N° 97 La chasse d’eau de Marlène Schiappa

Par Jacques Drillon

Le contrat que Debord avait signé avec Gallimard/Pauvert. Une clause stipulait que nul n’avait le droit de lui téléphoner, hormis Antoine Gallimard et Jean-Jacques Pauvert.

*

Contrario motu
Doguereau, le « libraire » d’Illusions perdues. Il part voir Lucien de Rubempré pour lui prendre son manuscrit. Il pense lui en donner mille francs ; mais se ravise en voyant l’hôtel où le jeune auteur est logé. « Il n’a que des goûts modestes. » Ce sera huit cents. Il monte au dernier étage, arrive dans une soupente. « Si ce jeune homme gagnait trop d’argent, il se dissiperait, il ne travaillerait plus. » Six cents. Il entre dans la chambre, « d’une nudité désespérante ». « Qu’il conserve ces mœurs simples, cette frugalité ! » Quatre cents.

*

Le printemps, qu’on sent arriver en ville plus qu’à la campagne.

*

Épenthèse
Le ministre de l’Intérieur, que tout le monde appelle Géralde Darmanin. Bien fait.

*

« Rabbin », qui a échappé à la féminisation des noms de fonction. On dit « femme rabbin », « la rabbin ». Nous avons donc échappé non seulement à « rabbine », mais aussi à « rabbineuse », « rabbinesse », et surtout à « rabbinetrice », qui nous menaçait.

*

Les plats de pauvres, devenus plats de riches par l’ajout de mille choses beaucoup plus intéressantes que ce qui les constituait principalement. Trop de chou dans la choucroute, de riz dans la paëlla, de graine dans le couscous, de haricots dans le cassoulet…

*

Les livres érotiques de Marlène Schiappa, ministre chargée de la citoyenneté, publiés sous le pseudonyme de Marie Minelli :
Osez réussir votre divorce (La Musardine, 2012)
Osez les sexfriends (La Musardine, 2013)
Sexe, mensonge et banlieues chaudes (La Musardine, 2014)
Osez 40 histoires érotiques de Noël (Collectif, La Musardine, 2014)
Les filles bien n’avalent pas (La Musardine, 2014)
150 endroits où avoir fait l’amour au moins une fois (First, 2014)
Comment transformer votre mec en Brad Pitt en 30 jours (La Musardine, 2015)
Osez la première fois (La Musardine, 2015)
Osez l’orgasme féminin (La Musardine, 2019)

*

Deux verbes bien différents : dédier (le contenu d’un livre) et dédicacer (un exemplaire de ce livre). Un seul substantif pour l’un et l’autre : dédicace.

*

L’acharnement des journaux contre ceux qui ont fréquenté, ou seulement connu, les pestiférés d’aujourd’hui, notamment ceux qui ont contrevenu hier à la loi d’aujourd’hui. Les articles venimeux, haineux, répétiteux…
« Retour à l’ordre moral », analyse-t-on. Retour ? « Une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le plaisir de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores » (Théophile Gautier, Mademoiselle Maupin, 1835).

*

La fumée qui sort des bouches d’égout new-yorkais.

*

Personne ne sait
Pourquoi, depuis que « la parole a été libérée », il faut faire de plus en plus attention à ce qu’on dit.

*

Les petits enfants qui courent vers l’école, leur énorme sac à dos rempli de livres et de cahiers. Déportés par ce poids, ils vont en zigzag.

*

Personne ne sait
Ce qui prévaut lorsqu’on lit les lettres d’amour des autres, du découragement, de la perplexité ou de l’agacement.

*

Le plus difficile à faire quand on est tiré d’un sommeil profond et qu’on voudrait continuer de dormir : non pas remuer un membre, pas même ouvrir un œil, mais parler.

*

Les Japonais, qui masquent les bruits qu’ils font aux toilettes avec des générateurs électriques de bruits de chasse d’eau. (Ils ne sont pas allés chercher bien loin. Ils auraient pu diffuser très fort des chansons des Rolling Stones, mais ça faisait des sons de merde aussi.)

***********

(Dernière minute)

Difficile de savoir si nous avons froid, très froid, pas froid du tout. Heureusement les journaux, la radio, la télévision, nous renseignent sur la température qu’il fait. Et surtout la carte des alertes !  » Alerte rouge  » signifie que j’ai très froid quand je sors. 

*

Les flics américains, qui ont trouvé un moyen d’empêcher les réseaux sociaux de diffuser des vidéos qui les montrent en train d’agir. Dès qu’ils se savent filmés, ils diffusent des chansons des Beatles sur leurs propres téléphones, chansons qui seront forcément présentes sur la bande-son des vidéos. Les algorithmes des réseaux sociaux identifieront automatiquement la chanson, considéreront que les droits d’auteur sont violés, et supprimeront la vidéo. C’est malin, et c’est joli : ils tabassent en musique.

j.drillon@orange.fr
(Tous les vendredis à 7h 30)

Si vous n’avez pas reçu le lien sur lequel cliquer pour accéder à ces Petits Papiers, c’est que vous n’êtes pas abonné. Vous pouvez le faire en écrivant à j.drillon@orange.fr, en mentionnant « m’abonner » dans le champ « sujet » ou « objet » du message. Les adresses skynet.be et gmail.be ne fonctionnent pas.

*

La troisième série de petits Papiers (Papiers découpés), parus sur Bibliobs.com, fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014), la deuxième (Papiers recollés) sous le titre Le cul rose d’Awa (Du Lérot 2020, disponible sur commande en librairie ou chez l’éditeur, http://www.dulerot.fr).