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Une histoire de France sans œillères

Une histoire de France sans œillères

Par Guillaume Calafat

Depuis sa parucalation au début du mois de janvier, l’Histoire mondiale de la France (Seuil) s’est imposée comme un véritable phénomène de librairie. Dirigé par Patrick Boucheron, professeur au Collège de France et déjà pilote d’une riche et remarquée Histoire du monde au xve siècle (2009), coordonné par N. Delalande, Fl. Mazel, Y. Potin et P. Singaravelou, l’ouvrage soulève l’enthousiasme de la presse et des lecteurs en parvenant à concilier exigences de méthode, travail critique et art du récit. Une équipe de cent vingt-deux auteurs, historiennes et historiens de différentes générations, écoles, et sensibilités, se sont mis à l’ouvrage pour composer une œuvre tout à la fois ambitieuse et généreuse, spécialisée et accessible.

Loin de se présenter comme une construction linéaire tissée à partir de quelques images d’Épinal rebattues, cette Histoire mondiale de la France offre une collection de dates qui n’hésite pas à remonter jusqu’à 34 000 avant notre ère, dans les entrailles ardéchoises de la grotte Chauvet, jusqu’au temps présent et à l’année 2015 des attentats en France et dans le monde. L’ensemble est ainsi volontairement polyphonique et discontinu, invitant le lecteur à reconnaître la pluralité des points de vue, des temps et des espaces avec lesquels peuvent s’écrire, se lire et se comprendre l’histoire de France. C’est une histoire qui avance avec prudence, en s’efforçant d’expliquer les débats et les controverses historiographiques qui font progresser la discipline et qui remettent en question certains récits commodes ou simplistes.

Cette histoire propose surtout de ne pas considérer la France comme un isolat aux frontières étriqués et hermétiques, mais bien de l’expliquer avec le monde, c’est-à-dire en l’inscrivant dans des mouvements d’ensemble, des conjonctures globales ou, plus simplement, en faisant des pas de côté qui permettent de jeter un regard neuf sur des épisodes, des personnages ou des événements dont une lecture strictement nationale empêche de percevoir la nature ou de saisir toute la portée. Que faisaient exactement ces Phocéens à l’embouchure du Rhône vers l’an 600 avant notre ère ? Quelles langues parlait-on au temps du traité de Verdun en 843 ? Se souvient-on que Troyes abritait au xiie siècle l’un des plus grands rabbins commentateurs du Talmud ? Pourquoi le frère du sultan ottoman était-il retenu prisonnier dans une tour de Bourganeuf, dans la Creuse, à la fin du xve siècle ? De quelle manière l’orientaliste Antoine Galland a-t-il exactement compilé ses fameux « Contes arabes », plus connus aujourd’hui sous le nom de Mille et Une nuits ? Comment se fait-il qu’Auguste Comte et les positivistes soient à ce point influents au Brésil ? Et pourquoi la fin de la guerre d’Algérie se joue-t-elle aussi à Jérusalem ?

Dans cette histoire qui respire au rythme du monde, la France est reliée au Danube, à l’Empire ottoman, à la Perse, à l’Amérique du nord, au Siam, au Chili et jusqu’à la Nouvelle-Calédonie. Ses frontières et ses ambitions mouvantes rappellent l’ambivalence de ses ambitions conquérantes et de ses défaites, son rayonnement comme ses errements. De Vercingétorix à Napoléon et De Gaulle, d’Alesia à la Révolution et aux guerres mondiales du xxe siècle, on retrouve dans ce livre des figures et des épisodes familiers dont les auteurs s’efforcent toujours de dessiner les contours avec les nuances et l’ampleur du contexte. En cela, l’ouvrage reflète ce souci croissant des historiens de comparer ou, dans un registre différent, d’étudier les connexions et les circulations du passé pour mieux en décrire l’exacte composition.

Les réactions hostiles d’essayistes incompétents à l’égard de ce beau livre se révèlent d’ailleurs fort intéressantes. Ceux qui font prospérer leur petite entreprise de nostalgie sélective paraissent vraisemblablement débordés par cet ouvrage à succès qu’ils vont jusqu’à accuser d’être « au service de l’historiquement correct » (cette étrange expression est d’Eric Zemmour). Oui, « historiquement correct » devient une injure sous une plume qui ne cache même plus ses fraudes et ses méconnaissances. L’Histoire mondiale de la France a en effet ceci de précieux qu’elle rappelle que l’histoire est un métier et une méthode, avec ses protocoles de véridiction, ses codes, ses outils et ses doutes. Il s’agit d’une histoire modeste et ouverte, sans œillères, qui se présente comme une « promesse » et ne prétend nullement viser à une impossible exhaustivité. Ici se niche sans doute la principale différence avec les histoires closes et renfermées sur elles-mêmes : cette Histoire mondiale de la France admet ainsi qu’elle ne doit cesser de s’écrire et de se réécrire, pour le plus grand bonheur de celles et ceux qui la font et de celles et ceux qui la lisent.

Guillaume Calafat

(« Guillaume Calafat » photo D.r.)

Cette entrée a été publiée dans Histoire, LE COIN DU CRITIQUE SDF.

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commentaires

9 Réponses pour Une histoire de France sans œillères

Bihoreau, duc de Bellerente dit: à

Voilà un lire à lire.

Bihoreau, duc de Bellerente dit: à

Une France voulue par ses rois, le dernier étant de Gaulle. Le début de ses Mémoires de guerre l’illustre parfaitement; le Roi veut, agit en conséquence, le peuple suit, rechignant ou enthousiaste. Mitterrand a bien essayé, mais il lui manquait quelque chose que personne ne peut identifier.

Bihoreau, duc de Bellerente dit: à

Giscard parlant anglais le soir de sa victoire en 1974, le slogan anglais pour notre candidature olympique, le globish partout, les Français sont des veaux, des moutons, des laches. Tiens, mon clavier m’abandonne…

Bihoreau, duc de Bellerente dit: à

… ah, c’est revenu: lâches…

Petit Rappel dit: à

C’est un livre de collabo tendance PS, celui qui donna les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Hors cela, il n’y à rien qu’une anti-Histoire de France faite par un cuistre et son équipe.
MC

Petit Rappel dit: à

D’autant que présenter comme des découvertes La langue des Serments de Strasbourg, l’existence de Rachi de Troyes, Galland et le Comtisme Brésilien, relève plus de la salade niçoise que de l’exercice critique proprement dit. On cherche en vain une synthèse, une direction,une empathie quelconque pour ce malheureux pays, et la faiblesse du compte-rendu en souligne l’aspect « décrochez-moi ça » historique. Quand l’Histoire est faite par des Ephestions au petit pied, on peut s’attendre à des catastrophes. Celle de Mr Boucheron en est une, et on se retient de ne pas lui apàp)liquer les vers de Lignières sur Chapelain et sa Pucelle:
« ça fait dix ans qu’on parle d’elle
Dans six mois, on n’en diira rien. »
MC

Nicolas dit: à

Zemmour brait. Une choral d’âne a t’on déjà vu ca?

XYZ dit: à

La Réaction est toujours aussi farcesque dans ses pseudo-argumentaires poussiéreux.
Quand on pense que M. (pendez le haut et) Court mouillait son alèze quand le candidat Fillon s’est déclaré…cela en dit long sur son acuité politique. hi han hi han
Du balais, la Réaction, du balai.

oursivi dit: à

Pour saluer le grand Al

https://www.youtube.com/watch?v=wxeg61n981Y

Ah, n’est point du rap que cela !

Ce double album, sis au sommet de la première carrière d’AL, loin de la FM ripolinée où s’englua ensuite, est plus qu’une merveille, les musiciens le savent…

Et pour saluer le grand Lucien

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/black-and-blue-billie-holiday-1ere-diffusion-19061984?xtmc=malson&xtnp=1&xtcr=2

dont FCult a, à ma connaissance*, passé la disparition à la trappe de sa connerie usuelle…

AO

* à part l’excellentissime Phil Garbit

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