de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Achtung-respect pour une folie de biographie sur Büchner

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A première vue, on se dit : c’est le livre d’un maniaque publié par un fou ; la quatrième de couverture y invite puisqu’elle le dit jeté dans le temps de l’Histoire comme la comète de Halley ou un caillou d’Orion dans l’espace sidéral de l’Univers. A mi-chemin, on comprend que ces deux extravagants étaient faits pour se rencontrer. A la fin, on rend les armes et l’on met chapeau bas devant Frédéric Metz et les éditions Pontcerq sises rue du Nivernais à Rennes. Des artistes à n’en pas douter. Il fallait l’être pour se lancer dans une telle entreprise : Georg Büchner […]

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Shakespeare au coeur d’une manipulation

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Voilà un « Du même auteur » qui pourrait s’intituler « Des mêmes auteurs ». Quitte à jeter un trouble, cela aurait pour vertu d’annoncer la couleur. Celle du double et de l’ambiguïté à l’œuvre dans La Tragédie d’Arthur (traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner, 516 pages, 22 euros, cherche midi) d’Arthur Philips. Car vérification faite, il y a bien deux listes en page de garde : d’une part les œuvres de William Shakespeare, d’autres part celles un peu moins nombreuses et nettement moins connues d’Arthur Philips. On devine déjà que l’on va pénétrer dans un grand roman de manipulation, couronné par le New York […]

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Ne pas renoncer aux difficultés de l’exactitude

Ne pas renoncer aux difficultés de l’exactitude

JEAN-LOUIS BACKES

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Autrefois, quiconque traduisait se donnait pour tâche de plier l’étranger aux lois qui avaient cours en France, lois du langage, lois de la poétique, ou même, simplement, lois de la politesse. Au vers 452 du chant VII, on entend Poséidon dire: «moi et Apollon». L’un des meilleurs représentants du goût classique, et pour cette raison tête de Turc de Victor Hugo, Prosper Bitaubé (1732-1808) corrige sereinement le dieu, lui enseigne les bonnes manières, et traduit: «Apollon et moi». Leconte de Lisle suit cet exemple. Comme ses prédécesseurs, et beaucoup de ceux qui l’ont suivi, Leconte de Lisle a été dressé […]

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Dans la grande course du temps

Dans la grande course du temps

Jean-Claude Lamy

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Depuis Love, etc., prix Femina étranger 1992, et surtout Le Perroquet de Flaubert, prix Médicis essai en 1996, Julian Barnes, qui vit à Londres, fait partie du paysage littéraire français. Comme le newyorkais Paul Auster, régulièrement célébré par ses lecteurs de l’Hexagone. Ce sont deux auteurs incontournables de la vie littéraire de notre pays où ils se sentent chez eux. La rentrée de janvier s’est enrichie d’un nouveau roman de Julian Barnes, Une fille, qui danse, traduit de l’anglais par Jean-Pierre Aoustin. Son éditeur annonce qu’il a reçu le prestigieux Man Booker Prize, le Goncourt d’outre-Manche. C’est une bonne raison […]

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L’ombre de Zweig

L’ombre de Zweig

LAURENT SEKSIK

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La vie d’un écrivain est faite de hasards minuscules qui s’enchaînent dans la solitude de sa chambre ou près des étals des libraires. En cette fin d’après- midi-là, j’hésitais encore sur le sujet de ma chronique. Depuis que j’avais cessé l’activité de critique littéraire, des années auparavant, je n’étais plus totalement au faîte de l’actualité du livre. Je ne recevais plus comme autrefois, par dizaines, et avant leur sortie, les livres sur mon palier. Les maisons d’édition avaient fort justement oublié mon adresse comme les lecteurs des journaux dans lesquels j’avais écrit, mes articles. Je suivais donc avec retard les […]

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De la dignité d’un grand majordome

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Un mot suffit parfois à engager et gouverner une vie. Un seul mot mais généralement porteur d’une telle charge de sens et de valeur qu’il vaut bien toute une œuvre. Pour Stevens, majordome de Lord Darlington dans les années 30, ce mot fut « dignité ». Kazuo Ishiguro, écrivain britannique d’origine japonaise, a fait de cet homme le narrateur et de ce mot le leitmotiv de son roman Les Vestiges du jour (The Remains of the day, traduit de l’anglais par Sophie Mayoux), couronné du Booker Prize en 1989, publié en français par Calmann-Lévy en 2011 et repris en poche chez Folio […]

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Un repentir sur « Crime et châtiment »

Un repentir sur « Crime et châtiment »

André Markowicz

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J’ai traduit Crime et Châtiment en 1995, dans une espèce de hâte, avec le souci constant de rendre sensible ce que Dostoïevski considérait comme essentiel, ce à quoi il passait, de son propre aveu, la majeure partie de son temps en écrivant un livre, la mise en place de l’image, du noyau poétique. Cette image, elle est invisible à la première lecture, et bouleversante d’évidence une fois qu’on l’a vue. Dans Crime et châtiment, c’est la résurrection de Lazare, présente non seulement à chaque page du livre, mais, littéralement, à chaque phrase, par la déclinaison des trois moments du récit […]

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Une rustine sur le cul d’un cheval

Une rustine sur le cul d’un cheval

Bernanrd Hoeppfner

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Si Louis et Celia Zukovsky sont parvenus à faire entrer le Brooklyn des années 30-40 dans les vers de Catulle lorsqu’ils l’ont traduit, est-il possible de faire entrer dans la langue française ce même Brooklyn, tel qu’il a été entendu, utilisé et transformé par Gilbert Sorrentino ? Seuls les lecteurs pourront le dire. Mais j’espère cependant qu’un peu de la langue de Sorrentino se retrouvera un jour dans le français de ses trop rares admirateurs de ce côté de l’Atlantique. Genre — « C’est pas un homme, mais une rustine sur le cul d’un homme », que j’aimerais entendre un jour, dans le […]

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Des femmes disparaissent

Des femmes disparaissent

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Une découverte ? Sans aucun doute. Une révélation ? Probablement. Avec le recul des quelques mois écoulés depuis sa parution, Certaines n’avaient jamais vu la mer (The Buddha in the Attic, traduit de l’anglais par Carine Chichereau, 144 pages, 15 euros, Phébus) a tout du petit livre inattendu d’une parfaite inconnue qui a réussi à discrètement s’imposer par sa force tranquille, sinon par l’évidence de ses qualités : originalité du thème, puissance du récit, maîtrise de la prose poétique, parfaite adéquation de l’une aux autres. On ne peut même pas dire que Julie Otsuka, californienne d’origine japonaise née en 1962, nous était arrivée […]

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Traduction et tra-diction d’un roman d’Enrique Vila-Matas

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Vilnius, le jeune héros du roman d’Enrique Vila-Matas, Air de Dylan, ressemble au chanteur Bob Dylan et cultive cette ressemblance. Le problème, c’est que Bob Dylan ressemble à tout le monde et à personne car, protéiforme, il change sans arrêt d’apparence. D’où l’évanescence physique de Vilnius qui ne peut ressembler à quelqu’un qui ne se ressemble pas. Dans cet ordre d’idées, la version française aurait pu très bien s’intituler « Faux air de Dylan », mais c’était négliger une autre piste, la voie duchampienne. Air de Dylan est aussi un hommage à Marcel Duchamp évoqué, entre autres, à la page 205 : « Une […]

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