Littérature de langue française

Chez Albert Cohen et dans toute son œuvre, l’idée de la disparition, de la fin du monde, de la mort – pour lui et ses « frères humains » – est très ancienne. Ce natif de Corfou, qui a connu l’exil, à Marseille où ses parents avaient trouvé refuge en 1900, et à un âge si tendre – cinq ans –, cet enfant nomade qui deviendra un adulte sédentaire, a toujours eu sous les yeux et sa vie durant l’image d’un monde instable, périssable, en voie de décomposition. Alors que l’Europe, et principalement la France, connaissent aujourd’hui la terrifiante angoisse du terrorisme […]
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On le savait journaliste et surtout globe-trotteur. En se penchant sur les ravissements de la paternité, Julien Blanc-Gras dévoile ses qualités de « reporter de grossesse ». Même si le caractère introspectif de l’écriture n’est pas sans rappeler le genre du journal intime, ce roman intitulé In utero (190 pages, 15 euros, Au Diable Vauvert) a bien un côté Livre des merveilles à la Marco Polo : après tout, la grossesse n’est-elle pas le plus « banal » et « universel » des périples ? Le plus beau aussi ? « Beau » certes, mais prenons-la avec des pincettes cette beauté de la grossesse : avec un humour décapant, fleurant bon l’autodérision […]
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Un écrivain écrit ce qu’il a à écrire à son heure. Kairos, dieu de l’occasion opportune par opposition à Chronos, dieu du Temps et père des Heures, en a décidé ainsi. Ce n’est pas Yves Bonnefoy qui nous démentira. Son dernier livre, dans les deux sens du terme probablement (il s’est éteint le 1 er juillet à l’aube, en est la bouleversante illustration. En 1964, il s’était lancé dans ce qu’il voyait comme « une idée de récit ». Depuis, il n’avait cessé de la reprendre et d’y renoncer, d’interruptions en reprises et de reprises en renoncements. La chose, informe et confuse […]
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Comme la peinture, la littérature est un art du silence. La nuit de feu (Albin Michel) est un tableau du désert, d’où émane un silence habité par une surabondance de vitalité. L’écrivain se fait peintre et sa palette de nuances amène le lecteur à « (…) savourer un simple trésor, vivre ». Cet élan vers la vie prend tout son sens aux yeux d’un Éric-Emmanuel Schmitt pas encore trentenaire. Au cours d’une randonnée dans le Sahara algérien, le jeune homme de vingt-huit ans découvre la simplicité et le bien-être quotidiens d’une civilisation à la pureté presque originelle. Au troisième jour de […]
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On le sait depuis la Lettre du voyant (1871) de Rimbaud, « je est un autre ». Mais quand l’auteur s’abrite derrière un pseudonyme dissimulant un tandem ? Alors « je est deux autres » ? Etrangeté de ce « je » à deux qui resurgit dans le roman de Mahmoud Hussein Tenir tête aux dieux (165 pages, 17,50 euros, Gallimard). Ils sont français d’origine égyptienne, ils ont veillé pendant des années à la bonne marche du Courrier de l’Unesco, ils se sont fait connaître en 1974 lorsque Jean Lacouture les a mis face à l’historien Saül Friedlander pour ce qui deviendra Arabes et Israéliens. Un premier dialogue […]
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Le 11 février 1957, un militant communiste du nom de Fernand Iveton, 30 ans, a la tête tranchée par la lame de la guillotine. Il est et demeurera le seul Européen exécuté par la justice de l’Etat français durant la guerre d’Algérie. Celui que la presse populaire de métropole qualifie de « tueur » ou de « terroriste », et ceux qu’il prétend aider des « rebelles », en un temps où l’on parle toujours d’ « événements » et pas encore de « guerre d’Algérie ». Natif du Clos-Salembier, quartier populaire d’Alger, militant communiste et anticolonialiste rallié au FLN, il a été volontaire dans son organisation pour réaliser un attentat […]
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Il y a des textes dont la modestie touche au sublime. Histoires (Buchet-Chastel) de Marie Hélène Lafon, qui vient d’être couronné du Goncourt de la nouvelle, appartient à cette bibliothèque-là, une bibliothèque qui affiche comme trésors principaux Un cœur simple de Flaubert ou Vies minuscules de Pierre Michon. Pourquoi parler de modestie ? Ses personnages demeurent des humbles et son écriture, suivant la grande règle selon laquelle le fond commande la forme, n’attire pas l’attention sur elle. Récit et phrases procurent au lecteur une jouissance savoureuse, ininterrompue, mais ni les héros de Marie-Hélène Lafon ni son style ne « font l’intéressant ». […]
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Je n’ai jamais compris que l’on puisse décréter que certains livres étaient, comme l’on dit désormais atrocement, « genrés ». Entendez qu’ils étaient destinés soit à des lecteurs soit à des lectrices. Aux uns les récits de guerre et d’aventures, aux autres, l’univers des sentiments. Cela commence souvent dès la littérature « Jeunesse » et cela se termine place de la République où des réunions féministes de la Nuit debout sont interdites aux hommes. C’est à peine si j’ose avouer que j’ai toujours préféré Virginia Woolf à Robert Louis Stevenson, et une Chambre à soi à L’ïle au trésor, mais j’arrête là pour ne […]
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On reconnaît un écrivain à sa voix. Il n’est que de le lire pour l’identifier. Un livre d’où elle ne se dégage pas, quand bien même d’autres l’appelleraient style, ton ou petite musique, n’est pas d’un écrivain mais d’un auteur. Une page, un paragraphe parfois même une seule phrase suffisent à mettre un nom sur un texte, dès lors que l’on prête l’oreille au son qu’il émet. S’il est d’un inconnu qui signe là son premier roman, la voix suffit à flairer un nouvel écrivain. Ou pas. Elle permet de savoir à qui on a affaire, et qu’un tri s’opère. […]
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Une phrase me pose problème dans le nouveau livre que consacre Alain Cresciucci à l’un de mes écrivains de chevet Le monde (imaginaire) d’Antoine Blondin (204 pages, 21 euros, Pierre-Guillaume de Roux) douze ans après sa biographie du même. Une seule phrase car pour le reste, c’est du solide dans l’ordre de l’essai littéraire, mais … essai transformé ! commenterait l’ancienne plume de L’Equipe. C’est précis, documenté, argumenté. Chacun des cinq romans, toutes les nouvelles et préfaces, et le moindre de ses articles, sont habilement décortiqués sans jargon universitaire. Pas une citation qui ne soit contextualisée. Les rapprochements ne sont jamais […]
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