de Pierre Assouline

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La République des livres
Aragon, combien de divisions ?

Aragon, combien de divisions ?

Louis Aragon (1897-1982), combien de divisions ? Cinq Pléiades pour les romans, deux pour la poésie et désormais une pour les Essais littéraires (sous la direction d’Olivier Barbarant avec la collaboration de Marie-Thérèse Eychart et Dominique Massonnaud, 2064 pages, 80 euros, Gallimard), tous les Aragon étant ainsi consacrés sur papier bible en huit tomes. Autant de divisions. Peu peuvent en dire autant. La réunion de son œuvre critique presque complète dans sa dimension littéraire propose un peu d’inédit, quelques introuvables et surtout d’indispensables retrouvailles avec des textes lus, connus et reconnus. Préfaces, chroniques, fragments, articles, et même, convenons-en, des essais en bonne et due forme car ainsi décrétés par l’auteur même quoique d’une veine nettement pamphlétaire tel le fameux Traité du style dont l’énergie étincelle comme en 1928 même si l’effet de souffle d’une provocation surréaliste s’est quelque peu émoussé entre temps.

L’essai littéraire apparait en l’espèce comme un genre un peu fourre-tout, tant et si bien que l’on y aurait volontiers inclus l’un de ses chefs d’œuvre parmi les moins considérés et, partant, comme des plus méconnus : je veux parler d’Henri Matisse, roman qui est tout sauf un roman et qui, à vrai dire, ne ressemble à rien de répertorié sinon à un défi lancé à la biographie ; mais il est vrai que le volume annonce la couleur et que ses maitres d’œuvre ont resserré la focale sur les essais littéraires ce qui permet par exemple de ne retenir que la moitié littéraire de L’Homme communiste à l’exclusion de son autre moitié politique. Parfois, même lorsque l’essai était à dominante littéraire, il a été exclu de la sélection par crainte de demeurer inintelligible au lecteur du XXIème siècle, le cas de Littératures soviétiques (1955) dont la plupart des noms, pour ne rien dire des enjeux et des références, sont désormais inconnus du public, ce qui aurait exigé un appareil critique étendu qui aurait alourdi un volume fort déjà de deux mille pages. Aragon n’était pas seulement très cultivé en grand lecteur vorace qu’il ne cessa jamais d’être, il demeurait particulièrement informé- ce qui rend plus impardonnable encore tout ce qu’il savait du totalitarisme soviétique et qu’il a longtemps tu.

Pas toujours facile de s’y retrouver dans le maquis des réécritures et le souci de contextualisation après coup mais les maitres d’œuvre de cette édition se portent garants de la « stabilité » du sens des textes. Les corrections de l’après coup ne sont pas dissimulées, ni les regrets et repentirs. Encore ne s’agit-il que d’une sélection tant l’auteur fut prolixe. Un tel écrivain décourage l’exhaustivité. Tous ses articles des Lettres françaises sur un demi-siècle ne s’y trouvent pas tant il en a écrit mais Olivier Barbarant, à la tête de cette édition, assume le choix subjectif de la sélection. Au fil des pages, Aragon apparait plus que jamais saisi dans une tension sur une ligne de crête entre deux fidélités : avant-garde surréaliste et réalisme socialiste. Il s’en trouva même pour lui fabriquer un oxymore sur mesure à défaut d’être à sa mesure : « le surréaliste réaliste-socialiste ». Contrairement à Gide, si Aragon n’a pas écrit de Retour d’URSS, c’est que lui n’a pas cessé d’aller et venir dans la patrie de l’avenir radieux. Libre à chacun d’éprouver la sincérité ou la mauvaise foi d’Aragon lorsqu’il se livre à l’autocritique dans Pour expliquer ce que j’étais (1943)

En toutes choses il ne cesse d’écrire en poète puisqu’elle irrigue toute son écriture- et l’on comprend que ce soit difficile à admettre face à certains textes du militant. Mais tous les Aragon en lui sont convoqués dans chacune des lignes qu’il a tracées. Jamais il ne cessa au fond d’être surréaliste, communiste, poète, romancier, essayiste, journaliste. L’œuvre poétique se laissait lire aussi lire aussi en la décryptant comme des Mémoires qu’il se refusait de donner comme telles. Ne prévenait-il pas :

« Tout m’est également parole » ?

Allez ranger, classer après cela… Pas facile d’être éditeur pour la Pléiade avec un auteur qui s’est plu à dynamiter les genres (Le Paysan de Paris est proprement inclassable). Il serait vain, comme ce fut longtemps la règle académique, de le découper en tranches et en autant de périodes successives. La leçon qui se dégage par exemple de Je n’ai jamais appris à écrire ou Les Incipit (1969) n’a rien perdu de sa pertinence ; tout handicapé de l’insurmontable première phrase du roman à écrire y trouvera un signalé service (à la relecture des textes originaux de Blanche ou l’oubli ou de La Mise à mort, par exemple, la chercheuse Julie Morrison avait été frappée de ce que la phrase d’incipit ne soit pas la seule à enclencher l’écriture, chaque parcelle du roman en faisant tout autant, poursuivant une relance sans fin). J’abats mon jeu, réflexions sur les relations aussi complexes qu’ambiguës que le roman entretient avec l’Histoire. Une vague de rêves (1924) résonne comme son propre manifeste du surréalisme. Quant à Hugo dont il se sert (Hugo, poète réaliste) tout en voulant le servir (Avez-vous lu Victor Hugo ?), on dira que le génie national n’en avait pas vraiment besoin même en des temps où une vision marxiste de la société dominait dans l’Université.

« C’est avec les jeunes sots qu’on fait les vieux cons » (Aragon)

Barrès (mais oui ! évoqué même en 1948 comme un « « extraordinaire ouvrier de la prose française » ! ), Lautréamont, Stendhal, Desnos, Châteaubriand y côtoient Desbordes-Valmore, Eluard, Lewis Carroll, Sand et même Christie (parfaitement, Agatha). Une sacrée bousculade à laquelle se mêlent également Colette, Rimbaud, Racine et Guillevic. Sur une durée de plus d’un demi-siècle, différentes visions du monde et conceptions de la littérature s’y succèdent mais in fine, ce qui en fait l’unité et le ciment, c’est bien son art poétique qui ne s’interdit aucune digression, aucune ressource de la liberté de l’esprit, bien loin des dogmes du Parti dont il fut membre du comité central officiellement de 1950 à sa mort. En aura-t-il avalé des couleuvres en se taisant pendant les grandes crises (crimes du stalinisme, complot des blouses blanches, rapport Khrouchtchev, révolte polonaise, insurrection hongroise, révélation sur le Goulag…) et en pratiquant de grands écarts pour soutenir des dissidents soviétiques ou d’Europe centrale. On se demande parfois s’il ne s’appliquait pas à se rendre incompréhensible. Il est vrai que le casier est également lourd qu’il s’agisse du pacte germano-soviétique (et son fameux « Vive la paix ! »), de son rôle au Comité national des écrivains ou de son attitude durant l’épuration. Pas facile avec un écrivain qui plaide pour le mentir-vrai sans jamais sacrifier son souci du réel. On se souvient comment son biographe Philippe Forest a montré ce que le personnage peut avoir de « tordu », cynique et calculateur, joueur fasciné par le pari, accumulant des contradictions qui ajoutent à sa complexité.

« Sa façon simpliste de se référer au marxisme, le ton exalté, lyrique et excessivement enthousiaste doivent s’expliquer par le contexte historique, la personnalité d’Aragon, ce en quoi il croyait. On sait que beaucoup d’écrivains avaient la même optique que lui ou s’en rapprochaient. Plus difficiles à faire comprendre sont les références à Staline qui, pour Aragon, et d’ailleurs beaucoup d’autres, n’était pas le personnage que nous connaissons. Il était l’homme qui conduisait tout un peuple sur la voie révolutionnaire. Ce qui est maintenant présenté comme stalinien avec tout ce que ce mot peut comporter de négatif, était à ses yeux et l’est longtemps resté, la voie révolutionnaire » (Marie-Thérèse Eychart)

Pas sûr qu’on lui rende service, et qu’on rende justice à son œuvre, en louant si souvent sa virtuosité, jusques et y compris dans ses essais. Une anaphore passée à la postérité (« Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant/ Vingt et trois… ») ne suffit pas à faire oublier son appel aux « Soviets partout ! » dans la France de 1934. Mais refuserait-on de lire Flaubert en raison de ses positions politiques sur la Commune, Baudelaire sur le second Empire, Victor Hugo parce qu’en 1832 il était monarchiste libéral etc ? Longtemps, Aragon fut l’alibi pratique d’une droite excipant de son ouverture d’esprit en louant haut et fort son œuvre poétique pour mieux mépriser le reste. François Nourissier, qui fut de ses fidèles, se sentait tenu, lui, de monter au front pour clamer la puissance subversive de Blanche ou l’oubli de « cet aîné magnifique et déroutant ». C’était un duelliste dans l’âme (son père l’amena jeune à la salle d’armes) qui montrait une grande capacité à réagir positivement à l’impossible, quitte à vivre en permanence au bord du chaos. C’est peu dire qu’il aimait foutre le bordel : il n’était jamais meilleur que dans les situations de crise, de débâcle et de débandade.

On trouvera aussi dans cette ultime Pléiade quelques utiles piqures de rappel sur des faits méconnus tout à son honneur. Ainsi sa préface à La Plaisanterie de Milan Kundera, texte et auteur qu’il avait apportés à Gallimard en plein « printemps de Prague » par lui soutenu. Alors, que faire d’Aragon en 2025 ? Le lire, pardi ! Les enjeux liés au communisme ayant été emportés avec l’effondrement du mur de Berlin, Aragon et son œuvre souffrent désormais de l’indifférence, ce qui est pire. Il est temps que le monument sorte du purgatoire. Mais tout est à prendre dans cette « œuvre mosaïque » et les Essais littéraires ajoutent à son génie pour le meilleur et, parfois, pour le pire.

(« Louis Aragon » photo D.R. dessins Henri Matisse, 1943)

Cette entrée a été publiée dans Essais, Histoire Littéraire.

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517 Réponses pour Aragon, combien de divisions ?

puck dit: 26 juin 2025 à 20h39

« Mais il ne s’agit pas simplement de faire la grève (du sexe), il faut discuter, s’affronter… »

closer si, dans les rapports homme femme au sein des couples mariés devant Mr le Maire, vous deviez faire une hiérarchie entre :
– faire la grève du sexe
– s’affronter
– discuter
vous les mettriez dans quel ordre ?

parce que je ne sais pas si vous avez bien lu cette pièce mais ce qui fait plier les mecs, c’est pas trop la discussion et l’affrontement.

comprenez moi bien, je ne veux pas dire que la grève du sexe soit à un tel point la routine dans votre vécu personnel que c’est un truc qui vous semble un élément tout à fait marginal dans cette histoire, vous me connaissez, je n’oserai pas insinuer ce genre de chose, n’empêche que pour 99% des lecteurs menant une vie à peu près normal c’était quand même l’argument essentiel.

sérieux sinon je ne vois pas trop l’intérêt de l’ajouter dans cette histoire : une pièce sur des femmes qui ont juste un caractère de cochon sérieux je pense qu’elle serait tombée dans l’oubli total.

rose dit: 26 juin 2025 à 21h04

L’Encyclopédie Britannique en moins de 400 pages ?

Pablo 75
399
Écrit à Big Sur, Californie,
mai 1955-juin 1956

J’étais pas née.
Je suis page 375.
Je peux pas le finir, parce que, ensuite, que vais-je devenir ?

x dit: 26 juin 2025 à 22h18

Eh bien, me voilà obligée de le reconnaître : je ne fais pas partie du très petit nombre des élus dont le jugement de LA valeur littéraire des œuvres est si impeccablement objectif, si parfaitement dépourvu de toute impureté personnelle qu’il opère dans des conditions de laboratoire et se trouvera donc infailliblement coïncider avec celui du Temps (la postérité idéale, telle qu’elle devrait être si elle était elle-même dégagée de toute contingence), une sorte de Jugement dernier en la matière.

Je dois avouer que j’envie à ces élus, peut-être plus encore que leur prescience, leur remarquable capacité d’intégration de TOUS les paramètres et cette maîtrise souveraine de leur subjectivité, une aussi exceptionnelle (surhumaine ?) transparence à eux-mêmes.

N’appartenant pas au club des Clairvoyants Jamais Dupes (ni des autres, ni de soi), je peux bien confesser n’avoir découvert Aragon que fort tardivement : peu m’importait sa place dans l’histoire littéraire française, l’image de l’auteur constituait pour moi un véritable repoussoir — quant à son œuvre poétique, je croyais la connaître en extrapolant à partir de quelques échantillons.
Inutile de m’étendre sur le plaisir pris à la lecture (Le Paysan de Paris, Aurélien, Les beaux Quartiers, La Mise à mort, Le Roman inachevé, La Semaine sainte, et même, oui MC, Blanche ou l’oubli, Les Poètes…) et le regret d’avoir tant attendu, l’idée que j’aurais pu passer à côté, puisqu’il semble que c’est précisément là que je me fourvoyais, en demi-habile : j’ignorais manifestement que le monde, l’époque (seulement lors des retours de balancier ? gare au contretemps) peuvent avoir des opinions très saines.
D’ailleurs, indépendamment de ma propre opinion actuelle sur les œuvres de tel ou tel auteur, mes doutes, mes repentirs, l’aveu même que j’en fais, ne témoignent-ils pas contre moi ?

J J-J dit: 26 juin 2025 à 22h29

@ puck dit: 26 juin 2025 à 20h10
d’H. James : les lettres d’Aspern.
De mon temps, je l’ai lu sous le titre français : « les papiers d’Aspern ». Bof.

@ Je peux pas le finir, parce que, ensuite, que vais-je devenir ? ///
Pas de soussi marcoussi, embarquez-vous sur « le Colosse de Maroussi ». Mais surtout pas sur sa correspondance de cul avec l’Anaïs Nin et ses 5 épouses, ni avec Plexus ou Nexus, devenus trop ringards. Miller Henry était un scribouillard bien trop hétéro à son époque pour intéresser durablement l’RDL d’aujourd’hui. Hein, de quoi ?
(@ dirPhil, mister that’s a folk ! 🙂 BNàv

J J-J dit: 26 juin 2025 à 22h35

@ Petite x, dormez en paix et ne vous laissez point tyranniser par lesz connards habituels. Vous écrivez bien. Pourquoi vous sous estimer de n’avoir point lu Aragon « à temps » et y avoir pris tardivement grand plaisir ? Ce n’est pas bien. Je dirais même, un brin ridicule. Ne faites pas votre Clopine… J’ai trop de respect. D’ailleurs, j’ai grand plaisir à vous CC.
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Eh bien, me voilà obligée de le reconnaître : je ne fais pas partie du très petit nombre des élus dont le jugement de LA valeur littéraire des œuvres est si impeccablement objectif, si parfaitement dépourvu de toute impureté personnelle qu’il opère dans des conditions de laboratoire et se trouvera donc infailliblement coïncider avec celui du Temps (la postérité idéale, telle qu’elle devrait être si elle était elle-même dégagée de toute contingence), une sorte de Jugement dernier en la matière.
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Bàv,

x dit: 27 juin 2025 à 1h02

Un brin sarcastique, quand même (du moins quant à la circularité de la « preuve »).
Cela dit, si l’on met la capacité de douter au nombre des vertus intellectuelles, le ridicule le plus achevé serait de se croire soi-même infaillible : qui sait si une analyse précise (et en quelque sorte « désintéressée ») des procédés et du fonctionnement de tel ou tel texte ne fera pas évoluer à nouveau mon appréciation — sans pour autant renier le plaisir que j’ai pu y prendre ? Et la catégorie du demi-savant a trop de dégâts à son passif pour que l’on puisse envisager sans frémir le risque d’en faire partie.

rose dit: 27 juin 2025 à 4h20

Golfarahani, iranienne, écrit en arabe.
Immigrée ici, sans gré mais avec force, et l’amour pour la France, heureuse comme dieu en France, elle écrit en arabe et crie en arabe, écrit, comme c’est beau, en arabe aussi. Je la lis, et je l’entends crier sa douleur.
https://www.instagram.com/reel/DLYIDOwNyRB/?igsh=NmphZmluc3Bkbzl4

1/comment évoluer sans casse ?
2/ non, définitivement à la guerre.

rose dit: 27 juin 2025 à 4h27

Déjà lu, partiellement, le journal d’Anaïs Nin et un des deux, Plexus ou Nexus, à vingt ans.
Big Sur vaut trente fois les autres, de par le quotidien et les copains racontés. Non seulement Henry ne chipote pas sur un café, non, pas lui, mais il héberge sur de longues périodes jusqu’à ce que l’autre reprenne ses esprits et sa route, calme et serein.

MC dit: 27 juin 2025 à 4h35

C’est le doute et la perception d’un savoir faire virtuose qui pertmettrnt de sauver une partie de la poésie d’ Aragon. Pour le reste, le problème se pose de savoir si , comme St Saens, il n’a pas vécu trop longtemps. Face à un Malraux, je suis désolé de dire que les romans ne tiennent pas , surtout ceux de l’esthétique du pastiche façon Semaine Sainte, ou pire, en un genre different, Blanche ou l’ Oubli…. MC

B dit: 27 juin 2025 à 4h59

Miller Henry était un scribouillard bien trop hétéro à son époque pour intéresser durablement l’RDL d’aujourd’hui. Hein, de quoi ?

Je sais que ce cher Miller est detesté des femmes qui l’estiment misogyne ou sexiste ou macho néanmoins je l’aime beaucoup, lu quelques uns de ses bouquins avec beaucoup de plaisir, pour sa liberté. J’ai meme pleurer de rire à l’évocation de ses tentatives d’aquarelliste, beaucoup d’humour et meme s’il m’est arrivé de suspecter un peu de mythomanie concernant se prouesses sexuelles il reste un des auteurs qui me donnent envie de vivre encore.

B dit: 27 juin 2025 à 5h03

Vous écrivez bien. Pourquoi vous sous estimer de n’avoir point lu Aragon « à temps »

3J, mon avis est que vous souffrez d’une déformation professionnelle, vous étiez prof? C’est bien cela? Il vous en reste ce coté évaluateur.

renato dit: 27 juin 2025 à 5h11

Comment se fait-il que quelqu’un oublie un enfant dans la voiture avec les températures des derniers jours ?

B dit: 27 juin 2025 à 5h38

– faire la grève du sexe
– s’affronter
– discuter

Grève pour tout, à quoi bon dépenser son énergie avec des etres obtus, inaptes, incompétents, prétentieux, présomptueux, concupiscents, inconstants, nécessiteux, potentiellement dangereux, assurément cons, certainements nuls au lit.

Chaloux dit: 27 juin 2025 à 5h48

@vedo Cette histoire de contrat Aragon se trouve peut-être dans le Journal de M. Galey. Je regarderai ce week-end.

MC dit: 27 juin 2025 à 5h52

Tiens, dans le genre la Nation est un sophisme et la France n’existe pas, l’institurice méchante, perverse et grotesque, qui répond au doux nom de Sardine Rousseau vient encore de frapper…qui nous délivrera de cette Khmere verte, comme on n’ose plus dire? MC

Jazzi dit: 27 juin 2025 à 7h27

« ensuite, que vais-je devenir ? »

Lire « Jours tranquilles à Clichy » et « Printemps noir », le plus surréaliste de ses romans-récits, rose !

______________

HENRY MILLER

Printemps de folie à Paris

Fils d’un tailleur de Brooklyn d’origine bavaroise et ne voyant pour lui aucunes perspectives d’avenir littéraire en Amérique, Henry Miller (1891-1980) vint s’établir un peu par hasard en France, au début des années 1930, sous l’impulsion de sa seconde épouse, June Miller. Pour lui, la vie de bohème à Paris fut plus qu’une fête, un perpétuel printemps d’amitié, de sexe et de découvertes, dont il sera chassé par la guerre, une décennie plus tard. Dans Printemps noir, son troisième texte, écrit en 1934-1935 entre Louveciennes, Clichy et la Villa Seurat, la citée d’artistes du XIVe arrondissement de Paris, l’auteur de Tropique du Capricorne mêle ses souvenirs d’enfance à Brooklyn au récit de ses expériences et déambulations parisiennes. Dans un style singulier, où l’on perçoit l’influence de l’écriture automatique des surréalistes et le lyrisme sombre de Lautréamont. Mais à la différence de ce dernier, chez Henry Miller, au-delà des drames de la condition humaine et des galères personnelles, toujours prédomine la joie de vivre : « C’est aujourd’hui le troisième ou le quatrième jour du printemps, et me voici assis à la place de Clichy en plein soleil. Aujourd’hui, assis au soleil, là, je vous dis que je me fous complètement que le monde aille à sa ruine ou non ; je me fous que le monde ait raison ou tort, qu’il soit bon ou mauvais. Il est : et ça suffit. Le monde est ce qu’il est, et je suis ce que je suis. »

« Sur la butte, dans la nuit de printemps, seul dans le ventre géant de la baleine, je pends la tête en bas, les yeux en sang, les cheveux blancs comme des vers. Un ventre, une carcasse, le grand corps de la baleine pourrissant comme un fœtus sous le soleil mort. Hommes et poux, procession ininterrompue vers le monceau de larves. Voici le printemps que Jésus a chanté, l’éponge aux lèvres, au trémoussement des grenouilles. Pas de trace de rouille, pas de tache de mélancolie. La tête qui pend entre les cuisses, dans un frénétique rêve noir, le passé qui sombre peu à peu, image du forçat auquel on rive son boulet. Dans chaque matrice, le piétinement des sabots de fer, dans chaque tombe, le hurlement d’un obus. Matrice et obus et dans le creux de la matrice un idiot adulte qui cueille des boutons d’or. Homme et cheval fondus en un seul corps, douces les mains, fendus les sabots. Les voici venir en interminable procession, les prunelles en feu et les crinières flamboyantes. Le printemps monte dans la nuit avec le rugissement d’une cataracte. Il arrive sur les ailes des juments, crinières au vent, narines fumantes.
Je remonte la rue Caulaincourt, je traverse la passerelle des tombes. Petite pluie de printemps. Au-dessous de moi, les petites chapelles blanches où les morts gisent enterrés. Éclaboussure d’ombres déchiquetées qui tombe du lourd treillis du pont. L’herbe monte du fond de la glaise, plus verte maintenant qu’en plein jour. Herbe électrique qui reluit de carats chevaux-vapeur. Un peu plus haut, dans la rue Caulaincourt, je rencontre un couple. La femme porte un chapeau de paille. Elle a un parapluie à la main, mais ne l’ouvre pas. (…)
Je regarde à ma droite, et là, dans une rue oblique, se trouve précisément le Paris que j’ai toujours cherché. On peut connaître Paris rue par rue, et ne pas connaître Paris, mais quand on a oublié où l’on est, et que la pluie tombe doucement, soudain, au cours d’une promenade sans but, on découvre la rue qu’on a traversée maintes et maintes fois, en rêve – c’est justement la rue où l’on se promène maintenant. (…)
Apparemment, je ne rêve pas. Dès que je suis assuré que je ne rêve pas, une peur glacée me saisit. Si je ne rêve pas, alors je suis fou ! Et qui pis est, si je suis fou, je ne pourrai jamais prouver si je rêve ou non. Mais peut-être n’est-il pas nécessaire de rien prouver, me dit une pensée rassurante. Je suis le seul au courant. Je suis le seul qui a des doutes. (…)

Voici le printemps que Jésus a chanté, l’éponge aux lèvres, au trémoussement des grenouilles. Dans chaque matrice, le piétinement des sabots de fer, dans chaque tombe, le rugissement des obus. Caveau de hideuse angoisse, saturé de vers-anges suspendus à la matrice effondrée du ciel. Dans ce dernier corps de la baleine, le monde entier est devenu une plaie purulente. Lorsque la trompette sonnera de nouveau, ce sera comme si on pressait un bouton : le premier homme qui tombera poussera le second, et ainsi de suite à l’infini jusqu’à l’équateur, tout autour du monde, de New York à Nagasaki, de l’Arctique à l’Antarctique. Et en tombant, l’homme poussera l’éléphant, et l’éléphant poussera la vache, et la vache poussera le cheval, et le cheval l’agneau, et tous tomberont, l’un après l’autre, comme une rangée de soldats de plomb balayés par le vent. Le monde s’éteindra comme une chandelle romaine. Pas même un brin d’herbe ne repoussera. Dose létale, d’où nul réveil ne surgira. La paix, la nuit, sans gémissement, sans murmure. Une douce, une méditative obscurité, un imperceptible battement d’ailes. »

(« Printemps noir », traduit de l’anglais par Henri Fluchère, Éditions Gallimard, 1946)

closer dit: 27 juin 2025 à 7h32

« la femme mère incarnation de l’amour qui s’oppose à la guerre  »

Voilà ce qui m’a énervé puck! Vous présentez Lysistrata comme une maman attendrissante qui veut protéger ses enfants…Bien sur qu’elle veut protéger pas seulement ses enfants mais les maris et les amants de la Cité. Mais surtout elle montre dans toute la pièce une énergie indomptable, une virilité qui lui permet d’affronter ses opposants et opposantes avec succès.
Le contraire de la femme maternelle pleurnicharde que vous suggérez.

closer dit: 27 juin 2025 à 7h36

Evidemment, quand on passe de Despentes à Henry Miller (l’extrait donné par JB), on a l’impression de passer d’un chroniqueur météo de La République du Centre à un écrivain, tout simplement.

closer dit: 27 juin 2025 à 7h39

Je n’ai jamais lu H Miller, mais si B le trouve excellent, je suis tenté…
(je préfère l’opinion des gens qui ne sont pas des professionnels de la littérature tout en ayant un goût sûr)

closer dit: 27 juin 2025 à 7h47

En outre, sur le fond, les extraits de Despentes sont débiles. Sa description du comportement féminin en face des hommes était peut-être vrai à l’époque de la Comtesse de Ségur…Nous les boomers du blog, nous savons parfaitement que nos soeurs boomeuses des années 60/70 se sentaient totalement égales des hommes et ne minaudaient pas en baissant les yeux. Ah non!
D’ailleurs elle se contredit en affirmant qu’elle a toujours fait ce qu’elle voulait, confirmant l’adage si intelligent et adoré par Clopine: « quand on veut, on peut »…

J J-J dit: 27 juin 2025 à 8h15

@ Face à un Malraux, je suis désolé de dire que les romans ne tiennent pas /// Ne soyez pas désolé, MC. Assumez vos opinions. La perverse narcissique veille au grain, telle la vieille prof qui évalue. @ B. ? Merci pour votre remarque interrogative et foi en Henry Miller. Vous n’êtes pas une spécialiste, semble-t-il, mais avez un goût sûr au sujet des « hommes-à-femmes ». Et c’est encore dicible… Quid ?
Cela dit, mon propos s’adressait à petitix, et non point à Virginie Despentes. Hélas, une fois de plus, Henriette a voulu lever l’index englué, et closer ouvrir l’airbag. « Au piquet, vilains garnement ! Va relire ton Galey-rien pour vérifier la source du « contrat » Gallim/Aragon ! ».
« Sardine Rousseau ? Une commère verte de rage ne boîte » ?… Vous vous laissez aller, cher ami, et dans votre fiel misogyste et misonéiste, y’en a pas deux comme vous. Sauf erreur, elle (CT) n’a jamais dit : « quand on veut, on peut »… Mais tout le contraire. Vos aveuglements vous mettent parfois des larmes au milieu des yeux. Pas grave. Que devient votre amie Marie Sasseur, au juste ? On sent qu’elle vous manque.
Bàv

J J-J dit: 27 juin 2025 à 8h27

@ à quoi bon dépenser son énergie avec des êtres obtus, inaptes, incompétents, prétentieux, présomptueux, concupiscents, inconstants, nécessiteux, potentiellement dangereux, assurément cons, certainement nuls au lit.
—-
A qui faites-vous allusion au juste ?…
Il y en a qui sont encore pas mal au pieu @ 80 plombres, en dépit de toutes les autres tares citées qui les affectent. Mais certaines l’aiment chaud, c’est le gros pb, car elles sont encore nombreuses. Voyez Melina, par exemple 🙂

Christiane dit: 27 juin 2025 à 8h38

Merci, JJJ, pour votre réponse franche et détaillée à propos de votre goût d’Henry James.
Pour « Le motif dans le tapis », il y a abondance de critiques littéraires batailles de critiques littéraires pour trouver le motif qui se cache dans l’écriture de Vereker. Comme si la littérature pouvait être un jeu de compétences. Comme ici, sur ce blog, dans l’espace commentaires où certains se jugent compétents pour décider si l’oeuvre d’Aragon mérite d’être lue.
Henry James donne un tableau saisissant du monde des critiques littéraires dans cette courte nouvelle. Nul ne trouvera le motif caché dans les livres de Vereker. La fin me fait penser à l’énigmatique Rosebud enfoui dans la mémoire de Charles Foster alors que Tom e une boule de verre contenant une petite maison sous la neige… L’homme meurt en murmurant le mot « Rosebud ». Citizen Kane, magnifique film de Welles explorant le passé du personnage. Interdiction d’entrer sur la grille du domaine de Xanadu…
Le motif dans le tapis c’est le Rosebud des écrivains.
Henry James dans cette nouvelle se glisse dans la voix de ce narrateur inconnu, celui qui rencontre l’écrivain Vereker et qui l’entend dire qu’il a intégré un motif particulier bien caché dans son livre et qui est la clé pour comprendre toutes son œuvre.
Une recherche obsessionnelle qui démontre en soixante page l’impossibilité de déchiffrer les intentions profondes d’un écrivain ou d’un artiste. Style ou pensée, forme ou atmosphère, ‘e résultat pour le narrateur sera frustrant. Échec ! Il ne saura rien. Henry James tissé habilement sa nouvelle comme un tapis pour penser la critique littéraire et ses préjugés. Tout dépendrait du point à partir duquel le livre
serait lu. J’aime la métaphore d’Henry James. Changer de moi t de vue.
L’ami du narrateur, Corvick, conclura que la raison de cet échec était la vulgarité de l’époque, son manque de goutte et de sentiment. Et puis faut-il voir autre chose que ce qui est écrit…
Todorov a-t-il le mot de la fin ? « La quête du secret ne doit jamais se terminer car elle constitue le secret lui-même. »
Une boussole, donc ?

MC dit: 27 juin 2025 à 8h43

JJJ, Voulez-vous s’il vous plaît le donner acte que je n’emploie pas les termes de «  perverse narcissique «  et autre «  vieille prof » vous concernant, parce que c’est répétitif, stupide et sans intérêt? En revanche, votre «  quand on veut on peut » que vous m’attribuez généreusement n’est pas de moi mais de Closer ! En revanche, si vous avez quoi que ce soit à voir avec la défense de la Sardine, nous ne pourrons pas trouver de terrain d’entente. Est-ce clair? Bien à vous. MC

Christiane dit: 27 juin 2025 à 8h45

alors que tombe une… – toute – pages – tisse – changer de point de vue – son manque de goût –

puck dit: 27 juin 2025 à 8h46

« Voilà ce qui m’a énervé puck! Vous présentez Lysistrata comme une maman attendrissante qui veut protéger ses enfants…Bien sur qu’elle veut protéger pas seulement ses enfants mais les maris et les amants de la Cité. Mais surtout elle montre dans toute la pièce une énergie indomptable, une virilité qui lui permet d’affronter ses opposants et opposantes avec succès.
Le contraire de la femme maternelle pleurnicharde que vous suggérez. »

incroyable ! pour vous la femme qui s’oppose à la guerre est une femme maternelle et pleurnicharde ?

pour vous vouloir la paix c’est être maternel et pleurnichard ?

comment vous dire ? d’une certaine manière vous avez raison pour notre époque actuelle : si toutes ces femmes présentes sur les plateaux télé rivalisent de bellicisme c’est pour ne pas être maternelles et pleurnichardes.

sinon pour ce qui est de la pièce d’Aristophane je crois que vous êtes passé (une fois de plus) complètement à côté.

cette pièce est d’abord une pièce comique dont le but est de faire rire, elle a été écrite pendant la guerre entre Athènes et Sparte et le but de cette pièce c’est la PAIX !

tout le dispositif mis en place par Aristophane ne vise qu’à ce but : la paix !

après vous pouvez tourner le problème comme vous voulez, faire la tambouille que vous voulez, il reste à la fin qu’une chose : c’est une pièce écrite contre le bellicisme qui défend le pacifisme !

puck dit: 27 juin 2025 à 8h59

closer, vous savez, cette pièce montre un truc important : le pacifisme exige beaucoup plus de courage et de force de caractère que le bellicisme.

dans cette pièce les femmes incarnent ce courage et cette force de caractère et elles tournent en ridicule le bellicisme simplet des hommes bas de plafond genre pedro qui ne reflète lui que leur lâcheté et leur atavisme grégaire.

pour le coup c’est une truc hyper actuel.

Paul Edel dit: 27 juin 2025 à 9h09

La relation d’Aragon avec le PCF fut parfois compliquée. « Aurélien » en est un exemple. Le roman fut écrit -avec de longues interruptions- pendant les pires moments de l’Occupation tandis que le couple de Résistants Aragon- Elsa (Aragon sous le nom de François-la-Colère) se cache entre Nice, la Drome et les environs de Lyon pour échapper à la police. Ce superbe roman qui ressuscite le Paris des années folles -publié en octobre 1944- est mal accueilli par la presse communiste. Elle est totalement déconcertée et se demande demande pourquoi , en ces temps de Reconstruction morale de la France, Aragon s’attache à un héros bourgeois, un solitaire oisif, flâneur des deux rives hanté par les tranchées qui n’a rien de positif. L’ensemble de la presse de Gauche accueille avec réticence sinon réprobation le livre : « comment avez vous pu écrire cela, de si décalé, de 1941 à 1943 ?.. », c’est la question qu’on lui pose. En décrivant le Paris des Années Folles, de bavardages mondains, de flirts, de jalousies sentimentales et de rivalités artistiques sur fond de bars américains, il propose une rêverie subjective et mélancolique plutôt que le solide tableau d’une époque que le PCF attend de lui. . Et puis ce héros nonchalant, « couvert de femmes » assez dandy insatisfait reste un errant, un convalescent mal remis du choc de la guerre (Drieu la Rochelle est un des modèles d’Aurélien) un bourgeois désœuvré. Il semble toujours dans un vacillement, une hésitation, porteur d’ une blessure secrète. L’histoire d’amour, elle aussi, déconcerte à l’époque. Bérénice est une petite bourgeoise opaque, une épouse de pharmacien qui demeure une énigme , un être de fuite. La relation avec Aurélien aboutit à un échec. Le théâtre tragique racinien de cette histoire d’amour déconcerte également. Aurélien semble toujours mal impliqué, mal embringué dans tout ce qui lui arrive, jamais complètement solidaire, même dans ses banquets d’anciens combattants .Il n’a aucune conscience collective, ce qui choque la presse de Gauche de 1944. Il n’est pas le « héros positif » qu’attend le Parti Communiste Français dans une France pauvre, démoralisée, avec des villes en ruines, et un régime démocratique à construire. Pire : en faisant, comme Flaubert,  l’histoire morale des hommes de sa génération, Aragon s’attache à décrire les passages à vide de son héros, ses désirs inaboutis, ses temps morts, ce qui fait parfois ressembler Aurélien au rêvasseur velléitaire du Frédéric de « l’Éducation Sentimentale ».
Le malaise entre Aragon et le PCF durera longtemps car on attendait chez cet auteur la continuité de ses précédents romans « Les beaux quartiers, »les Cloches de Bâle » qui comportait sa bonne dose de personnages « positifs » (c’était alors une manière dans ces romans de faire oublier sa période surréaliste) et une louable tentative d’ écrire selon le « réalisme socialiste ». .
En 1958 la nouvelle édition du roman n’attire que quelques lignes informatives dans « l’Humanité ».Il faut attendre 1970 et le passage en collection de poche pour qu’il y ait, côté communiste, une réévaluation du roman à la hausse.

Renelle dit: 27 juin 2025 à 9h12

Merci jjj pour vos conseils..mais je remonte demain dans le nord ..
Les discussions ici ne sont pas à fleures mouchetés chacun voulant avoir raison et les invectives fusent !
Apprécié Virginie Despentes même si son écriture peut être à acerbe et trop directe envers la gênte masculine!
Quant à Aragon ai lu aussi en mon jeune temps ses livres,et comme x ne possède pas les qualités requises pour en discuter ici
Quant à cette appellation pervers narcissique pour un contributeur je la trouve très excessive et de mauvais aloi m’étant confronté hélas à un membre de cette espèce redoutable ..

Christiane dit: 27 juin 2025 à 9h20

Paul Edel – 9h09
Une critique littéraire qui éclaire le roman d’Aragon. Magnifique !

Jazzi dit: 27 juin 2025 à 9h21

« (Drieu la Rochelle est un des modèles d’Aurélien) »

Aragon l’aurait-il percé à jour, Paul ?
Impardonnable !

closer dit: 27 juin 2025 à 9h22

« c’est une pièce écrite contre le bellicisme qui défend le pacifisme ! »

Est ce que j’ai dit le contraire? Jamais!
C’est votre présentation de l’héroïne que je conteste. Vous oubliez le plus important: sa force.

closer dit: 27 juin 2025 à 9h28

« Pire : en faisant, comme Flaubert, l’histoire morale des hommes de sa génération, Aragon s’attache à décrire les passages à vide de son héros, ses désirs inaboutis, ses temps morts, ce qui fait parfois ressembler Aurélien au rêvasseur velléitaire du Frédéric de « l’Éducation Sentimentale ». »

Tout à fait, Paul. Les rêvasseurs velléitaires ne m’intéressent pas. Je ne partage pas l’admiration aveugle de certains pour L’Education Sentimentale; Aragon et Drieu me tombent des mains pour les mêmes raisons. Même Scott Fitzgerald (sauf Gatsby of course) pourrait être concerné.

J J-J dit: 27 juin 2025 à 9h39

@ MC/PR me donner acte que je n’emploie pas les termes de « perverse narcissique « et autre « vieille prof » vous concernant, parce que c’est répétitif, stupide et sans intérêt? ///

Je vous en donne acte bien volontiers, et transmets vos qualificatifs à qui de droit.

@ En revanche, votre « quand on veut on peut » que vous m’attribuez généreusement n’est pas de moi mais de Closer ! /// Anéfé. Pardon… Veuillez bien m’en excuser.

@ En revanche, si vous avez quoi que ce soit à voir avec la défense de la Sardine, nous ne pourrons pas trouver de terrain d’entente /// Bien évidemment, je m’en fais l’avocat du diable et vous en êtes le procureur à charge. Le justice ne pourra pas réconcilier les belligérants, ce qui est bien normal. L’avocat apprécie le courage de sa cliente, et doit composer avec ses nombreuses maladresses et quelques-unes de ses erreurs d’appréciation. Il se demande juste la raison pour laquelle le procureur écorche le prénom de sa cliente, en vue de chercher à la ridiculiser en permanence.

Bàv, ainsi qu’à Renelle et Christiane, pour leurs remarques constructives.

J J-J dit: 27 juin 2025 à 9h58

@ Et la catégorie du demi-savant a trop de dégâts à son passif pour que l’on puisse envisager sans frémir le risque d’en faire partie.

Alors ça, c’est à peine croyable, comme risque !…
Bàv,

Bill Evola dit: 27 juin 2025 à 10h55

Mais en quoi l’ ajout de Jazzi est important?
Cela nous intéresse au plus haut point.

Christiane dit: 27 juin 2025 à 11h19

Important, l’ajout de Jazzi parce qu’il ouvre dans le roman une vision surréaliste. Quelque chose plus fort que le réel, que le vivant, un visage de morte, un masque énigmatique parce qu’il est beau, souriant. Comme si Aurélien revenu des tranchées et ayant côtoyer tant de morts appartenait à ce monde. Un Orphée qui ne veut plus ramener Eurydice à la vie mais la confondant avec Ophélie se coule dans cette Seine riveraine qu’il voit des fenêtres de son quatrième étage. C’est Aurélien et les sortilèges. Cette femme, Bérénice ne lui plaît que inatteignable. Il n’aime plus la vie, il survit, indifférent.

FL dit: 27 juin 2025 à 11h25

Despentes a un style parlé relâché, vulgaire même, très rentre dedans qui rappelle celui de Donald Trumps.

C’est très curieux. Ils parlent de la même manière alors qu’idéologiquement ils sont opposés.

Un style d’époque peut-être.

Ci dessous deux exemples. L’un est de la plume de
Donald Trump. L’autre est de Virginie Despentes. Essayez de deviner qui a écrit quoi.

« Il ne ressemble à rien, il a une voix insupportable, il n’est pas très futé. Et il est soutenu par Alexandria Ocasio-Cortez et sa bande, tous des abrutis, ainsi que par notre grand sénateur palestinien, Chuck Schumer, alias “Chuck le Pleurnicheur”, qui se prosterne devant lui. Oui, c’est un moment marquant dans l’histoire de notre pays ! »

« Cher connard,
J’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable. Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. Gloire aux réseaux sociaux : tu l’as eu, ton quart d’heure de gloire. La preuve : je t’écris. »

https://www.youtube.com/watch?v=HmeP_F-fIaI

FL dit: 27 juin 2025 à 11h30

Pour bien permettre d’apprécier la similarité des styles je donne une exemple des « Rêveries du promeneur solitaire ». On voit bien le contraste.

« Quand le soir approchoit je descendois des cimes de l’Isle et j’allois volontiers m’asseoir au bord du lac sur la gréve dans quelque azyle caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon ame toute autre agitation la plongeoient dans une rêverie delicieuse où la nuit me surprenoit souvent sans que je m’en fusse apperceu. Le flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche mon oreille et mes yeux suppléoient aux mouvemens internes que la rêverie éteignoit en moi et suffisoient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_R%C3%AAveries_du_promeneur_solitaire

FL dit: 27 juin 2025 à 11h35

Et pour faire bon poids, bonne mesure : Chateaubriand.

« Il y a quatre ans qu’à mon retour de la Terre Sainte, j’achetai près du hameau d’Aulnay, dans le voisinage de Sceaux et de Châtenay, une maison de jardinier, cachée parmi les collines couvertes de bois. Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison n’était qu’un verger sauvage au bout duquel se trouvait une ravine et un taillis de châtaigniers. Cet étroit espace me parut propre à renfermer mes longues espérances ; spatio brevi spem longam reseces. Les arbres que j’y ai plantés prospèrent, ils sont encore si petits que je leur donne de l’ombre quand je me place entre eux et le soleil. Un jour, en me rendant cette ombre, ils protégeront mes vieux ans comme j’ai protégé leur jeunesse. Je les ai choisis autant que je l’ai pu des divers climats où j’ai erré, ils rappellent mes voyages et nourrissent au fond de mon cœur d’autres illusions. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Chateaubriand_-_M%C3%A9moires_d%E2%80%99outre-tombe_t1.djvu/66

Christiane dit: 27 juin 2025 à 11h41

C’est un roman tellement mélancolique. Elle disparaît pendant des années, jusqu’au
début de la Seconde Guerre mondiale.Aurélien arrive dans un village qui est celui de Bérénice. Autre situation surréaliste. Mais la mort est encore plus forte que la vie car la voiture où ils sont subira une rafale de mitraillette…
Bérénice meurt…

renato dit: 27 juin 2025 à 11h48

« Pour prendre le contrôle, il suffit de faire croire qu’il est de bon ton d’être stupide, vulgaire et ignorant. »

Noam Chomsky

Jazzi dit: 27 juin 2025 à 11h49

« un masque énigmatique parce qu’il est beau, souriant. »

Avec des faux-airs d’Elsa Triolet, Christiane !
Louis Aragon rencontra Elsa Triolet, le soir du 6 novembre 1928, à La Coupole.
Il avait trente-et-un ans, elle trente-deux.
Il lui paru bien trop joli garçon et il ne l’a trouva pas franchement belle…

Bill Evola dit: 27 juin 2025 à 11h52

 » Ouin ouin ouin je suis une petite baltringue qui n’intéresse personne et je couine comme un chihuahua parce que je rêve qu’on me remarque. »

Mais c’est du C.opine tout craché, çà!

Bill Evola dit: 27 juin 2025 à 11h57

 » Cette femme, Bérénice ne lui plaît que inatteignable. »
Aragon en toute plaisante dénégation?

puck dit: 27 juin 2025 à 11h59

vous connaissez Alexandria Ocasio-Cortez ? AOC pour les intimes.
c’est un sacré personnage : elle est complètement allumée, parfois complètement hystérique, elle accumule les bourdes…
perso je l’adore !

si elle arrive à incarner le futur parti Democrate et si elle conserve son intégrité morale et son côté marxiste révolutionnaire genre Che Guevarra alors c’est une femme qui peut changer les USA !

extrait de son discours contre l’oligarchie :

https://www.youtube.com/watch?v=Y8Po2WZo7z4

Christiane dit: 27 juin 2025 à 12h06

J’ajoute que je n’ai pas aimé l’épilogue du roman « Aurélien ». Aragon a amoché ses deux personnages. Bérénice, mariée, a vieilli. Aurélien est fatigué, méconnaissable. Ils se retrouvent dans cette voiture après une beuverie. La rafale des mitraillettes allemandes supprime u. Personnage dont il n’avait plus besoin… Je crois qu a écrit ce roman pour Aurélien, son Aurélien.

puck dit: 27 juin 2025 à 12h08

« Il n’est pas le « héros positif » qu’attend le Parti Communiste Français dans une France pauvre, démoralisée, avec des villes en ruines, et un régime démocratique à construire. »

c’est normal, perso je pense qu’il faut toujours garder en mémoire la façon dont son biographe Philippe Forest a montré ce que le personnage peut avoir de « tordu », cynique et calculateur, joueur fasciné par le pari, accumulant des contradictions qui ajoutent à sa complexité.

d’ailleurs c’est hyper dommage que les types du PCF de l’époque n’aient pas pu lire cette biographie.

c’est le gros problème des biographies : elles sont toujours écrites trop tard.

Christiane dit: 27 juin 2025 à 12h13

Jazzi,
le masque de la noyée de la Seine, le personnage de Bérénice ne m’ont absolument pas fait penser à Elsa Triolet. Je serai plus proche des soupçons de Bill Evola.
Il me semble que Bérénice est la part féminine d’Aragon. Il n’a cessé d’aimer les hommes et Elsa Triolet n’avait rien de féminin, plutôt masculine. Il y a des jeux de miroirs dans ces romans. Un peu comme chez Proust. Le destinataire n’est pas toujours celui qu’on croit…

Paul Edel dit: 27 juin 2025 à 12h15

Jazzi L’histoire de ce masque en plâtre de « L’inconnue de Seine » est intéressante .Rainer Maria Rilke dans « les cahiers de Malge Laurids Brigge »(1910) raconte qu’il est fasciné lorsqu’il passe devant une boutique, rue Racine, ou un masque ,un moulage, est présenté en vitrine. Aragon avait lu ce texte en allemand. En 1926 un certain Ernst Benkart consacre un volume à 123 masques mortuaires. il y en a un qu’il nomme « L ‘inconnue de la Seine ». Les experts en moulage contestent qu’un moulage ait pu être effectué sur le visage d’une morte par noyade.
Aragon a demandé à son ami le photographe Man Ray de composer des variations sur le visage supposé de Berénice. Ce qui me frappe personnellement c’est que ce visage de plâtre rappelle la description du visage de Bérenice telle que la voit Aurélien : »Son teint pâle, comme si le sang n’eût pas circulé sous la peau « et plus loin «  son visage aussi dans la danse, les yeux fermés » et aussi «  un sourire de sommeil,vague, irréel. »
Quand on lit le chapitre XLIV, en édition Folio, on ne peut être que frappé de d’une scène très violente. Aurélien absent de cbez lui, Bérénice a laissé à la concierge de l’immeuble un paquet « grand comme une boite à biscuits, entouré de carton ondulé ». Quand Aurélien ouvre ce paquet, il découvre , enveloppé dans du papier de soie, ce fameux masque qui ressemble à celui de ‘L inconnue de Seine » ,mais à y regarder de plus prés, il s’aperçoit que ce n’est pas « l inconnue de seine » ; et examinant d’encore plus prés il est pris de vertige:Bérénice est allée chez un modeleur .Il imagine : « elle  avait eu du plâtre sur les yeux, la bouche, sur les narines,à la naissance des cheveux, aux oreilles..Le plâtre partout comme la pâleur de la mort ».
Aragon précise quelques lignes plus loin « « elle confiait à ce miroir creux et froid la forme périssable d’elle-même. ». Il est pris de vertige devant ce masque « Oh, qu’elle était plus belle que l’Inconnue, qu’elle était plus terrible, plus terriblement inconnue, Bérénice vivante et morte, absente et présente, enfin vraie !.. »
Et il a ensuite le geste étrange de poser ce moulage de plâtre du visage de la vraie Bérénice sur l’oreiller de son lit… Puis bouleversé moitié fou, il attend pendant des heures une nouvelle visite de Bérénice.
On sent, Jazzi,dans cette scène que l’époque surréaliste, amour fou, le côté songerie morbide aussi de « Nadja » tout ceci n est jamais loin.

puck dit: 27 juin 2025 à 12h15

exemple au hasard : je suis sûr que les gens apprendront des tas de trucs qu’on ignore quand ils liront dans 80 ans la biographie de Macron ou même de Trump.

c’est la supériorité du biographe sur le journaliste : le journaliste écrit à chaud, même parfois à chaud bouillant, alors que le biographe écrit à froid.

en plus le journaliste est partisan, il ignore les faits qui ne vont pas dans son sens, alors que le biographe est objectif, il fréquente les bibliothèques où il consulte les archives et il adopte une attitude de scientifique.

c’est pour ça que perso j’ai arrêté de lire les journaux, à la place je lis les biographies…

D. dit: 27 juin 2025 à 12h22

Non on ne peut pas dire d’une femme possédant charisme et autorité qu’elle a quelque chose de masculin.

puck dit: 27 juin 2025 à 12h23

un truc hyper marrant : le Monde vient de mettre un reportage sur YT ils semblent découvrir en 2025 l’existence du bataillon Azov.
ils continuent d’euphémiser à donf et historiquement ils s’arrêtent encore à 2014 sans aller chercher plus loin, mais bon pour le Monde c’est déjà un truc assez révolutionnaire.

le truc le plus drôle c’est quand on lit les commentaires sous la vidéo où les gens se foutent de la tronche des journalistes, ce qui prouvent qu’aujourd’hui les gens s’informent sans se cantonner à la presse mainstream, à tel point que des types comme Glucksmann veulent faire fermer toutes ces autres sources d’information pour qu’il ne reste plus que les médias qui relaient l’info officielle.

https://www.youtube.com/watch?v=ztEFMQsAEgI

Bill Evola dit: 27 juin 2025 à 12h24

Aragon précise quelques lignes plus loin « « elle confiait à ce miroir creux et froid la forme périssable d’elle-même. ». Il est pris de vertige devant ce masque « Oh, qu’elle était plus belle que l’Inconnue, qu’elle était plus terrible, plus terriblement inconnue, Bérénice vivante et morte, absente et présente, enfin vraie !.. »

Et Aragon d’apparaître masqué pour plusieurs émissions à la télévision!

Jazzi dit: 27 juin 2025 à 12h24

La dernière lettre de David Bowie

« Je vais mourir… Je sais qu’il reste quelques mois avant la fin de mon expérience terrestre…
Que dois-je faire? Est-ce que je désespère, déprime, rejette l’idée de la mort et fais-je comme si la maladie n’existe pas ?
Ou je décide de vaincre la mort… Je le décide avec mon âme, car seuls mon âme et mon cœur me donnent l’inspiration pour composer de la musique, comme je le fais depuis 50 ans…
(…)
Mais je te défie, mort… Bon sang, si je ne te défie pas !
J’ai défié et conquis le monde des fans dans les années 70 avec la fierté de l’ambiguïté… J’aimais les hommes et les femmes, j’étais un homme, une femme, un extraterrestre et enfin un corps céleste.
Que peux-tu faire, mort, contre mon éternité, mon génie, ma folie, ma créativité, ma musique qui vivra pour toujours ? »

honneur de blog dit: 27 juin 2025 à 12h25

je lis les biographies…

Eh bien, arrêtez de nous envoyer votre purée ici, sur ce blog!

Jazzi dit: 27 juin 2025 à 12h31

ANDRE BRETON

Le Rêve fou

Au désir d’André Breton : « J’ai toujours incroyablement souhaité de rencontrer, dans un bois, une femme belle et nue », répondra la rencontre, rue Lafayette, le 4 octobre 1926, « à la fin d’un de ces après-midi tout à fait désoeuvrés et très mornes », de Nadja. Une jeune femme blonde, socialement plus proche de Nana que de Madame Bovary. Surréelle et perdue dans un univers d’irréalité, cette Mélusine revisitée, qui sera dévorée tout entière par le serpent de la folie, inspirera à l’auteur de L’Amour fou l’un de ses plus beaux livres. Pourtant, leur liaison n’excéda pas une dizaine de jours à travers les rues de Paris et s’acheva par un voyage en forêt de Saint-Germain- en-Laye. Le temps nécessaire cependant pour que le poète, quelques mois après, en rédige la chronique, tandis que Leona D., alias Nadja, alors âgée de 24 ans, était définitivement internée. Fragments d’un récit, halluciné, dont la dernière phrase nous avertit que : « La beauté sera CONVULSIVE ou ne sera pas. »

« 5 octobre – Elle me dit encore : « Je vois chez vous. Votre femme. Brune, naturellement. Petite. Jolie. Tiens, il y a près d’elle un chien. Peut-être aussi, mais ailleurs, un chat (exact). Pour l’instant, je ne vois rien d’autre. » Je me dispose à rentrer chez moi, Nadja m’accompagne en taxi. Nous demeurons quelque temps silencieux, puis elle me tutoie brusquement : « Un jeu : dis quelque chose. Ferme les yeux et dis quelque chose. N’importe, un chiffre, un prénom. Comme ceci (elle ferme les yeux) : Deux, deux quoi ? Deux femmes. Comment sont ces femmes ? En noir. Où se trouvent-elles ? Dans un parc… Et puis, que font-elles ? Allons, c’est si facile, pourquoi ne veux-tu pas jouer ? Eh bien, moi, c’est ainsi que je me parle quand je suis seule, que je me raconte toutes sortes d’histoires. Et pas seulement de vaines histoires : « c’est même entièrement de cette façon que je vis. »

6 octobre – Le regard de Nadja fait maintenant le tour des maisons [place Dauphine]. « Vois-tu, là-bas, cette fenêtre ? Elle est noire, comme toutes les autres. Regarde bien. Dans une minute elle va s’éclairer. Elle sera rouge. » La minute passe. La fenêtre s’éclaire. Il y a, en effet, des rideaux rouges. (Je regrette, mais je n’y puis rien, que ceci passe peut-être les limites de la crédibilité. Cependant, à pareil sujet, je m’en voudrais de prendre parti : je me borne à convenir que de noire, cette fenêtre est alors devenue rouge, c’est tout.) J’avoue qu’ici la peur me prend, comme aussi elle commence à prendre Nadja. « Quelle horreur ! Vois-tu ce qui se passe dans les arbres ? Le bleu et le vent, le vent bleu. Une seule autre fois j’ai vu sur ces mêmes arbres passer ce vent bleu. […] Il y avait aussi une voix qui disait : Tu mourras, tu mourras. Je ne voulais pas mourir mais j’éprouvais un tel vertige… Je serais certainement tombée si l’on ne m’avait retenue. »

10 octobre – Nous dînons quai Malaquais, au restaurant Delaborde. Le garçon se signale par une maladresse extrême : on le dirait fasciné par Nadja. Il s’affaire inutilement à notre table, chassant de la nappe des miettes imaginaires, déplaçant sans motif le sac à main, se montrant tout à fait incapable de retenir la commande. Nadja rit sous cape et m’annonce que ce n’est pas fini. En effet, alors qu’il sert normalement les tables voisines, il répand du vin à côté de nos verres et, tout en prenant d’infinies précautions pour poser une assiette devant l’un de nous, en bouscule une autre qui tombe et se brise. Du commencement à la fin du repas (on entre de nouveau dans l’incroyable), je compte onze assiettes cassées.

12 octobre – Après dîner, autour du jardin du Palais-Royal, son rêve a pris un caractère mythologique que je ne lui connaissais pas encore. Elle compose un moment avec beaucoup d’art, jusqu’à en donner l’illusion très singulière, le personnage de Mélusine. A brûle-pourpoint elle demande aussi : « Qui a tué la Gorgone, dis-moi, dis. » J’ai de plus en plus de peine à suivre son soliloque, que de longs silences commencent à me rendre intraduisible. En matière de diversion, je propose que nous quittions Paris.

Qui étions-nous devant la réalité, cette réalité que je sais maintenant couchée aux pieds de Nadja, comme un chien fourbe ? Sous quelle latitude pouvions-nous bien être, livrés ainsi à la fureur des symboles, en proie au démon de l’analogie, objet que nous nous voyions de démarches ultimes, d’attentions singulières, spéciales ? D’où vient que projetés ensemble, une fois pour toutes, si loin de la terre, dans les courts intervalles que nous laissait notre merveilleuse stupeur, nous ayons pu échanger quelques vues incroyablement concordantes par-dessus les décombres fumeux de la vieille pensée et de la sempiternelle vie ? J’ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l’air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s’attacher, mais qu’il ne saurait être question de se soumettre. »

(« Nadja », Editions Gallimard, 1928 et 1963)

puck dit: 27 juin 2025 à 12h32

quand on entend Glucksmann demander d’amplifier la censure en rendant invisibles certaines vidéos YT ou certains post Facebook ça ressemble exactement à ce qu’il s’est passé aux US durant le mandat Biden.

le danger que représente Glucksmann c’est qu’il est plus facile de faire basculer une démocratie vers un système autocratique comme lui et Macron semblent le souhaiter que le contraire.

sauf qu’il ne réussira pas à créer un système de censure à la chinoise : j’ai écouté une interview de lui d’il y a une semaine où il continue de parler de l’ingérence russe dans les élections roumaines alors que trop de monde sait maintenant que c’est un mensonge.

comme pour la Russie qui veut envahir l’Europe : ce sera de plus compliquer pour des types comme Glucksmann ou Macron de pondre des mensonges dans la mesure où ils ne contrôlent plus l’information et ils n’arriveront jamais à la contrôler.

puck dit: 27 juin 2025 à 12h34

« arrêtez de nous envoyer votre purée ici, sur ce blog! »

l’expression exacte c’est « balancer » votre purée.

puck dit: 27 juin 2025 à 12h37

« Nous dînons quai Malaquais, au restaurant Delaborde. Le garçon se signale par une maladresse extrême : on le dirait fasciné par Nadja. Il s’affaire inutilement à notre table, chassant de la nappe des miettes imaginaires, déplaçant sans motif le sac à main, se montrant tout à fait incapable de retenir la commande. »

c’est là qu’on sent l’influence de Proust dans la littérature française du 20è siècle.

après Proust tous les écrivains se sont mis à dire dans leurs livres dans quel restaurant ils allaient bouffer.

je veux bien que la restauration occupe une place importante dans la culture française, mais cet aspect « guide Michelin » de la littérature je trouve ça limite un peu gonflant.

D. dit: 27 juin 2025 à 12h48

Un nouveau variant du covid est en train de se répandre comme une traînée de poudre dans le monde entier.
Combiné aux vagues de chaleur écrasante (telle que la canicule qui s’abattra sur la région parisienne de lundi à mardi), il pourrait cet été entraîner une hécatombe chez les personnes fragiles.

D. dit: 27 juin 2025 à 12h52

Ce variant, qui entre autre cause une terrible douleur laryngite, se nomme Nimbus. Il est un fléau de plus s’abattre sur une population française mécréante et avachie.

D. dit: 27 juin 2025 à 12h58

La malédiction découlant de l’exhibition mercantile du trésor sacré du Thout-Ankh-Amon à travers la France se poursuit et s’intensifie.

renato dit: 27 juin 2025 à 13h01

Réalisme socialiste : il fallait ne pas être cohérent avec la réalité pour s’adapter à la directive selon laquelle l’œuvre d’art devait avoir une forme réaliste et un contenu socialiste, conformément à la doctrine marxiste-léniniste. Bien sûr, le fait que Gor’kij ait lui-même défini les contours de cette idée était perçu comme une garantie de qualité pour l’inculte standard-intégral.

D. dit: 27 juin 2025 à 13h03

Moi je fais une bonne purée pommes de terre-endives. Jamais je n’en ai balancé nulle part.

Bolibongo dit: 27 juin 2025 à 13h08

Une excellente introduction à Dada, le surréalisme, André Breton et Aragon, les travaux de Henri Béhar.

Bolibongo dit: 27 juin 2025 à 13h21

Mais je suis en train de lire le Tome II des ouvres de Francis Ponge de la Pléiades Gallimard 2002.
En novembre 44, Aragon confia à Ponge la direction des pages culturelles du journal communiste Action, Hebdomadaire de l’indépendance française.

Octobre 1946, Pong quitte Action, où Louis Aragon et Elsa Triolet auraient trouvé ses choix trop larges.
1947, Ponge quitte discrètement le parti communiste, en ne renouvelant pas sa carte.
( Pléiade Ponge II, Chronologie).

Avec Ponge contre désormais le fossilisé Aragon…

D. dit: 27 juin 2025 à 13h31

Les paroles de Bowie sont effrayantes.
J’aime beaucoup sa musique. Excellent musicien.
A juste titre il parle d’éternité mais sans parler de son âme ni de l’amour véritable. Or, David Bowie, dans l’éEternité, tu es jugé sur l’amour, pas sur ton génie, ta folie, ta créativité, ta musique. Non non non. Ça c’est ton blabla qui t’arrangeait.
Tu es jugé sur l’amour de Dieu et du prochain, par Dieu.

Bolibongo dit: 27 juin 2025 à 13h32

Avec Ponge

Deux magnifiques volumes retracent la vie de Ponge pendant la seconde guerre mondiale, publiés aux Classiques Garnier ( 1300 pages les deux!) et intitulés  » Pour une vie de mon père » par Armande Ponge, toujours bien présente parmi nous.
Magnifiques archives, Ponge notait tout!
Sa file Armande fut la secrétaire du peintre Jean Dubuffet jusqu’au décès de celui-ci et elle s’occupa de la Fondation de ce dernier par la suite.
Une très grande dame.

renato dit: 27 juin 2025 à 13h43

Selon Hérodote (Livre VI, Érato 122-128), nous devons la démocratie à un fêtard effréné.

D. dit: 27 juin 2025 à 13h51

Eh, Ponge, tu mé suis ? Lui disaient ses petits camarades en classe.
Ah c’était le bon temps.

D. dit: 27 juin 2025 à 13h54

Eh, Ponge, t’es encore rincé. Faut mettre ton ciré. Ça c’était plus tard, à l’armée.

Chantal dit: 27 juin 2025 à 13h58

j’ai retrouvé entre deux feuillets d’album, une lettre d’une jeune poétesse belge de l’époque très frustrée par l’aura des poètes communistes en vogue :

Dans toutes les librairies, Aragon, Breton, Eluard… et beaucoup de malheureux loufoques incapables : N’est-il pas temps que cela change ?

Myriam le Mayeur

D. dit: 27 juin 2025 à 13h58

En classe, il avait un camarade chinois qui s’appelait ping.
Quand les profs faisaient l’appel, ça faisait Ping ? Ponge ?
Tout le monde se marrait bien c’était avant qu’il fasse des trucs sérieux.

D. dit: 27 juin 2025 à 14h01

Je ne savais pas qu’il existait des poétesse belges. Ça doit être bizarre un poème belge. Ça doit rimer en frite, logiquement.

Bolibongo dit: 27 juin 2025 à 14h13

frustrée par l’aura des poètes communistes en vogue

Ils surfaient sue la vague de la poésie issue de la résistance.
Pas que les communistes d’ailleurs!
René Char, Pierre Emmanuel, Pierre Seghers,etc.

D. dit: 27 juin 2025 à 14h15

Quand les gens croisaient les Ponge dans la rue, ils riaient sous cape en se disant « on a encore passé les Ponge »…

puck dit: 27 juin 2025 à 14h22

D. essaie d’être un peu sérieux !
un poème en frite… j’te jure…

dans la souffrance de l’âme et celle de la néphrite
alors que les jours passent et que le temps s’effrite
plus le gout à rien, ces choses qui donnent la frite
cassée en mille morceau, la vie qui se défrite
trouver encore en soi le courage de bouffer qq frites…

puck dit: 27 juin 2025 à 14h27

Francis Ponge, j’ai eu autrefois, dans ma bibliothèque des livres à lui, puis soudain, j’en ai eu marre, la vie étant ce qu’elle est, j’ai préféré jeter les Ponge…

puck dit: 27 juin 2025 à 14h39

« je veux parler d’Henri Matisse, roman qui est tout sauf un roman et qui, à vrai dire, ne ressemble à rien de répertorié sinon à un défi lancé à la biographie »

je sais pas pourquoi j’adore cette expression « défi lancé à la biographie »

« défi lancé aux biographes » ç’aurait été moins bien.

puck dit: 27 juin 2025 à 14h40

exemple au hasard : D. tout ce qu’il écrit ça représente un défi à sa propre biographie.
un défi lancé à son autobiographie.

puck dit: 27 juin 2025 à 14h42

j’ai connu un auteur qui avait commencé par écrire son autobiographie.

et ensuite il a essayé de faire en sorte que sa vie corresponde à ce qu’il avait écrit.

puck dit: 27 juin 2025 à 14h45

D. tu vois, si tu veux commencer à jouer à ce petit jeu de « vous avez vu comme je sais bien faire de l’esprit » tu sais de suite qu’avec moi tu vas pas aller bien loin : en 3 commentaires j’te remets les pendules à l’heure jeune padawan !

closer dit: 27 juin 2025 à 15h11

Il s’est dit tellement d’absurdités depuis qq jours sur ce blog que je ne peux pas être partout…

Deux idioties que je n’ai pas encore abordées: après le million de morts de la conquête de la Gaule et de celle de l’Algérie, puck nous sert les 46 millions d’indiens d’Amérique du sud massacrés par les conquistadors…Un, tout le monde sait (sauf puck) que l’immense majorité de ces morts sont dus à la variole importée par les espagnols contre laquelle les indigènes n’avaient aucune immunité; deux, jamais les espagnols n’ont souhaité ni essayé de perpétrer un génocide en Amérique du Sud. L’obsession était plutôt de les convertir au catholicisme, de les employer dans les mines et dans l’agriculture et d’épouser les femmes faute d’espagnoles de souche.
Deux livres fondamentaux:

« Seven myths of Spanish Conquest » de Matthew Restall, universitaire americano britannique qui n’a aucune sympathie a priori pour l’Espagne catholique, mais qui démolit 7 mythes, dont celui de l’extermination des indiens. Absolument passionnant. Je l’ai lu en portugais au Brésil. Il existe aussi en espagnol et en italien; en français je ne sais pas.
« Ceux qui devraient demander pardon » de Marcelo Gullo Omodeo, universitaire d’origine argentine qui démolit le Légende Noire espagnole, disponible en français. Malheureusement pas encore lu….

La deuxième idiotie est celle de la Russie anti colonialiste, pas le temps pour le moment.

Pablo75 dit: 27 juin 2025 à 15h21

Despentes a un style parlé relâché, vulgaire même, très rentre dedans qui rappelle celui de Donald Trumps.
C’est très curieux. Ils parlent de la même manière alors qu’idéologiquement ils sont opposés.
FL dit: 27 juin 2025 à 11h25

Les deux sont Gémeaux (presque du même jour: elle du 13 juin, lui du 14).

Pablo75 dit: 27 juin 2025 à 15h22

Que peux-tu faire, mort, contre mon éternité, mon génie, ma folie, ma créativité, ma musique qui vivra pour toujours ?
La dernière lettre de David Bowie
Jazzi dit: 27 juin 2025 à 12h24

Il est gonflé le mec s’il croit que ses chansonnettes sont éternelles…

« mon génie, ma folie, ma créativité »

Quel mythomane !!

David Bowie – Heroes (chanson écrite et composée par David Bowie et Brian Eno)

https://www.youtube.com/watch?v=bsYp9q3QNaQ&list=RDbsYp9q3QNaQ&start_radio=1

puck dit: 27 juin 2025 à 15h33

« La deuxième idiotie est celle de la Russie anti colonialiste, pas le temps pour le moment. »

tu veux dire que cette décolonisation soutenue par la Russie n’est pas terminée.
exemple au hasard : si on prend la France, la Russie aide des pays comme la Guyane ou la Nouvelle Calédonie ou même les Antilles à se libérer su joug impérial de la France.
entre nous ces colonies françaises qui persistent à travers le monde c’est une totale aberration historique, c’est complètement anachronique.

si c’est ce que tu voulais dire je suis entièrement d’accord avec toi closer !

(ça te gonfle que je te tutoie toi aussi ?)

D. dit: 27 juin 2025 à 15h38

Tu fais quoi, ce week-end, Puck ?
Moi je serai à Chaville dans mon parc avec des jets d’eau partout. Ça va être bien. Je me ferai un barbecue aussi, à l’écart d’un jet d’eau. J’aime beaucoup la virilité du barbecue.

D. dit: 27 juin 2025 à 15h48

Tu es très fort, Puck. Mon IA n’a pas été foutue de faire un bon poème belge comme tu as fait, avec les alexandrins et tout. Elle tournait en rond comme une gourde, cette conne, se confondant en excuses étranglées, implorant ma pitié « mais si tu veux je peux faire ci ou ça à la place, tu me gardes quand même, hein, tu me gardes ? » et moi qui suis sadique, j’en rajoutai : « t’es vraiment trop conne, mieux vaudrait que tu n’existes pas, tu sais même pas cirer des pompes ni laver mes slips… » etc.

D. dit: 27 juin 2025 à 15h58

C’est temporaire, parce que dans 10 ans on pourra interface des vrais petits robotd androïdes qui cireront les pompes et laverons les slips en déclamant avec emphase des alexandrins belges de toute beauté. Je vous le promets. Faudra sortir 50000 euros pour en avoir un et encore 10 ans plus tard on en trouvera des cheapers à 5000, qui iront chercher les gosses à l’école. Y’aura plus de mamans â attendre à la sortie des écoles, que des petits androïdes de 1,20 mètres en train de déclamer des alexandrins belges. Et puis 50 ans plus tard, y’aura plus d’enfants qui sortiront des écoles: que des petits androïdes à la place.

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