de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 24 Genet qui s’y connaissait en bagnoles

N° 24 Genet qui s’y connaissait en bagnoles

Par Jacques Drillon

« On va chez toi ou chez moi ? »
(Variante : « On va chez vous ou chez moi ? »)

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Les belles histoires naturelles
Une mère et son fils. Ils ont un doigt supplémentaire entre le pouce et l’index. Avec muscles, nerfs et tendons afférents, mais aussi zone corticale dédiée. Ils peuvent nouer des lacets de chaussure d’une seule main. (Et jouer certain concerto de Ravel, cela va sans dire.)

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La première fois qu’on se propose de vous céder une place dans le métro.

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Les gens qui vous échauffent, vous allument, vous attisent. Et puis ceux qui vous éteignent ; pour eux on ne fait plus d’effort, on est bête, on se tait.

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Mozart, qui aimait tant caser une partie contrastée dans un mouvement de concerto : la partie heurtée, fantastique, don-giovannienne, au milieu de la suave romance du mineur, la partie lente incluse de force dans le finale du Jeunehomme, dans le finale du Mi bémol (K 482). Effet de surprise ? Pas exactement. Révélation brutale d’un contenu latent.

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#balancetonécrivain
« Ainsi votre femme saura se faire des points de résistance de tous les points de contact que vous aurez avec le monde, avec la société ou avec la vie. Ainsi tout s’armera contre vous, et au milieu de tant d’ennemis vous serez seul » (Honoré de Balzac).

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Les obsolètes : « T’as les bas qui plissent. »

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(À la Jules Renard)
Aux urgences de l’hôpital, être patient.

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Jean Genet, qui aide Simone de Beauvoir à acheter une auto. Elle, qui s’avise qu’elle ne sait pas conduire.

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Les trois phrases que Bach nous a laissées sur l’art de l’interprétation :
« On fera chanter la mélodie du choral en exprimant la passion qui se trouve dans le poème. »
« On s’appliquera à saisir la marche des parties et à les faire chanter. »
« Il joue parfaitement, mais il est froid. »
À quoi il faut ajouter cette phrase zen :
« C’est simple : il suffit d’enfoncer la touche au bon moment. »

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La vieille dame qui soupire pendant la canicule, souffle ostensiblement, pour vous montrer qu’elle a plus chaud que vous, qui ne soufflez pas. Comparaison des températures : il a fait plus chaud ici que là, ou plus frais dans ma maison que dans la vôtre. Pendant la nuit il a fait tant, à Saint-Étienne ils ont atteint les 42 degrés.
Déjà, quand elle était petite fille, cette dame avait dit à sa voisine de classe : « Ma cheminée elle fume plus que la tienne. »

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« La sucette aux fourmis est une sucette parfumée à la fraise, d’une couleur rouge cristalline et étincelante, avec des fourmis soigneusement placées à l’intérieur. » Plus loin : « En portant cette sucette à votre bouche, nous vous garantissons un dédale de plaisirs sans égal qui ravira vos sens et votre palais ! Cette sucette, de fabrication française, est un véritable délice au goût unique et sauvage, que vous puissiez déguster à n’importe quel moment de la journée ou bien partager avec vos proches et ainsi les initier à l’entomophagie sucré[e] ! »
On dirait une parodie de texte publicitaire par Philippe Muray. Il aurait sans doute pu penser au « dédale de plaisirs », mais pas imaginer de remplacer « pouvez » par « puissiez ». Le génie a ses limites.

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(Suite)
On peut aussi commander, sur le même site post-moderne, des « gouttes de sang déshydratées ». « De par leur côté innovant, ces gouttes de sang déshydratées provoqueront sans aucun doute la curiosité de tous vos amis, qui n’hésiteront pas longtemps avant d’y goûter. Qui ne succomberait pas à ces gouttes de sang, aromatisées à la cerise et enrichies en caféine ? Alors, que ce soit pour offrir à un ami ou pour vous-même, ce petit tube fera sans nul doute, un cadeau original, à offrir aux amateurs de sang humain. Les gouttes de sang séchées : un petit tube bourré d’énergie. »

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L’humour de Jules Renard, très proche de l’humour juif, en ce qu’il pousse toujours, lui aussi, le « bon sens » un peu plus loin, qu’il ajoute une dent à la scie, ou un cran à la ceinture. Par exemple, lorsqu’il décrit « un couple d’avares qui jouent à quatre mains sur le même piano », il fait rire pour la même raison qu’Albert Cohen montrant (dans Ézéchiel) un juif remuant la tête devant un éventail pour ne pas l’user, ou même que cet autre qui lit un journal nazi dans le ghetto et s’en explique ainsi : « J’apprends que nous avons des usines, des journaux, des terres, des réserves d’or, des banques, alors ça me fait du bien. »

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(Ézéchiel, suite)
Lorsque la pièce fut montée en 1933 à la Comédie Française, elle provoqua les sifflets des antisémites (apologie de la culture juive), et des juifs eux-mêmes (culture juive tournée en dérision).

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(Ajout)
On demande au signataire de ces lignes de republier la liste qu’il avait dressée des maladies « à attraper de toute urgence, en hommage au « néo fongueux du rectum » dont Céline redoutait de mourir », et qui figurait naguère dans les Papiers découpés. La voici :

L’aplasie du gras du bras, l’épaulite de la hanche, la diarrhée exquise, la pituite flegmatique, l’enflure dystoïque de Musso, la cirrhite de l’œil chez le prématuré tardif, la dystopie marxienne, la fracture ouverte de l’utérus rétroversé, la polycarie du membre médian, le verjus nasal, l’angstrǿm d’Yȹʔʞɮ, la macronite du cadre supérieur, le chancre mou du genou, l’insuppormixion, le sein polycarpe, l’agitation chronique du bocal, l’hyperbole des chevilles, le pied d’acier bleu, la mammite huileuse, la congrégation du foie, l’ombilic des limbes, le syndrome du canalplus, le cancer du colonel, le schpounz de Bourvil, la parésie épique, le déplacement proustique de la vertèbre frontale, le ballonnement de l’ostensoir (ou hypertrophie du tabernacle), le culpa du méat, la maladie d’Argan, la ménopause des jeunets, le jérome du petit cheval antérieur, l’aquoibonisme d’Oblomov, le page-turning de Loupias, le renversement du contrepoint, le glouic du mollet, le mobilome malin, la musicorrhée, l’épitrochleuasme, la fièvre touitte, la dermatose involontaire, l’hépatite A+B=C, l’insuffisance de Croissandeau, l’antékyste, la viscose anale, la bicose vaginale, la bilenera de Barda, la racinite du garçon de café, la flatulence de Hamburger (ou œdème de Quick), l’intromission ecclésiastique, la tubérose des vents, l’asthme d’Haussmann (ou santose bépine), la douleur fantôme de Cendrars, la constipation du flic âgé, l’islamchiite, le métacarpe farci, la dégénérescence sinistre (ou mitoyenne), les fèces dans le ventilateur, l’anse Monaco (ou pied bot de stade 2), la colite inspirée, la vermiculite adsorbante, le topinambour tuberculeux, la crampe nabienne, la nécrose intégrale, le be-well de Bestseller, le clitorisque zéro (ou envie du pénis nain), l’invagination du périnée acoustique, la pestilence mandibulaire, la diathèse du troisième cycle, le théorème du gland, la tumeur bénigne de Bossuet, la libidimie du cha-ba-da, l’hyperscopie d’Arthur, le paulinisme (ou oncle incarné), le kaloskagathos permanent, la sniffomie de Bénichou, le botulisme de Lancelin & Badiou, l’éventaillose des doigts de pied (ou pilosisme de la main), le chpok cérébelleux de Suzuki & Yamaha, la lithiase protocolaire, le varus closus positif, la scorpionite de la collégienne, l’occlusion inopinée, la délation mitouïde, le reflux du couloir vestibulaire dominical, le pseudopode de Médina…

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(Dernière minute)
Chirac est mort. La foule se presse à l’Élysée pour signer le livre d’or. On piétine, on se bouscule. Le bruit et l’odeur!

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

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Les deuxième et troisième séries (Papiers recollés, Papiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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