N° 122 Une baguette bien blanche

Par Jacques Drillon

Personne ne sait
Dans quel genre d’usine on fabrique le raisin Italia.

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Comment se présentent les partitions de musique vocale dans les langues qui se lisent de droite à gauche ?

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Beckett, écrivain du parfait français, qui avait conservé son accent irlandais.

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(Beckett, suite)
Après « Il faut que tout change pour que rien ne change », « Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde », « Ce qui ne me tue pas me fortifie », la citation à la mode est : « Rater, rater encore, rater mieux ». Le propre d’une citation à la mode est d’être un peu obscure, paradoxale ; car la mode est maligne : elle fait en sorte que chacun trouve ce qu’il apporte.

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Ceux qui font entrer leur vie dans des tableaux Excel. Celui-ci, qui note les filles qu’il rencontre ; celui-là, qui consigne tous les matins sa fréquence cardiaque ; celui-là ses dépenses journalières, depuis quinze ans. Le nombre de pas quotidiens (tels qu’indiqué par un iPhone), l’humidité relative du salon, la consommation d’essence de la voiture… Avec courbes, graphiques, fromages.

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Cette robe amorphe, tricotée dans une laine vaguement marron, et surpiquée de dessins ridicules, plus ou moins celtiques, et qui lui fait une poche au ventre, elle l’a choisie. Elle est entrée dans une boutique, a dit « je veux celle-ci »; peut-être même l’a-t-elle essayée. Elle l’a payée avec un bon argent sans doute durement gagné, emportée chez elle, déballée, enfilée. Aujourd’hui, elle la porte.

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Les obsolètes : des films en costumes réussis ; tous sont rendus cocasses par une manière de filmer qui doit tout à la télévision, et des acteurs qui de leur vie n’ont parlé, n’ont bougé comme les personnages dont ils endossent la tenue. Acteurs auxquels plus personne n’est capable d’enseigner la manière d’être.

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(Suite)
Jean-Pierre Marielle posant ses gros doigts sur une viole de gambe. À-t-on jamais ri comme devant cette chimère ? Et Depardieu en Marin Marais ! Pourquoi pas Bourvil en Blaise Pascal ?

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Alain Bosquet vendant une lettre de Beckett pour en acheter une de Rimbaud.

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Faire le geste attendu, prononcer la parole espérée.

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Cerises.
Communément prononcé « des srises », pendant dix mois de l’année. La prononciation « des cerises » est plus rare, plus brillante, plus juteuse. Aussi rare que le fruit lui-même, qu’on ne trouve dans les marchés qu’au début de l’été. Un fruit qui ne fait que passer et qui, à cette époque de l’année, mérite toutes ses voyelles.

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À deux dans une voiture isolée par une pluie violente. Intimité.

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Les gens qui évitaient Giacometti, de peur qu’il ne leur raconte une fois de plus comment il avait découvert brutalement la difficulté de percevoir et de dessiner.

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– J’ai arrêté de fumer.
– Qu’est-ce que tu vas faire ?

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Exercices. Prononcer ces phrases, en mettant le ton :
Les chiens c’est fait pour aboyer !
Bonjour, Madame, je voudrais une baguette bien blanche.
Je n’ai rien à cacher !
Les étudiants et les étudiantes.
Vous n’empêcherez pas la langue d’évoluer.
Y a un manque, c’est net.
Un bon bouquin, et au lit !
Votre SUV, vous en êtes content ?
Étant absent, vous pouvez laisser un message.

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Dernière minute

Le fouteballeur argentin Lionel Messi a signé un contrat avec le Paris-Saint-Germain, qui a aussitôt fait réaliser un maillot qui porte dans le dos son numéro, son nom, et en gros sur la poitrine le nom de son « sponsor ». Curieusement, les personnes qui endossent ce maillot publicitaire ne sont pas rémunérées, mais au contraire paient fort cher le « droit » de le posséder (entre 83 € et 108 €). Une fois qu’elles ont acheté ce maillot ridicule, elles sont obligées de le porter.

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Le Muray de la semaine

« Déjeuner. Soudain, apparaît à table un gnome effrayant, une petite merde nickelée typique de notre époque, cheveux lissés au gel style golden boy Wall Street. C’est le mari d’une des filles de nos hôtes. Leur gendre. Sa voiture est bourrée de clubs de golf. Entre lui et moi, le courant de l’antipathie passe tout de suite très bien ; et encore mieux quand j’apprends qu’il vient d’ouvrir une agence de voyages. Le pays qu’il a l’intention de détruire en priorité ? Comme tout le monde en ce moment, le Viêtnam. Bien entendu, j’ai instantanément envie de lui casser les dents à coups de marteau. »

(Ultima necat, tome IV)

j.drillon@orange.fr
(Tous les vendredis à 6h 30)

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La troisième série de petits Papiers (Papiers découpés), parus sur Bibliobs.com, fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014), la deuxième (Papiers recollés) sous le titre Le cul rose d’Awa (Du Lérot 2020, disponible sur commande, en librairie ou chez l’éditeur.