de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 54 Méduse et Lolita sont dans un bateau

N° 54 Méduse et Lolita sont dans un bateau

Par Jacques Drillon

Ceux qui ne marchent dans Paris que les jours de grève des transports.

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Les travaux d’État (routes, gares…), toujours plus longs et plus chers que les autres.

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La honte de dire quelque chose de banal, de sentimental, de ringard, et qui fait écrire : « baci » ou « kisses » au lieu de « baisers », « see you soon » au lieu de « à bientôt ». La langue étrangère cache la misère comme « la sauce fait passer le poisson ». Le « Monde », livrant la liste des lectures d’un homme célèbre dont on publie le portrait, n’écrit pas en titre « Ses lectures », mais « Keskili ».

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Chose vue
Elle a 14 ans, peut-être 15. Elle sort d’une grosse limousine, est habillée fantastiquement bien, avec des escarpins si fins qu’on pourrait les chiffonner dans sa main, coiffée comme Deneuve, délicatement maquillée. Elle rejoint une amie de son âge dans un restaurant de luxe ; elles commandent du foie gras et des soles, sont aimables avec le maître d’hôtel, se font conseiller des vins par le sommelier. Elles sont à l’aise, sourient. De temps à autre on entend fuser un éclat de rire de leur âge : « Je lui ai dit genre va mourir ! » ou bien : « Une robe de ouf ! » Des Lolitas quant à l’argent, pour parler comme Mallarmé.

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Personne ne sait
Si la banque du sperme autorise les découverts.

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Gide refusant Du côté de chez Swann, puis écartant de la main Mort à crédit, après l’avoir feuilleté (mais le roman ne lui était pas proposé).

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Personne ne sait
Si la Méduse du Caravage est un homme ou une femme.

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Plus d’un million de morts, lors de la bataille de la Somme (juillet 1916). L’Offensive Broussilov (juin 1916) : presque le double. Mais c’était rien que des Russes.

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Les plus vieux enterrés du Père-Lachaise : Héloïse et Abélard († 1164 et 1142, respectivement), dans un tombeau commun.

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Poubelle
Ponge, qui disait que de papier à panier, il n’y avait que l’espace d’une consonne.

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Platon voulant brûler tout Démocrite pour qu’on ne sache pas qu’il s’en était inspiré, notamment dans le Timée. Y renonçant, puisqu’il ne pouvait pas brûler toutes les copies. La preuve que Platon s’est inspiré de Démocrite, disent certains, c’est qu’il ne le cite jamais.

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(Suite)
Démocrite, représenté hilare.

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(Fin)
Aulu-Gelle dit que Démocrite s’est aveuglé volontairement en regardant le soleil pour « se délivrer des charmes séducteurs de la vue » et raisonner plus exactement.
Tertullien dit qu’il s’est aveuglé pour ne plus voir la beauté des femmes qu’il ne pouvait plus posséder.
Athénée dit que, devenu vieux et débile, il s’est suicidé en cessant de manger.

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Du côté de chez Swann en Folio/Gallimard (édition Compagnon) : 7,80 €
Un petit carnet de notes Gallimard, se présentant comme un volume de la collection blanche, mais dont toutes les pages sont vierges : 14,90 €.

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Une « relation inappropriée » aux États-Unis. En général délicieuse.

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(Dernière minute)
Qui se souvient de la grippe de Hong Kong (1969-1970) ?  31 226 morts en deux mois en France. Surmortalité de 40000. Un million de morts dans le monde. Tout juste quelques articulets dans la presse de l’époque.

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(Dernière minute)
Après les grenades de désencerclement, voici les grenades de déconfinement. Pour se remonter le moral en temps de pandémie, le gouvernement vient (encore !) de commander pour plus de 3,6 millions d’euros de grenades lacrymogènes, «au profit de la police nationale et de la gendarmerie nationale». Ah les braves gens. Vivement qu’on puisse de nouveau tousser pour de bonnes raisons.

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(Co-morbidité, dernière minute)
La gêne des commissaires-médecins forcés d’admette que bizarrement, inexplicablement, impardonnablement, la nicotine protège contre le coronavirus. Le Diable, là-haut, ou là-bas, ou là-dessous, se tord de rire. Il se tient les côtes !…  C’est trop drôle !… Il se co-morbide éperdument, le Diable !… Ruée sur les patchs de nicotine !… Les soignants d’abord !… Ah non ! Ferdinand, arrête, c’est trop !

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

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Les deuxième et troisième séries (Papiers recollésPapiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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