de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres
N° 31 André Gide et sa collection de timbres

N° 31 André Gide et sa collection de timbres

Par Jacques Drillon

« Croissez et multipliez. » On a vu le résultat.

*

La technique policière de Mitterrand, qui consistait à raconter la même histoire confidentielle aux personnes dont il doutait, mais avec de légères différences – en sorte de repérer, par la version qui lui revenait aux oreilles plus tard, celui qui l’avait trahi.

*

Les 99 354 places du stade  « Camp Nou », pour le match de fouteballe Barça-Real Madrid du 18 décembre 2019, vendues de 550 €, pour la catégorie 6, à 5000 € pour la catégorie « VIP Players » (premier rang). C’est plus cher au marché noir, forcément.

*

« Arguer » (alléguer, prétexter), qui se prononce en trois syllabes : ar-gü-er. « Arguer » prononcé en deux syllabes signifie : passer un fil de métal par les trous de l’argue.

*

La délation, devenue si ordinaire que les délateurs d’aujourd’hui parlent à visage découvert. Avant, au moins, ils étaient dignes : ils avaient honte et tenaient à rester anonymes.

*

Jeanne Moreau lisant tous les soirs la Recherche à son mari, William Friedkin, le réalisateur de L’exorciste ; elle lisait d’abord en français, et traduisait la phrase en anglais, à la volée.

*

La chronique des graves maladies, qui consiste souvent en histoires de médecins introuvables, d’examens mal faits ou dupliqués, de transferts tardifs, d’infirmières dévouées, de riz froid…

*

Les philatélistes américains, sous McCarthy, qui n’avaient pas le droit de posséder de timbres chinois, sous peine d’être considérés comme communistes.

*

Les obsolètes : les cendriers dans les ascenseurs.

*

Les mammouths qu’on découvre dans ce qui était de la glace, suite au réchauffement de la planète. Aussitôt, le trafic de défenses de mammouth s’organise. Impossible de poursuivre les trafiquants : n’étant pas en voie de disparition, le mammouth n’appartient à aucune espèce protégée. Un nouveau vide juridique ! Protection des espèces en voie de réapparition !

*

Le pauvre Gide, qui retrouvait dans la musique de Chopin l’« apparence fluide des rivières », l’« indiscontinue mélodie de la clarinette arabe, qui ne laisse point sentir le moment où le musicien reprend souffle. Il n’y a plus là ni point ni virgules. » Dans Chopin, il n’y a que cela, des points et des virgules… Dieumerci ! Dans Chopin vu par ses élèves, Eigeldinger cite, entre autres, Jan Kleczyński : « Si une phrase musicale se compose toujours à peu près de huit mesures, la fin de la huitième marquera en général la terminaison de la pensée, ce qu’en langage parlé ou écrit nous indiquerions par un point ; on doit s’y arrêter quelque peu et baisser la voix. Les divisions secondaires de cette phrase de huit mesures, revenant toutes les deux ou toutes les quatre mesures, demandent un arrêt plus court de la voix, en un mot des “ virgules ” ou des “ points-virgules ”. » Lorsqu’on regarde une partition de Chopin annotée par Cortot on remarque tout de suite les signes de respiration dont il émaille le texte. Il place même des points d’interrogation, des deux-points… « On voudra bien donner également aux virgules, point-et-virgules, points, etc… la valeur de césure qui leur est propre dans un texte littéraire », écrit-il dans son édition de travail des Ballades. Il paraît même, d’après Thomas Manshardt, que ses leçons se passaient à placer les respirations dans la partition…

*

(Leçons de piano, suite)
Les trois sortes de professeurs :
– ceux qui ne décollent pas le derrière de leur fauteuil, et pourraient vous enseigner aussi bien, là où ils sont, la boxe anglaise ou le point d’Alençon
– ceux qui demandent poliment à prendre votre place au clavier, pour vous montrer comment jouer un passage : « Pardonnez-moi… », « Si vous voulez bien… » Il paraît que cela se faisait, autrefois…
– ceux qui prennent votre place sans rien dire, mais vous poussent dans le vide, d’un bon coup de coude dans les reins.

*

(Urbanité, fin)
Souvenir de Leonhardt, au clavecin à Sylvacane : « Mesdames et messieurs, à la fin de la série de pièces de Froberger, et contrairement à ce qui est indiqué dans le programme, je jouerai deux toccatas et non pas une. » Il remet ses lunettes. Puis : « Si vous permettez. »

*

Chirac traducteur de Pouchkine.

*

Les commentateurs des grands cycles vocaux de Schubert, Voyage d’hiver ou Belle meunière, qui ont enfin du texte à quoi s’agripper. Dans la musique instrumentale, ils barbotent, toujours à la limite de la noyade ; mais quelle belle invention que la poésie ! Comme la paraphrase est aisée ! Ils font mine de parler de Schubert, mais ne parlent que de Müller, l’auteur des textes. Succès assuré.

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

Si vous n’avez pas reçu le lien sur lequel cliquer pour accéder à ces Petits Papiers, c’est que vous n’êtes pas abonné. Vous pouvez le faire en écrivant à j.drillon@orange.fr, en mentionnant « m’abonner » dans le champ « sujet » ou « objet » du message.
Les deuxième et troisième séries (Papiers recollésPapiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

Comments are closed.