N° 108 Plaisir et soulagement
Les mots du général Westermann, après la bataille de Savenay : « Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’aviez donnés, j’ai écrasé les enfants sous les sabots des chevaux, massacré les femmes, qui, au moins pour celles-là n’enfanteront plus de brigands. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé. »
Westermann a sa rue à Pantin.
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(Suite)
Le massacre perpétré par la République en Vendée. La trahison des Vendéens, qui pressaient les Anglais de débarquer.
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Les obsolètes : une jupe très courte sous un manteau très long.
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Anita O’Day, qui chantait en tailleur, en chapeau à plumes, en gants blancs.
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« Jean-Claude Guilbert [Arsène, dans Mouchette], c’est le deuxième film que vous tournez avec Robert Bresson. Vous pouvez nous parler de votre expérience de comédien, de comédien amateur ?
– C’est un métier idiot. Enfin, celui que je fais.
– Pourquoi ?
– Je ne prends aucune initiative. Cela ne fait pas du tout appel à mon intelligence, à supposer que j’en aie.
– Quel métier faites-vous dans la vie ?
– Je suis maçon.
– Et il y a une différence ?
– Oui : maçon, c’est un métier intelligent.
– Est-ce que vous ne pensez pas que cela vient surtout du metteur en scène avec lequel vous tournez ?
– Je ne le pense pas. Je pense que Bresson est un type très intelligent. Qu’il m’enquiquine énormément, c’est son boulot : il fait son boulot. Moi je fais le mien ; seulement le sien est un métier intelligent.
– Est-ce que vous n’avez pas envie de faire d’autres expériences, avec d’autres metteurs en scène ?
– A ce prix-là, volontiers.
– C’est uniquement une question de prix ?
– Oui, c’est très bien payé. C’est un métier pénible, mais on fait souvent des choses pénibles quand c’est bien payé. Ce n’est pas déshonorant : c’est idiot. »
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La croissance, maladie naturelle du capitalisme :
Les motos à 6 (six) cylindres, quand un ou deux suffisent.
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Les musiciens de jazz, les souffleurs, qui pensent par phrases, virgulées par les respirations. Les claviéristes qui jouent avec eux, et finissent par penser en phrases ponctuées de la même manière.
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Les chasseurs qui installent des clôtures autour de leur forêt, avec des portails ne fonctionnant que dans le sens de l’entrée. Les animaux y pénètrent, ne peuvent en sortir.
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« La guerre civile, forme culminante de la lutte de classes, abolit violemment tous les liens moraux entre les classes ennemies » (Trotski).
« Seuls les combats acharnés, à savoir la guerre civile, peuvent affranchir l’humanité du joug du capital » (Lénine).
Mais :
« Le plus grand des maux, c’est la guerre civile » (Pascal).
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« J’ai senti pour la première fois que j’étais mort, ce qui m’a beaucoup soulagé » (Sollers).
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Ceux qui, écoutant de la musique, n’éprouvent pas d’émotion, mais du plaisir. Concertos Branle-bourgeois.
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José Bergamin, fin lettré, qui s’inquiète de la Décadence de l’analphabétisme (La Délirante, 1988).
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L’absurde notation de Wikipédia : « Johann Sebastian Bach, compositeur de musique baroque », « Philippe Manoury, compositeur de musique contemporaine »… Et pas moyen d’y rien changer.
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(Suite)
On avait brocardé en son temps l’inculte adjoint à la culture de la Ville de Paris, Christophe Girard, pour la plaque qu’il voulait apposer sur l’immeuble de Dutilleux, qui disait elle aussi : « Ici vécut Henri Dutilleux, compositeur de musique contemporaine. »
Compositeur de musique est d’abord passablement redondant. Peintre de peinture ? Poète de poèmes ? Ensuite, qu’est-ce que ce genre : « compositeur de musique contemporaine » ? Un compositeur peut-il écrire autre chose que de la musique contemporaine ? Beethoven n’écrivait pas de musique contemporaine ? On peut être compositeur de musique de musique d’époque ? Nous proposons sur le même modèle :
Ici habita John Ford, filmeur de films américains
Ici habita Victor Hugo, romancier de romans romantiques
Ici habita Jean-Baptiste Lully, compositeur de musique ancienne
On voit bien ce que cela trahit de la « pensée » de ces gens ; ils veulent dire : compositeur de musique imbitable et qui nous coûte cher. Ou plutôt : compositeur de musique que personne n’écoute, à commencer par moi, et j’en suis fier.
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(Fin)
N’oublions pas que Christophe Girard était celui qui, constatant qu’il n’y avait que des enfants de bourgeois dans les conservatoires parisiens, avait cru logique de faire payer encore plus cher les inscriptions.
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Dernière minute
La nouvelle carte d’identité française, désormais bilingue. Toutes les rubriques, et même son titre, sont traduits en anglais. C’est la fin des beans.
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VIENNENT DE PARAÎTRE
Les problèmes parus entre 2011 et 2017 dans le Nouvel Observateur. Les Belles Lettres, 480 pages, 17,90 €
On ne saurait se faire une juste idée de l’homme Gide si l’on méconnaît sa passion pour la crapette, jeu de cartes immortel, jeu de cartes nobélisable mais cruel, qu’il a pratiqué toute sa vie, et dont son amie, la Petite Dame, fut une régulière victime consentante.
De même, il a paru indispensable de colliger toutes les allusions que dans son Journal il fait au jeune adolescent nommé Victor. L’auteur de Corydon l’a rencontré en Tunisie pendant la guerre. Il focalise sur lui toute son attention, montre sa perspicacité, sa finesse, et laisse apparaître dans le même temps sa partialité, son dépit, sa petitesse de grand homme.
Du Lérot, 72 pages, 15 €, disponible sur commande, en librairie ou chez l’éditeur.
j.drillon@orange.fr
(Tous les vendredis à 7h 30)
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La troisième série de petits Papiers (Papiers découpés), parus sur Bibliobs.com, fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014), la deuxième (Papiers recollés) sous le titre Le cul rose d’Awa (Du Lérot 2020, disponible sur commande, en librairie ou chez l’éditeur.
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