Littérature de langue française
Qui n’a jamais cédé à la tentation d’écrire à un écrivain ? Il faut oser, il faut s’autoriser. Ruminer la lettre, l’écrire, l’envoyer. Se croire d’égal à égal, d’autant qu’on n’en est plus au « mon cher Maître », encore que du côté de l’Académie, cela produit encore son petit effet. L’exercice est intimidant. L’ère du courriel a peut-être désinhibé les survivants de l’ère du courrier. Et puis écrire pour dire quoi ? Qu’on le remercie d’exister ou qu’on l’encourage à disparaître au plus tôt. Qu’on aime ses livres, qu’on les dédaigne, qu’on les interroge. Qu’ils contiennent des erreurs, des incorrections, des facilités, des […]
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Une fois rangé des voitures, quand bien même continuerait-il à accompagner quelques uns de ses auteurs, un éditeur a le choix entre lire et écrire. Gaston Gallimard s’était bien gardé de prendre la plume quand Bernard Grasset ne pouvait s’en empêcher. Mais même lorsqu’il cède à la tentation de l’écriture, souvent après avoir juré ses grands dieux durant toute sa carrière que jamais il ne succomberait à un tel pêché d’orgueil, l’éditeur hésite entre raconter sa vie et raconter celle des autres. Dans le premier cas, il présente son ours comme un « roman », alors que cela ne trompe personne (André […]
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L’amitié, ce pourrait être quelque chose comme ça (je cite de mémoire) : deux solitaires ensemble… un ami, c’est quelqu’un que vous pouvez appelez à minuit pour lui demander de vous aider à transporter un cadavre et qui le fait sans poser de questions… un ami, c’est comme un compte en Suisse : on n’a pas besoin de le voir tous les jours, on a juste besoin de savoir qu’il existe… etc On peut voir les choses ainsi. Mais on peut aussi juger la qualité d’une amitié aux limites qui bornent la critique de l’autre. Ce qui s’appelle critiquer. Sévère mais juste. […]
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Stéphanie des Horts a souvent décrit dans ses livres la puissance et le déclin de la haute société britannique (La splendeur des Charteris, Le diable de Rathcliffe Hall, La scandaleuse histoire de Penny Parker Jones). Elle a traqué aussi les dernières traces d’un génie français de la forme et de l’élégance (La Panthère. Le fabuleux destin de Jeanne Toussaint, joaillère des rois). Dans son dernier roman, paru chez Albin Michel, Le bal du siècle, elle nous emmène dans les Indes de 1947, dans un temps si proche et si lointain où le Pakistan n’est encore qu’un projet âprement défendu par […]
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« …s’il a d’ailleurs jamais existé… si Moïse il y eut jamais…». On trouve ces phrases dans Moïse fragile (276 pages, 22 euros, Alma). « …peut-être… pourquoi pas… » figurent dans Vie de Jude, frère de Jésus (386 pages, 22,90 euros, Albin Michel). N’y voyez ni excès de prudence, ni principe de précaution, ni facilité rhétorique, ni stratégie pour ratisser au plus large vers un public que la foi a déserté si elle l’a jamais habité. C’est simplement que Jean-Christophe Attias et Françoise Chandernagor, chacun avec les moyens qui lui sont propres, ont avancé dans l’inconnu avec des repères éblouissants. L’un et l’autre […]
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Il y a quelque chose de plus doux, en tout cas de moins violent, dans la désignation d’une personne comme étant limite plutôt qu’en état limite, et plus encore si on la dit borderline. Lorsqu’elle est simplement limite, on a l’impression qu’elle n’a pas encore basculé de l’autre côté, qu’on peut encore la rattraper, voire l’aider. Au-delà, c’est la pathologie, la camisole chimique. Ces gens qui seront peut-être nous un jour, mais qui sont un autre en attendant, sont au cœur d’un roman et d’une enquête. Le deuxième roman de Sylvie Le Bihan Là où s’arrête la terre (288 pages, […]
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Il est assez rare que des livres soient des actes. Il est assez rare que la littérature soit pratiquée et pas seulement considérée comme une tauromachie. Michel Leiris vous en aurait sans doute félicité. Il n’est plus des nôtres, les Goncourt sont heureux de le faire à sa place, un peu tard peut être, mieux vaut tard que jamais. Vous êtes, je crois, un chroniqueur abondant et un écrivain rare. Avec Meursault contre enquête vous vous exposez à la corne acérée du taureau. Le taureau au front bas, pieux, bête et méchant – vous l’avez frôlé, et vous êtes sur […]
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Ce n’est pas pour me vanter mais je suis en mesure de vous confirmer que la Suisse n’existe pas. Je le sais : j’en reviens. Il y a bien la Confédération helvétique, mais elle n’a qu’une réalité administrative, officielle, institutionnelle. Sans grande importance. On aurait pu croire que ce grand (imaginez un peu si on y dépliait les montagnes) et beau pays s’était autodissout et fondu dans le grand neutre à force de neutralité. En fait, ce microclimat identitaire au cœur de l’Europe, dont on croit à tort qu’il en serait le laboratoire, et qui est le pays le plus heureux […]
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Pour ceux qui ne le connaissaient pas, François Maspéro, qui vient de disparaître à 83 ans , était quelqu’un de pudique, discret, réservé. Du genre qui pèse chacun de ses mots avant de les employer. Des qualités manifestées tant dans son activité d’éditeur (« éditeur engagé » clament ce matin les médias, mais s’agissant de lui, c’était d’une telle évidence que cela en devenait pléonastique) que dans celle de traducteur et d’écrivain. Tout le contraire d’un bateleur de médias. Il fut autrefois le fondateur et l’âme des éditions Maspéro, résolument engagées à gauche, et l’animateur de la légendaire librairie « La joie de […]
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Qui d’autre que Pascal Quignard imagine-t-on prononcer une conférence sur « Les ruines de Port-Royal » en la cathédrale de Coutances, un soir de l’été dernier, en compagnie de Jean-François Détrée à l’orgue puis au clavecin ? Pour ceux qui n’en étaient pas, un éditeur attentif a pensé à la publier, non sans la réunir à d’autres prises de parole du même, mais improvisées celles-là, sous le titre Sur l’idée d’une communauté de solitaires (75 pages, 8 euros, Arléa). Est-ce dû à leur oralité première, fût-elle corrigée après coup ? Toujours est-il que ces paroles souvent lumineuses sont plus accessibles, en tout cas moins […]
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