de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 74 La tristesse post-prandiale

N° 74 La tristesse post-prandiale

Par Jacques Drillon

L’éclatement, à la BNF,  des services et des magasins destinés au stockage des ouvrages. Nous sommes passés de quatre magasins principaux sur le site de Richelieu à 180 à Tolbiac (86 dans les tours et 94 dans le socle).

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(Suite)
Les livres au centre, et bibliothécaires et lecteurs autour, comme dans une bibliothèque normale ? Pas du tout. Au milieu, du vide. Et tout le reste centrifugé.

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« L’idéal pour Godard c’est d’obtenir tout de suite ce qui doit aller. Le tout de suite, c’est le hasard ; en même temps, c’est le définitif. Ce qu’il veut, c’est le définitif par hasard » (Jacques Rozier, Le parti des choses, Bardot et Godard).

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(Suite)
Le mécontentement des producteurs du Mépris. Antoine de Baecque raconte (Godard, biographie, Pluriel) que le cinéaste finit par céder à leurs exigences, et signer avec eux un contrat, le 16 octobre 1963,
« qui prévoit l’adjonction de « trois scènes complémentaires d’une durée totale qui ne saurait être inférieure à six minutes et ne saurait excéder dix minutes », dont le tournage devra être « terminé au plus tard le 30 novembre 1963 ». Le cinéaste doit présenter auparavant un « développement détaillé, si possible plan par plan », avant le 24 octobre. Pour sceller cet accord, le 23 octobre, les producteurs lancent une campagne de publicité dans le métro parisien, affichant Bardot sur les murs et faisant monter l’attente du film.
« Godard a dû céder, et dépose à la date prévue une description extrêmement précise des trois scènes « où la personnalité de Bardot sera mise en valeur surtout d’un point de vue “sexy” ou érotique, aussi bien que faire se peut », dont un double est enregistré par maître Robert Badinter, l’avocat du cinéaste […]. La première séquence est « une scène d’amour entre Brigitte Bardot et Michel Piccoli, qui devra être faite de telle sorte que le spectateur sente un profond accord, autant physique que sentimental, entre les deux personnages » ; la deuxième prévoit que Bardot « s’offre à Piccoli et se dénude devant lui », conçue comme « un documentaire sur Bardot en tant qu’animal érotique, fait de plans ou de courtes scènes qui montrent Bardot dans plusieurs poses différentes, style Playboy. Ces plans illustreront le désir inassouvi de Piccoli pour la femme qui se refuse à lui et s’offre de façon méprisante. Ils seront commentés peut-être par un dialogue amoureux entre Piccoli et Bardot ». La troisième « devra donner au spectateur l’impression que Bardot vient de faire l’amour avec Palance ;  le spectateur doit voir que Palance la voit dans sa nudité. Le côté physique de Bardot sera mis en valeur davantage que celui de son partenaire. »
Ces trois scènes n’en feront qu’une, finalement : celle que nous connaissons.

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Bach, cantate BWV 197 :

Bien entendu, il ne faudrait pas prendre le post-copulationem pour le post-coïtum. Il s’agit ici de la « réunion du chrétien et de l’Église », et voilà tout d’un coup que le soufflé retombe. Post copulationem, animale triste.

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L’espèce de mystique qui entoure certaines pratiques culinaires. Une recette de fondue savoyarde vous dit : « Faites de lents 8 avec une cuiller en bois, en ajoutant peu à peu les lamelles de fromage. » Alors que vous pouvez tourner avec une fourchette, avec un couteau, en faisant ce que vous voulez, des 3,1416 si cela vous chante, mettre tout le fromage en une seule fois, et personne n’y verra la différence. « Incorporez toute la farine d’un coup » dans la pâte à choux ? Vous pouvez la verser en pluie, ou en quatre fois si vous voulez, cela ne changera rien. Pourquoi vous recommande-t-on de la tourner à la main, votre pâte à choux ?  Parce que c’est long, et fatigant. Mais un batteur électrique le fait aussi bien que vous.

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(Suite)
La mayonnaise, avec jaune d’œuf séparé du blanc (dont on ne sait jamais quoi faire), son minuscule filet d’huile, qui vous force à tenir la bouteille en l’air. Le temps que ça met… Alors qu’il suffit de mettre un œuf entier avec sa moutarde, toute l’huile d’un coup, et tenir le batteur bien au fond.

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Le terme « théorie complotiste », qui vise à faire croire qu’il n’y a jamais aucun complot nulle part.

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Personne ne sait
Ce qui est plus laid que l’accent italien en anglais, en allemand.

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La tristesse grisâtre et vile des fleurs de trèfle.

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Prendre un café allongé debout.

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Charte déontologique des journalistes professionnels (2011) :

« Un journaliste digne de ce nom :
. Prend la responsabilité de toutes ses productions professionnelles, même anonymes ;
. Respecte la dignité des personnes et la présomption d’innocence ;
. Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ;
. Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent ;
. Dispose d’un droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations qu’il diffuse et fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusée qui se révèlerait inexacte ;
. N’accepte en matière de déontologie et d’honneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; répond devant la justice des délits prévus par la loi ;
. Défend la liberté d’expression, d’opinion, de l’information, du commentaire et de la critique ;
. Proscrit tout moyen déloyal et vénal pour obtenir une information. Dans le cas où sa sécurité, celle de ses sources ou la gravité des faits l’obligent à taire sa qualité de journaliste, il prévient sa hiérarchie et en donne dès que possible explication au public ;
. Ne touche pas d’argent dans un service public, une institution ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ;
. N’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;
. Refuse et combat, comme contraire à son éthique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication ;
. Cite les confrères dont il utilise le travail, ne commet aucun plagiat ;
. Ne sollicite pas la place d’un confrère en offrant de travailler à des conditions inférieures ;
. Garde le secret professionnel et protège les sources de ses informations ;
. Ne confond pas son rôle avec celui du policier ou du juge. »

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Les inventeurs de machines à enregistrer les sons, qui ont tous fait leurs premiers essais avec une comptine enfantine.

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Aux États-Unis, un grand  médecin qui dirait « j’ai sauvé cent cinquante Nègres la semaine dernière » est conspué, renvoyé, lynché ; un médecin qui dirait « les cent cinquante Africains-Américains qui sont passés la semaine dernière dans mon cabinet sont morts dans d’atroces souffrances » continuerait d’exercer, et rentrerait chez lui sous l’œil bienveillant de ses étudiants.

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(Dernière minute)
Les principaux de collège qui ont laissé des policiers armés entrer dans leur établissement pour vérifier que les élèves portaient bien leur masque.

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(Dernière minute)
Le gag qui circule
Vous jetez votre masque? Le vent l’emporte dans la rivière, puis il passe dans le fleuve, enfin dans la mer. Un poisson le mange, un pêcheur prend le poisson, le vend au marché, vous l’achetez et vous le mangez. Préférez le circuit court ! Plutôt que de jeter votre masque, mangez-le !

 

j.drillon@orange.fr
(Tous les vendredis à 7h 30)

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Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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