de Pierre Assouline

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La République des livres
Dans les coulisses de l’enquête biographique

Dans les coulisses de l’enquête biographique

« Combien de fois avez-vous couché avec Samuel Beckett pour obtenir ce scoop ? ». Ce genre de perfidie, Deirdre Bair l’a subie plus d’une fois. Elle ne l’a pas seulement entendue dans des réunions mais lue dans des articles. Il est vrai que la première fois qu’elle a rencontré Samuel Beckett, la scène eut un hôtel pour théâtre : en 1971, l’hôtel du Danube, rue Jacob à Paris. Mais c’était dans le lobby.

Quelques mois après, à sa lettre lui annonçant sa détermination d’écrire sa biographie, le grand écrivain répondit qu’il était à sa disposition et qu’il lui ouvrirait ses archives. Ce qui ne manqua pas d’ébahir le milieu littéraire et universitaire pour qui il demeurait le personnage le plus fermé le plus inaccessible de leur petit monde. Il avait ajouté qu’il ne la soutiendrait ni ne l’entraverait dans ses démarches, mais que ses amis et sa famille l’assisteraient et que ses ennemis la retrouveraient bien assez tôt. Lui qui ne donnait jamais d’interviews la revit à des nombreuses reprises pour répondre à sa curiosité à condition qu’elle n’enregistrât pas, et qu’elle ne prit pas de notes. Comme deux amis en conversation. Surtout elle ne devait révéler leurs rencontres à personne. Lorsqu’ils ne se voyaient pas, ils s’écrivaient. Quand ils se retrouvèrent l’année suivante, ce ne fut plus à l’hôtel du Danube mais au bar-tabac tout près, ou dans des bistros près des stations de métro Raspail et Denfert-Rochereau, quand ce n’était au Falstaff, un restaurant de Montparnasse où il avait ses habitudes et où le personnel faisait respecter son intimité. En ce temps-là déjà, ce qu’on savait de lui, ce qu’on disait de lui, tout concourait à lui donner l’image d’un saint laïque.

Comment une mère de deux jeunes enfants, épanouie dans son mariage, entre ses deux bulldogs anglais et ses deux chats persans, professeure dans le civil mais assez audacieuse pour s’attaquer à un monstre littéraire pour son premier livre, pouvait-elle passer auprès des professionnels de la profession autrement que pour « une jeune américaine naïve » ? Ce projet de biographie, auquel il se prêta alors qu’il venait d’une fille si novice qu’elle n’avait jamais lu une biographie avant d’envisager d’en écrire une, il ne l’appelait jamais autrement que « this business of my life ».

Il avait soigneusement compartimenté sa vie ; ses amis ne se rencontraient pas en sa présence ; il les voyait séparément. Il refusait résolument de parler des femmes quel qu’elles fussent mais se montrait bavard jusque dans les moindres détails dès qu’il s’agissait d’un homme. Mrs Bair, qui conduisit des centaines d’interviews à l’américaine à Paris, Londres, Dublin, New York pendant sept ans pour faire le tour de la question, nous en livre les coulisses dans Parisian Lives qui vient de paraître à New York  (346 pages, Talese/Doubleday). Une « bio-memoir » dont elle est le sujet et l’objet, qu’elle s’est résolue à écrire dès lorsque les intéressés et les témoins sont morts.

C’est devenu un genre en soi, Claire Tomalin, biographe de Dickens, Thomas Hardy et autres, et James Atlas, biographe de Saul Bellow, ayant récemment révélé dans des livres les coulisses de leurs enquêtes. La lecture de celui de Mrs Bair est assez réjouissante : l’exil du jeune Beckett à Paris de crainte que sa vie de jeune débauché alcoolique à Dublin ne finisse par le détruire ainsi que sa mère…  Sa discrète générosité –nombre d’amis ont pu témoigner de ce que ce saint Martin leur offrait souvent son manteau avec ce que ses poches contenaient… Ses séances de psychanalyse avec W.R. Bion, lequel l’emmenait parfois à la Tavistock Clinic y écouter parler le maitre Carl Gustav Jung… Sa fragilité psychique allant jusqu’à être qualifié de « psychotique » par des psys sidérés à la lecture de son œuvre… Barbara Bray, traductrice et maitresse de Beckett, l’adjura avec force de ne rien révéler de sa liaison dans son livre sans quoi, lui assura-t-elle, l’un de ses enfants se suiciderait et elle rendrait l’indélicate biographe responsable de sa mort. La perspective d’un casier judiciaire n’étant guère réjouissante pour un biographe débutante, elle se résolut donc à l’autocensure.

Rigoureuse, refusant toute amitié trop personnelle avec son sujet, il lui fallait trois sources indépendantes pour corroborer un fait ou une parole (ici un extrait). Sinon elle ne les retenait pas bien que ses témoins fussent souvent bourrés (y penser toujours avant de se lancer dans la biographie d’un Irlandais). Ainsi pour la piste selon laquelle quand Beckett mûrissait l’écriture d’En attendant Godot, sa pièce la plus célèbre, il l’intitulait « En attendant Lévy ». .. Elle n’a pas été plus loin sur la sexualité « problématique » de Beckett car elle était trop embarrassée par ce qu’elle avait découvert dans certaines lettres relatives à sa jeunesse dublinoise puis parisienne, sa « profonde amitié » pour quelques poètes de ses amis, ainsi que « des rencontres sexuelles dont il disait que d’autres hommes en avaient pris l’initiative ». De même ne chercha-t-elle pas à creuser lorsque la peintre Joan Mitchell, qui avait été temps sa maitresse, lui confia que « ça » (entendez : fucking) ne l’avait jamais trop intéressé.

En fait, sa biographie était à l’époque volontairement muette sur le sujet par un sentiment de pudeur mêlé de puritanisme et par crainte que le bruit revint aux oreilles de « Sam » qu’un livre à sensations se préparait sur lui. Son entourage témoignait qu’il s’inquiétait nerveusement à l’idée que Mrs Bair ait pu évoquer sa vie sexuelle dans la biographie. Les beckettiens canal historique, une internationale composée d’universitaires américains, de poètes irlandais,, de critiques new yorkais et d’intellectuels parisiens, ,des hommes en majorité ou, pour le dire en conformité avec notre propre air du temps, des mâles blancs hétérochrétiens, ont encouragé les rumeurs nuisibles à l’enquête de Bair, la disqualifiant au motif qu’elle avait du coucher pour obtenir ses informations, impossible autrement. Elle en eut le cœur net lors d’un colloque à New York où ils lui manifestèrent une hostilité faite d’insinuations sinon d’insultes. Quant aux à ses collègues féminines à l’université, elles ne la considéraient pas comme des leurs, n’étant jamais qu’une biographe.

La misogynie qu’elle dut affronter ne la rendit pas moins féministe. Et à la vie-et-l’œuvre de qui croyez-vous qu’elle consacra juste après son nouveau livre ? Simone de Beauvoir ! Mais c’est beaucoup moins piquant, son héroïne se révélant désagréable, abrupte, sèche, autoritaire., la considérant parfois comme une sténodactylo à qui elle dictait son message au monde et lui interdisant de la qualifier de lesbienne. Un point commun avec Beckett toutefois : ce que leur commune biographe, passée maître dans l’art de l’euphémisme, appelle « une identité sexuelle complexe ».

Quarante ans après son coup d’essai avec l’Irlandais, la dernière victime de la biographe-en-série fut un autre grand dramaturge, un italo-américain du nom d’Al Capone. Manifestement, elle aura toujours médité sa devise : « Quand on a quelque chose à demander à quelqu’un, il vaut mieux être poli et armé que simplement poli ».

(« Samuel Beckett » et « Simone de Beauvoir avec Deirdre Bair » photos D.R.)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire.

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commentaires

1 455 Réponses pour Dans les coulisses de l’enquête biographique

renato dit: à

Cher Christian, chacun ici, j’espère, se sent participer douloureusement d’un mystère qui est au-delà de sa propre existence.

renato dit: à

Lady Gaga a annoncé qu’en collaboration avec l’association Global Citizen ella à réuni en une seule semaine 35 millions de dollars qui seront versé à l’OMS. Elle a expliqué qu’elle avait une « liste d’entreprises de gentillesse », que leur avait demandé de participer à l’initiative, et qu’elles ont acceptée avec une grande générosité.

https://blogfigures.blogspot.com/2013/03/ellen-von-unwerth-lady-gaga_1.html

christiane dit: à

@William Legrand
Je laisse ce genre d’exercice servile à chaloux.

rose dit: à

Et Renato et William Legrand et Alexia Neuhoff.
🧡💌💘💝💖💗💓💞💛

rose dit: à

J’ai une blague pour vous qui vient d’Alger.
C un meilleur pote qui appelle son copain.
– Alors ça se passe bien toi ton confinement ?
– Super. Je lave, j’étends le linge, je repasse, je prépare à manger, je maintiens propre la maison, tout va bien ; dans huit jours, je vais avoir mes règles.

Chaloux dit: à

La Cricri Gobe Tout, jamais à une léchouille près, toujours prête à polir tout le croupion disponible, avec l’accord de son propriétaire ou non, prétend que je suis « servile ». Il faudra que cette pauvre niaise me dise à l’égard de qui.

et alii dit: à

Marguerite Derrida, la femme de Jacques-qui était traductrice -, est décédée
« Marguerite Derrida, 87 ans, épouse du célèbre philosophe français Jacques Derrida, avait rejoint il y a un an l’établissement, recommandé à ses deux fils. L’un d’eux, Jean, réussit à la voir une dernière fois avant l’interdiction des visites édictée au niveau national le 11 mars. « Les dames de compagnie étaient là, le personnel, comme d’habitude semblait un peu débordé, mais sans plus », se souvient-il. Rapidement, une suspicion de contamination plane sur elle. Un médecin dit à Jean « ne pas être optimiste ». Et un samedi matin, un bref coup de fil annonce la nouvelle : c’est fini. Sa mère sera enterrée aux côtés de son mari, seuls ses deux fils seront présents. Face aux questions sur les dernières heures de sa mère, l’infirmière écourte : « j’ai senti qu’ils avaient des consignes », dit-il.

et alii dit: à

Marguerite Derrida, née Aucouturier à Prague le 7 juillet 1932 et morte le 21 mars 2020 à Paris, est une psychanalyste française, connue comme traductrice d’ouvrages psychanalytiques.

rose dit: à

Horrible.
« l’infirmière écourte : « j’ai senti qu’ils avaient des consignes », dit-il. »
Dans l’EHPAD où est ma mère à titre provisoire c’est l’omerta.

Vers 11h ce matin j’ai réussi à savoir qu’elle avait retrouvé son ancienne chambre 13,45 m2. Beaucoup plus grande (que celle qu’elle vient de quitter au bout de douze jours), m’a-t’elle dit en 20 secondes. C’est pour cela que le téléphone ne répondait plus depyis hier 15h35. Personne ne m’a informée.

Vers midi aujourd’hui, j’ai su qu’elle était sortie hier
du confinement de quatorzaine.

Vers 10h30, il y a eu une réunion du personnel à l’accueil.

Deux bonnes nouvelles : ce matin un cours de gym a été proposé. Ma maman y est allée.

Et le déjeuner a été organisée collectivement au soleil sur la terrasse du zéro. Les résidents ont mangé dehors. Après, on les a mis ensemble devant la télé.
Ma maman : « je veux rentrer chez moi ».

Mauvaise nouvelle : très peu de chance que ma mère puisse sortir avant et la fin du confinement et la réouverture des tribunaux décidée par le gouvernement.
Retéléphone à l’ARS cet aprem.

Je ne vais pas lui dire.

C.P. dit: à

renato, merci. Je m’évade un peu, sans stoïcisme hélas, vers d’autres détresses : si vous lisez le « Zero K » de Don DeLillo, vous avez dû remarquer comme moi qu’à côté de la fictive immortalité (d’ailleurs maussade) des riches par cryogénisation, les écrans au bout des couloirs offrent, au narrateur-personnage et à nous, non seulement des représentations fort actuelles des misères et des guerres, mais aussi des annonces du danger des virus encore à venir. Nous y sommes.
DeLillo est , fiction ou non, un écrivain bien informé.
.

Marie Sasseur dit: à

Bonjour Pierre,
Il y en a qui n’osent pas.
Je regrette , pas mille fois quand même, de vous avoir brocardé. Dites seulement un mot, et j’oublierai tout ça, plus encline à pardonner et ne pas oublier, que l’inverse.
Je vous souhaite a vous et vos proches, de passer ce cap d’isolement ou d’éloignement,
éprouvant, avec confiance.
Et s’il faut oser: gare à la fessée !

https://twitter.com/i/status/1246834357475643392

Signé: moi

rose dit: à

♡❤♡Et Chantal B.et Pat V et Raymond Prunier et Chantal L. Et Soleil Vert Et Lavande.♡❤♡

christiane dit: à

chaloux, vous avez l’haleine chargée. vous devriez vous laver la langue…

christiane dit: à

Rose,
que d’émotions vous traversez. Bon courage.

JiCé..... dit: à

Rien de pire que la mort de son enfant.

Que cela vous serve à aimer encore plus sincèrement cette vie ingrate, et vous aide à reconsidérer l’étrangeté de s’intéresser à autre chose que notre objectif de géniteurs : mourir serein, sans laisser de traces vulgaires et surtout bien avant la leur propre.

bouguereau dit: à

les souhaits qui se réalisent ou pas ne sont pas des preuves de force de caractère..ni de mérite jicé..dpuis l’temps ça se saurait

Chantal dit: à

Aux dernières nouvelles il va bien Passouline,il fait même postier :); à ce propos, merci pour votre invitation Renato, pour le moment comme chacun de nous, je suis empêchée de circuler !

But we will survive … all of us

Clopine dit: à

Bon sang, voici que D. rêve de moi : on aura décidément tout lu,ici…

Et d’ailleurs, je me demande si j’ai déjà rêvé de la Rdl, de quelqu’un en particulier ?

Je ne m’en souviens pas…

Je fais très souvent des rêves d’humiliation, c’est vrai. Et l’humiliée est toujours moi…

Donc il serait logique que je puisse disposer, vu les dégelées que je prends ici, d’un stock qui pourrait servir à mon inconscient pour fabriquer mes rêves ?

Mais il semble bien que non. Ou, au moins, je n’en ai pas le moindre souvenir, alors que je me souviens bien de mes rêves en général, et surtout de mes cauchemars, en particulier, si nombreux et si… quotidiens.

Peut-être parce qu’en réalité, la violence symbolique que je subis ici, par ma faute je le veux bien (quelle idée de prétendre avoir les mêmes goûts que les dominants ?), je la « contre » par un excès qui me désigne comme caricaturale : je sers bien fort l’étendard de ma différence, je chevauche l’haquenée aux grandes oreilles de mon humilité, je ne parle que de ça…

Tout en repoussant, bien entendu, la moindre main tendue.

UN peu comme si, au moyen-âge, un Vassal prétendait à la fois s’agenouiller devant son Seigneur, mais refusait de se relever, même si ce dernier se penchait vers lui pour l’aider.

Or, les Seigneurs adorent aider les agenouillés à se relever. La scène est si gracieuse qu’il n’y a guère de films retraçant cette époque qui ne l’intègrent pas dans leurs scénarios… Et l’on comprend bien pourquoi : l’obéissance mise en scène, recevant tout de suite sa récompense, donnait une image flatteuse au seigneur, lui renvoyant à la fois l’image de sa puissance et celle de sa mansuétude.

Ici, j’irrite sans arrêt les participants parce que, métaphoriquement bien sûr, à la fois je m’agenouille mais refuse obstinément de me relever.

Ce qui met en porte-à-faux ceux qui, tout simplement, pourraient sans problème me considérer comme « l’une des leurs ».

Je pense que c’est ce genre d’agacement que Rose exprime à mon égard, par exemple… Et il est vrai qu’on peut voir, dans l’obstination caricaturale avec laquelle je mets en avant mon humilité, une pose, un calcul même, que sais-je ?

Evidemment, il n’en est rien. Cette posture caricaturale qui me colle à la peau, je la ressens, moi, comme le résultat d’une maladresse que je ne peux réparer, car venant du plus profond de mon enfance.

Comment expliquer cela ? Par une anecdote, peut-être, qui pourrait décrire, mieux qu’une théorie bourdieusienne, ce qui n’a cessé de m’arriver, à peu près depuis que je suis née, et sans doute même… avant ?

Voici. Pour des motifs relevant des rêveries amoureuses de l’adolescence, j’ai demandé, à 16 ans et pour répondre à une question de ma mère, à recevoir, pour mon anniversaire, les trois tomes de La Recherche dans la Pléïade.

Je n’ai absolument pas perçu, à l’époque, que ce faisant, je me différenciais de mon milieu social, que je le stigmatisais, quoi, bref que j’étais « violente ».

Or, mes frères et soeurs l’ont bien perçu ainsi. Le jour dit, j’ai reçu mon cadeau… Mais mon frère aîné, ironiquement, m’a lui aussi tendu un présent : c’était un livre de Delly…

Manière pour lui de se réparer du dédain qu’il me supposait, de ma « pose », de ma prétendue « supériorité ».

Mon frère se trompait absolument sur moi, comme les erdéliens qui me supposent de l’orgueil ou de la rouerie, aujourd’hui, se trompent également.

Et, aujourd’hui comme hier, je n’ai pas le moyen de les détromper.

Sinon en trouvant ma respiration ailleurs, bien entendu. Ce confinement qui protège nos poumons de l’étouffement est l’image de ce que j’opère, pour pouvoir continuer à vivre avec moi-même. Car si j’acceptais l’opinion de mon frère, hier, et celle des erdéliens à mon sujet, comme Chaloux tenez, aujourd’hui, il est évident que je ne pourrais plus vivre.

Mais mes efforts sont disgracieux, c’est sûr. Un poisson rouge, retiré du bocal, et qui agonise en s’étouffant de l’air qui l’entoure, n’est pas vraiment joli-joli à regarder. Etonnez-vous qu’on s’en détourne !

On pourrait dire pourtant que j’ai quelques atours dans ma main pour ne pas accabler trop cet ego torteux qui est le mien : je n’ai pas « tout raté », dans ma vie…

Mais voilà. Mon malheureux caractère me fait douter de tout. Je suis incapable de me réjouir tout simplement, par exemple, des études de mon fils. Il faut que je m’inquiète, que je me reproche de l’avoir influencé. Ma peur pour lui provient de mon sentiment de culpabilité, permanent et universel.

bref, je ne suis pas là pour parler de lui, mais pour tenter de comprendre comment je peux à la fois subir ici ce que j’y subis, et sembler pouvoir le supporter si bien que.. Je n’en cauchemarde même pas…

C’est que ce n’est que la répétition de ce qui m’est constamment arrivé. Ce qui arrive, d’ailleurs, à tous ceux qui, volontairement, délibérément ou par accident, transgressent les déterminismes.

Dans mon cas, ce n’est que par accident, bien sûr. Je ne suis pas assez maligne pour en faire, comme un Edouard Louis ou un Michel Onfray, un fonds de commerce.

et puis je suis une fille. Je pense que cela aussi agaçait beaucoup mon frère aîné. Que la petite se permette de telles « prétentions ».

Bon, tout ceci étant dit et remâché…

Je crois que je vais aller dormir…

Et qui sait de quoi, de qui, je vais rêver ?

bouguereau dit: à

à fog sur zoom chacun sur son concept2 j’y ai dit..’tu m’as l’air catastrophé..mais d’ête servile pour un larbin c’est plutôt un signe de bonne santé..comme d’ête plein pot grosse rataputin pour tèrezoune’..et alors que je le laissais ratraper un peu de 500m qu’il avait dans la vue..il a ajouté ‘aprés j’ai rami havec lassouline..ça va le calmer’

et alii dit: à

« l’infirmière écourte : « j’ai senti qu’ils avaient des consignes », dit-il. »
c’est à votre intention, si vous le lisiez que je l’avais copié, rose, que l’on ne me taxe pas-facilité de la calomnie- de malignité , de surcroit, féminine,et « mienne »
les gens ne font pas ce qu’ils veulent dans ces institutions où la hiérarchie est modelée sur le système médical formateur;
mais enfin,vous êtes l’unique membre de la famille auquel ils ont quand même des comptes à rendre;et vous tenez votre place; vous avez un beau courage, rose mais gare à la fatigue ; surtout reposez vous un peu vous aussi ;
bonne journée

bouguereau dit: à

Je fais très souvent des rêves d’humiliation, c’est vrai. Et l’humiliée est toujours moi…

t’es comme mon larbin..t’as haussi quelquefois des grosses étincelles qui te sortent du cul bonne clopine..tu dvrais essayer dfaire bouillir ta marmite havec..yavé il aime pas qu’on gache les talents qu’il a donné

Marie Sasseur dit: à

@Aux dernières nouvelles il va bien Passouline.

Ouf! on va pouvoir continuer , comment déjà ?
le culculment.

Marie Sasseur dit: à

@il fait même postier

Cool, on l’a connu transportant des trucs, dans les caves du Lutetia.

Chaloux dit: à

christiane dit: à
chaloux, vous avez l’haleine chargée.

C’est dans votre nez.

et alii dit: à

je viens de lire sur arttips une belle histoire de maître de CHINE, d’écriture et de « masques »;
Chine, VIIe siècle. L’empereur Tang Taizong est fou de calligraphie. Il entend un jour parler d’un moine détenant un fabuleux chef-d’œuvre. Sans hésiter une seconde, le voilà qui envoie un émissaire à sa rencontre, en proposant de payer le prix fort pour l’acquérir !

Il faut dire que l’œuvre en question est l’une des calligraphies les plus célèbres de la Chine ancienne. Il s’agit de la Préface au Recueil du pavillon des orchidées, un manuscrit écrit 300 ans plus tôt par Wang Xizhi.
bon vous avez deviné ?

et alii dit: à

chaloux, c’est pour dire qu’elle n’a pas encore le corona, mais elle ne peut pas perdre le flair si elle n’en a pas

Jazzi dit: à

Plus qu’un problème d’EHPAD, celui de rose n’est-il pas plutôt un problème de mésentente avec ses frère et soeur ? Une banale histoire de famille comme il y en a tant. S’agit-il d’une question d’héritage ?
La mère dit : « Je veux rentrer chez moi », mais on ne l’entend pas.
Elle semble pourtant avoir toute sa tête tandis que le corps médical la juge irresponsable.
Faut-il pour autant supprimer les EHPAD et mettre leur personnel, dont les divers témoignages soulignent le dévouement, au chômage ?
Les EHPAD c’est plutôt pour les catégories aisées. Où vont les pauvres, qui n’ont pas les moyens de payer 3000 euros par mois ? De cela on ne parle pas…

Jazzi dit: à

« bon vous avez deviné ? »

Non, pas vraiment, et alii. Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir.

Clopine, plutôt que ton habituelle litanie, si tu nous disais ce que dit la lettre du fisc ?

et alii dit: à

une biographie pour retrouver Flush
The Fabulous Forgotten Life of Vita Sackville-West
By Rebecca Dinerstein Knight

How preposterous is it that Vita Sackville-West, the best-selling bisexual baroness who wrote over thirty-five books, should be remembered today merely as a smoocher of Virginia Woolf?

Jazzi dit: à

rose fait l’amour avec le fantôme de son ex mari et en… jouit !
Comment devons-nous interpréter ce rêve ?

Chantal dit: à

je mettrais quand même un bémol Marie Sasseur, cela m’étonnerais qu’il saute de joie, la boutique est en pleine mutation, ce sera probablement dîner virtuel chez Drouant sine die … même pour son annif. Si çà se trouve çà va lui dégager des cases, c’est ce qu’on peut lui souhaiter.

christiane dit: à

Clopine,
(Beckett aussi…)
« […] pas besoin d’une bouche, les mots sont partout, dans moi, hors moi, ça alors, tout à l’heure je n’avais pas d’épaisseur, je les entends, pas besoin de les entendre, pas besoin d’une tête, impossible de les arrêter, impossible de s’arrêter, je suis en mots, je suis fait de mots, des mots des autres, quels autres, l’endroit aussi, l’air aussi, les murs, le sol, le plafond, des mots, tout l’univers est ici, avec moi, je suis l’air, les murs, l’emmuré, tout cède, s’ouvre, dérive, reflue, des flocons, je suis tous ces flocons, se croisant, s’unissant, se séparant, où que j’aille je me retrouve, m’abandonne, vais vers moi, viens de moi, jamais que moi, qu’une parcelle de moi, reprise, perdue, manquée, des mots, je suis tous ces mots, tous ces étrangers, cette poussière de verbe, sans fond où se poser, sans ciel où se dissiper, se rencontrant pour dire, se fuyant pour dire, que je les suis tous, ceux qui s’unissent, ceux qui se quittent, ceux qui s’ignorent, et pas autre chose, si, tout autre chose, que je suis tout autre chose, une chose muette, dans un endroit dur, vide, clos, sec, net, noir, où rien ne bouge, rien ne parle, et que j’écoute, et que j’entends, et que je cherche, comme une bête née en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage de bêtes nées en cage […] »
P.166 – L’innommable – Samuel Beckett. (Les éditions de minuit).

Jazzi dit: à

Les mots et ce que nous en faisons ne nous appartiennent pas.
Moi-même, j’ai pondu récemment un « roman », qui me ressemble, sans pour autant en avoir écrit une seule ligne…

Passou dit: à

A Marie Sasseur,comme vous avez pu vous en apercevoir, je pratique le pardon des offenses, alors les brocards, vous pensez…

Marie Sasseur dit: à

Merci Passou…

rose dit: à

Les brocards ou les banderilles.
Viva España

rose dit: à

Eh oh jazzi
Il n’est pas mon ex mari. Mais le père de mes filles.
Ce n’était pas un fantôme mais un homme de chair et d’os. Gris. Silencieux.
Nanmého.

rose dit: à

Je pense que c’est ce genre d’agacement que Rose exprime à mon égard

La dernière fois, non.
J’apprécie de ci de là pour qui peut et en fait le choix quelques scènes d’intimités heureuses ou malheureuses racontées par les uns et les autres.

Sincères.
On fait ainsi de petits pas les uns vers les autres à pas de fourmi.
Voici ce qui m’a horripilée.
Vous écrivez je suis sagittaire ascendant sagittaire. Tout le monde se penche sur le berceau, qui avec l’encens qui avec la myrrhe qui avec le fuseau de lavande qui avec le vin de noix et animé envers vous des intentions les plus louables ; avec beaucoup de bienveillance.
Et vous, youp vous ne voyez rien, ni personne, vous relevez en braillant « eh je ne suis ni sagittaire ni ascendant sagittaire. »
Parfois, si vous le pouvez, cessez les postures.
Nombre de choses magnifiques viennent de vous.
L’âne qui pose la tête sur votre épaule sous les étoiles, votre cuisine qui fait que l’on a envie d’être à votre table, votre connaissance précise de La Recherche.

Faites-vous un peu confiance.

Janssen J-J dit: à

@ je pratique le pardon des offenses

C’est vrai : il lève les sanctions d’exclusion au bout d’un certain temps plutôt bref… Il accueille les orphelins juifs des autres prestigieux blogs désertés. Il résiste vaillamment aux confinements et fêtera sa pessah en restant chez lui. Il permet à chacun de s’améliorer. Il s’inscrit en outre dans une belle tradition judéo-chrétienne du pardon, en outre (des livres et moi du léchage de la glace à la wanille).
https://academic.oup.com/ahr/article/96/4/1187/65833

Janssen J-J dit: à

@ Faites-vous un peu confiance.

Oui mais elle n’y arrivera jamais, depuis qu’elle est toute petite, n’a jamais pu. Si elle se débarrassait de ses inhibitions, elle s’effondrerait, et pense qu’elle n’existerait plus pour personne.
Ne l’accablons pas ! Ce n’est pas ce conseil inaudible qu’il faut lui donner.
Elle ne veut point de conseils qui blesserait son talon d’H – Il. N’a pas compris le message de Proust, & c’est le point aveugle : la charité de la petite bourgeoisie parvenue au féminisme, complaisante à l’égard de ses névroses, est un optimisme de fauteuil en skaï qui tend à s’y installer durablement.

rose dit: à

Hey folks, next…

Jazzi dit: à

Je croyais que le père de vos filles (mari ou pas) était mort, rose ?

rose dit: à

Jazzi

Jusqu’où le bouchon allez-vous pousser ?
Il est mort.

Mais je l’ai rêvé vivant.
Eh je ne suis pas nécrophile.

Chantal dit: à

Marie Sasseur : j’exprime mon point de vue, je ne suis pas dans le secret des D. de l’édition.

Merci de ne pas toujours tordre les phrases des autres çà fait fuir …

Marie Sasseur dit: à

Bon Chantal, mettez un bémol sur vos  » secrets », et ça ira komça, on va dire. C’est qu’ il faut se fuir en ces temps.
Ca tombe bien, j’ai une tres sainte horreur de la promiscuité, et ça date pas de la « distanciation sociale » des jargonnants.

Janssen J-J dit: à

Merci Pierre de nous avoir autorisé à tenir notre journal de confinement sur votre blog.
En voici un fragment du 2 avril 2020. Je le trouve très original.
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Journal d’une journée relativement peu confinée.
. Lever vers 7.45 – 8 h, avec un premier rêve de confinement, très fugace. – . France inter et douche ; Petit déj. – . Marche rapide autour des 350 m du jardin. Au 7e ou 8e tour, les endorphines agissent et je m’emmêle dans le calcul de mes 15 tours programmés (6 km environ). Or, je ne dois pas déchoir dans ma progression journalière. Après le 11e tour, les rois de France comment à défiler. Louis XI et les oubliettes, la lettre conservée puis disparue au château de Crz ; Louis XII que j’ai zappé, Louis XIII et les mazarinades, mais surtout le journal de sa santé quotidienne, depuis le jour de sa naissance jusqu’à à ses 15 ans. Le grand Soleil XIV, la Fronde et Fouquet, sa cour, son château, ses jardins, ses ministres, sa maîtresse, et Sylvain B., social-démocrate, ironisant sur la « grandeur » de l’édifice de Versailles. Je ne lui pardonne pas la révocation de l’édit de Nantes et les dragonnades, à Louis, pas à Sylvain. Louis XV le bien et le mal aimé, dégénéré par la syphilis. Le brave Louis XVI, pauvre type. Couic. Au 16e tour, on arrête. – Les clochettes bleues ont remplacé les jonquilles, les pommiers du Japon et les lilas blancs et mauves explosent. – La voisine fermait sa fenêtre à mon passage, lui ai fait un signe. L’a réouverte. Bonjour, a-t-elle fait. Première fois qu’on se salue, derrière la haie, alors qu’elle me voit tous les matins courir dans les deux sens. Est-elle contente de voir un peu de vie ? Chérie fait un petit tour du jardin vers mon 12e tour. Surveille la volaille. On s’embrasse sur la bouche en se croisant, elle vient de se lever, il est 11h et n’a pas commencés son télétravail. A-t-elle au moins bien dormi ? Histoire de nous solidariser et peut-être de nous contaminer à l’unisson du covid19, il faut mêler nos goutelettes. S’il faut en passer par là. Elle a toujours des bouffées d’angoisse de boulot et d’exaspération notariale, à cause de l’interruption de la vente. Elle a décidé d’aller vaquer au cimetière, arroser les fleurs sur la tombe de ses parents, seule, elle ne sait pas comment justifier son sauf-conduit au cas où. Je lui dis : « dis leur que tu vas chercher du pain pour tes parents ». Aujourd’hui, j’achève le Horde du Contrevent (Damasio). Des moments d’émotion, lors des retrouvailles fusionnelles des deux jumeaux Boubka, Horst et Karst. Aussi, lors de la passation de la mémoire d’Orschi au Scribe élu, les deux survivants des 23. Je ralentis toujours dans les 100 dernières pages qui défilent à l’envers, à vive allure. Je mettrai ce livre de SF en bonne position dans le chapitre dédié à mes « littératures mineures » avec les polars et les érotiques. Une formule de Proust reflue, lancinante sur la « mémoire comme seule réalité » tangible. Un télescopage avec L’ordre du temps, de Carlo Rovelli. Et la mienne de mémoire, dont je dois bien entretenir et reconstituer les morceaux et les fragments. Me décide à faire mon Pérec : « je me souviens » de cette lecture, et j’y associe un fatras de souvenirs qui s’imposent, dans souci de les ordonner, plus que le contenu parfois très flouté, parfois très clair – Au déjeuner, du cassoulet. Dans l’après-midi : taille des ronces, fin de la Horde. Réception du fuel à prix très bas (750 litres pour 580 euros) – Avancées dans le journal de ma bio-biblio. Incruster Damasio. Oui. Un message au notaire pour accélérer la vente différée de l’appartement par l’acte de promesse. Hésitations des acquéreurs. Notes sur Carlo Rovelli dans le chapitre « les sciences dures et moi ». – Retaillages des ronces dans les haies de l’est et du sud. Balayage permanent des crottes de Boy Georges, Monique et Viviane, ce qui délasse pas mal mon souci de propreté et de propriété, et en même temps, leur rend bien service. Défense à Monique de sauter sur la table pour satisfaire sa curiosité, elle suspecte et inspecte les graines. Je mets de l’eau pour les passereaux assoiffés, aussi. Des instants entiers à les observer, peu farouches : seul le rouge-gorge effraie les mésanges en bombant le torse Un message à la Jocelyne L., perdue de vue depuis 30 ans. Le soir au dîner, il n’y plus de vin, donc de la bière et un peu de whisky. Fermeture du parc à poules à 20 heures, les jours rallongent beaucoup, elles rechignet toujours après l’équinoxe et l’arrivée de la pleine lune montante. Après dîner, concert de musique radiodiffusée. Fermeture des volets. Un dernier coup d’œil à Vénus super brillante en ce moment dans le jardin, à l’Ouest. Choisir quel nouveau livre dans la pile ? Demande encore des nouvelles à Zurich par email. Et au médecin, à l’ehpad de maman. Il a répondu ce jour que tout allait bien. – Transition pré retraite – Dormition profonde à minuit. Une seule pissette vers 4 heures. Gros colombin avant le coucher, moindre au lever, les autres jours…

Janssen J-J dit: à

@ rôz, jzm et CT
Merci pour vos diverses réactions à ce petit bout de journal. En effet, je commence à m’enhardir à divulguer mes bêtises, à la manière de vous autres qui avez montré le chemin… Mais en tremblotant…
Jzm a plutôt bien résumé la situation.
Je ne vais pas répondre tout de suite aux fantasmes de communion rurale de CT, car nos situations sont bien différentes. J’argumenterai au fur et à mesure sur nos similitudes et différences, ai déjà beaucoup donné sur la question, je pense.
Quant à l’avenir de mon éventuel militantisme rural en 17, est encore bien trop loin, donc c’est bien trop tôt. 2020 ? si on en rebondit sur nos pieds plus forts et plus sains, ce ne sera qu’une année de transitions diverses et variées, dont l’objectif premier sera de trier dans les pépites et les merdes du passé urbain pour en garder les premières et en jeter les deuxièmes (d’après MC/ ne pas dire les secondes). DOnc, pas question de se la jouer « néo rural » contre « ex urbain »… surtout quand on a toujours été un « rural perdu dans la grande ville ».
Bon, mais j’anticipe déjà…

@ Merci MC/PR pour les remarques sur la Sorcière. Oui, on a besoin de Mandrou en même temps. « Le père Mandrou » ? Ah ouais ? En êtes vous aussi familier que du Père Corentin ou du Père Goriot ? Quel homme !

Janssen J-J dit: à

Tant qu’à mourir bientôt…, autant en raconter l’expérience familière à partir d’une vie de lectures.

ADDENDUM : « LA MORT ET MOI »

(I) Je l’avais ainsi côtoyée en pensée…, la mort, dans cette fable de La Fontaine sur la transmission patrimoniale. Elle avait toujours enchanté mon père, Le laboureur et ses enfants… (un triste laboureur, sentant sa mort prochaine, fit venir ses enfants, leur parla sans témoins)… Mais aussi à travers la lutte désespérée de la petite chèvre de M. Seguin qui voulait connaître la liberté. Ou bien encore, à travers ces histoires d’ogres de la St Nicolas engraissant des enfants dans le sellier, ou enfin de celle des chaperons rouges et autres mères grands que dévoraient les méchants loups. En réchapperaient-ils, tous ces enfants, ces Hansel et Gretell abandonnés, tous ces agneaux, voués à une mort certaine à cause de prédateurs affamés ou assoiffés de sang, oui ou non ? Tout cela me terrorisait, et nous adorions terroriser la sœur aînée, descendant à la cave, en lui hurlant : « Attention !… une tête de mort ! »
A quinze ans : « Et si on parlait d’après la mort » ?, se demandait-on avec le cousin N. sur le chemin du Petit bois de la G. T’en penses quoi, toi ?… L’autre drôlesse, la fille adoptive des M., en vacances, nous avait balancé « qu’il y avait rien », et nous…, on était affolés. Elle disait qu’elle n’était pas catholique, trouvait que l’enfer et le paradis, c’était des histoires à dormir debout, comme celle du père noël… Et tout à coup, survint le moment de nous demander si par hasard elle n’aurait pas eu raison, cette nana délurée, puisque le père noël, il avait bien fallu déchanter avec la B. à sept ans, dans le jardin aux salades et œufs de Pâques… Alors, à 14-15 ans ?… On oublia les réponses qu’on se balbutiait, mais je ne perdis jamais le souvenir de cette formule dont on se moqua longtemps entre nous autres, les fre-jy-do-di : « et si on parlait D’APRES la mort ? ». Et je compris plus tard pourquoi elle avait taraudé ainsi le cousin N…. (le drame du divorce de ses parents)… Cette formule, aussi impayable soit-elle, était intéressante à cause de son ambigüité même. Car elle signifiait deux choses. Une allusion moqueuse à tonton P. dont le patois paysan lui faisait répondre, dans son irrésistible dialogue de sourds quotidien avec sa mère A. : « D’après…. », à la question tout aussi invariable : « Sais-tu si la mère machin (ou…) a fait ceci ou a fait cela ? » Puis, après quelques secondes : « Pourquoi, bonne ? é tout qu’o t’intéresse » ? Donc, d’après… les « on-dit que »… Mais plus profondément, de quelle frayeur parlait-on ? Et comment chacun essayait-il de se la conjurer ?… (en d’autres termes : que pouvait-on dire sur ce qui se passe après ?…, une fois qu’on est mort ? d’après la mort = le mort a-t-il un point de vue, après ?). Moi, du moins, je crus bêtement que j’allais pouvoir trouver des réponses à cette question dans les bouquins… D’où, ce petit addendum à ma bio-bibliographie en 15 chapitres.
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Dans le registre de la grosse rigolade consolatrice, il y eut ce poème de Baudelaire (Baudelaire, dans Les fleurs du mal) dédié à Pétrus Borel du joyeux mort vivant, que je me suis récité mentalement des centaines de fois, toute ma vie, et notamment lors de mes visites dans les cimetières. Je parlais aux morts qui se reposaient au calme, et dont j’essayais d’envier le repos, quel que soit le temps et la saison. Je me disais qu’ils étaient bien au chaud, dans la terre : « Dans une terre grasse et pleine d’escargots, je veux creuser moi-même une fosse profonde… etc. « et dormir dans l’oubli comme un requin dans l’onde ». (un vers qui fit plus tard gamberger Pierre Pachet aux prises avec le sommeil de la mort, dans Nuits étroitement surveillées, et la Force de dormir). J’appris plus tard à conjurer ou dompter mon angoisse de la mort grâce à la méthode de comparaison de la mort avec l’état du sommeil de plomb… (J-S. Bach, la sœur du sommeil), sans doute, grâce à la résurgence de ces deux livres de Pachet, découverts lors de mes 30 ans (cf. chapitre VII : « une autre vie onirique »).
À 19 ans, on ne me permit pas de voir le cadavre de grand’mère, morte en 1974. Seul, j’avais observé de longue date mon oncle Franck construire des cercueils au fur et à mesure que survenait un décès dans le village. Il allait prendre la mesure des morts… J’en étais très intrigué, bien sûr… Le premier cadavre que je vis fut celui de tonton Pierre, dix ans plus tard, en 1984, où il reposait dans le petit salon transformé en chambre funéraire, gisant sur un petit lit blanc, semblable à celui de Pierre Loti au musée de Rochefort. Nous le regardâmes longtemps, elle et moi. J’ignore si elle en avait vu d’autres (Elle : « Je n’irai pas le voir ! », avait-elle dit… Cl., la sœur du défunt : « Si, D., il faut venir le voir ! ». Finalement, elle y alla).
D’abord, il y eut cette smala d’écrivains bizarres, croyants ou incroyants, qui avaient eu une « révélation » et la gueulaient sur la place publique (comme si Dieu avait eu besoin de les réveiller en les transperçant !… Pas de chances que ça m’arrive, hein !). J’étais bien obligé de les entendre à l’heure où j’avais décidé de ne plus croire en rien, sauf au nihilisme… Ils suscitèrent un temps ma perplexité, ces écrivains-là, et je crois bien qu’ils m’exaspéraient, mais j’en étais encore trop respectueux. J’avais bien trop longtemps trempé dans le jus qui était le mien, (avec tous les sacrements afférents, baptême, communion privée, communion solennelle en aube blanche – mais, confirmation annulée pour cause de mai 68) : un mauriacisme des plus rancis, et il n’était pas encore très facile de m’en libérer… D’autant qu’il n’y avait pas que des bourgeois catho bien réactionnaires à qui cette aventure de la révélation était advenue. C’est ainsi que je découvrais qu’un communiste comme André Frossard avait été foudroyé par une révélation divine ! Dieu existe, je l’ai rencontré. Un an plus tard, c’est le croyant et progressiste Marc Oraison, faisant dans la psy « pro-homo » guérissable !… qui nous pondit La mort, et puis après ? Cet essai, dont je ne retins strictement rien, en dehors d’un mauvais jeu de mot (oraison funèbre), allait être éclipsé par celui du très gauchiste et provocateur Maurice Clavel : Dieu est dieu, nom de dieu ! : le binoclard fumant, père spirituel des nouveaux philosophes, pouvait bien blasphémer dans les médias pour se faire entendre, l’époque allait beaucoup lui pardonner, car elle adorait… Le cri de ces protestataires m’amusait, je ne me rendais même pas compte que parfois il était directement extrait de la Bible, tel celui de Daniel-Rops, par exemple : Mort, où est ta victoire ?
Je voulais quand même en avoir le cœur net… sur l’historicité du bon dieu, et c’est ainsi que je tombais alors sur Roderik Dunkerley (Le Christ). S’il démystifiait son histoire, cet historien anglais authentifiait en revanche l’existence du thaumaturge et de sa mère. Cela ne faisait point trop mon affaire. Car j’eus des doutes à ce sujet toute ma vie, jusqu’à ce que je tombe sur le Traité d’athéologie de Michel Onfray qui fit la part belle au curé Meslier (XVIIe). J’enrageais de ne pas l’avoir connu plus tôt !… Celui-ci s’était efforcé de montrer l’invraisemblance historique du Jésus… Et Onfray systématisa ses convictions dans Décadence et Le Dictionnaire, en montrant que le Christ ne fut guère autre chose qu’une « réalité performative et solaire » (chacun des moments qui relèveraient de la prétendue biographie de ce supposé dieu fait homme, explique-t-il, correspond à une symbolique païenne ancestrale : Noël, Epiphanie, Chandeleur, Rameaux, Pâques, Résurrection, Pentecôte, Saint-Jean, Transfiguration (…) Or tous correspondaient point par point à une mythologie païenne plusieurs fois millénaire qui s’appuie sur le mouvement des planètes dans le ciel. Étrangement, les grands moments de la vie de Jésus ont toujours rendez-vous avec les solstices et les équinoxes, p. 40)… A la même époque, je découvrais l’Antéchrist, le Gai savoir et le Zarathoustra (l’éternel retour) de Nietzsche, et c’était là des propos alternatifs un peu plus subversifs qui me fascinaient et me disaient ce que j’avais besoin et envie d’entendre. Histoire de me conforter dans le bien fondé de notre provoc au curé à confesse à Saintes, à 15 ou 16 ans : « pardonnez-moi, mon père, mais j’ai perdu la foi ! ». Dieu était mort, bordel de merdre ! Friedrich l’avait dit : voilà ce qu’il aurait fallu lui cracher !…
Il me faut inciser ici une échappée sur mon goût des cimetières (depuis la drôle de formule cynique de François Bott (Traité de la désillusion) : tous les jours, elle allait promener son bébé dans les allées du cimetière pour lui apprendre où était le réel destin de sa vie), et des plaques commémoratives sur des immeubles. Je crois que cela correspondait au besoin plus ou moins conscient de pouvoir dominer, en ces occasions-là, des gens célèbres qui de leur vivant ou dans leurs livres, m’avaient toujours impressionné. Côtoyer physiquement leur cadavre, ce n’était pas rien !… Mais je crois qu’il y avait plus : me sentir devoir faire partie d’une communauté reposée de célèbres et d’obscurs, comme un signe d’appartenance à l’espèce vouée à « retourner à la poussière ». J’ai toujours aimé mon cimetière, celui de PDE et celui de CRZ ; le ‘cimetière marin’ de Sète ; le Père Lachaise, puis celui des Batignolles à Paris, celui de la Côte des Neiges à Montréal, le cimetière de Montparnasse à Paris, le petit cimetière de Giens, le vieux cimetière de Prague, celui de Venise (Murano), et les deux cimetières de Meudon (Trivaux et Longs Réages). J’aime la tristesse des cimetières mémoriaux de « la grande guerre », vus en Ile de France, en Normandie ou dans les Ardennes… Et je garde un stock d’anecdotes pittoresques partout et dans les moindres villages franciliens visités (Villiers, où reposent Foujita et la famille Escoffier–Lambiotte, par ex.), et dernièrement, dans ceux de S., Bl. et de Gagny (dans le 93)… – J’ai accompli maints pèlerinages dans des cimetières dans la pure intention de n’aller y voir qu’un seul de mes morts illustres : Camus à Lourmarin, les frères Van Gogh à Auvers-sur-Oise, ou Saint-John Perse au cimetière de Giens, etc.
Bien plus tard (45 ans), après avoir abandonné depuis longtemps comme assez vaine cette imbécile curiosité juvénile envers des écrivains aux prises avec leur Dieu, j’eus à nouveau le réflexe d’aller visiter les mémoires de la grosse enfumée aux yeux de crapaud, Françoise Verny, intitulés Dieu existe, je l’ai toujours trahi. Quel filon littéraire !… mais, bordel de dieu, quelle pitié !… Je retombais à nouveau dans les mêmes salades du scoop de la révélation de Claudel au coin d’un pilier de Notre-Dame !…. Marre !

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