de Pierre Assouline

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La République des livres

Tout habitable

Par Marieke Lucas Rijneveld

 

Jamais perdu la pugnacité, l’originel tumulte pour le meilleur et le pire

ni cédé aux prêches, au Verbe qui dit ce qui est bien ce qui est mal

jamais été feignasse au point de ne pas te lever, de ne pas affronter

toutes les brutes épaisses, de ne pas combattre poings dressés l’esprit

d’étiquetage, les émeutes que la méconnaissance déclenche dans ta tête,

*

tempérant l’impuissance avec le rouge taureau dans tes yeux, ou

proclamant toujours ce que tu fais à ta guise avec une fierté

à toute épreuve, observant quelqu’un qu’on réduit en bouillie

tout en voyant suinter la dernière gouttelette de dignité, tu t’opposes

à la craniométrie, à la servitude, à tout ce qui emmure l’homme.

*

Jamais perdu la pugnacité, le germe du brutal arrachement,

tes origines portent un habit de deuil, tes origines ont heureusement

trouvé une bande d’arrêt d’urgence, non que tu puisses par expérience

parler de tout, non que tu voies en permanence combien l’herbe

de l’autre côté est parfois sèche et moins verte – il s’agit de la capacité

*

de se glisser sous d’autres peaux, de voir la mer de tristesse derrière

les yeux des autres, la pullulante rage des rages, tu veux dire que

tu ne comprends peut-être pas tout, que bien sûr tu ne touches

jamais tout à fait la corde sensible, mais que tu ne sens pas

moins les choses, oui, tu les sens, même s’il existe un écart infime.

*

Jamais perdu la pugnacité, et reconnaître malgré tout le moment

où tu n’es pas à ta place, où il te faut t’agenouiller devant un poème

parce qu’un autre le rend plus habitable, non par mauvaise volonté,

non par abattement, mais parce que tu sais qu’il y a tant et tellement

d’inégalités, qu’il y a encore des laissés-pour-compte, tu n’aspires

*

qu’à la fraternisation, tu veux un seul poing, peut-être ta main

n’est-elle pas encore assez forte, peut-être te faudrait-il d’abord prendre

celle de l’autre en guise de réconciliation, réellement ressentir l’espoir

que tu fais quelque chose qui rendra le monde meilleur, sans pour autant

oublier ceci : se relever après s’être agenouillés et ensemble redresser le dos.

Poème traduit du néerlandais par Daniel Cunin

(N.D.L.R.: Marieke Lucas Rijneveld, traductrice et romancière néerlandaise, devait traduire de l’anglais un livre d’Amanda Gorman, cette jeune poétesse américaine révélée lors de l’investiture du président Biden. Or la première est blanche et la seconde est noire. Jusqu’à présent ce n’était pas un problème. Depuis peu, cela en est un. Dénonçant le « scandale » de cette appropriation culturelle, une campagne a été lancée pour l’évincer. Mission accomplie: elle a jeté l’éponge, au grand soulagement des éditions Meulenhoff à Amsterdam. Plutôt que d’accorder des interviews aux médias, elle a préféré répondre par le poème ci-dessus publié par Marianne)

Cette entrée a été publiée dans Poésie, traducteur.

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commentaires

12 Réponses pour Tout habitable

Sant'Angelo Giovanni dit: à

…samedi 6 mars 2021 à 13 h 30 min.

…pas pousser dans  » l’exclusivité « , du niveau du simple  » radotage « , parce qu’il y a  » sous roches « , dans la vie de tout les jours et partout,!…
…ne nous plaignons pas, et pourtant, un minimum, seraient entre peuples civilisés de jeter un tour rapide avec sa longue-vue au rapprocher,!…le zoom au macro, aussi,!…

….il y en a du  » nationalisme collectif  » intégrée et mais tellement, que les futur  » Picasso « , dans les pays devenus immigrés, non rien d’un  » Castor et Polux « ,…

…comme pour les courses aux  » hippodromes « , les charges sont salées,…

…quels subsides , par qui?, pour exposer , et ou,!…

…j’ai compris depuis belle lurette, d’être mis , à la sauce  » sacrifiés « , pour donner aux têtes pensantes de l’inspiration,!…

…les Papillotes DES TAXES ET FRUITS BANCAIRES?;;;Q’est ce encore un salaire dans les disproportions salariales,…
…Horreurs et damnations dans les logiques du bénéfice net, à se bouffer en saucisses,!…
…Euros et marchés de dupes,!…FUTURS? AUX Générations sacrifier;;;
;;;vas jouer à la balle, et ne compte pas tes efforts droguer,!…
;;;DU PAIN ET DES JEUX?8;;;ET TA SOEUR?8;;;
;;;La volonté de détruire Dieux, de le prendre pour un con,!…
…la pandémie par Dieux, sur le nationalisme personnel global,!…çà touche qui,!…
…faut voir,!…le sacristain,!…of course,!…Go,!…Ah,!…

…Comptes du moyen-âge,!…tout est exclusivement  » Royal « , bénéfice-net,!…

…tout est altérer sous pressions et en comptes-faux,!…va jouer au football,!…
…PATATES?8;;;gO?8;;;on s’en fout ,!TOUT EST FAUX?8;;;et obéis,!…CLOCHES?8;;;

Marie Sasseur dit: à

Très bon papier relayé par Passou
https://diacritik.com/2021/03/08/uncaring-reflexions-sur-les-enjeux-de-la-traduction-litteraire/#more-64966

Qui apporte beaucoup de réponses aux questions du choice with care, pour la traduction. Même si la rédactrice, traductrice, abuse de cette nouvelle manie de l’écriture inclusive.

S’agissant ici d’un choix politique- du traducteur-, pour une revendication politique – du texte à traduire- vous ne pouvez pas faire l’économie de penser qu’une convergence philosophique de vie et d’expérience,
est un pré- requis.

Quitte à ce que le traducteur effectue cette réécriture, autant qu’elle le soit avec une sensibilité qui va au-delà de la simple empathie, ou de la mécanique du pro de la profession. Et oui, la princesse punk d’Afrique est un bon choix.

Marie Sasseur dit: à

Le choix du traducteur répond à la question de base: connaitre son sujet.
Plus généralement et pour n’offenser personne, on lu des explications alambiquées de traducteur, qui a force de se demander  » de quoi ça cause  » finit soit dans un fouillis impressionniste, soit dans une analyse mot à mot.

Marie Sasseur dit: à

Alors évidemment, ce texte  » tout habitable  » est à côté de la plaque. Complètement.

Marie Sasseur dit: à

in another’s shoes, to see the sea of sorrow behind another
person’s eyes, the rampant wrath of all wraths, you
want to say that maybe you don’t understand everything,
that of course you don’t always hit the right chord, but that
you do feel it, yes, you feel it, even if the difference is a gap.
( la trad en anglais de ce texte néerlandais est préférable , car la version française est pénible)

Alors, non, ça ne suffit pas. Il en manque, et de beaucoup.

Marie Sasseur dit: à

« Victor Obiols, le traducteur en catalan des poèmes d’Amanda Gorman, a été selon lui récusé par l’éditeur américain de celle-ci au motif qu’il n’est ni une femme, ni une activiste, ni une Noire. Bref, ça ne s’arrange pas. » Passou.

Apres cette incantation quasi expiatoire de la candidate néerlandaise à la trad’, qui se traîne à genou, et imagine celle qu’elle veut traduire dans le même état de pathos, voilà Victor Obiols.

Vous n’avez pas compris le choix with care, breeeef.

Il faut que ça slame, que ça pulse.
Victor Obiols, 60 balais, la miss in Prada, a peine plus âgée que Rimbaud.

Il manque le poème dans votre billet, why ?

 The Hill We Climb » (occasional poetry)

When day comes, we ask ourselves : where can we find light in this never-ending shade ?
The loss we carry, a sea we must wade.
We’ve braved the belly of the beast.
We’ve learned that quiet isn’t always peace,
And the norms and notions of what « just » is isn’t always justice.
And yet, the dawn is ours before we knew it.
Somehow we do it.
Somehow we’ve weathered and witnessed a nation that isn’t broken,
But simply unfinished.
We, the successors of a country and a time where a skinny Black girl descended from slaves and raised by a single mother can dream of becoming president, only to find herself reciting for one.

And yes, we are far from polished, far from pristine,
But that doesn’t mean we are striving to form a union that is perfect.
We are striving to forge our union with purpose.
To compose a country committed to all cultures, colors, characters, and conditions of man.
And so we lift our gazes not to what stands between us, but what stands before us.
We close the divide because we know, to put our future first, we must first put our differences aside.
We lay down our arms so we can reach out our arms to one another.
We seek harm to none and harmony for all.
Let the globe, if nothing else, say this is true :
That even as we grieved, we grew.
That even as we hurt, we hoped.
That even as we tired, we tried.
That we’ll forever be tied together, victorious.
Not because we will never again know defeat, but because we will never again sow division.

Scripture tells us to envision that everyone shall sit under their own vine and fig tree and no one shall make them afraid.
If we’re to live up to our own time, then victory won’t lie in the blade, but in all the bridges we’ve made.
That is the promise to glade, the hill we climb, if only we dare.
It’s because being American is more than a pride we inherit.
It’s the past we step into and how we repair it.
We’ve seen a force that would shatter our nation rather than share it,
Would destroy our country if it meant delaying democracy.
This effort very nearly succeeded.
But while democracy can be periodically delayed,
It can never be permanently defeated.
In this truth, in this faith, we trust,
For while we have our eyes on the future, history has its eyes on us.
This is the era of just redemption.
We feared it at its inception.
We did not feel prepared to be the heirs of such a terrifying hour,
But within it, we found the power to author a new chapter, to offer hope and laughter to ourselves.
So while once we asked : « How could we possibly prevail over catastrophe ? », now we assert : « How could catastrophe possibly prevail over us ? »

We will not march back to what was, but move to what shall be :
A country that is bruised but whole, benevolent but bold, fierce and free.
We will not be turned around or interrupted by intimidation because we know our inaction and inertia will be the inheritance of the next generation.
Our blunders become their burdens.
But one thing is certain :
If we merge mercy with might, and might with right, then love becomes our legacy and change, our children’s birthright.

So let us leave behind a country better than the one we were left.
With every breath from my bronze-pounded chest, we will raise this wounded world into a wondrous one.
We will rise from the golden hills of the west.
We will rise from the wind-swept north-east where our forefathers first realized revolution.
We will rise from the lake-rimmed cities of the midwestern states.
We will rise from the sun-baked south.
We will rebuild, reconcile, and recover.
In every known nook of our nation, in every corner called our country,
Our people, diverse and beautiful, will emerge, battered and beautiful.
When day comes, we step out of the shade, aflame and unafraid.
The new dawn blooms as we free it.
For there is always light,
If only we’re brave enough to see it,
If only we’re brave enough to be it.

Sant'Angelo Giovanni dit: à

…jeudi, 11 mars 2021 à 0 h 12 min.

…en fin de comptes, tout autour de moi,!…
…des pendus, accrochés comme des marionnettes, des poupées inertes, Oui,!…même ma poupée volée, disparue,!…
…comédies des conditions humaines, les poupées des histoires des autres,!…

…Rome, ou est tu,!…toujours et toujours là,!…pour te maîtriser en ta sécurité??!…
…etc,!…
…observer et parler, par les images situationnistes, à la Nostradamus, ses lanternes magiques déjà au temps de Marie de Médicis,!…
…tirer vos plans,!…AH?.ah,!…pour ne pas tomber, dans des pots de philosophies,!…
…rester libre de vous démener avec indépendances,!…
…l’ombre et son cochon,!…qui nous portent,!…
…ou çà,!…les liens des pendus,!…

Marie Sasseur dit: à

Passou retweete: « Magnifique intervention d’André Markowicz, « juif et mâle blanc dominant », sur le monstrueux interdit de traduire le poème d’Amanda Gorman. Comment avons-nous pu en arriver là… ? « Le contraire absolu de la traduction ». »

Manquait le qualificatif juif ? Et pas plutôt  » vieux », devant mâle blanc ?

De quel cerveau malade peuvent germer de telles inepties sur une  » interdiction ». Mystère.

Qu’ A. Markowicz prenne sa plume, et propose sa trad’. Il nous a habitué à mieux, en terme de traduction gratuite.

A l’heure du net, on va demander à tous les recalés de l’appel d’offre de se bouger le cul pour une traduction, au lieu de geindre, ce qui serait un bon début, plus raccord avec l’état d’esprit de la miss en Prada.

Marie Sasseur dit: à

Même Drillon y va de son petit couplet paranoïaque ségrégationniste : (Après les bus ou les restaurants interdits aux Noirs parce que réservés aux Blancs, voici la traduction interdite aux Blancs parce que réservée aux Noirs. Comme dirait l’autre, il faut que tout change pour que rien ne change.)

Interdit ?

Est-ce que ce monsieur connaît le sens des mots, c’est à se le demander.

On va lui proposer d’illustrer sa comparaison sans raison, par cette definition historique du mot « excessif » : insignifiant.

Marie Sasseur dit: à

Merci Claro, c’est le truc le plus intelligent que j’ai lu, a propos de  » droit » de traduire:

https://towardgrace.blogspot.com/2021/03/suis-je-le-gardien-de-ma-traduction.html?m=1

Pas convaincue par la motivation  » désir « , mais le point de vue de Claro, qui ne demande pas d’autorisation, reste dans l’idée de servir, et non de se servir.
Tres intéressantes questions soulevées sur la compétence.

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