de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Mais malgré tout, ce monde était beau

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Sur 14-18, voyez Barbusse et Giono, voyez Dorgelès et Genevoix ! Ce conseil sous forme d’injonction, des générations de collégiens et de lycéens français l’ont entendu dans la bouche de leurs professeurs chaque fois qu’ils ont eu à plancher sur ladite Grande Guerre. Il est vrai que Le Feu, et Le Grand troupeau, Les Croix-de-bois et Ceux de 14 sont des livres puissants, des témoignages si incontestablement frappés du sceau de l’authenticité –et pour cause ! qu’on n’ose rappeler qu’ils se présentent comme des romans. Seuls les élèves les plus curieux osaient aller voir aussi ailleurs, du côté de La Comédie de Charleroi […]

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Enigme que ce qui est pur surgissement

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Qu’on l’appelle « nouvelle traduction », expression privilégiée par les éditeurs pour son évident impact commercial, ou « retraduction », qui présente le défaut de trop entrer en résonance avec la répétition, le ressassement, la rectification, tous en conviennent : il faut régulièrement traduire « à nouveaux frais » (c’est vraiment le cas de le dire) les classiques, y compris les classiques modernes, car souvent les traductions vieillissent et reflètent l’esprit et la langue de leur époque. Régulièrement, cela signifie pour nombre de traducteurs : à chaque génération. Manifestement, beaucoup d’éditeurs ont une conception élastique de la notion. Cette année seulement, Gallimard a publié une nouvelle traduction […]

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De l’obscénité à représenter la violence

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« Bien sûr, les choses tournent mal… ». Six ans après l’attribution du Goncourt à son Sermon sur la chute de Rome, cette phrase récurrente rythme non seulement A son image (220 pages, 19 euros, Actes sud)  mais aussi les précédents romans de Jérôme Ferrari. A l’examen moins un tic d’écriture qu’un mot de passe d’un livre à l’autre. Connue avant tout comme « la femme de Pascal B. », un militant nationaliste qui avait accédé au prestigieux statut de prisonnier politique, l’héroïne est une jeune Corse qui avait commencé au mitan des années 80 à travailler comme photoreporter dans une agence locale du journal de […]

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Sholem-Aleikhem jusqu’au bout de la nuit

Sholem-Aleikhem jusqu’au bout de la nuit

Albert Bensoussan

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Quand il écrit en 1915 Les mille et une nuits de Krushnik, ce récit que nous offrent aujourd’hui les éditions de l’Antilope, dans la savoureuse traduction assortie de la savante introduction de Nadia Déhan-Rotschild et Évelyne Grumberg (160 pages, 16€), Sholem-Aleikhem vogue vers l’Amérique en tournant le dos à la première grande boucherie du XXesiècle. Cholem Naumovitch Rabinovitch, pour l’état civil, né à Pereïaslav, en Ukraine sous l’empire russe, en 1859, et mort en 1916 à New York, est alors un homme célèbre et le plus grand écrivain de langue yiddish. Sa créature, Tevye le laitier, Tevye der Milkhiger, a […]

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Qu’est-ce qu’un héros ?

Qu’est-ce qu’un héros ?

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Et si au fond tout écrivain écrivait pour ne pas être écrit ? La formule à la première personne revient souvent dans Le Monarque des ombres (El monarca de las sombras, traduit de l’espagnol par Aleksandar Grujicic avec Karine Louesdon, 324 pages, 22,50 euros, Actes sud), le nouveau livre de Javier Cercas, très attendu par les lecteurs des Soldats de Salamine, d’Anatomie d’un instant, de L’imposteur. Autant d’enquêtes sur un passé qui ne passe pas car il est de ces auteurs qui grattent obstinément les cicatrices quitte à rouvrir les plaies. « J’écris pour ne pas être écrit ». Autrement dit : j’écris pour me libérer […]

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Quelques éclats de l’âme de Kleist

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Deux coups de feu ont été entendus un jeudi 21 novembre en milieu d’après-midi sur les berges du petit lac de Wannsee, près de Berlin. Il fut constaté que, au moyen de deux pistolets emportés dans le panier à pique-nique, l’homme avait abattu d’une balle dans la poitrine celle qu’il aimait, une femme du nom de Henriette Vogel, avant de se tirer une balle dans la bouche. Ils avaient une trentaine d’années. Un fait divers à ceci près que le tireur s’appelait Heinrich von Kleist, qu’il était poète, dramaturge, nouvelliste, romancier et que son double geste éclairerait à jamais d’un […]

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Du trait d’union entre Moby et Dick

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Réussir son Moby Dick, un rêve d’écrivain… Du moins chez les Américains. L’expression est de longue date consacrée. En France, on en trouve l’équivalent chez les photographes plutôt : « Réussir un Fragonard », c’est avoir pris la photo dont on pressent qu’elle deviendra iconique, en tout cas pour son auteur. En écrivant Les Sept piliers de la sagesse, T.E. Lawrence disait vouloir écrire son Moby Dick. Entendez : une œuvre qui s’impose dans la durée. Daniel Mendelsohn, lui, avait même intitulé provisoirement son manuscrit en cours des Disparus du nom de code de Moby Dick… C’est dire le statut unique du grand roman […]

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John le Carré : retour à la guerre froide

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Lorsque le mur de Berlin, « mur de la honte » vu de l’Ouest et « mur de protection antifasciste » vu de l’Est, s’écroula en 1989, nombre de lecteurs à travers le monde eurent une pensée émue pour John le Carré soudain réduit au chômage technique. Qu’allait devenir leur écrivain de chevet si le symbole même de la guerre froide disparaissait ? C’est dire s’il passait pour son chroniqueur le plus attentif. A défaut de se recycler, il s’adapta. Fidèle à ses fantômes sans cesser de se colleter au contemporain, il creusa son vieux sillon de l’antiaméricanisme et de l’insupportable inféodation politique du Foreign […]

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Philip Roth s’en va, exit le fantôme

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Philip Roth s’est éteint à 85 ans hier soir dans un hôpital de New York des suites d’une insuffisance cardiaque congestive. Foin des classements et des podiums : il était certainement l’un des plus grands romanciers américains, sinon celui dont l’œuvre, par sa capacité à troubler, déranger, subvertir, inquiéter, domina la littérature dans son pays et au-delà au cours des quarante dernières années, ce qui apparut évident d’année en année un peu partout dans le monde sauf à Stockholm mais on ne tire pas sur une ambulance. Dans l’Amérique des années 50 et 60, Bernard Malamud fut l’âme d’un trio d’écrivains […]

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Pardonner n’est pas oublier

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Pas facile de s’emparer d’un livre lorsqu’il nous arrive précédé par sa légende. Courant lorsque l’on découvre tardivement un classique, le phénomène est plus rare s’agissant d’un roman récemment paru, le plus souvent à l’étranger, avant de nous parvenir. Son succès critique et public fait rouler les tambours. Pour le meilleur mais aussi pour le pire car ce type d’effet d’annonce peut aussi prévenir contre un livre les lecteurs qui détestent qu’on les enjoigne de grossir une unanimité déjà acquise et préfèreront toujours se décaler. De quoi donner un faux pli au jugement. Avec Patria (Patria, traduit de l’espagnol par […]

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