N° 87 Le Cadet des droits de l’Homme

Par Jacques Drillon

Le silence le plus accompli : quand on arrête, d’un coup, le fracas de l’eau remplissant la baignoire.

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Pierre-Laurent Aimard, qui, pour son enregistrement de L’art de la fugue, de Bach, a demandé (un an à l’avance) cinq réglages différents du même piano : « situation clavecin », « situation clavicorde », « situation orgue », « situation chambre » et « situation ensemble », en fonction du caractère de chaque fugue.
Curieusement, ces précautions étonnantes n’ont pas amélioré son jeu, docte et lourd.

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Pour avoir l’air riche, croiser son écharpe dans l’encolure de son manteau, en évitant d’y faire trop de plis :

Et le tour est joué.

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L’exploit que cela représente (et le courage que cela demande, en hiver) de sortir de la station Cadet malgré le vent qui s’y engouffre en permanence, trois cent soixante-cinq jours sur trois cent soixante-cinq. Les stations venteuses ne manquent pas dans le métro parisien, mais Cadet est la plus venteuse de toutes les stations venteuses du métro parisien.

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Paul Otchakovsky-Laurens, qui faisait deux cents pompes tous les matins, d’après Emmanuel Carrère.

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Le professeur de philosophie Francis Wolff, qui parle de la « Déclaration des droits humains de 1789 », poussant le zèle jusqu’à changer le titre d’un texte dans le sens d’un politiquement plus correct. On imagine les dégâts causés dans l’esprit de ses étudiants.

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La Fiat 500 d’aujourd’hui, aussi large qu’une berline familiale des années 1980, comme la 504 Peugeot.

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Prendre la vie du bon côté : en levrette.

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Les principes qu’il faut commencer par respecter si l’on veut espérer ne pas trop massacrer Mozart :
– Toujours allonger d’une note les liaisons écrites (surtout au-delà de la barre de mesure)
– Détacher, et non piquer, les notes surmontées d’un point ; ne piquer que celles qui sont surmontées d’une griffe (préférer les éditions qui font la différence).
– Jouer fort ce qui est écrit forte, et doux ce qui est écrit piano, en évitant les nuances intermédiaires, et les cresc. ou decresc. intempestifs.
– Faire tout chanter, même les gammes, même les arpèges, même les trilles.
– Aller au bout de la phrase.
– Prendre garde à ne jamais rien précipiter.
– Repérer toute les résolutions de dissonances, d’appogiatures, de retards : reprendre, pour jouer la résolution, le point de dynamique auquel on est arrivé à la fin de la dissonance : si pendant la dissonance le son a décru de 5 à 2, par exemple, jouer la résolution à 2.  Ne jamais attaquer une résolution.
– Ce qui est lié de deux en deux doit être articulé de deux en deux, la seconde note étant légèrement plus courte que la première.
– Lorsque se présente la figure très courante petite note+croche+deux doubles croches, ne pas jouer comme si Mozart avait voulu quatre doubles régulières : il ne se serait pas donné le mal d’écrire autrement s’il avait désiré ces valeurs égales.
– Se demander pourquoi il met des notes et pourquoi il n’en met pas. Par exemple, pourquoi il préfère ici une basse d’une ronde, et là de deux blanches identiques. En déduire la carrure rythmique.
– Et faire entendre les silences écrits.
– Respecter le solfège de l’époque (ornements sur le temps, attaqués presque toujours par la note supérieure, menuets battus à un temps, etc.).
Bien entendu, tout cela ne suffit pas. À l’exception de la dernière, qui n’est pas la plus importante, Richter observait ces règles, et butait pourtant contre une porte fermée, comme le glucose contre la paroi cellulaire du diabétique. Trop scrupuleux, sans doute. Kurtág, compositeur non pianiste, entrait dans ce monde comme s’il n’y avait pas eu de porte : il est chez lui.

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Les obsolètes : la pointe de vernis à ongle pour « stopper » un bas qui file.

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Les banquiers, tenus de poser à leurs clients « investisseurs » des questions techniques pour évaluer leur niveau de connaissance, comme : « Le marché des valeurs à terme a-t-il une influence sur le cours des titres de SCPI détenus dans le cadre d’un Exchange trade fund ? Oui, non, ne sait pas. » Questionnaire à l’issue duquel le client se voit attribuer un des trois «  profils », qui sont, par ordre décroissant de compétence : « Expérimenté », « Confirmé », « Classique ».

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Personne ne sait
Comment on fournira de l’électricité à tout le monde, quand chaque soir les gens rechargeront leur voiture électrique.

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Le matraquage covid, sans équivalent dans l’histoire. Partout des annonces, des recommandations, des conseils, des rappels, et depuis des mois. Incrustés sur les écrans de télé, diffusés à la radio toute la journée, imprimés sur n’importe quelle surface, dès qu’il y a un peu de place. Jusque sur les biscuits.

On vous tutoie. Et l’on n’écrit même pas « tu as pensé », encore moins « as-tu pensé », mais « t’as pensé ». Idée caca, français caca.

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(Dernière minute)
L’humiliation qu’on éprouve à devoir obéir à une directive énoncée par Jean Castex. Il est moins odieux de se soumettre à l’une de ses interdictions, car les interdictions sont presque toujours l’apanage des gens de son espèce, que de bénéficier d’une de ses autorisations. C’est dire l’estime en laquelle on le tient.

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(Pro domo, rappel)
Vient de paraître :

 
Ce volume reprend les Papiers recollés, deuxième série de Papiers, parus sur le site Bibliobs.com en 2017. Un volume de 168 pages, cahier couleur, 20 €. Disponible sur commande en librairie ou chez l’éditeur : par lettre (Du Lérot, 23 Grande Rue 16140 Tusson), par mel (du.lerot@wanadoo.fr), en ligne (http://www.dulerot.fr), ou par téléphone (05 45 31 71 56 – 05 45 31 63 25).
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(Tous les vendredis à 7h 30)

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La troisième série (Papiers découpés) fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).