de Pierre Assouline

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La République des livres
Retour sur la consécration du « syndicat »

Retour sur la consécration du « syndicat »

Récemment interrogée dans l’Express sur l’art et la manière d’obtenir les droits d’édition du nouveau livre de Barack Obama, Sophie de Closets, Pdg des éditions Fayard, confiait à Marianne Payot :

 « Selon moi, dans le registre des Mémoires de président, comme il y a eu De Gaulle et Churchill au XXe siècle, il y aura Une terre promise au XXIème ».

A la réflexion, ce ne sont pas tant les qualités littéraires de « l’écrivain » Obama qui valent d’être discutées : gageons que l’empreinte de l’homme d’Etat les recouvrira bientôt ; c’est plutôt la comparaison avec les deux autres mémorialistes qui fait problème.

Que Charles de Gaulle, nourri de ses lectures de Bossuet, Chateaubriand, Las Cases, Barrès ait eu de longue date la fibre littéraire, et qu’elles aient nourri sa plume de mémorialiste ne fait guère de doute ; que ses Mémoires de guerre soient passées à la postérité comme l’œuvre historique d’un styliste, pléiadisé à raison, n’est que justice. Mais Winston Churchill ? Il avait certes la plume facile, comme en témoignent d’innombrables articles ainsi qu’un grand nombre d’essais et de récits historiques.

Il a été couronné du prix Nobel de littérature en 1953, succédant à Mauriac et précédant Hemingway, excusez du peu, pour l’ensemble de son oeuvre au moment de la parution de La seconde guerre mondiale en six volumes, « « pour sa maîtrise de la description historique et biographique ainsi que pour ses discours brillants pour la défense des valeurs humaines » selon le communiqué de l’Académie suédoise. Encore faut-il préciser que toute sa vie, il s’était fait une certaine idée de l’écriture. Quelque chose de collectif, ce qui est généreux, à ceci près qu’il signait seul.

Quand De Gaulle rédigeait seul les trois tomes de ses souvenirs parus de 1954 à 1959, rivé à son bureau de la Boisserie à Colombey-les-deux églises, face à la fenêtre donnant sur la forêt de Clairvaux et les coteaux champenois s’étendant à perte de vue, Sir Winston, lui, restait au lit dans sa propriété de Chartwell, un cigare dans une main et un verre de whisky dans l’autre, entouré d’une flopée de dactylos et d’une équipe composée de chercheurs, d’archivistes, d’historiens, de généraux à la retraite et de rédacteurs. Ceux que Andrew Roberts, son plus récent biographe (Churchill. Walking with Destiny, traduit de l’anglais par Antoine Capet, 1314 pages, 29 euros, Perrin), appelle avec un goût certain de la litote « ses assistants littéraires ». Churchill les désignait avec des accents plus mafieux comme « le syndicat ».

Il n’y a pas qu’Agatha Christie : lui aussi a eu ses dix petits nègres, pardon, ses « ils étaient dix » comme il convient de le dire désormais. Du fond de son plumard, il dictait à ses multiples plumes sa version très personnelle de l’Histoire ; puis ceux-ci vérifiaient, nourrissaient, documentaient, réécrivaient ; plusieurs jets du manuscrit plus tard, après qu’il eut été soumis à une quarantaine de personnalités qui y étaient évoquées afin de solliciter leur aval ou leur censure (famille royale, responsables politiques, anciens ministres, diplomates etc), le patron le « churchillisait » en le mettant à sa sauce à coups de ratures, de paperolles et d’allongeails. Ce ton si particulier, style épique, lyrique, anecdotique et coloré, qui faisait son succès.

Le Général ne s’y était pas trompé qui, dans une lettre du 26 décembre 1953 à Louis Terrenoire, confiait :

« Ces Mémoires me donnent énormément de mal pour les écrire et pour en vérifier tous les éléments historiques au détail près. Comprenez-vous, je veux en faire une oeuvre, ce n’est pas ce qu’a fait Churchill qui a mis bout à bout beaucoup de choses ».

D’un côté l’œuvre conçue dans la solitude d’un homme d’Etat aux prises avec l’Histoire, obsédé par la vérification et la recherche du mot juste. De l’autre, une oeuvre collective, soumise à l’expertise et aux susceptibilités d’un consortium innombrable, qui aurait pâti d’un manque d’unité n’eut été le souffle d’un artiste de la politique. On s’en doute, chaque camp a ses défenseurs. On ne peut pas dire que l’on ressort convaincu de la lecture de Churchill the Writer. His Life as a Man of Letters (162 pages, Hutchinson) car pour qui a lu l’essentiel de l’oeuvre en question malgré la quantité, le plaidoyer enthousiaste de Keith Alldritt citations à l’appui (publié il y a trente ans) ne suffit pas. En revanche, l’anthologie récemment constituée par Jean-Claude Perrier sous le titre De Gaulle vu par les écrivains. D’Aragon à Zagdanski (312 pages, 8,90 euros, La Table ronde) vient à point rafraichir les mémoires. Même si un certain nombre de contributeurs s’y attachent davantage à l’homme qu’à l’écrivain, l’ensemble est propose un tableau dense et ouvert. Les fidèles sont bien au rendez-vous (Mauriac, Gary, Debray, Rouart, Malraux, Tillinac…) et les impitoyables ennemis du Général ainsi que ses plus féroces critiques  (Aragon, Jacques Laurent, Sartre…). Question de droits? Probablement car il est regrettable que parmi les adversaires du premier, Duras manque à l’appel, et que parmi les plus exacts démolisseurs du second soit absent le Jean-François Revel du Style du Général (Julliard, 1959)

Lorsque le comité Nobel fit connaitre son choix en 1953, l’académie suédoise se vit reprocher son caractère bien peu littéraire et si clairement politique. Quant à son élu, il ne dissimula pas sa déception : il espérait le prix Nobel de paix, faisant peu de cas du génie des livres qu’il signait pour les avoir de tous temps considérés comme un moyen de s’enrichir. Ce qui fut le cas. Mais les membres du syndicat, eux, étaient ravis. La consécration de ces « ils-étaient-même-un-peu-plus-que-dix » est unique dans l’histoire du Nobel.

(photo Henri Cartier-Bresson)

Cette entrée a été publiée dans Histoire, Histoire Littéraire.

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commentaires

1 247 Réponses pour Retour sur la consécration du « syndicat »

Jazzi dit: à

Le contraire aussi. Des livres que l’on avait adorés nous paraissent illisibles en relecture !

et alii dit: à

Circula : revue d’idéologies linguistiques

Fondée en 2014, la revue électronique Circula : revue d’idéologies linguistiques publie des travaux consacrés à la conceptualisation, la construction et la circulation d’idéologies sur la langue, plus particulièrement dans les communautés de langue romane.

Son objectif est de diffuser des travaux qui explorent le thème des idéologies linguistiques sur les plans théorique, méthodologique et empirique, et ce, à partir de corpus tant contemporains qu’historiques. La revue adopte un caractère interdisciplinaire et accueille des contributions s’inscrivant dans plusieurs traditions de recherche (sociolinguistique, anthropologie linguistique, analyse de discours, pragmatique, sciences sociales, etc.).
https://circula.recherche.usherbrooke.ca/

closer dit: à

Tu les fait au four ou à la cocotte JB?

closer dit: à

Fais, pardon

et alii dit: à

MONSIEUR Court
Entretien avec Ariane Denoyel, journaliste qui publie Génération zombie: Enquête sur le scandale des antidépresseurs (Fayard, 2021)
Demain tous malades ? « Tout bien portant est un malade qui s’ignore », disait déjà Docteur Knock. Aujourd’hui il se frotterait les mains. Au moindre coup de blues, des millions de Français se voient prescrire des molécules miracles censées leur redonner goût à la vie. Prozac, Stablon, Deroxat, Zoloft, Effexor etc. Ces remèdes aux noms bizarres sont-ils dangereux ? Depuis plus de sept ans, la journaliste Ariane Denoyel enquête sur les antidépresseurs. Dans Génération zombie (Fayard), elle brosse un effroyable inventaire des risques encourus. Dépendance accrue mais aussi libido ravagée, enfants malformés, pulsions suicidaires ou même envies d’homicides avec passages à l’acte… En refermant Génération zombie, vous serez vacciné contre la tentation du Prozac si vous avez le cafard lors du prochain confinement.

Causeur. Qu’est-ce qui vous a amenée à vous pencher sur les antidépresseurs ?

En 2013, je suis tombée sur les travaux du professeur David Healy, un Irlandais co-fondateur du site rxisk.org. J’ai commencé à chercher des témoignages de médecins et je me suis rendu compte qu’il y avait un énorme sujet de santé public. Si ces médecins ont raison, il me semble que le thème des antidépresseurs est un Médiator puissance
cent ou mille, car non seulement ces molécules sont très peu efficaces, mais en plus elles ont chez certains des effets indésirables gravissimes. D’ailleurs, dans le débat actuel sur la responsabilité, c’est très dommage qu’on ne parle pas du tout des médicaments sur prescription car ils sont sans doute à l’origine de beaucoup plus de décès que les drogues non légales.

C’est un sujet sous-estimé ?

Parfaitement. Il faut quand même savoir qu’à l’heure où je vous parle, un tiers des Français sont sous un traitement qui augmente le risque de dépression ou de suicide ! Il y a plus de 200 médicaments ainsi, cela concerne même des antiacides ou des anti-acnéiques. Quant aux antidépresseurs, ils peuvent conduire jusqu’au meurtre. Je rappelle qu’Isabelle Servier par exemple, la fille de Jacques Servier, a tué son mari à coups de hache sous l’influence des benzodiazépines. Aux États-Unis, on a eu beaucoup de cas. Le plus connu est celui de James Holmes, le tueur d’Aurora, qui était sous antidépresseur.

et alii dit: à

Ariane Denoyelle, vous enseignez à l’école de journalisme de Grenoble et Échirolles (EJDG). Est-ce que vous constatez que des étudiants, les jeunes dans la pleine force de l’âge, ne vont pas bien parce qu’ils sont privés de leur vie sociale depuis quelques mois. Vous l’avez vu ?
Oui, bien sûr. J’ai constaté ça, c’est extrêmement fort, les étudiants ne vont pas bien. Déjà, avant le confinement, je pense que la précarité était très importante chez les étudiants. Or, la dépression, c’est aussi une conséquence de la violence sociale, quand on est un étudiant précaire, la vie est vraiment très difficile, il faut cumuler un petit job, les études, etc. Donc déjà, c’était dur. Mais avec la pandémie, c’est devenu vraiment plus dur.

Le risque, c’est de faire de certains étudiants des zombies s’ils avaient recours à ces médicaments, c’est ce que vous leur dites ?
Je dis qu’il faut effectivement vraiment réfléchir en en prenant. Si on veut prendre ces molécules, si on l’envisage, il faut en discuter avec son médecin. Il faut s’informer un peu avec plusieurs sources pour avoir une image plus juste du bénéfice et du risque.

Dans votre livre, il y a un point aussi que vous mettez en avant. On parle de tendances suicidaires et de la dépression profonde de certaines personnes, mais il y a aussi, quand on prend des médicaments comme ça, des pulsions meurtrières. Vous nous dites que la plupart des auteurs de tueries aux États-Unis étaient sous psychotropes.
C’est ce que disent des études, quand on se penche sur des procès. Par exemple, celui de James Eagan Holmes, le tueur d’Aurora, c’est très clair, il n’y aurait pas eu ces meurtres s’il n’avait pas été sous médicaments. Ces études donnent toutes sortes d’exemples et ils vont jusqu’à dire que neuf meurtriers de masse sur dix aux États-Unis sont sous psychotropes.

« Génération zombie : enquête sur le scandale des antidépresseurs », publié aux Éditions Fayard le 14/04/21, 306 pages, 20 euros.

christiane dit: à

Soleil vert dit: « oui c’est que j’avais compris, il se dérobe 🙂 🙂
Y a pas un clampin de Grasset ou Albin-Michel qui aurait pu recommander son livre ? »

C’est un livre étrange. Tout est étrange dans ce roman. Un blog littéraire y occupe tout un espace. Les pseudos sont changés mais on reconnaît aisément les auteurs des citations. (Passou n’est pas nommé mais il est reconnaissable : « L’auteur de ce blog est une figure du monde littéraire français, une figure avec plusieurs casquettes, il est à la fois écrivain, journaliste, historien, biographe et aussi membre du jury d’un prestigieux prix littéraire. »). Et, pour les citations des commentateurs, vitriol à gogo !

Quant à la maison d’édition, est-elle celle du magicien d’Oz ?
Atramenta / Riihitie 13 D 14, 33800/ Tamper, Finlande – http://www.atramenta.net. (maison d’édition désormais fermé est-il dit dans le roman).

Comment ce livre a-t-il pu atterrir sur ma tablette ? Je pensais que la commande n’aboutirait pas.
Pablo mettait en lien un auteur jeune un peu bizarre défendant mal ce roman-essai avec un sourire béat… Canular façon Ajar ? et pour Pablo, même question : existe-t-il hors Puck ? et Puck, qui est-il ? un vrai emboîtement de matriochkas !

Mais le livre est intéressant. Ce passage qui vous a séduit et plein d’autres pages remarquables comme la quête rocambolesque d’un roman. Lequel ? « Antimatière », évidemment !, comme des pages entières sur Musil, sur l’homme-mathématique ou des émissions de France culture, ou encore sur le syndrome d’Asperger.
A propos de L’Homme sans qualités de Musil qui occupe l’essentiel du roman, il y a cette note qui est peut-être destinée à des lecteurs futurs comme Closer et Jazzi : « dans les chapitres qui ne sont pas vraiment des chapitres, mais des fragments de chapitres, des brouillons de chapitres inachevés parce qu’inachevables… »
Bref, Soleil vert, un vrai mystère ce roman-essai « Antimatière » de Maurice Desborels. Vous avez dit S.F., pas mal !

et alii dit: à

vive la province de Stendhal!
Certains médicaments, dont les antidépresseurs, peuvent durablement nuire à la vie sexuelle.
Le Pr David Healy évoquera, lors de cette conférence, comment les traitements médicamenteux tournent parfois mal, la difficulté des patients atteints à faire reconnaître le préjudice subi et leur impossibilité à obtenir une réparation judiciaire. Il proposera des mesures pour garantir une médecine plus fiable et pour sortir du « néomédicalisme« , qui est à la santé ce que le « néolibéralisme » est à l’économie.
Ce « néomédicalisme« , qui a entraîné le passage d’un « système de soins » à un système de « promotion de la santé », a davantage bénéficié à l’industrie pharmaceutique qu’à la santé humaine. La multiplication des cas d’effets secondaires graves liés à une médication suggère une défaillance globale et un manque flagrant d’intégrité, tant du côté des industriels que dans la sphère académique.David HEALY est professeur de psychiatrie à l’Université de Bangor (Royaume-Uni). Ses domaines de recherche sont les effets indésirables de traitement, les essais cliniques en psychopharmacologie, l’histoire de la psychopharmacologie et l’impact des essais et des médicaments psychotropes sur notre culture. Connu pour ses critiques de l’industrie pharmaceutique, il dénonce depuis de nombreuses années son rôle dans la marchandisation des maladies et ses techniques d’influence.
Il est l’auteur de très nombreuses publications, articles scientifiques dans des revues à comité de lecture mais aussi ouvrages tels que

https://blog.uiad.fr/sexe-antidepresseurs-et-neoliberalisme/:

Jazzi dit: à

Avec N.A.T.I.V., son deuxième ouvrage, puck saute de plain pied dans la SF !

« …dès qu’il entendit parler pour la première fois d’un enfant né par gestation in vitro, Paul Tarsov imagina la possibilité de prolonger celle-ci jusqu’à vingt-et-un mois. On permettrait ainsi au petit humain d’accéder à ce qui constituait, selon les scientifiques spécialistes de la néoténie, le privilège des autres primates, une naissance à complète maturité … »
Au-delà de l’aspect inouï de leur venue au monde, pourtant si semblable à celle des autres mammifères,
au-delà de leur maturité innée qui fait tant défaut aux humains nés « précoces » à neuf mois, c’est-à-dire aux prématurés qui s’ignorent,
quel sera le comportement de ces individus Nés À Terme In Vitro ?
Les N.A.T.I.V. détiennent-ils un don qui fera d’eux une arme politique sans précédent ?

Janssen J-J dit: à

à ce que je comprends; maurice desbordels aurait écrit deux romans publiés… Ce qui est somme toute assez rare dans l’histoire de l’herdélie… J’avoue ne les avoir jamais lus. Mais comment expliquer que cet internaute, somme tout très sérieux puisqu’il parvient à se faire publier chez un grand éditeur, continue à venir y faire l’andouille tous les jours ?… On n’arrive pas à croire à pareille compatibilité des rôles… car à la différence de jzmn, il ne semble pas tellement faire la promo de ses romans. Est-on sûr du même, pedro75 ou 57 ?

christiane dit: à

Étrange, Jazzi, j’ai lu N.A.T.I.V et en ai gardé aucun souvenir…
Les questions de JJJ, je me suis posé presque les mêmes, enfin pas tout à fait.
Je crois que Puck est un hétéronyme comme Pessoa qui se démultipliait en personnalités différentes.
Ce blog est un jeu infini, un échiquier géant qui doit plaire au maître du jeu sauf que c’est nous qui déplaçons les pièces.
Mais des diagonales du fou, le jeu n’en manque pas.

Jazzi dit: à

Publications à compte d’auteur, JJJ.

Tu es une rare à avoir lu les oeuvres complètes de Maurice Desborels, Christiane !

B dit: à

J’ai lu l’HSQ évidemment, ayant traversé une époque où il était impossible de ne pas l’avoir lu. Aucun souvenir, aucune envie de m’y

Trop lourd, C’est le genre qui vous tombe des mains compte tenu du volume.

Janssen J-J dit: à

De quoi ? Altamentra n’est pas un éditeur de Strasbourg spécialisé en ésotérisme où auraient également publié Maurice-Mar C., sous pseudo Petit Rapiat et SV sous pseudo Ylvie Artan ???
https://www.atramenta.net/

Janssen J-J dit: à

@ HSBC en quatre tomes, chez folio, l’était plus léger à porter… B,
en revanche pour les cinq tomes de 2666 (R. Bolano), folio-gallim l’a édité en un seul… et depuis un mois, j’ai une vieille tendinite au bras gauche qui s’en va pas. quels seraient vos conseils, txflg, en dehors de l’opium ou du whiskey ? Merci de ne pas me répondre le cas échéant, je sais que vous n’êtes pas une Lacanienne à soigner aux herbes…

christiane dit: à

Jazzi,
La virulence de Pablo m’incitait à aller voir ce roman-essai de plus près. L’importance des allusions concernant ce blog (la RDL non nommée), les commentaires reproduits au us près puis la déferlante Musil portait une signature d’un d’ici…
C’était comme un jeu de piste. Je relevais les indices.
JJJ évoque une auto-edition, c’est évident avec le site Atramenta localisé le temps d’un roman en Finlande. Comme une SF née des Brèves de Passou et s’envoyant en l’air une montgolfière pris dans un ouragan…

Janssen J-J dit: à

ce n’est pas comme les 30 fractales de Sergio, jamais parues (le roman est resté inachevé), mais en revanche, resté bien incrusté dans le cercle mémoriel de quelques erdéliens. Quel en était le titre présumé, déjà, jzmn ou ch. ?

Jazzi dit: à

« Je crois que Puck est un hétéronyme comme Pessoa qui se démultipliait en personnalités différentes. »

Oui, et je crois que nous l’avons rencontré Christiane, à l’occasion de la promenade dédicace de mon livre sur les fontaines de Paris, à la librairie La Fontaine de la rue de Sèvre. Un type qui venait régulièrement à mes séances de signatures, signalées ici, qui n’achetait jamais d’exemplaires de mes livres, et s’arrangeait toujours pour me poser publiquement une question piège…

Jazzi dit: à

rue de Sèvres

et alii dit: à

@JJJ,vous avez de la chance, justement mon amie était là, et je lui ai demandé son avis de professionnelle
1)vous ménager le bras (vous vous souvenez comment vous avez eu ça!)
2) si nécessaire voir un médecin
3)pommade voltarène
je me souviens qu’on a retiré du circuit une pommade noire (suisse je crois) au temps où mon fils avait eu une tendinite (article dans le monde sur cette pommade!) mais la kiné est très vigilante ; vous pouvez aussi voir une kiné pour une tendinite ;anti-douleur si vous souffrez (sans abus! courage et prudence!

et alii dit: à

évide »mment mon amie kiné!

et alii dit: à

La réédition en français de l’article classique de Charles Percy Snow sur l’infranchissable fossé entre la culture scientifique et la culture littéraire, Les deux cultures, conduit à se demander si leur ignorance et peut-être leur haine réciproques sont vraiment inévitables. Dans un livre passionnant sur le Cercle de Vienne, Pensée exacte au bord du précipice, le mathématicien Karl Sigmund ne montre-t-il pas qu’il y a eu des époques où elles étaient en harmonie ? Mais les noces de la science et des lettres ne se commandent pas.
Charles Percy Snow, Les deux cultures. Suivi de Supplément aux deux cultures et d’État de siège. Trad. de l’anglais par Claude Noël et Christophe Jacquet. Introduction de Stefan Collini. Les Belles Lettres, coll. « Le goût des idées », 200 p., 13,90 €
Karl Sigmund, Pensée exacte au bord du précipice. Une histoire du Cercle de Vienne. Trad. de l’allemand par Delphine Chapuis-Schmitz. Postface de Douglas Hofstadter. Markus Haller, 496 p., 28 €
en attendant NADEAU
https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/05/10/la-science-perdue-des-litteraires/

et alii dit: à

On s’est moqué jadis des prétentions de Sokal et Bricmont à dénoncer les absurdités pseudo-scientifiques des tenants de la « French Theory », et les littéraires se plaignent du mépris, voire de la haine, qu’ont les scientifiques pour la littérature. Mais que font-ils eux-mêmes pour essayer de tenir compte de la science dans leurs propres travaux ? Ainsi, dans La haine de la littérature (Minuit, 2015), William Marx s’en prend à Snow et à sa conception philistine de la culture, et se moque de la prétention d’un philosophe comme Gregory Currie – dont il ne semble pas avoir lu les livres sur le récit ou l’imagination – à utiliser la psychologie pour traiter de la question de la connaissance littéraire. Mais Marx manifeste le même mépris à l’égard des travaux scientifiques que celui que ces derniers manifestent pour les travaux littéraires.

On se serait attendu à ce qu’il se hausse un peu plus haut pour saisir l’unité de la culture littéraire et de la culture scientifique, que comprenaient un peu mieux, deux générations avant, Valéry et Benda, ou Queneau et les pataphysico-oulipiens. Pour prendre une analogie dans un tout autre domaine : n’est-il pas possible d’entendre l’âme polonaise aussi bien dans les œuvres de Leśniewski et de Kotarbiński que dans celles de Chopin et de Gombrowicz ? Il faut certes un autre type d’entendement et de sensibilité pour comprendre à la fois les uns et les autres, mais qui ne voit qu’il y a quelque chose de commun entre la logique, la passion pour la vérité, et la passion pour les humains tout court ? Il manque une case aux scientifiques, et il en manque une aux littéraires. Mais n’y a t-il pas un point de vue où les cases manquantes se rempliraient (Musil fut un des rares à le comprendre) ?

et alii dit: à

SUITE Nadeau:
Mais la sociologie peut-elle tenir lieu de pont entre littéraires et scientifiques ? Si elle rejette par principe comme « naturalistes » tous les travaux qui peuvent venir de la psychologie et de la biologie, elle a peu de chances d’introduire à ce qui pourrait tenir lieu de culture scientifique de substitution. Dans l’autre « culture », les scientifiques sont-ils prêts à s’ouvrir à l’histoire, notamment celle des sciences ? Il suffit d’avoir assisté, dans les panels interdisciplinaires qui rythment aujourd’hui la vie académique, à ces discussions sur les crédits de recherche où des savants respectables sont prêts à accorder sans sourciller des financements généreux à des projets médiocres en sciences sociales, en littérature ou en philosophie, qui mêlent les lieux communs du postmodernisme le plus éculé à des positions toutes plus relativistes et politiquement correctes les unes que les autres, pour comprendre que ces scientifiques ne font pas de différence entre les littéraires et les amuseurs publics. Ils s’en foutent.

et alii dit: à

Snow avait raison, mais il n’avait pas les arguments de sa thèse. Pourquoi, dans le monde britannique, n’évoque-t-il pas la fructueuse interaction entre des penseurs scientifiques de Cambridge, comme l’économiste Keynes, les mathématiciens Russell, Frank Ramsey et G. H. Hardy, d’un côté, et des écrivains comme Virginia Woolf, Lytton Strachey et E. M. Forster de l’autre, qui interagirent dans le Bloomsbury Group dans les années 1930 ? Pourquoi n’évoque-t-il pas le Cercle de Vienne, qui réunit à la même époque les plus grands mathématiciens, économistes, sociologues, philosophes, logiciens autrichiens et allemands et qui étendit son influence sur toute la culture littéraire et artistique de l’époque, notamment Musil et Broch ?

et alii dit: à

Dans Pensée exacte au bord du précipice, on découvre aussi des figures moins connues, comme le physicien Friedrich Adler ou l’écrivain Rudolf Brunngraber. Karl Sigmund s’attarde longuement sur la figure centrale de Moritz Schlick, le fondateur et l’âme du Cercle, et raconte son assassinat par le psychopathe nazi Johann Nelböck, qui scella la fin du Kreis, et sa dispersion. On blanchit l’assassin, et la presse le loua d’avoir tué le patron d’un foyer de pensée juive. Au même moment, Heidegger accédait au rectorat à Freiburg, et affirmait : « Die Wissenschaft denkt nicht » contre la pensée scientiste et juive. Carnap, qui avait moqué son « Das nichts nichtet » comme typique du non-sens, n’eut plus, avec nombre de ses amis, qu’à émigrer.

et alii dit: à

n redécouvre aujourd’hui l’importance de la philosophie du Cercle de Vienne – notamment la pensée de son chef de file, Rudolf Carnap – autrement que comme une simple étape dans l’avènement de la philosophie analytique au XXe siècle. En témoigne, entre autres, la récente publication du remarquable recueil de Michael Friedman, Reconsidering Logical Positivism (Cambridge University Press, 1999), qui vise à repenser les enjeux du positivisme logique en tant que tel, et à en réévaluer l’importance philosophique [1]
[1]
Cf. Carnap et la construction logique du monde, S. Laugier…. Nous avons voulu nous intéresser ici à une figure peut-être moins connue, mais tout aussi importante, du Cercle de Vienne, Moritz Schlick. Schlick fut l’âme du Cercle de Vienne et certainement sa personnalité la plus attachante, par la variété de ses intérêts philosophiques (physique, éthique, logique), mais aussi sur le plan personnel, comme l’indique dans les Philosophical Papers [2]
[2]
M. Schlick, Philosophical Papers, trad. angl., Mulder & Van de… le témoignage de Waismann dont l’admiration, comme d’ailleurs celle de Wittgenstein, ne s’est jamais démentie. Sa fin tragique et prématurée (Schlick fut assassiné en 1936 par un étudiant fou nazi) a de surcroît interrompu une réflexion en constante évolution, dont on ne peut s’empêcher aujourd’hui de se demander comment elle aurait modifié le sort ultérieur du Cercle de Vienne, qui, à partir de cette date, s’est dispersé – la diaspora donnant lieu, notamment, à la (re)constitution de la philosophie analytique sous de nouveaux cieux, aux États-Unis, où Schlick avait déjà fait figure de pionnier en venant enseigner dès les années 1929-1931. s;laugier:
https://www.cairn.info/revue-les-etudes-philosophiques-2001-3-page-291.htm

B dit: à

Tu les fait au four ou à la cocotte JB?

Je crois savoir qu’il privilégie le four comme Morton F faisait bruler les partitions qu’il estimait ratées, humour juif. Je ne pourrais vous dire avec certitude s’ils se sont resolus, l’un ou l’autre, à se reproduire avec une goy, il existe tant de risques à le faire. L’enfer aux portes de l’union si c’est une cocotte. Mieux vaut bruler d’un autre feu à moins de renier foi et Lois. Chérie chérie.

B dit: à

Ca s’accorde bien avec ce bambochard de Kafka, non? Qu’en pensez vous Closer, pour ou contre l’autodafé?

B dit: à

L’univers féerique que baigne la musique et que grignote çà et là le rire langoureux de quelques poufiasses éméchées, les superbes bagnoles vautrées dans le parc semblables aux vaches sacrées, le faste et l’incommensurable fatuité des grosses légumes, la lune pleine dans le ciel azuré, le froufrou béatifiant des fortunes, tout en cet endroit me fait vomir. — (Yasmina Khadra, Morituri, éditions Baleine, 1997, page 29)

christiane dit: à

@Jazzi dit : « et je crois que nous l’avons rencontré Christiane, à l’occasion de la promenade dédicace de mon livre sur les fontaines de Paris, à la librairie La Fontaine de la rue de Sèvre. Un type qui venait régulièrement à mes séances de signatures, signalées ici, qui n’achetait jamais d’exemplaires de mes livres, et s’arrangeait toujours pour me poser publiquement une question piège… »
C’est possible. Moi, je t’écoutais, dessinais et parlais avec un de tes amis en queue de peloton.
Tel que je le devine, ce n’est pas quelqu’un de malveillant.
Il est possible que nous l’ayons rencontré à une autre occasion…

B dit: à

Et alii, aux USA, le nombres d’homicides monstrueux commis par des personnes traitées, les ordonnances, sont ahurissantes, et les patients ayant fait l’objet d’essais cliniques est important , affaire litigieuse car les praticiens recrutés par les labos pour prescrire les nouvelles molécules falsifient leurs fichiers. Les accidents mortels ne figurent ainsi pas dans les effets indésirables. Vu un dossier à charge consacré à ce phénomène qui m’a semblé sérieux ( type Thema). Ceci étant ici aussi circulent parfois des ordonnances chargées et il existe aussi de temps en temps des accidents fatals qui selon l’entourage demeurent inexplicables si l’on ne regarde que le profil du patient, suicidé.

closer dit: à

« Un type qui venait régulièrement à mes séances de signatures, signalées ici, qui n’achetait jamais d’exemplaires de mes livres, et s’arrangeait toujours pour me poser publiquement une question piège… »

JB, est ce qu’il avait des oreilles pointues ?

Janssen J-J dit: à

Merci pour l’indication du Voltérène en vente libre, je vais l’essayer. Non, je ne pense pas que puck ait jamais eu d’intentions malveillantes, il essaie au contraire de s’intéresser aux gens, mais n’y arrive pas, car il n’est pas assez sûr de lui-même et de la nécessité de convertir les autres à quoi que ce soit…, – je ressens en lui comme une grande part hantée de tragicomédie, une intelligence évidente des conditions de la production culturelle et du savoir, mal canalisée par une méthodologie suffisamment rigoureuse -. Bàv,

B dit: à

Diplofenac, 3J, mo8 même atteinte d’une tendinite calcifiante, me suis vue proposer par le radiologue la possibilité de peigner le ligament en question. Je me suis demandé à cause de l’expression  » éponger la girafe » s’il était bien sérieux, il précisait que c’était douloureux. L3s dépôts d’évacuer de façon naturels avec le temps aussi ne je ne rencontre désormais plus aucun problème pour tourner la clé de contact de mon véhicule. Sans vouloir faire état de mon délabrement je dispose à présent de trois disques intervertebraux cervicaux ratatinés à droite toute aussi comprendre à vous que je penche à gauche, c’est moins douloureux. Déformation professionnelle qui avec les soins d’un bon rhumatologie ne m’ennuie absolument plus en évitant d’utiliser le côté droit pour porter . Je craignais ne plus pouvoir nager et puis non, usée mais guérie et indolore.

B dit: à

2 S’evacuent de façon naturelle.
1 peigner la girafe.
4 rhumathologue.
3 vous comprendrez.

Correcteur.

Bloom dit: à

Je ne sais pas s’il y a un texte satirique & amusilant sur de Gaulle, mais sur Churchill, il existe une pièce satirico-dystopique dont l’action se déroule en 1984 dans un camp de concentration qui porte le nom de l’ancien PM – The Churchill Play, de Howard Brenton, fut publiée en 1974, à l’occasion du centenaire de la naissance de Winston (prénom du protagoniste du « 1984 » d’Orwell).
Bref extrait édifiant entre un simple soldat et un fusilier-marin:

« Private: But ’e won the war. ’E did that, ’e won a war.

Marine: People won the war. He just got pissed with Stalin. »

Peuvent pas s’empêcher de tout passer à la moulinette de la satire, les Brits, même leurs grands hommes.
Se prennent moins au sérieux que les autres. Indéniable qualité.

Jazzi dit: à

« 2 S’evacuent de façon naturelle.
1 peigner la girafe.
4 rhumathologue.
3 vous comprendrez.

Correcteur. »

Joli poème, B.
Mieux que du Jacques Roubaud…

Jazzi dit: à

« JB, est ce qu’il avait des oreilles pointues ? »

Je pourrais en faire le portrait robot à la police, closer.
Taille moyenne, âge moyen, look instituteur rural, visage quelconque, cheveux taillés à la serpe, ongles en deuil.

Marie Sasseur dit: à

« je me souviens qu’on a retiré du circuit une pommade noire (suisse je crois) au temps où mon fils avait eu une tendinite »

On peut toujours se procurer du baume du tigre, en Swissland.

Brinqueballe dit: à

L’éthique en partage – en hommage à Jacques Bouveresse

Par Pascal Engel

Importateur de la philosophie du cercle de Vienne et de la philosophie analytique de langue anglaise en France, spécialiste de Wittgenstein et de la philosophie du langage, Jacques Bouveresse s’est éteint ce dimanche 9 mai à l’âge de 80 ans. À rebours d’une construction de la pensée à coups de thèses assénées, et autres mythologies de l’intelligentsia française, le philosophe s’était affirmé comme un modèle de sobriété et d’honnêteté intellectuelles. Par cette posture entièrement tournée vers la sagesse, il incarnait ce que la philosophie peut avoir de meilleur.
Dans l’un de ses essais les plus brillants, Le philosophe chez les autophages (1984), Jacques Bouveresse se livre à un constat implacable de la manière dont la philosophie, particulièrement en France, n’a pas cessé de se déposséder d’elle-même et de sortir de soi, jusqu’à n’être plus qu’une baudruche vide.
Il ne faisait à l’époque que constater un mouvement qui s’était amorcé avec ce qu’on a appelé le post-modernisme, dont la France peut s’enorgueillir d’avoir constitué le poste avancé. Mais derrière les matinées structuralistes et les goûters heideggeriens auxquels Bouveresse et quelques-uns de ses élèves assistèrent consternés, un autre acide puissant, et qui venait de plus loin, de chez Sartre, venait corroder la philosophie : l’idée que toute activité intellectuelle est nécessairement politique.
Bouveresse la rencontra chez Althusser et ses disciples, qui se réclamaient de la « lutte des classes dans la théorie », et qui, au nom du prolétariat, décrétaient que le positivisme logique et tout ce qui pouvait y ressembler, comme la logique et la philosophie analytique, étaient les représentants de la pensée la plus réactionnaire. Il la rencontra chez Derrida, qui prétendait élargir le projet de Heidegger de déconstruire la métaphysique et tout le reste avec, puis chez Foucault, pour qui se conformer à la raison est une forme d’obéissance à la police et à toutes les formes de pouvoir et de normes, forcément répressives.
Contre ces déclarations de guerre et cette surenchère permanente, Bouveresse proposa sa propre politique intellectuelle, celle du respect de la vérité, de la sobriété et de l’honnêteté. Là où ses contemporains ne lisaient pas au-delà de Nietzsche, de Marx et de Lacan, et n’entendaient pas outre-Rhin d’autres voix que celles qui venaient de Königsberg, de Iéna et de Fribourg en Brisgau, il alla chercher ses modèles du côté de Vienne et de Cambridge, chez Wittgenstein, et les penseurs du Cercle de Vienne, mais aussi chez les grands écrivains autrichiens, Kraus et Musil, qui furent ses maîtres tout autant que Frege, Russell, Carnap, Schlick et Gödel.
En les lisant et en les commentant il accomplissait un double mouvement : d’un côté, il proposait, sur le modèle krausien, une critique, souvent sur le ton satirique, de la culture de son époque, de l’intrusion du journalisme et du sensationnalisme dans tous les secteurs de l’esprit, et de l’autre il entendait opérer une véritable réforme intellectuelle et morale, en retrouvant l’inspiration rationaliste qu’avait perdue la philosophie française en subissant les assauts des Anti-lumières existentialistes, post-structuralistes, puis post-foucaldiennes.
Cette inspiration lui venait tout autant de la tradition française de la philosophie des sciences, celle de Herbrand, de Cavaillès, de Canguilhem, de Vuillemin et de Granger, que de la tradition de la philosophie analytique anglo-saxonne, qu’il défendit toujours, mais au sein de laquelle il se sentait bien moins à l’aise que dans ses racines autrichiennes. Il proclame dans l’un de ses essais qu’il se sent « so very unFrench », mais il aurait pu dire aussi qu’il se sentait « very unEnglish » et « so very unAmerican ».
On peut refuser, comme lui, de souscrire au relativisme linguistique qui veut que la pensée soit nécessairement et exclusivement le produit d’une langue, et se sentir néanmoins plus à l’aise dans une langue que dans une autre. Il appréciait le projet de Leibniz et de Couturat de formuler une langue universelle et de trouver avec la logique un alphabet des pensées humaines, mais il pensait, comme Wittgenstein, qu’on parle avant tout dans sa langue, celle de tous les jours, et que les limites de notre langage sont celles de notre monde.
Le refus de la politisation de la philosophie n’impliquait pas pour Bouveresse une forme d’idéalisme apolitique à la Thomas Mann ou de désir de retrouver la tour d’ivoire. Il ne rejetait pas l’idée qu’on travaille toujours, même dans le domaine de la pensée pure et de la logique, au sein d’un monde social et que le rôle de l’intellectuel est de prendre parti contre toutes les formes d’injustice. Mais il ne voulait épouser ni le modèle de l’intellectuel universel à la Benda ou à la Sartre, ni celui de l’intellectuel « spécifique » dont rêvait Foucault, encore moins celui du militant.
Il savait distinguer les sphères, et citait souvent Russell, qui ne voyait pas de relation spéciale entre ses travaux en logique et ses engagements politiques pacifistes. Il se retrouvait dans le projet de Bourdieu d’une critique de la domination dans les formes culturelles, et bien souvent il l’a accompagné dans ses combats.
Mais il ne voulait pas aborder cette critique à la manière sociologique, en cherchant à démonter les rouages et les mécanismes sociaux de l’exclusion. Il la pratiquait plutôt à la manière ironique du Viennois qu’il était, et cette distance, qui lui faisait refuser toute forme de slogan ou de programme, l’a profondément distingué de ceux de ses contemporains qui prétendaient refonder la philosophie sur quelque socle extérieur à elle.

Brinqueballe dit: à

Article publié dans la revue en ligne AOC.

Janssen J-J dit: à

le vrai et le cru vrai chez J. B… C’est intéressant, mais il avait fait un mauvais procès à Foucault en convoquant Nietzsche par le truchement de Frege. Je crois… J’ai peut-être tort de ne pas vouloir admettre qu’il n’y avait pas de consensus possible entre les différentes philosophies analytiques sur le statut du mot « vérité » chez ces trois « philosophes »… On sait bien que pour Jacques B., ce statut ne pouvait en aucun cas être relativisé, qu’il défendait là comme une posture intransigeante quoique non violente, au nom du réalisme… C’est toujours ce qui m’avait gêné dans sa pensée, mais peut-être n’ai-je pas su détecter le doute ironique qu’il entretenait avec lui-même sur sa propre dogmatique…. Je dis ça en passant à Puck, c’est la juste question qui devrait travailler sa légitimité à partir de la pensée philosophique de Bouveresse. Quant au reste, comme il le disait parfois avec le sourire en coin, l’essentiel est de ne point confondre le vrai du cru cuit.
Bàv, Bqbl & patavi ?

rose dit: à

Affamées.
Starving.

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