de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres
N° 21 Nadal entre guillemets

N° 21 Nadal entre guillemets

La vente d’un emploi aux enchères inversées, en Allemagne.
– Mise à prix : 2000 € mensuels !
– 1950 !
– 1900 !
– 1800 !
Etc.

*

Le « sale petit besoin d’être aimé » de Deleuze.

*

Les églises normandes, en Sicile.

*

Livre de Job

*

La photo d’Andy Warhol à genoux devant Hitchcock.

*

Au cinéma
Pour qu’un personnage ait l’air romain, il lui faut une frange de cheveux sur le front.

*

La puissance insuffisamment analysée du guillemet de citation : il fait voir ce qui est, sans l’ironie qui lui est habituellement attachée. La chose placée entre guillemets s’autodétruit par leur seule présence. Nous avons dit ailleurs que Houellebecq avait mis entre guillemets l’expression atroce « belle personne ». Cette manière de faire était à la fois suffisante et assassine. Karl Kraus disait s’être contenté de « mettre l’époque entre guillemets », car « ce qu’elle a de plus indicible ne pouvait être dit que par elle-même ». En résumé, « citer et photographier » le monde en agonie. Rien de plus : «  Car lorsque la vie touche à sa fin, le satiriste et le caricaturiste ont déjà pris congé auparavant. » Le guillemet, c’est le pilori des pensées idiotes ou scandaleuses.

*

Les gens qui pensent qu’une phrase courte est un aphorisme.

*

Les tics de Nadal, avant chaque service : décoller le slip (le « collant », disent-ils), puis le maillot aux épaules, puis toucher rapidement le nez, l’oreille gauche, le nez, l’oreille droite. Parfois les deux premiers gestes ne sont pas effectués. Les suivants sont réguliers, automatiques, dans un ordre immuable.

*

(À la Jules Renard)
La vie dure.

*

Surmontée, la difficulté d’habiller la Vénus de Milo. Burberry pense à tout, qui commercialise un imperméable sans manches (gabardine de coton, 1290 €).

*

(Suite)
Le boutonnage des vêtements dans un sens pour les hommes, dans l’autre pour les femmes. Discrimination insupportable ! Certaines associations féministes demandent que les femmes puissent boutonner leur chemise du même côté que les hommes. Des organisations féministes dissidentes refusent cet alignement servile, et exigent que les hommes boutonnent dans le même sens que les femmes. D’autres réclament carrément la suppression des chemises, des manteaux et des imperméables, ou à la rigueur l’interdiction des boutons. Une solution se profile : de même que les ouragans successifs portent alternativement un nom masculin et un nom féminin, il est question de boutonner à droite les années paires, à gauche les années impaires. Mais il semble que des organisations radicalisées veuillent l’inverse.

*

Les gens dont on ne remarque jamais qu’ils sont allés se faire couper les cheveux chez le coiffeur.

*

La phrase la plus longue de Proust, qui, comme chacun sait, figure au début de Sodome et Gomorrhe : « Sans honneur que précaire… » Elle compte 847 mots (2,5 pages dans la Pléiade). C’est oublier qu’une première version de cette phrase apparaît dans Contre Sainte-Beuve : « Race maudite, puisque… » Elle compte 1321 mots.

*

(Suite)
Mais l’une comme l’autre contiennent maint point-virgule, qui a le plus souvent force de point dans la syntaxe.
D’ailleurs on s’en fout.

*

(À l’inverse)
Dumas raconte que Voltaire et Piron ont fait le pari d’écrire la phrase la plus courte. Ils ont pensé tous deux au latin, langue fort radine. Piron a écrit :
Eo rus (je vais à la campagne)
Voltaire a répondu :
I (vas-y).
Un-zéro.

*

Les professeurs de piano qui annotent les partitions comme des malades, en sorte qu’ils les rendent illisibles :

(Le lecteur attentif remarquera la date de la mort de Haendel, déclarée en 1750 par cette mémorable édition Lemoine, chef-d’œuvre de la musicologie et de la pédagogie françaises, lequel chef-d’œuvre considère – peut-être à juste titre – que Haendel, né en 1685 comme Bach, aurait bien fait de mourir la même année que lui, au lieu de bêtement lui survivre neuf ans.) 

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

Si vous n’avez pas reçu le lien sur lequel cliquer pour accéder à ces Petits papiers, c’est que vous n’êtes pas abonné. Vous pouvez le faire en écrivant à j.drillon@orange.fr, en mentionnant « m’abonner » dans le champ « sujet » ou « objet » du message.
Les deuxième et troisième séries (Papiers recollés, Papiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

Comments are closed.