de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 91 L’achèvement de Saint-Simon

N° 91 L’achèvement de Saint-Simon

Par Jacques Drillon

Pas une faute de français dans les romans policiers de Fred Vargas.

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Cette vieille Anglaise à tête de jivaro, à l’époque où l’on l’on se remettait à parler d’un possible tunnel sous la Manche : « Mais alors, en France et en Europe, vous allez devoir rouler à gauche ? »

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Les 7000 pages des Mémoires de Saint-Simon à l’époque de Twitter.

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(Suite)
Saint-Simon, qui n’a été traduit intégralement dans aucune langue. (À jamais intraduit, doit-on supposer, au tour que prennent les événements.)
On n’aimerait pas être étranger.

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Les belles étymologies
Un sarcophage, qui vient de sarx (la chair) et phagein (manger), est une pierre dans laquelle on met le mort, et qui va le manger. Et justement, elle ne le mange pas. Quant à trépasser, c’est aller au-delà de ce qui est permis. « No trespassing », disent les Anglais sur leurs panneaux d’interdiction.

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(Suite)
D’après Bichat (1771-1802), qui s’y connaissait en cadavres puisqu’il en a disséqué plus de 600 en quelques années, et qu’il fut même arrêté en train d’en exhumer d’autres au cimetière Saint-Roch, la vie est « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ». D’où l’on pourrait inférer que la mort est l’ensemble des fonctions qui n’ont pas résisté à la vie.

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Les belles étymologies
Achever vient de chef. Finir véritablement quelque chose, un livre ou une symphonie, c’est l’accomplir jusqu’à la tête (le chef), jusqu’à la tête de l’œuvre, jusqu’au chef de l’œuvre. Plus rien à ajouter, plus rien à retrancher. (To achieve, en anglais, le dit aussi.)
(Voir : un « ridicule achevé » ou « c’est un crétin fini ». Autrefois on disait simplement « il est achevé » pour dire qu’il était maboul.)
Et même, pour qu’une œuvre soit achevée, il faut qu’elle ait dépassé la tête, avoir déclenché le cliquet suprême, ou plutôt capital, être allé un peu plus loin. De là ces termes ultra que Saint-Simon emploie, « excogité », « pourpensé », et qui révèlent une activité intérieure allant au-delà du simple génie, si l’on peut dire…

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Aristote, qui disait que « la solitude est l’apanage de la brute ou du dieu ». À quoi J. -L. Bory répondait qu’aujourd’hui « la brute ressortit au phénomène collectif » et que Dieu « mobilisé par tous les camps pour en bénir toutes les bannières, n’a plus le temps d’être seul ».

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Le commentaire du pion
Ressortir à, qui se conjugue comme finir, et non comme sortir.

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Giraudoux, qui parlait comme le neveu de Rameau.

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Les professeurs de philosophie. Ils deviennent des « philosophes » dans la bouche de l’animateur de radio qui les invite, pour penser (gracieusement) à sa place.

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(Sur l’air des trompettes d’Aïda)
« Vara, tibi Khâgna, Vara, celebrat gloriam,
Splendidissimam, nequaquam a strassa destructam, parrapapam.
Vara, tibi Khâgna, Vara, dat honores multos,
Contra doce nos quomodo in tutto boiresanzo.
Exaudi nos, Vara. Ignosce nos,
Vara, nostras culpas, Vara, Vara, Vara. »

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Le grincement aigu de la porte du jardin, le même depuis cinquante ans. Peut-être plus.

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La délicieuse odeur d’eucalyptus – quand elle ne vient pas d’un suppositoire.

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Ce qui fait barrage à l’envahisseur : la Méthode Magino.

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(Dernière minute)
Les médecins toucheront 5,40 € pour entrer dans la base de données nationale la fiche du malade qu’ils auront vacciné contre le Covid. Le ministère prétend que c’est une juste rémunération pour le temps passé à taper sur leur clavier. Sous entendu : et non une incitation à vacciner (et à fliquer les Français). L’un n’empêche pas l’autre : dès 2014 les médecins touchaient une prime s’ils parvenaient à vacciner contre la grippe au moins 75% de leurs patients de plus de 65 ans. 

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(Dernière minute)
Éléments de langage: La propagande anti-covid ne dit plus « respectez les gestes barrière », mais « respectons les gestes barrière ». À cet égard comme aux autres, le gouvernement avait pris du retard. 

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(Dernier minute, fichiers, suite)
Un décret a été promulgué par le Conseil d’État le 4 janvier, qui autorise la police à ficher les opinions et les activités politiques, syndicales, religieuses, et les données de santé des citoyens français. Identifiants, photos et commentaires sur les réseaux sociaux de chacun pourront aussi y être enregistrés, ainsi que les troubles psychiatriques. Les personnes morales (associations, syndicats) sont concernées. Bien entendu, le ministère de l’Intérieur a démenti vouloir créer un délit d’opinion ou établir une surveillance de masse. Bien au contraire : pour vivre heureux, vivons fichés.

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(Dernière nouvelle de la délation)
Un politologue un peu connu poussé à la démission de toutes ses fonctions par sa belle-fille, qui le dénonce comme « incesteur ». Elle n’en a pas été victime elle-même, mais avance dans un livre « imprimé dans le plus grand secret » (on voudrait que sa publication soit aussi bien cachée) que son frère l’aurait été, il y plus de trente ans. Elle raconte tout cela dans un long entretien effroyablement ennuyeux.
C’est peut-être vrai, c’est peut-être faux, on n’a pas envie de le savoir, et on ne le saura jamais: les fait sont prescrits, il n’y aura pas de procès.
On dirait que la belle-fille a attendu que les faits soient prescrits pour lancer son accusation. Elle n’ignorait pas que, faute de procès, celui qu’elle accuse ne pourrait pas se défendre : elle est juriste.
L’homme est donc condamné sans jugement. Hop.

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« Et toi, tu vas te faire vacciner ? »

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(Pro domo, rappel)
Il en reste quelques-uns !

 
Ce volume reprend les Papiers recollés, deuxième série de Papiers, parus sur le site Bibliobs.com en 2017. Un volume de 168 pages, cahier couleur, 20 €. Disponible sur commande en librairie ou chez l’éditeur : par lettre (Du Lérot, 23 Grande Rue 16140 Tusson), par mel (du.lerot@wanadoo.fr), en ligne (http://www.dulerot.fr), ou par téléphone (05 45 31 71 56 – 05 45 31 63 25).
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La troisième série (Papiers découpés) fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014), la deuxième (Papiers recollés) sous le titre Le cul rose d’Awa (Du Lérot 2020, disponible sur commande en librairie ou chez l’éditeur, http://www.dulerot.fr).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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