De quoi Georges Perros est-il le non ?
Inclassable, cette œuvre est impossible à ranger tant son auteur se refusait à être dérangé. Pas une de ses lignes qui n’illustre une esthétique du refus. Il y a incontestablement du Bartleby en lui, mais en plus radical. D’autant que ses « non » s’exerçaient dans la sphère de l’édition, de la librairie et de la moindre participation à la mondanité littéraire. Lui aussi préférait ne pas. Ses écrits sont des dépôts ; il faut laisser fermenter, quitte à ce que ça prenne toute une vie, rien ne presse. Il est vrai que lorsque tant d’autres s’ingénient à se faire une place au soleil, lui s’efforce de s’en faire une à l’ombre. Du genre à s’acheter un « coffre-faible » et à s’étonner que ça coûte aussi cher que sa version la plus résistante.
Qui ça ? Georges Poulot dit Georges Perros, lecteur. Lui plus encore que d’autres. Pas seulement parce que ce comédien qui fut pensionnaire à la Comédie-Française, vibrait pour le théâtre mais dut y renoncer (comme il perdait ses moyens dès qu’on le regardait, il se résigna à ne jouer qu’en coulisses), fut lecteur professionnel pour le TNP de Jean Vilar et pour les éditions de la Nrf. Car s’il a lu toujours lu tout le temps et tous azimuts avec un plaisir inentamé, d’une lecture considérée comme de l’écriture remise en mouvement, on sent qu’il est de la race des écrivains qui aiment moins écrire qu’avoir écrit. Et même dans cette catégorie, il relève de la minuscule sous-catégorie de ceux qui constituent le principal obstacle à la publication de leur œuvre (Léon-Paul Fargue et quelques autres). Il lui est arrivé de renvoyer à Gaston Gallimard les contrats d’édition qu’il lui proposait afin de repousser le spectre de la publication. Il fallut la conspiration de ses amis Gérard Philipe, Jean Paulhan, Jean Grenier, Michel Butor pour faire ployer un peu cet homme du non. Comme si la liberté se mesurait à l’aune de la faculté de refus. Ce dont Perros, ce réservoir de « non », était convaincu (écoutez-le dans ce passionnant documentaire)
Il ferait une drôle de tête en découvrant ce pavé intitulé Œuvres (1600 pages, 92 documents, 32 euros, Quarto/ Gallimard). Rien ne le fait fuir comme de paraître en librairie sous forme d’un livre. Pourtant, ses textes paraissent mais en revue, lieu privilégié et territoire protégé. Il ne jure que par la revue ; et comme beaucoup ont cessé de vivre depuis, la collection de ses écrits était indispensable. Les écrivains y sont partout mais jamais envahissants. Il tient Kafka, écrivain célibataire, pour un « seulibataire ». S’étend sur Stendhal promenant ses mélancolies et entre le Louvre et l’Opéra (et il peut noircir des pages sur : « La vie se compose de matinées »). Se défie du jeune Philippe Sollers quand la haute république des lettres (Aragon, Mauriac…) l’adoube pour son premier roman Le Parc, prix Médicis 1961 :
« Je ne marche pas. C’est trop roublard pour moi, trop charmant, trop « de qualité ». On n’a pas idée d’aimer la littérature de cette manière distinguée. Ca fera long feu ».
Rien ne l’exaspère comme le moderne autoproclamé surtout lorsque celui-ci disqualifie l’ennemi en le traitant d’« anachronique ». Plutôt Sartre que Camus quand on était sommé de choisir l’un à l’exclusion de l’autre, il déteste l’esprit de la bande à Tel Quel et se désole de voir que, entre les mains de la génération montante, la littérature est devenue « la tarte à la crème des gens qui meurent d’envie d’écrire, mais en sont incapables ». Le sabir structuraliste l’insupporte. Se réfugie alors dans François Villon pour oublier. Chacune de ses notes de lectures présente ainsi l’intérêt de parler de manière vraiment critique d’un livre, d’une oeuvre et d’un auteur et, au-delà, d’exprimer un art poétique, une esthétique, une vision du monde, une conception du roman. C’est en cela qu’elles sont bien plus que des notes à leurs dates lorsqu’elles concernant des contemporains ; s’agissant de classiques, elles méritent souvent l’anthologie. D’avoir assisté jeune au cours de Paul Valery au Collège de France laisse des traces.
On comprend qu’un moraliste ait été son écrivain de chevet et que Joseph Joubert fut celui-ci ; car si cet homme des Lumières écrivait beaucoup (lettres, notes, journaux), il refusait d’être édité ; il fallut attendre une quinzaine d’années après sa mort pour que son ami Chateaubriand fasse éditer ses aphorismes sous le titre Recueil des pensées de M. Joubert (1838). Un modèle pour Perros. On sent également l’ombre portée de Lichtenberg. Toutes précisions du côté des classiques destinées à vous éviter d’aller chercher du côté de Cioran et autres.
Un peu ours mais pas trop sauvage, foncièrement gentil, coléreux, désordonné, détaché, ascète sans ostentation, avec lui il fallait faire gaffe car il tenait pour insultante toute question posée à un poète sur la signification de son poème. Les sociologues lui faisaient horreur. Pas facile à interviewer, le bonhomme :
« Xavier Grall parle de vous comme étant continuellement en quête d’une ancre de miséricorde. Vous vous y reconnaissez ?
– Il faudra lui demander de développer »
La Bretagne n’était pas son pays d’origine mais Paris. Qu’importe puisque, quel que soit le lieu, il n’a cessé d’y transporter sa mansarde. La Bretagne, il l’avait adoptée : il y vivait, elle l’habitait. Depuis Douarnenez, où il avait l’illusion de se sentir plus protégé qu’ailleurs, il la parcourait à moto, bleue et rouillée, pour fuir le temps et le changer en vent dans ses virées à travers les marées. Thierry Gillyboeuf, maitre d’œuvre de cette belle édition quasi exhaustive ( manque la correspondance, trop énorme pour être disciplinée dans ce volume) qualifie ses poèmes de « chaloupés » (bien vu) et insiste sur la nature insulaire de toute son œuvre (bien lu) qu’il s’agisse des trois volumes de Papiers collés, de Une vie ordinaire, volée musicale de petits vers à huit pieds qualifiée de roman-poème, et des innombrables notes de lecture.
Cet écrivain de fragments a toujours cultivé le grand art de la note, poussant le vice jusqu’à écrire des « Notes sur la note ». Il paraît que de telles flaques d’écriture sont le fait de noteurs. Ou de faiseurs de notes comme autant de notes de musique. Preuve que parfois en littérature le diable et le bon dieu se retrouvent non dans le détail mais dans le déchet. Comme à tout moraliste, on peut lui reprocher de dire ce que nous ne savons que trop. D’autant qu’il parle de la vie, la mort, l’amour, l’amitié, le suicide et la solitude dont il convient de dire qu’elle est réactionnaire – mais pourquoi ? Téméraire lorsqu’on sait que dans ces hauteurs il y a toujours embouteillage de penseurs, surtout pour lui qui a lu et aimé Nietzsche et Kierkegaard. Sa note n’attend pas sous peine de moisir. Elle est griffonnée à la hâte en marchant sur des bouts de papier. La vitesse est constitutive de son mode d’écriture, donc de la sonorité qu’elle dégage. Il la tient pour la petite sœur du poème. Pour l’aphorisme plus encore :
« Cocteau, ou le génie de n’en pas avoir »… « Sans la littérature on ne saurait ce que pense l’homme quand il est seul »… » Les personnages de Giraudoux ont lu du Giraudoux »…
On imagine ce que le titre Papiers collés doit à Braque, à ce qu’il en fit en 1912 lorsqu’il était premier de cordée du cubisme avec Picasso. A l’origine, cela s’appelait « Bout d’essais ». Puis « Carnet d’un indifférent ». Enfin « Papiers collés », qui correspond si bien à son objet, ces éclats de pensée, ces fusées de sensations. « Quelle que soit sa forme, le fragment perrossien trace une ligne de partage entre la liquidité maritime de la parole et la solidité tellurique du silence » remarque Thierry Gillyboeuf.
Ecrit à ras de la langue en pleine conscience du décollement de ce qu’il écrit par rapport à ce qui se fait ailleurs. Ses phrases ne sont pas destinées à être gravées dans le marbre mais sur le mur du vent. Le ton n’est pas moralisateur. N’empêche : pas un de ses fragments qui ne soit contestable, retournable, inversable. Lui-même s’en excuse : « C’est mon infirmité d’écrire des petites phrases ». Son génie est de faire se rencontrer des mots qui jusqu’alors étaient en froid. Perros réchauffe son monde. Evoque-t-il les petits torrents des Vosges que lui vient l’image d’un « truitage de la pensée ». Affirme sans déclamer. Rien de péremptoire avec l’arrogance que cela suppose. C’est juste que, dans sa forme, le genre de l’aphorisme ou de la maxime ne souffre pas le doute même si celui-ci ronge intérieurement son auteur. Pour avancer dans l’écriture, il se laisse envahir par ses fulgurances, creuse puis stratifie sans se préoccuper de faire dans le génie. C’est bon pour les autres, pour Kafka dont il admire la justesse du trait.
Seul un fort volume de Quarto rangé chronologiquement pouvait rendre justice à la singularité de l’œuvre de Georges Perros. L’auteur est à l’intérieur. C’est un couronnement et une fin de parcours quand tout est accompli. D’ailleurs c’est écrit dessus : Perros/ penn ar ros. Autrement dit : le bout du chemin. Le livre donne envie de rejoindre la société secrète des lecteurs du lecteur.
(« Xavier Grall, Nicole Corelleau et Georges Perros », , « Georges Perros », « Pierre tombale de Georges Perros » photos Michel Thersiquel)
832 Réponses pour De quoi Georges Perros est-il le non ?
Quand je lis sous la plume de lvdb : » avoir laissé commenter, en toute indépendance, -ie faisant fi des impostures-, sur ce Quarto de Perros. »
Je m’interroge sur ce terme qu’elle emploie sans vergogne : IMPOSTURE. C’est à dire emprunter l’identité d’un être que l’on n’est pas et se faire passer pour cette personne. Je me rappelle très bien que pendant des mois, elle s’est fait passer pour E.M condamnée aux assises pour crime sur enfant mineure, tout en disant qu’elle ne l’était pas mais rappelant de façon insistante la présence d’un petite ange à ses côtés (pauvre petit ange si elle en est la mère meurtrière), sinon : imposture et accusant l’Ecole et sa représentante au procès, de « non assistance à personne à danger ». Si c’est l’enfant, elle était suivie et aidée à l’école et par la médecine départementale et scolaire, et par les enseignantes qui l’ont eue à charge. Si c’est la mère, l’école n’a pas à se mêler de la vie privée d’une mère qui ne supportait plus sa vie, menait une vie déréglée et laissait, sans le signaler à l’école, son enfant chez des amies de peur de commettre une… bêtise. Si lvdb n’est pas cette femme alors cette imposture est grave.
Revenons maintenant aux deux autres termes de ce post :
« commenter en toute indépendance » . Ah oui, vraiment ? Est-ce traiter l’autre d’imposteur quand il n’a pas la même approche de Perros qu’elle, jusqu’à affirmer qu’il n’a jamais lu Perros ! Je signale quand même que les pages numérotées de ses citations ne datent que de l’achat du Quarto. Cet achat désigne-t-il comme imposteurs tous ceux qui évoquent Perros sans avoir ce livre exhaustif, mais des fragments de son oeuvre sur d’autres supports ?
Par ailleurs, j’ai vraiment une autre définition de la liberté. La liberté n’est pas d’insulter l’autre commentateur dès qu’il n’est pas en accord avec vous, dans un langage qui est inacceptable. P.Assouline a eu le mérite de relire ces trois pages de commentaires et de supprimer ces insultes. Je les ai gardées. Elles sont entre les mains de mon avocat comme celles de deux autres commentateurs qui doivent ignorer ce que le harcèlement veut dire.
Quant au deuxième, Chaloux, qui retrouve soudain un langage policé pour écrire : « Pour le reste, on ne me verra jamais du côté des vertueuses sottises et autres énormités du genre manteaux trop grands, ni des gens à clientèle, ni de leurs oies. Ce et ceux que je respecte ne se situent pas à ce niveau-là.
Quant à Annelise, bien que je ne sois pas cinéphile pour deux sous, l’idée ne me viendrait pas d’aller troubler le bel ordre qui règne en sa maison. », j’ai également gardé et transmis le double de ses commentaires dans ces pages à qui de droit. (Si ce n’est lui, c’est donc elle qui est intervenu sur la rdc : même langage vulgaire et offensant.)
Je n’ai ressenti aucune liberté de m’exprimer pendant des jours, ici, à cause de ces deux personnes que je méprise fortement, mais un harcèlement insupportable. Une autre personne s’y est risquée. c’était tellement drôle, n’est-ce pas !
Je trouve lamentable que de telles personnes immorales et foncièrement méchantes puissent ainsi s’en prendre à une commentatrice qui ose exprimer un avis contraire ou différent, aux leurs. Cela devrait être possible sur un blog littéraire !
Affaire à suivre…
@Je trouve lamentable que de telles personnes immorales et foncièrement méchantes puissent ainsi s’en prendre à une commentatrice
Peut-on vous dire que vous débloquez à pleins tubes sans s’exposer à vos menaces de procédures judiciaires ou plus simplement à la modération du blog que vous n’hésitez pas à saisir au moindre déplaisir ?
Votre orgueil est immense, chère Christiane, peut-être le plus énorme de ces lieux, ne vous en déplaise ; mais restez comme vous êtes
« Passou », je pense que les allégations de cricri vont trop loin dans le délire. Elle semble mettre en cause une personne, que je ne connais pas, mais ses allégations si elles venaient à des oreilles bien informées pourraient lui valoir d’autres ennuis qu’un internement d’office.
Le petit ange, c’est le crincrin de cricri.
Peut-être préciser que les allégations de cricri , concernant la personne mise en cause personnellement dans son message , sont un délit ?
Si on ne veut pas que des propos soient commentés, c’est tout simple, on ne les rend pas publics. On s’arrange pour faire le tri avant. C’est un fait, j’adore commenter les sottises, c’est un des grands plaisirs de ma vie, on ne me l’enlèvera pas, ce serait trop triste, -et je suis né grand rieur. Pour éviter toute confusion, je m’en tiendrai désormais aux idées, mais on s’apercevra vite que le résultat est le même.
Dois-je signer Sancho?
Et tout cela sans avoir rien lu de Perros, ou pas personnellement. L’un des correcteurs historique du blogapassou avait déjà flairé la toxicité maladive de cricri. L’est plus là pour nous en faire « rigoler ».
Quant aux menaces, on peut se les mettre où je pense.
Bonne soirée,
Sur ce sujet, chaloux, soit dit en passant, vous faites bien de pointer absent. Car on a oublié ce grand moment où vous aviez tenu en haleine (pour ne pas dire: pris en otage ) la RDL, avec ferme intention de vous rendre au commidsariat… Malheureux! Voyez ce qu’il advint, vous vous prîtes en retour la même « menace, de l’accusé.
Non ici c’est différent, il y a atteinte personnelle de cricri d’ une personne connue d’elle seule, pas un commentateur. Saisissez-vous la nuance ?
@la vie dans les bois dit: 30 novembre 2017 à 22 h 05 min
Tous vos écrits de ces mois-là sont enregistrés, y compris celui où vous désoliez que la date anniversaire de la mort de l’enfant reste oubliée. Le délit est plutôt dans votre usurpation d’identité.
Hélas, j’étais si jeune, un rien nous amusait, c’était du roman. Je ne me voyais pas porter plainte contre ces deux descentes de lit.
Quant à la nuance, oui, bien sûr.
@Jean Langoncet dit: 30 novembre 2017 à 21 h 34 min
Orgueil ou plus simplement trop plein de harcèlement de ces deux malades, pas toujours à jeun…
@pas toujours à jeun…
Et si c’était préférable ? Vos « affaires » me semblent bien infantiles et ce n’est pas rassurant
» pas toujours à jeun… »
Calomniatrice! Je ne bois que de l’eau.
J’envoie ceci à mon avocat!
Hurkhurkhurk!
@à vos cadeaux
la volvo et les capitaux chinois ; frimeur
@avocado
Kentucky Avenue / New Orleans in the Fall
https://www.youtube.com/watch?v=GvZK8Wl7RQ8
@passibles d’une condamnation en justice
manifestement pas trop souvent exposée aux déboires judicaires ; voire totale novice ; c’est rassurant pour l’équilibre des forces de la petite section de maternelle la plus en vu du web des littérateurs de langue française (oui, il existe plus occulte)
et la bande défile
https://www.youtube.com/watch?v=0jyVZNrWkow
S’il s’agit de la date anniversaire d’un petit ange, c’est qu’elle m’a été soufflée.
Alors appelons-en au Poète
« Que dire à l’enfant qui regarde
des arbres derrière fenêtre
et vous demande ce que c’est
De quoi veut-il parler des arbres
ou de la fenêtre qu’un doigt
sillonne. Que veut-il savoir ? »
In » une vie ordinaire »
_____________________________
Langoncet , votre message a été reçu 5/5.
C’est une horreur absolue qui m’a plus d’une fois effleuré l’esprit.
Bonne nuit.
cauchemardesques, l’une comme l’autre, pour tout dire
Into My Arms
https://www.youtube.com/watch?v=LnHoqHscTKE
@cauchemardesques,
certainement pour ces deux-là.
Dont l’une ne se doute pas de ce qui se passe ici. Et l’autre qui la cherche partout.
Et soupçonner cricri de se bourrer la gueule, n’est pas un délit.
22h27 admettez pour rester dans la tolérance qu’il existe plusieurs modes de pensées et dans ces conditions peu claires (que vous exprimez par écrit et en public) car non précises je ne saisis guère la menace ou le conseil si c’en est , en est-ce?
@la vie dans les bois dit: 30 novembre 2017 à 23 h 59 min
Oui, je suis la seule , ici, à la connaitre. elle aurait aimé ce poème d’une pureté absolue.
@le livre donne envie de rejoindre la société secrète de ses lecteurs.
Pas vraiment, non. Plutôt la certitude de garder le plaisir de le reouvrir.
Perros lui voyait plutôt , pour une société secrète d’intelligence, celle de la ‘note ».
(chaloux je vous laisse liquider l’affaire, ainsi que cette startup litteraire impromptue, selon les clauses de la p. 529)
Les poissons nagent dans l’eau.
Bonne journée.
Deux lecteurs émérites nous ont fait cadeau d’une lecture extrêmement subtile du Quarto Perros. Qu’ils en soient remerciés. C’était… comment dire ? Éblouissant.
Pour ma part, je feuillette ce très poignant « Papiers collés III, posthume. Un livre que j’ai gardé et dont la tristesse m’a habitée longtemps. Mais que cette collection « L’imaginaire » est mal reliée ! toutes les pages se sont détachées !!!
Donc, puisque rien ne presse, qu’un nouveau billet attire les lecteurs, ces réflexions d’un Georges Perros lucide et âpre :
Des poèmes, et à la fin de « Venezia » (1975) p.229 :
« … Salut
à toi finalement pauvre type
avec tes enfants et ta femme
heureux de n’avoir pas d’argent
pour en vouloir un peu plus oui
quel cabotinage vraiment
Ils ont raison tous ces gens-là… »
Sein 1975 p.233 :
» Mortel je suis mortel me sens
en ma vie à tous les moments
et c’est mortel que je me laisse
aller à la moindre caresse
te perdant ma vie au vent fou
de l’histoire je ne sais où
issue blessure originelle
de ce goutte à goutte mortelle
Après la vie un court instant
me retournerais-je sachant
en un éclair ce qu’elle cache
à ces épines que j’arrache
une à une au fil de mes jours
je pourrai alors pour toujours
prendre position absolue
ma souffrance enfin reconnue. »
Et dans le long « Micmac Audiberti » p.253 :
« Pas une once d’humour, par bonheur. l’humour est devenu la tarte à la crème de nos blafards actuels.(…) Malheureusement, l’humour, ça n’existe pas. Un homme n’a pas d’humour… »
Dans « Feuilles mortes » p.264 :
« Ô solitude à l’encre noire
je saoule ton verger sans fruit(…)
grande ombre que mon ombre enlace
goûte au poison qui tremble ici
peut être y verras-tu la face
vierge et blême et triste ainsi… »
et p.275 :
« L’obsession de la solitude. Les hommes têtes de turc. S’en servir, douloureusement, pour finir là où on veut. Être tranquillisé, en posture de bonheur, la solitude étant le bonheur du malheur. »
« Sans date » p.289
« A cinquante ans, on s’aperçoit qu’on n’a jamais eu d’âge. (…) Les moulins de Don Quichotte, ce sont nos voisins. (…) Nous passons l’essentiel de nos vies à fréquenter des gens qui ne peuvent nous vouloir que du mal, ou leur bien. »
Et au final « L’ardoise magique ». Terrible…
p.329
« Jouer le rôle d’un type qui a le cancer, et l’attraper, devenir celui qui joue le rôle. »
p.331
« Vie, mince pellicule. C’est très possible de se laisser tomber. De devenir gâteux. D’abandonner. »
p.333
« … la femme et les gosses qui vivent avec moi. Doivent me supporter. Je pense que ça s’est arrangé. Au mieux du pire. Pour le reste, les échanges, le monde, j’avais mon compte, merci.(…) A quoi bon réapparaître, avec cette vois d’outre-tombe, détimbrée, celle du mort que je trimbale en sursis ? (…) Témoin, seulement, d’un énorme abus d’une parole morte, atrocement fardée, vieille belle, tuméfiée, pédante, démagogique… (…)fermeture des portes, extinction des feux. »
Voilà quelques fragments de la mémoire mélancolique, désespérée de Georges Perros que j’avais gardée et qui m’ont valu le titre d’imposteur…
Oui, Christiane, les « papiers collés » 3 de Perros sont admirables , d’une lucidité désespérée, normal quand on approche du mur.
Merci, Paul.
Normal, quand on s’approche du mur.
Certes, mais est-ce le bon moment pour se faire une idée de l’identité d’un écrivain? Apprendre à penser n’est pas donné à tout le monde.
@Apprendre à penser n’est pas donné à tout le monde.
Il suffit d’avoir de bons maîtres, humbles si possible. Apprendre à bien enseigner, en revanche, n’est sans doute pas donné aux petits merdeux qui s’la pètent au crincrin.
832
commentaires