de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 44 Le fonds de volatilité de Philippe Bouvard

N° 44 Le fonds de volatilité de Philippe Bouvard

Par Jacques Drillon

La drogue de Hitler : la préludine (amphétamine anorexigène). Chopin n’a jamais pris de préludine.

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Les belles étymologies
Le mot « théorie » vient du grec theôria, qui désigne un ensemble d’hommes qu’on envoie consulter un oracle, voir un spectacle religieux. Le mot dans Platon veut dire « contemplation » (le théoros regarde, contemple, réfléchit, spécule). De thea (spectacle) et de oros (qui regarde) vient le mot « théâtre ». En moyen français, « théorie » désigne la connaissance rationnelle, par opposition à la pratique. Au XVIIIe siècle, elle prend son sens moderne de système de concepts abstraits, sans doute élaboré après longue contemplation et intense réflexion.
Théôria a donné aussi « théorie » au sens de cortège. Lorsque Jean-Marie Villégier, dans sa mise en scène d’Atys, faisait avancer lentement des prêtres et des prêtresses, en file indienne, il faisait une théorie, c’est-à-dire une queue leu leu (une théorie de loups, car un leu est un loup). Dans La tentation de saint Antoine, que Jean-Marie Villégier a lue mainte fois devant des publics éblouis, Flaubert dit que de part et d’autre du roi Nabuchodonosor « deux théories de prêtres en bonnets pointus balancent des encensoirs ».

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Le vocabulaire hideux et absurde des gens de Bourse. « Arbitrer » (à la place de vendre pour acheter), « prise de bénéfice », « à cours limité », « haussier/baissier », « fond de roulement », « prélèvement libératoire », « position vendeur », « taux croisé », « tenir la position », « fonds de volatilité », « barrière désactivante », « hausse de la volatilité implicite »…

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La musique en quarts de ton de Wyschnegradsky (un nom prédestiné, un aptonyme, faut-il croire, à moins que ce ne fût une simple onomatopée). Claude Ballif, autre compositeur inquiet, avait dans son bureau un orgue à deux claviers, accordés à un quart de ton l’un de l’autre. C’était commode pour jouer faux.

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Les livres difficiles, qu’on réessaie tous les dix ans, et qu’on abandonne encore un coup.

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Les quatorze collaborateurs de Philippe Bouvard, qui l’alimentaient en informations, pour sa page quotidienne du « Figaro ».

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Les obsolètes : la sonnerie « occupé » des téléphones.

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Personne ne sait
Au vu des plis, comment a été repassée la nappe de La cène de Léonard de Vinci. Ni comment tout le monde tenait sur une table aussi petite.

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Le robinet de la baignoire, qu’on ouvre ou qu’on ferme du bout du pied.

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Les petites sommes engagées au jeu, qui procurent les mêmes émotions que les grosses.

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L’orgue trumpien de Philadelphie :

 

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Les femmes battues par leur conjoint alcoolique. Pourquoi boit-il ?

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Personne ne sait
Ce que signifie « rien moins que ». « Il (n’)était rien moins que riche » signifie : il était tout à fait riche, ou pas riche du tout.

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Le petit certificat d’assurance carré qu’on doit glisser dans un étui de plastique collé sur le pare-brise, et qui comporte toutes les mentions utiles : durée de validité, numéro minéralogique de la voiture, nom de la compagnie d’assurance, numéro d’assuré. Il devrait vous éviter d’avoir à présenter le certificat d’assurance complet (« carte verte »), qui n’en comporte aucune autre. Les flics vous le demandent tout de même, pour vous faire les pieds.

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Avoir « froide queue » : ne pas bander.

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

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Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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