est plus dérangeant que le tragique. Le second, en nous donnant une belle illustration de la grandeur humaine, nous offre une certaine consolation. « Le comique est plus cruel : il nous révèle brutalement l’insignifiance de tout. » Peut-être est-ce justement ce que notre postmodernité de plus en plus vide de sens supporte le moins dans l’humour, une sorte de miroir oppressant de sa vanité ?
Le nouveau ton dogmatique et « moraliste » d’une certaine élite « progressiste », politique, universitaire et journalistique semble pas à pas se rapprocher du puritanisme venu d’Amérique, où l’humour n’a jamais été le trait le plus frappant de cette nation de « boutiquiers » (Stendhal). On commence en France à pourchasser tout « dérapage » au nom d’une lutte nouvelle contre tout ce qui « offense », contre tout ce qui « blesse » […] > LIRE LA SUITE
JACQUES DE SAINT VICTOR
revue des 2mondes
oui, pour moi l’humour c’est l’autodérision. Je dois avoir du sang anglais qq part dans les veines… On m’aurait caché quelque chose de mon jus sanguinis ?
@ ce jugement infondé
mais bon dieu … ce n’était qu’une provoc gratuite ou à deux balles, si vous préférez… Quel susceptibilité mal placée, bordel ! Mais qu’est-ce qu’ils ont tous icite, à se faire accroire ? 🙂
C’est qu’une photo
Clopine la campagne du blog.
Pour » l’anarchie par l’exemple » , je me demande quels exemples ont servi à tant d’illustres salopes et salopards, la théorie séduisante prouverait que tout s’expliquerait. Je crois que non.
Innocent Ier
Pape (40e) de 401 à 417 (✝ 417)
La même, et qui n’aura pas servi.
Le test ADN est formel: l’homme arrêté à Glasgow n’est pas Xavier Dupont de Ligonnès
ah, ils on l’air fin, les erdéliens avec leurs annonces prématurées sur Ligonesse… Pauvres D.! pauvres SMS ! « Forcément coupab », les keufs ?… Et on s’rait pas dans l’troquet du coin, là ?…Allhons d’oncl !
Le type a été arrêté sur foi d’un coup de telephone anonyme, est ce ce recent discours sur la vigilance qui donne ce résultat? Mais enfin non de d’la faudrait voir à rester utile et efficace. A moins que quelqu’un ait intérêt à ridiculiser nos administrations.
Je lisais qu’une vingtaine de radicalité travailleraient pour la république, que font ils dans ces rangs? Faut il modifier les règlements, les motifs d’exclusion?
Radicalisěs.
A moins que les modifications nécessaires ne fassent l’objet d’un minable et interminable débat sur la laïcité, qu’est-ce ?
Merci Marie Sasseur pour le point de vue de Cézanne. Par hasard, j’avais ouvert pour la première fois un livre que j’avais depuis longtemps « Sur les chemins de Sainte-Victoire », Jacqueline de Romilly, et qui commence justement par une comparaison entre des points de vue différents. En fait rien de nouveau pour qui connaît la région.
Separation du politique et du religieux, certes, il y a des limites, non?
En droit, la laïcité est le « principe de séparation dans l’État de la société civile et de la société religieuse » et « d’impartialité ou de neutralité de l’État à l’égard des confessions religieuses ».
Difficulté (impossibilité) de la traduction: « Die linkshändige Frau », bien plus musical que « la femme gauchère ».
@« Forcément coupab », les keufs ?
Pas qu’eux.
Le pauvre monsieur Guy J. retraité paisible, outre qu’il va devoir fuir l’Écosse, ne va probablement pas pouvoir non plus regagner son pavillon de banlieue à Limay.
Des keufs incompétents, et des stagiaires dans les rédactions le week-end, le parisien, rtl, bfm, etc. auront détourné le cours tranquille de sa vie.
En fait rien de nouveau pour qui connaît la région.
Prego, Vedo.
J’avais dans les 4 ou 6 bouquins qui me servent de bibliothèque un livre de Jacqueline, l’immense, pas moyen de remettre la main dessus. Il est vrai aussi que j’ai dû le lire sans rien y comprendre. Ceci étant, il me faudrait après une période de croissance neurovegetative essayer de le relire pour constater le progrès. Où est il passé, ce maudit livre de feue Jacqueline? En depoussierant au pinceau, finirai je par l’extraire de mon fond …
[Et l’autre, en 4e tête de gondole, qui voudrait nous faire croire qu’on est sur un blog littéraire]
Petit Rappel pour MC qu’a pas trop suivi le film :::
1- D. dit: à Xavier Dupont de Ligonnès arrêté en Écosse. De quoi s’occuper tout le week-end dans les rédactions !
2- Marie Sasseur dit: à C’est un bon sujet de roman. Je vois bien E. Carrere raconter l’histoire. Il se met souvent en danger, c’est l’une de ses caractéristiques.Cette histoire passerait bien sûr par ce monastère où un moine ressemblant à Dupont de Ligonnes avait été inquiété. http://www.leparisien.fr/faits-divers/xavier-dupont-de-ligonnes-a-ete-retrouve-a-glasgow-11-10-2019-8171406.php
3- Marie Sasseur dit: à Il y a un truc, qui coince encore. Que fait la police ? Parti de Roissy, tranquille, Dupont de Ligonnes est arrêté en Ecosse.
4- renato dit: à 2011-2019 : passer entre les gouttes 8 années durant c’est un exploit.
5- Jazzi dit: à « 2011-2019 » Comment a-t-il pu se procurer de l’argent ?
6- Janssen J-J dit: à (NB/ Dupont-Moretti s’est envolé pour Glasgow. On aurait retrouvé Ligonnès, l’assassin de Sophie Toscan du Plantier. Du pain sur la planche à venir et de nombreux voyages à venir pour SMS, entre Irlande – Ecosse)
7- D. dit: à Perquisition à Limay…j’attends avec impatience le résultat. Car je perçois là-bas des ondes extrêmement négatives.
8- de nota dit: à Karim Ouali est lui aussi en cavale depuis huit ans, il vient d’être repéré à Hong Kong, mais il n’est toujours pas arrêté…
9- et alii dit: à Le test ADN est formel: l’homme arrêté à Glasgow n’est pas Xavier Dupont de Ligonnès
1 0 -Marie Sasseur dit: à Le pauvre monsieur Guy J. retraité paisible, outre qu’il va devoir fuir l’Écosse, ne va probablement pas pouvoir non plus regagner son pavillon de banlieue à Limay.
Des keufs incompétents, et des stagiaires dans les rédactions le week-end, le parisien, rtl, bfm, etc. auront détourné le cours tranquille de sa vie.
… Mais MS comme d’hab., n’aura été responsable de rien ! Qu’une victime des keufs et des medias, quoi … Allez, zou… On passe à autre chose ?… C’est pourtant pas les sujets qui manquent au bistrot du coin !… Pas un qui vaut mieux que l’autre… Faites pitié, bande de saturnins …
@Mais MS comme d’hab., n’aura été responsable de rien !
Si, Du souhait qu’E. Carrère s’empare de cette affaire.
@ Jacqueline de R. a dû s’éclipser de la biblio, elle se sentait bien seule avec ses 4 ou 6 congénères…, à sa place j’en aurais fait autant 🙂 Mort, où est ta (ste) victoire ?
Meuh et taratata…., Essaie pas d’noyer la poiscalle, dafnaée. Il a déjà dict avoir assez donné avec Jean-Claude Romand, et que même s’il avait su…, l’serait point v’nu… on qu’on l’y r’prendrait pu’.
Et bien, Marie Sasseur, à cause de votre billet qui commençait par merci, j’ai pris en main ce livre de J. de Romilly qui était un seuls à être de face et non sur la tranche dans mon bureau à Paris, et que je n’avais jamais ouvert. Je « jette aux orties » ma prévention à l’égard des écrits sur cette montagne. Il y a des pages magnifiques dans lesquelles on aime partager « sa » montagne auprès de laquelle on est transporté par la lecture. On y retrouve aussi Zola. (Pour les points de vue, en résumé, le préféré c’est depuis l’ouest-banal).
3J, il s’agit de La grandeur de l’homme au siècle de Pericles.
Rien de commun avec ces évocations de la Sainte Victoire.
Vedo, je viens aussi, en refermant un livre, dont je différai la lecture des dernières pages, de partager une expérience étrange, une autre montagne. En car, avec Modiano.
Phil.Vous lis ici après votre billet Browning sur la RDC.
Sur handke, Edel et vous posez les questions correctes eu égard à sa lecture. La Carinthie, la mère slovène. l’écriture PH avant tout. Les égarements politique de l’écrivain pas à négliger :à traiter à part. Qu’il me dérange grandement qu’il ait serré la main à Milosevic est un fait, une fois qu’on a dit ça? Le papier Lançon désigne intelligemment quelle voie prendre. Sa manière de rappeler qu’au physique, handke se bonifie en vieillissant m’a surpris; étonnant, ce rappel. Où son propre calvaire de reconstruction transparait.
La tribune tonnante de Littell contre ‘ce trou du cul’ de PH, argumentée? Il n’aime pas que le nobel lui soit attribué, bon. c’est son droit. Pas le seul à n’accorder qu’une estime minime à la rotten académie.Le montant du chèque freine la rigolade. Il pèche par excès, il mélange les niveaux critiques.moins tenue que la parole mesurée de Libé. A rebours, quid du soutien en écriture ‘de notoriété’ de son bouquin par Richard Millet, thuriféraire d’Anders Breivik. C’était après, Gallimard l’a remercié ensuite, enfin c’était grâce à lui si c’était fait : Goncourt pour Jean Lepetit.
16h34 je dis ça je dis rien. Une vague d’attentats de toutes obédiences, y compris le non revendiqué qui réussit à emboutir ce blog en l’amputant de ses repères temporels. A part cela, les etats tremblent et s’ activent pour que ne soient pas relâchés de dangereux prisonniers, les kurdes quant à eux peuvent aller librement .
Mort, où est ta victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? » (…) j’évoquais Jacqueline de Romilly citant Daniel-Rops en aparté dans un passage de son ultime texte sur la grandeur de l’homme au siècle de Périclès.
« Je suis très vieille, âgée de plus de quatre-vingt-quinze ans et j’ai vécu au contact de ces auteurs grecs pendant au moins quatre-vingts ans ; et je dois dire, moi, à mon tour, l’espèce de force et de lumière, l’espèce de confiance et d’espérance, que j’en ai toujours retirées. […] Il m’a semblé que c’était une dette de reconnaissance, après avoir vécu au contact de ces textes, de faire un dernier et ultime effort pour en dire les merveilles et pour souhaiter que, dans notre époque de tensions, de doutes et de découragements, on se tourne vers l’étude de la littérature et de la langue qui ne sont pas des arts superflus et visant à la seule élégance ; pour dire aussi que, pour préparer l’homme de demain, il est plus utile que tout au monde de lui apprendre à lire les textes, les grands textes, et à bien connaître les moments de l’histoire humaine qui ont été toniques et beaux… J’ai eu du mal à écrire ce livre : je n’y vois plus, j’entends très mal et ma mémoire connaît des fléchissements, mais je voulais le faire justement parce que je suis arrivée à la fin de ma vie et que ce message me paraît plus que jamais précieux et important. […] C’est comme si le dernier mot que j’écrivais était pour dire merci. »
Assurément, Jacqueline était une sainte. Qui a dit le contraire, b. ?
il n’y a pas le féminisme erdélien ?ce n’est donc pas un cas à part?(drillon)
Dubruel ressort de chez le coiffeur, avec une permanente, du plus bel effet.
Haaa, Marie Sasseur. Encore vous? quelle femme amère. ai vu en remontant que j’y avais eu droit plus haut. ‘Patrick du Bruel’ par ci, ‘Patrick du Bruel’ par là, rappel des massages du chanteur. Vos ‘atomes crochus’ pour les toquards : j’en suis sûr. Votre manière de me barbouiller ma judéité au visage, que c’est drôle ! Peur que je l’oublie? Pas de souci, j’y tiens. La fille Le pen fait ça aussi, elle détache les syllabes, Roseeenbergggg, Goldeeenbluum.
Je relis vos posts. Oui je suis un prof aimant son métier, ses élèves et quelquefois les rencontres. en quoi ça vous dérange? Faudrait que je me paie Nolet pour avoir droit à participer? Ce ton de réprimande pour recadrer Assouline ! ahurissant. Vos flatteries de maîtresse calcifiée, incertaine de son autorité, dix minutes après. Vos liens dont vous faites une pendule, pas inintéressants mais quoi?. Vos menues remarques d’élève laborieuse. Cinglante. Elle pense que parce qu’elle a compris, qu’elle découvre, c’est elle qui l’a inventé !quelle virago.Déçu : vous ne faites qu’occuper le terrain.Jamais de discussion. Et que ça saute !Souriez, vous êtes filmée. Serviteur.
Le numérique a cela de bien qu’on peut effacer aussitôt.’Vieux cageot’ ,lu quelque part sous votre plume? On se frotte les yeux. OU, en petite fille : « Assouline lui sait ». Que c’est mignon. Summum de drôlerie involontaire.
Pauvre Dubruel, un esprit potache, comme le vôtre, va bien pour animer des récrés potins sous le préau.
Littell, qui a participé à des missions humanitaires en ex-Yougoslavie, avec des intentions plus ou moins saines, a quelques motifs de voir en Handke son « ennemi ».
@Rose
Aviez-vous lu ce roman La terre invisible d’Hubert Mingarelli (Buchet. Chastel) avant de me l’envoyer ?
Comme promis, je vais tenter de vous donner mes impressions. Je viens juste de le terminer mais j’aimerais avoir les vôtres.
Dinslaken, juillet 1945, au bord du Rhin.
Tout commence quand le narrateur, photographe de guerre, pénètre dans un camp d’extermination. (C’est la libération des camps, les premières découvertes horrifiantes pour les troupes alliées). Cadavres gris, odeur de mort. les hommes se taisent. Lui, tétanisé, ne peut prendre aucune photo.
Ils tentent, hébétés, effarés, de couvrir les morts avec des bâches, de porter les agonisants dans les baraques, tendent leur gourde aux survivants immobiles.
Au retour, une question crève le silence dans le camion où les hommes se tassent et se taisent, sidérés : « Qu’est-ce que nous avons-vu là-bas ? »… « En fait, je ne sais pas. » Personne ne peut répondre…
Le narrateur pourrait rentrer en Angleterre, il ne le veut, ni ne le peut. Pris de cauchemars où il rêve de ces morts soulevant les bâches, il décide de rester et de sillonner le pays pour photographier les gens, pour tenter de comprendre ce qui est incompréhensible : comment ces habitants proches des camps ont pu voir, ne rien faire, ne rien dire ? Ce peuple est-il coupable, complice ? Il part sur les routes dans une voiture réquisitionnée avec un énigmatique jeune soldat, O’Leary, trop jeune pour avoir fait la guerre et qui vient d’arriver.
Deux taiseux qui ne semblent pas se comprendre, comprendre ce qu’ils font ensemble, qui se parlent peu mais deviennent plus proches au fil des jours.
Ces photos, le narrateur en prendra, beaucoup, nous ne les verrons jamais apparaître précisément dans le roman mais nous assistons au moment où il choisit de les prendre et qui il photographie.
Traversée de ces terres de pluie et de brumes, habitants taiseux, mutiques, méfiants. Nuits longues à tenter de dormir dans la voiture ou dans une grange.
Atmosphère lourde. Bribes de mots échangés. Ils semblent tourner en rond. L’image (photo) peut-elle être parole, dire l’indicible ? Sont-ils coupables tous ces gens ? Qui sont-ils ? Et eux-deux, que traînent-ils comme douleurs tues et secrets ? Pas de réponse.
Rien ne filtre de cette errance dans les pensées de l’un et de l’autre. Quelques mots… une amorce… et tout retombe dans le silence.
On reçoit dans les yeux ces visages inquiets, parfois ridés, ces silhouettes vêtues de sombre, ces maisons éclairées de bougies ou de lampes à pétrole, ces paysages souvent crépusculaires, marais, champs, clairs de lune ou orages et les routes qui se ressemblent toutes. Parfois des prisonniers en rangs, le regard fixe. Le fleuve aux eaux grises roule un cadavre…
Mingarelli écrit avec le minimum de mots. Phrases courtes et sèches. Texte magnétique qu’on ne peut quitter. Le lecteur est en attente, s’enlisant dans une sorte de torpeur, embarqué avec ces deux-là dans cette voiture cahotante et dans une solitude épaisse qui semble n’avoir pas de fin.
Lecture fascinante et énigmatique. Que de non-dits… et de silence. Livre intense.
Merci, Rose.
En effet, le Pr Laureys, qui nous a plutôt habitué à ses publications sur l’altération de la conscience chez les patients sévèrement cérébrolésés (Un si brillant cerveau, les états limites de consciences, Odile Jacob 2015), se passionne depuis quelques années pour la méditation. Après des difficultés personnelles puis une rencontre avec le moine bouddhiste Matthieu Ricard en 2013, il s’est intéressé scientifiquement à cette pratique qu’il définit comme « une gymnastique mentale, qui n’a rien de magique ni d’ésotérique » et qui consiste « à réguler son attention et ses émotions ».
Dans son ouvrage, il livre son expérience, une revue des connaissances scientifiques et, surtout, les résultats de ses propres travaux. Car, en bon spécialiste de la conscience, il n’a pu s’empêcher de demander à Matthieu Ricard de se prêter à l’exercice tandis qu’on analysait son cerveau par imagerie à résonance magnétique (IRM) ! Fort de ses résultats et observations, le Pr Laureys en est désormais persuadé : méditer, c’est bon pour le cerveau. Mais,
https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/steven-laureys-7-questions-sur-la-meditation_138160#xtor=EPR-1-%5BSEAActu17h%5D-20191012
dear Dubruel, n’avais pas vu la saillie Littell sur Handke. la grille de lecture sec humide n’est pas de bon conseil
On lit bien Céline, l’Ordure en chef, publiée bourgeois en Pléiade en ses délires épistolaires, alors Handke, franchement, il ne faut rien avoir d’autre à se mettre sous la dent dure…
vedo dit: à
Difficulté (impossibilité) de la traduction: « Die linkshändige Frau », bien plus musical que « la femme gauchère ».
—
Seulement si l’on est sensible aux sonorités teutonnes. Sinon, la traduction nous renseigne sur ce que ce que signifie ce syntagme nominal gothique. Et n’est-ce pas là bien tout ce qu’on lui demande?
Signé; un germanophile traducteur
Now :
Cher du Bruel, il ne vous aura pas échappé que votre homonyme fait-encore- la une des journaux people. Je ne les lis pas chez ma couffeuse8. Laquelle s’est mis en-tête de disposer des bouquins, sur les murs…
Elle a des goûts littéraires et artistiques très sûrs. J’ai ainsi vu une bio de Dali, par lui-même sur l’étagère.
Mais je voulais revenir sur votre reaction à propos de Littell et du tout fraîchement nobelisé.
Ce qui, sauf pour un peroxydé comme vous, n’étonne guère.
Ainsi s’il faut évoquer les troubles intentions de Littell, en mission humanitaire, c’est que son attrait pour la boucherie n’est plus démontrer.
D’ailleurs il est fan de bacon.
Oui, Christiane, je l’ai lu Mingarzlli.
Ai acheté deux Handke également.
une » horloge
https://images.artnet.com/aoa_lot_images/129120/vera-lutter-clock-tower-brooklyn-june-29-2009-photographs.jpg
« Faire une peinture qui ne transmette qu’elle-même », a dit Gilbert Lascaux à son propos.
Et des montres…
Conversations
Francis Bacon intrigue. Il est le peintre de la violence, de la dislocation et du cri, qu’il déploie dans de grands triptyques. Ses œuvres choquent souvent, mais toujours fascinent. Au cours d’entretiens menés entre 1964 et 1992, l’artiste se prête au jeu des questions réponses et se dévoile peu à peu. Bacon parle de sa peinture, de son admiration pour les œuvres de Picasso et de Vélasquez, de Buñuel et d’Eisenstein. Il exprime son opinion sur l’art contemporain, qu’il n’aime pas, et sur l’art abstrait, qu’il déteste. Il défend passionnément ce qu’il aime, n’hésite pas à corriger ses interlocuteurs, se lançant parfois dans une joute verbale pour affirmer son point de vue d’artiste.
Et puis il y a l’homme, cet homme vieillissant à l’intrigante allure de jeune homme, avec son passé irlandais et son expérience de la guerre, sa vision de la vie et de la mort. Un homme qui a aussi ses faiblesses. Bacon fait part de ses doutes : il pense ne pas savoir dessiner, ne pas plaire au public. Il ne veut plus revoir ses tableaux. Autant de confessions qui tracent les contours d’un être atypique, dont l’œuvre n’en finit pas de captiver.
Date de publication : 15 février 2019
Format : 16 x 20 cm
Poids : 480 gr.
Nombre de pages : 208
ISBN : 979-10-92444-75-9
Prix : 20 €
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Photographies de Marc Trivier (vues de l’atelier, 1980-1981).
Préface de Yannick Haenel.
Les déclarations de Francis Bacon sont toujours radicales. Lorsqu’il parle, il ne se situe pas à côté de sa peinture, ni même face à elle : il est à l’intérieur de la peinture, il continue de la vivre – il peint.
Ainsi la parole de Francis Bacon, comme chacun de ses tableaux, transmet-elle une sensation de présence immédiate. Pas seulement celle d’un artiste en train de s’expliquer sur ses goûts, sur sa méthode et ses éventuelles idées, mais celle d’un être aux prises avec la vie et la mort, avec le temps et l’espace, avec la souffrance et la joie.
Le volume de ses entretiens avec David Sylvester, L’Art de l’impossible, est un classique. Ces Conversations en sont un supplément idéal : glanés au fil des entretiens qu’il a pu accorder, notamment lorsqu’il était de passage à Paris, ses propos y sont plus vifs encore, plus joueurs, plus insolents.
Contrairement à David Sylvester, qui aimait et comprenait l’œuvre de Francis Bacon, ses interlocuteurs d’occasion sont parfois remarquablement lourds ; c’est alors un régal : la parole ironique de Bacon est encore plus vivante, elle se déploie comme celle d’un fauve.
(…)
Alors de quoi parlent ces entretiens ? De peinture, bien sûr – c’est-à-dire de l’affirmation du regard. Du combat pour que survive le regard. Toutes les époques désensibilisent ; la nôtre en est arrivée à dévitaliser chacune de nos sensations. Écouter la parole d’un peintre, c’est s’accorder à la possibilité, aujourd’hui, de transmettre du vivant.
Il faut tenir le plus grand compte des déclarations d’un artiste comme Bacon : elles se donnent comme le témoignage direct d’une expérience de peinture menée avec la plus grande rigueur. Peu importe le folklore dont il a cru bon d’entourer cette expérience, folklore alcoolisé dont son intelligence savait qu’elle plaisait à la presse, et lui assurait la tranquillité d’un cliché.
Qu’un artiste puisse être le plus délicat des êtres, qu’il évolue continuellement parmi les nuances, qu’il passe son temps à prendre des décisions imperceptibles, autrement dit que sa vie se joue sur le plan de la pensée (dans cette dimension que Bacon nomme le système nerveux, ou Artaud le « pèse-nerfs ») ; et que par ailleurs il soit saisi, lorsqu’il ne peint pas, par une frénésie libératoire, emporté d’ivresse, et dansant sur lui-même au cœur d’un rire qui vous éclabousse, qu’y a-t-il de contradictoire ?
Un grand artiste ne s’arrête jamais, sa soif est plus vaste que le monde ; son désir est plus intense, son angoisse plus forte, sa jouissance plus subtile que les gratifications qu’une journée humaine est capable de lui accorder. Les matins, les soirs, les nuits s’enchaînent sans répit, écriture ou peinture, concentration, épuisement, montées de parole, vertiges, éblouissements de la matière qui se donne et des mots qui s’ajustent.
Le programme de Bacon est clair : il s’agit de « restituer le sujet dans le système nerveux ». À chaque entretien, il répète obsessionnellement sa visée : « saisir » et « donner à voir » la vie dans sa complexité. Parfois il cite, à l’appui d’une telle limpidité, certains petits dessins de Seurat. Il lui arrive de parler de « la vie refaite, remémorée et redonnée », et l’on entend alors palpiter en filigrane la phrase merveilleuse de Proust : « La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c’est la littérature. »
Les entretiens s’enchaînent, on entend derrière la voix de Bacon un grand silence qui vibre, celui des troncs, des lavabos, des plafonds, une sorte de sagesse précise, très folle, très calme : l’acuité du génie qui détient une formule sur laquelle il renonce à s’expliquer.
(…)
Y.H.
Les auteurs
Francis Bacon
Francis Bacon (1909-1992) est un peintre anglais, notamment connu pour ses triptyques. Après une brève carrière de décorateur, il se met à peindre, inspiré par une exposition des dessins de Picasso. Autodidacte, il commence à attirer l’attention avec ses « Crucifixion », puis avec ses triptyques, qui comptent parmi les œuvres les plus chères au monde. Ses peintures reflètent son admiration pour des artistes comme Vélasquez et affichent un goût pour la distorsion et la violence.
Yannick HaenelMarc Trivier
Presse
Articles de :
Didier Ayres (« La cause littéraire ») ;
Jean-Paul Gavard-Perret (« Le salon littéraire » ; « le littéraire.com » ; « De l’art helvétique contemporain ») ;
Matthieu Gosztola (« La cause littéraire ») ;
Philippe-Emmanuel Krautter (« Lexnews ») ;
Fabien Ribery (« L’Intervalle ») ;
Sixtine de Thé (« En attendant Nadeau »).
Entretien avec Yannick Haenel (France Culture : « Le réveil culturel »)
Pascal Bonafoux (« Art absolument »)
Alexia Lantamaestrati (« L’Œil »)
— voir PDF ci-après.
PDF – 75 ko
Bonafoux sur Bacon
PDF – 1.5 Mo
Lantamaestrati sur Bacon
Extraits
I.
On peut essayer de profiter de la vie – et espérer continuer à en jouir de différentes façons. Qu’y a-t-il d’autre ? Pour parvenir à cette jouissance, il faut la plus grande liberté possible de façon à pouvoir se trouver. Valéry le dit très clairement : Ce que nous voulons aujourd’hui c’est la sensation sans intermédiaire. C’est très précis n’est-ce pas ? À part ça, il ne nous reste qu’à observer notre propre décrépitude dans l’intervalle qui sépare la naissance de la mort. Vous vous rappelez ce steak que nous avons mangé tout à l’heure ? Eh bien c’est comme ça. Nous vivons l’un de l’autre, l’ombre de la viande morte pèse sur nous dès notre naissance. Je ne peux jamais regarder de côtelette sans penser à la mort – tout ça doit probablement sonner très pompeux…
Comme Nietzsche je crois que l’homme doit se transformer. Nous allons courtiser médecins et scientifiques dans l’espoir de nous renouveler et nous modifier. Mais il faudra du temps avant que leur fond religieux leur permette d’agir librement.
La séparation entre les sexes, pour une bonne part, a été inventée. Relativement peu de gens sont attirés seulement par l’un ou l’autre sexe. Quant aux autres, ils attendent que quelque chose leur arrive. Mais la société a essayé d’établir des différences morales. Il faut que nous ayons la liberté de flotter et de nous trouver nous-mêmes à nouveau.
J’ai délibérément essayé de me déformer, mais je ne suis pas allé assez loin. Mes peintures, si vous voulez, enregistrent cette distorsion. La photographie a tellement occupé le terrain que l’image peinte n’est intéressante que si elle est déformée et attaque ainsi directement le système nerveux. C’est la difficulté propre à la peinture figurative aujourd’hui. Je tente de recréer telle ou telle expérience avec une force accrue, désirant la revivre avec une nouvelle intensité. En même temps j’essaie de garder un lien très fort entre l’expérience originale et l’expérience recréée. Alors il y a toujours le désir de rendre le jeu un peu plus compliqué, de bousculer à nouveau la tradition. L’art abstrait c’est une libre fantaisie à propos de rien. Or rien ne vient de rien. On a besoin de l’image pour accéder aux plus profondes sensations, et on a besoin du mystère de l’accident et de l’intuition pour créer cette image. Cézanne a forgé peu à peu un système correspondant à sa volonté de capter les images qui le touchaient. Le Cubisme a été une sorte de décoration à partir de Cézanne – bien que créant aussi quelques belles choses. Maintenant je veux avant tout faire des portraits, car on peut les faire en dehors de tout souci d’illustration. C’est un jeu risqué fait de chance, d’intuition et de maîtrise. L’art vrai est toujours maîtrisé, peu importe ce qui vient du hasard.
L’homme est hanté par le mystère de son existence ; il est donc bien plus passionné par la représentation de sa propre image, dans son monde, que par le bel amusement de la meilleure abstraction. Avec le Pop art, on prend son pied. Avec le grand art aussi, mais il ouvre également les soupapes de l’intuition et de la perception quant à la condition humaine, de façon bien plus profonde.
Il y a une autre voie, je crois, qui conduit à toutes sortes de possibilités, probablement d’une intensité moindre – des sortes de formes organiques créées à partir du monde humain et animal. Elles ont bien sûr déjà été suggérées par de nombreux artistes – Picasso, Brancusi, Moore – et j’ai essayé quelque chose de ce genre dans mes Trois études de figures au pied d’une crucifixion. Le Pop et l’art abstrait sont une espèce de voie moyenne. Mais l’art vrai, aujourd’hui plus que jamais, est très proche du document brut qu’il transforme de façon à libérer et approfondir les voies de l’intuition et de la sensation.
II.
Francis Bacon, dans votre entretien avec David Sylvester, vous dites deux choses très saisissantes. Vous dites : « Comment puis-je prendre un intérêt à mon travail alors que je ne l’aime pas ? ». Puis, un peu plus loin, vous dites redouter de travailler face à votre modèle, parce que vous craignez qu’il ne ressente la sorte de blessure que vous êtes en train de lui infliger…
Vous savez, ces deux choses, je les ai dites il y a six ans ou plus. J’ai changé depuis, j’ai changé d’idée. C’est vrai que souvent je n’aime pas du tout mes tableaux, mais il y en a que j’aime quand même.
Pourtant vous en avez détruit un grand nombre.
Oui, beaucoup.
Et, d’autre part, cette attitude fondamentale vis-à-vis de votre modèle, cette espèce d’iconoclasme figuratif que vous pratiquez n’a pas changé non plus. Ce qu’on peut alors se demander c’est : comment peut-on travailler, comment peut-on peindre – et particulièrement peindre des êtres vivants – à partir d’un mouvement qui est un mouvement de recul, de refus, de négation, un mouvement, dirait-on, d’hostilité ?
Il n’y a rien d’hostile, là-dedans. Simplement, je peins les gens que je connais très bien, les amis que j’ai connus pendant des années et dont je connais très bien la structure du visage. J’aime mieux travailler sans qu’ils soient là parce que, quand je fais un portrait, je ne cherche pas à faire une illustration, je cherche à faire quelque chose qui soit complètement hors de l’illustration. Je commence de la même façon qu’un artiste abstrait – bien que je n’aime pas l’abstrait, pas du tout -, c’est-à-dire que je commence à faire des taches, des marques et si, tout d’un coup une tache me semble offrir une suggestion, alors je peux commencer de bâtir sur elle l’apparence du sujet que je voudrais saisir. Je voudrais faire des portraits à partir d’éléments qui ne soient pas du tout illustratifs. C’est pour cela que je ne veux pas que les modèles soient présents. Souvent, ce sont des mais à moi qui ne sont pas du tout intéressés par la peinture et qui croient qu’on se livre à leur égard à une sorte d’hostilité. Vous savez, les gens sont très vaniteux, ils croient qu’on veut les enlaidir. Mais ce que je veux faire, c’est restituer le sujet dans le système nerveux, c’est le rendre aussi fort qu’on le trouve dans la vie.
Vous voulez dire que tout se passe comme si vous retrouviez la véritable présence d’un être à partir d’accidents ? Un peu comme dans la vie quand, par hasard, une chose arrive, le souvenir d’un trait, d’une expression, qui vous fait saisir la réalité vivante d’un être plus fortement que ne le ferait une représentation purement figurative et conventionnelle de cet être ?
Oui, mais je voudrais quand même que ce soit un portrait de mon modèle. Mais c’est ce qui est difficile à faire, peut-être même impossible. Je crois pourtant que je suis arrivé, parfois, à faire vraiment des ressemblances, mais d’une manière tout à fait autre qu’une illustration.
http://editionslateliercontemporain.net/collections/ecrits-d-artistes/article/conversations
Marie, je ne suis pas coiffeuse cependant il y a du maître La vie secrete et journal d’un genie ; auriez vous lu la Shoah revisite par BL et qui obtint le Goncourt? Je me souviens que l’attribution du prix avait provoqué des crises d’urticaire géant chez certains.
Superbe, Et Alii, votre présentation et les extraits de Conversations de Francis Bacon (l’Atelier contemporain).
C’est saisissant ce qu’il dit de son rapport difficile avec sa création.
Entrevue pour memoire
La lecture des montres de Dali pourrait avoir lieu au rayon cremerie, le temps comme un fromage trop fait dégoulinant ( trophée pour les lacaniens, gagner du temps?)
excuses, il fallait lire :Je ne les lis pas chez ma coiffeuse. Laquelle s’est mis en tête de disposer des bouquins, sur les murs…
J’ajoute qu’avec Dali, elle lit aussi des bouquins de Lorànt Deutsch, le métronome. C’est mieux que Modiano, pour les jeux de piste a Paris. Ma coiffeuse est formidable.
Après un tremblement de terre :
lien envoyé
« . L. Quand on écrit, on pense aux virgules, aux subjonctifs et aux imparfaits, on ne pense pas aux cadavres. Cadavre, c’est une forme grammaticale, quand on écrit. L’écriture, c’est un travail avec le langage. Un peintre, quand il peint des horreurs, il est en train de penser, alors là, j’ai un peu de vert, là il faut que je mette du rouge, c’est comme ça qu’il travaille. Un écrivain, c’est pareil.
D. C.-B. J’en viens à la première phrase : « Frères humains » Ça dérange beaucoup de choses. Peut-on dire aujourd’hui que le national-socialisme avec toute sa barbarie est un problème de l’humanité, et non pas un problème de l’Allemagne ?
J. L. Cette intuition semble curieusement assez scandaleuse aujourd’hui. Que ça concerne tout le monde semblait absolument évident aux intellectuels en 1947-1948. Le nazisme, c’est une possibilité de l’humain, on est tous concernés par ça. Je trouve assez curieux que cette idée qui semblait tellement claire à l’époque se soit perdue après. Ça s’est crispé, les Allemands d’un côté, les Juifs de l’autre. Alors qu’il n’y a pas que les Allemands d’un côté, il y a tous les Européens. Il n’y a pas que les Juifs de l’autre, il y a toutes les autres catégories qui ont été exterminées. Les Juifs effectivement de manière privilégiée, mais aussi les Tsiganes, les homosexuels, les tuberculeux polonais, les malades mentaux allemands les tout premiers, deux ans avant les Juifs. L’autre grande obsession de Hitler, ce sont les Russes. Il a tiré l’Allemagne dans ce qu’on ne devait jamais faire, une guerre sur deux fronts, une guerre avec l’Union soviétique, une guerre d’extermination, un Vernichtungskrieg. C’est conçu comme ça dès le départ, avec des plans écrits du bureau de Göring, qui prévoit l’extermination d’entre 36 et 51 millions de Soviétiques. C’est beaucoup de gens. On ne peut pas dire que l’obsession allemande se réduisait aux Juifs.
D. C.-B. Il y a tout un débat sur la question de savoir si Les Bienveillantes, c’est kitsch.
J. L. Forcément. Oui, le nazisme, c’est le phénomène politique le plus kitsch de l’histoire politique. Des gros bourgeois à moustache qui se déguisent en culotte de cheval avec des têtes de mort et qui défilent avec des flambeaux, c’est la définition du kitsch. Après, le fait qu’ils aient exterminé la moitié de la planète, c’est un autre problème. C’est pareil avec le problème de sexualité. Ce n’est pas parce que les historiens n’arrivent pas à trouver des traces écrites pour prouver les pulsions sexuelles des tueurs qu’elles n’existent pas. Et on sait très bien que ça a existé dans le nazisme. Les SS eux-mêmes s’en rendaient très bien compte. Himmler a constamment cherché à trouver un moyen de contrôler le pulsionnel de ses troupes. Et il n’y est pas arrivé. La guerre, c’est excitant. Ce ne sont pas que des sadiques et des malades mentaux qui dérapent quand tout le monde dérape autour d’eux.
D. C.-B. Il y a un passage où Max Aue discute à Stalingrad avec un prisonnier soviétique. Au milieu de l’horreur totale, il y a deux intellos qui discutent comme sur un plateau de télé, de leurs projets de société, la société sans classes national-socialiste aryenne et la société sans classes communiste. Ils se demandent qui a raison et qui a tort. Pour vous, quelle est la grande différence ?
J. L. J’aurais de la peine à vous répondre. Il y a clairement une différence structurelle très importante. Sur le fond, ce que je pense être la bonne question, c’est pourquoi après la Première Guerre mondiale certains pays et certains systèmes politiques ont jugé bon, nécessaire et pratique d’exterminer des catégories d’êtres humains, comme un outil de gestion, et d’autres qui ont dit non, quand même, c’est un peu too much. Et si on regarde les pays qui ont franchi ce pas, il s’agit des perdants de la guerre. Il y a quelque chose dans le fait d’avoir perdu la Première Guerre qui a dévasté toutes les sociétés, mais les gagnants, eux, ont pu se reconstruire.
D. C.-B. À la fin du livre, Max Aue est un personnage détruit qui est prêt à se saborder lui-même. Je ne porte pas de jugement moral. L’écrivain Littell non plus. On n’a pas l’impression qu’Aue ait des remords. C’est ce qui dérange les bonnes gens.
J. L. Je ne pense pas que beaucoup de ces gens aient des remords. Le problème réel, ici en Allemagne, c’est pour les enfants. Ce sont les enfants qui ont du mal, ça je le comprends beaucoup mieux.
D. C.-B. Vous avez l’impression que la société allemande aujourd’hui a fait un travail de mémoire ?
J. L. Mais oui, c’est évident, bien sûr, il est colossal. Ça ne date pas d’hier. Les Allemands sont beaucoup plus vaccinés que d’autres pays.
https://www.lefigaro.fr/debats/2008/03/03/01005-20080303ARTFIG00467-daniel-cohn-bendit-jonathan-littell-lesbienveillantes-l-allemagne-et-sa-memoire-.php
La guerre des lettres, ou le second conflit yougoslave [compte-rendu]
sem-linkAlexandre Lévy
https://www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1997_num_1205_1_2904
Je n’ai amais eu de position négationniste »
Le 18 mars, Peter Handke assistait à l’enterrement de Slobodan Milosevic, l’ex-président de la Serbie, mort le 11 mars alors qu’il était jugé pour génocide et crimes de guerre devant le Tribunal pénal international de La Haye.
Par Emilie Grangeray Publié le 04 mai 2006 à 18h04 – Mis à jour le 20 septembre 2006 à 08h27
Temps deLecture 3 min.
Le 18 mars, Peter Handke assistait à l’enterrement de Slobodan Milosevic, l’ex-président de la Serbie, mort le 11 mars alors qu’il était jugé pour génocide et crimes de guerre devant le Tribunal pénal international de La Haye. Suite à un court article publié dans Le Nouvel Observateur – que Peter Handke a décidé d’attaquer en diffamation -, l’administrateur général de la Comédie-Française, Marcel Bozonnet, décidait de déprogrammer la pièce de Peter Handke Voyage au pays sonore ou l’art de la question, qui devait être mise en scène en janvier-février 2007 au Vieux-Colombier par Bruno Bayen.
« Dégoûté » par toute cette affaire, Peter Handke accepte aujourd’hui d’en parler, même si sa voix, jusqu’alors si calme, devient plus pressée, les mots plus durs, et qu’il s’emporte dès qu’il fait – et s’en excuse – « le politicien ».
En 1996, lorsque parut, dans la Süddeutsche Zeitung, le grand quotidien allemand, le texte qui allait devenir Un voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina, Peter Handke se rappelle avoir été qualifié de « terroriste », d' »avocat proserbe ». Le quotidien espagnol El Pais y avait même lu une approbation du massacre de Srebenica. « Je n’ai jamais eu de position négationniste,s’insurge Peter Handke. Pourquoi n’ouvre-t-on pas ce livre, mes livres, au lieu de m’accuser ! J’ai écrit sur les victimes serbes parce que personne n’avait écrit sur elles, même si je pense aussi aux victimes croates, aux Musulmans. » Parti au pays des « agresseurs » – un terme qu’il refuse -, Peter Handke décide de donner à lire une réalité plus complexe que celle que donnaient « les hordes des agités à distance, lesquels confondent leur métier qui est d’écrire avec celui d’un juge et même avec le rôle d’un démagogue ». Il voulait alors, dit-il, « écouter, donner à voir et à réfléchir. Sans juger ».
« AVEC » LES SERBES
« Je raconte les réfugiés serbes. Personne ne parle de ça. Pourquoi les journaux ne font-ils pas de grands reportages là-dessus ? », s’interroge-t-il, ajoutant : « Je reviens du Kosovo. Il ne reste que deux ou trois villages serbes, littéralement encerclés. Sait-on que l’on jette des pierres sur les bus qui ont gardé des inscriptions cyrilliques ? A quoi pensent les parents albanais pour laisser leurs enfants faire ça ? Il faut qu’on parle de ça, qu’on raconte. »
Celui qui a « admiré » la Yougoslavie (« C’est le premier pays en Europe qui s’est libéré quasiment tout seul : ils ont chassé les Allemands ») dit avoir été « véritablement en colère contre François Mitterrand d’avoir cédé à Helmut Kohl quand la Croatie et la Slovénie ont réclamé leur indépendance. La guerre était dès lors inévitable. Tout ça au nom de la prétendue amitié franco-allemande. Mais pour moi ça ne vaut rien une amitié qui détruit un grand Etat ! »
Pour montrer son opposition à la participation de l’Allemagne à la guerre, Peter Handke rend le prix Georg-Büchner (l’équivalent du prix Goncourt) en 1999. Cette même année, il quitte l’Eglise catholique, après qu’elle eut approuvé le bombardement de la Serbie par l’OTAN et que le pape Jean Paul II eut béatifié le cardinal d’origine croate Alojzije Stepinac, accusé d’avoir soutenu le régime oustachi, milice croate responsable de l’extermination de centaines de milliers de juifs et de Tziganes, ainsi que de sanglants massacres de Serbes. La même année, Claudio Magris tentait, dans les colonnes du quotidien italien Il Corriere della Sera, de comprendre Handke. L’écrivain italien y voyait « une réaction à l’information unilatérale qui dénonce sans cesse les crimes commis par les hommes de Milosevic mais passe sous silence ceux perpétrés par les hommes du Croate Tudjman et du Musulman Izetbegovic, pourtant nombreux et atroces, mais qui, à la différence des premiers, ne sont pas entrés dans la conscience occidentale ».
Mais pourquoi aller à Pozarevac, sur la tombe de Milosevic ? « Je le disais dans les quelques mots que j’ai prononcés à cette occasion : le monde, le prétendu monde, sait tout sur Slobodan Milosevic. Le prétendu monde sait la vérité. C’est pour ça que le prétendu monde est absent aujourd’hui, et pas seulement aujourd’hui, et pas seulement ici (…). Je ne sais pas la vérité. Mais je regarde. J’entends. Je sens. Je me rappelle. Je questionne. C’est pour ça que je suis présent aujourd’hui. » Aujourd’hui encore, il refuse le terme de dictateur : « Il a été élu. » Et affirme être non pas « pour », mais toujours « avec » les Serbes, et « avec » la Serbie, même si, ajoute-t-il, il ne s’agit en aucun cas d' »insulter un autre peuple ».
« Je suis seul et, quand on vit seul, on a tendance à se sentir coupable (c’est la tendance Kafka) ou magnifique. Ce sont les deux dangers. Je ne suis ni coupable ni un héros. Je suis le troisième homme », ajoute-t-il enfin.
Emilie Grangeray
L’explication de Peter Handke.
christiane dit: à
Comme promis, je vais tenter de vous donner mes impressions. Je viens juste de le terminer mais j’aimerais avoir les vôtres.
Dinslaken, juillet 1945, au bord du Rhin.
>Christiane
Le silence était aussi prégnant pour moi, la pudeur, la camaraderie masculine qui revient régulièrement dans les livres de Mingarelli.
L’obsession est sur les jambes des morts, morts pourtant, jambes grises qui soulèvent les bâches qui recouvrent les morts.
Une autre est le secret, lourd, de O’Leary, de quelque chose qui se serait passé dans les dunes et on ne saura jamais quoi.
Le premier fait ses photos de manière automatique mais il ne porte pas de jugement sur ces personnages ; il est témoin.
Ouaip, parfois, ils dorment dans une grange parce que la voiture c’est vraiment inconfortable. Et ils repartent au matin, ils ne s’arrêtent jamais.
En filigrane, ou en toile de fond plutôt, dense et lourde, l’atrocité de la guerre, l’indicible et le silence qui l’emporte.
Beaucoup apprécié ce roman de Mingarelli, l’ai trouvé puissant aussi, et sobre.
21h57
Rose,
vous écrivez : « Une autre est le secret, lourd, de O’Leary, de quelque chose qui se serait passé dans les dunes et on ne saura jamais quoi. »
Qu’est-ce qui lui faisait peur à Lowestoft, au bord de la mer ? Il n’a pas envie d’en parler mais plus tard on le retrouve endormi dans un trou qu’il a creusé dans le sable. Il évoque aussi les nuages qui arrivent, venant de la mer. Il les contemplait aussi à Lowestoft quand il était dans les dunes… Dunes où on ne le trouvait pas… Peut-être s’y réfugiait-il pour fuir un danger, une violence ? On ne sait pas. H.M? n’explique pas. Et c’est bien ainsi… Les hommes trimballent un passé parfois douloureux , des actes dont il n’ont pas envie de parler. La scène finale… Nous en reparlerons…
Oui, un livre très fort et très mutique qui laisse au lecteur la possibilité d’essayer de répondre aux questions laissées sans réponse ou d’accepter de ne pas savoir. C’est bien à la façon d’Hubert Mingarelli…
J’ai trouvé sur internet cette très courte vidéo (3mn) où il dit quelque chose de saisissant.
https://www.youtube.com/watch?time_continue=22&v=uYmI8Ec9DQc
Il a vu cette photo prise à la libération des camps. Des prisonniers allemands sont abattus devant un mur par les troupes alliées. Deux restent debout. Les autres gisent à terre, morts…
Il parle aussi de son livre, du titre qu’il lui a donné.
Il pose des questions essentielles à la fin de l’entretien
Relisez la fin de La terre invisible…
(Parfois une rage de faire justice, de tuer quand on n’en peut plus de ce qui s’est passé… de ce qu’on a vu ou subi…)
Libé s’excuse pour l’information fausse, et tente d’expliquer l’incompréhensible. Toute la presse française a été victime de cette énormité somptueuse. Fake news pas mortes !
« Nous avions été alertés à 20 h 45 par un article du Parisien, que nous avions repris au conditionnel, en citant le journal. A 21 h 01, la même information a été diffusée par l’Agence France Presse, citant une « source proche de l’enquête ». L’AFP est une agence fiable où les erreurs factuelles sont rarissimes (elle a indiqué aujourd’hui samedi qu’elle avait recueilli l’information auprès de quatre sources policières différentes). De plus, il n’y avait aucune raison de penser que la police avait un intérêt quelconque à laisser fuiter des informations fausses sur ce sujet. C’est ainsi que, quelques minutes avant le bouclage du journal, l’article écrit au conditionnel est passé à l’indicatif. » Libé
Christiane
On ne le sait pas pour O »Leary dans les dunes, mais ai cru comprendre que c’est autant horrible que le tas de morts dont les jambes grises soulèvent la bâche.
Ai écouté l’interview.
In fine, ne setait-ce pas un livre sur l’incommunicabilité ? Et l’indicible ?
Delaporte, il faudrait collectionner les journaux du samedi 12 octobre.
Si Libé s’excuse de manière un peu tordue, en incriminant les petits copains, en province, on a plus d’humour et pardonnons volontiers aux auteurs de ce faux numéro qui titrait pleine page » Xavier Dupont de Ligonnes arrêté » avec en photo, celle du faux monsieur Joao.
La boulette de Glasgow.
https://www.ledauphine.com/actualite/2019/10/13/dupont-de-ligonnes-la-boulette-de-glasgow
Rose,
je reprends le dialogue. J’avais besoin de temps pour laisser infuser « La terre invisible ». Mingarelli le mérite, le temps de le lire, de réfléchir à ce qu’on a lu. Je l’ai même relu, ne sachant ce que j’avais lu.
Son roman se situe sur une frontière tellement perméable : les vivants (survivants) et les morts qui résistent à l’oubli.
J’ai été frappée par ces gens qu’ils rencontrent, qu’ils convoquent pour une photo presque obligatoire où toute la famille doit s’aligner devant la maison. Lui mitraille avec son appareil photo, d’autres ont mitraillé avec des vraies balles. Et ces gens, un peu inquiets, taiseux font comme si de rien n’était… Ils font les gestes du quotidien. Personne n’évoque les suppliciés, les victimes des camps d’extermination, cette dévastation, cet anéantissement de millions d’êtres humains. Ces rencontres presque muettes sont énigmatiques.
Le narrateur-photographe de guerre ne veut pas que cette effroyable œuvre de destruction bascule dans l’oubli, que ça s’éteigne.. Ces photos c’est comme une punition qu’il inflige à cette population civile.
De quoi est faite leur mémoire ? Pour le narrateur le choc de la découverte, à la libération de ce camp d’extermination de tous ces morts et agonisants et certainement d’autres scènes terribles (puisqu’il a traversé la guerre).
Pour cet adolescent (il y en a souvent un dans les romans de Mingarelli) c’est l’incompréhension. Il ne sait pas ce qui s’est passé en Allemagne, dans les camps mais il porte un lourd secret vécu près des dunes…
Ce roman est parfois d’une obscurité impénétrable. On ne sait où Mingarelli veut nous conduire. Des lueurs isolées, des bribes de conversations, des scènes qui se succèdent comme des clichés photographiques., des ombres flottantes…. De plus, on sent que cela a été difficile à écrire comme s’il y avait beaucoup de lui dans chacun des personnages de ses romans.
Des documents, des livres, des articles de journaux, il y en a eu beaucoup après la guerre. Les procès des criminels nazis ont duré longtemps et nous pouvions lire les compte-rendus et pourtant nous sommes comme le narrateur, sidérés, en suspension face à cette horreur. Nous avons besoin de donner un sens à tout cela et c’est comme impossible, trop monstrueux.
Terre invisible… invisible parole… fantômes… gouffre… C’est bien qu’il y ait ces deux personnages qui ont tant de mal à se comprendre et qui pourtant restent solidaires, s’épaulent.
le lecteur perd ses repères et par là, cette chose tenue à distance, se rapproche.
Mingarelli dit que cette histoire a commencé par une photographie et tout le roman est construit sur des photos… de famille… et dans ce qu’elles refoulent. Ces photos agissent comme des barrages. Elles retiennent la fuite du temps. elles attesteront de l’existence de ce silence. Elles donneront à la mémoire un poids invisible. Un roman qui dit l’absence de ceux qui sont morts dans ces camps, de ces millions de juifs, adultes, enfants assassinés.
Tout ce récit est écrit avec une admirable retenue. Un affleurement des traces de l’Histoire. Un monde qui surgit, voilé. Nous sommes entre fiction et non-fiction, dans un récit hallucinant.
« J’étais aux côtés de Collins lorsque nous pénétrâmes dans le camp. Me voyant hésiter et ne plus rien faire de mon appareil, il me demanda des yeux pourquoi tandis que ses hommes s’avançaient entre les cadavres gris et parfois se signaient et se regardaient entre eux et cherchaient du regard Collins sans penser encore à enfiler un foulard contre l’odeur mais s’accroupissaient silencieux devant les mourants gris et nus et ils demeuraient là accroupis immobiles dans la lumière du soir et leurs lèvres ne bougeaient pas non plus et ils continuaient à chercher du regard Collins, leur colonel, qui ne trouvait pas un mot à leur dire n’en trouvant pas pour lui-même et soudain quelqu’un lança au-dessus du camp une fusée éclairante qui retomba en éclairant d’une même lumière rouge les morts et les vivants et personne à ce moment-là ne pensait que celui qui l’avait tirée avait perdu la tête, mais bien lancé volontairement une clameur rouge vers le ciel ou une prière et lorsqu’elle s’éteignit il y eut un silence encore plus profond. » (p.18)
Ça donne le vertige. On est aspiré. On s’y soumet si on lit, si on continue à lire.
Christiane
Admirable retenue.
Oui.
Il y a aussi la violence des gens qui refusent d’être pris en photos, des deux femmes qui ont peur, peur des hommes et se bouclent dans la maison, et le photographe insiste, il fait son reportage.
Mingarelli dit qu’il a vu cette photo où, pénétrant dans un camp les alliés alignent les allemands contre un mur, tirent dans le tas, tous s’écroulent, morts. Et un reste debout. Hébété.
Il est parti de cette photo.
De toute manière, il a beau dire Mingarelli, dans ses romans, il n’y a que des hommes et c’est toujours grave.
Christiane
Si pous pouviez copier coller la fin, afin que nous en reparlions, parce que je ne l’ai plus sous les yeux.
Merci ♡
Rose,
je vous ai envoyé cela dans votre boite. On ne peut dévoiler ici la fin du roman.
Bonne soirée.
Christiane
Vous avez d’autant plus raison qu’il est encore sur la seconde liste des Goncourables.
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