de Pierre Assouline

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La République des livres

Poésie

« On n’entend que le montagnard du Kremlin/ L’assassin et le mangeur d’hommes »

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Mandelstam, on connaît. Il suffit d’avoir un jour effleuré son oeuvre, fût-ce en traduction, pour en être marqué à jamais. Si en plus on a lu sa biographie par Ralph Dutli, on connaît mieux. Et mieux encore si l’on a conservé en mémoire Le Bruit du temps, recueil d’esquisses autobiographiques qui dit la puissance et la fragilité de sa parole poétique au plus profond de ses cinq années de mutisme poétique. Ou la formule de Marina Tsvetaeva (ici sa traduction du Crépuscule de la liberté), laquelle s’interrogeait : comment un grand poète peut-il être un homme petit ? Elle accablait le prosateur […]

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La poésie est-elle traduisible ?

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Plutôt que l’inusable scie traduttore traditore, ceux nombreux (mais oui, et bien plus nombreux qu’on ne l’imagine) qui s’intéressent aux questions de traduction seraient bien inspirés de s’interroger sur la définition de cette activité par Paul Valéry loin de la trahison comme de la nécessité de « créer de la grâce au plus près de la gêne ». Il est vrai qu’il commentait les traductions des œuvres de Jean de la Croix par le carme Cyprien de la Nativité de la Vierge, mais tout de même. Ce n’est pas un hasard si on trouve cette citation dès les premières pages de La Seconde Profondeur […]

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« Musique de chambre » et la vocation de Joyce

« Musique de chambre » et la vocation de Joyce

Marc C. Conner

Musique de chambre (Chamber Music, traduit de l’anglais (Irlande) par Olivier Litvine,  (95 pages, 20 euros, édition bilingue, Caractères), est le premier ouvrage de James Joyce. Si ses œuvres en prose, par leur complexité, semblent éclipser ce recueil de courts poèmes lyriques, il reste que par maints aspects, c’est un des livres les plus intimes jamais écrits par Joyce, une œuvre qui n’a jamais cessé de hanter son imagination. C’est par la poésie que Joyce entra en littérature : son ambition initiale était sans conteste de devenir un grand poète irlandais. Lorsqu’en 1899, son compatriote W.B. Yeats publia The Wind Among the Reeds (Le vent dans […]

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Le silence d’un père suffit à inquiéter l’enfance d’un fils

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Un écrivain écrit ce qu’il a à écrire à son heure. Kairos, dieu de l’occasion opportune par opposition à Chronos, dieu du Temps et père des Heures, en a décidé ainsi. Ce n’est pas Yves Bonnefoy qui nous démentira. Son dernier livre, dans les deux sens du terme probablement (il s’est éteint le 1 er juillet à l’aube, en est la bouleversante illustration. En 1964, il s’était lancé dans ce qu’il voyait comme « une idée de récit ». Depuis, il n’avait cessé de la reprendre et d’y renoncer, d’interruptions en reprises et de reprises en renoncements. La chose, informe et confuse […]

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Ce matin en me levant…

Ce matin en me levant…

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ce matin en me levant je n’avais aucune envie de faire quelque chose pas même de ramasser un navet même l’idée de manger m’indispose je vois quelqu’un qui passe mais je n’ose frapper au carreau car en ce bas monde cela ne se fait pas il est immonde d’interpeller quelqu’un sur le trottoir même si la beauté qui tant abonde nous fait croire à je ne sais quel espoir (in Le Pain Quotidien, La Table Ronde, 2006)                     j’accroche à mes pensées l’idée suspecte 
de durer sans savoir à quoi durer 
à longueur […]

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Michaux, Henri, poète sachant dire non

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Non ! Il en est qui ont besoin d’une vie pour apprendre à savoir dire non. Toute une vie ou presque, mais si ils y parvenaient avant, ce ne serait pas plus mal. Un simple « non » mais manifestement difficile à prononcer si l’on en juge par sa rareté, sa difficulté, sa violence. Il n’est pas de plus éclatant gage de la liberté conquise que cette faculté de refus. Henri Michaux fait partie, avec Léon-Paul Fargue et quelques autres, de cette poignée d’écrivains dont leur éditeur Gaston Gallimard disait qu’ils étaient le plus grand obstacle à la diffusion de leur œuvre. Nul […]

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Une vérité tirée du silence

Une vérité tirée du silence

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Quel écrivain des années 50 aurait imaginé que son courrier serait édité au vingt et unième siècle grâce au mécénat de la Poste, notre bonne vieille poste des facteurs à la ville et aux champs, par le biais de sa Fondation d’entreprise ? C’est le cas entre autres de la Correspondance (336 pages, 28 euros, Gallimard) échangée entre 1954 et 1968 par les deux poètes qui ont dominé leur époque, René Char en langue française, Paul Celan en langue allemande. La clandestinité des années de guerre, leur lecture des présocratiques, le surréalisme, la politique, leurs relations avec les femmes, la passion de […]

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Le rêve d’impuissance des Portugais selon Eduardo Lourenço

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Y a-t-il un essayisme heureux ? On mettra certainement sur le compte de la saudade, variante de la mélancolie mais dans ce qu’elle a de plus heureuse et blason de la sensibilité portugaise, le fait qu’Eduardo Lourenço ne voit dans cette pratique exclusive de son métier d’écrivain que désastre personnel et vision tragique de la vie. Moins connu que George Steiner, Claudio Magris, Roberto Calasso ou le regretté Simon Leys, il est pourtant de la même famille. Cela n’a rien de politique. Juste qu’ils ont en commun une intelligence du cours des choses littéraires et poétiques, assise sur une fascinante érudition […]

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Ingeborg Bachmann, une poésie qui ne se résigne pas

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Il y a comme ça des livres qu’on guette, qu’on attend, qu’on espère ou qu’on se désespère de ne pas voir paraître à l’horizon. Oh, n’exagérons rien, on survit et on ne sache pas qu’un inédit qui le soit demeuré ait jamais poussé un lecteur au suicide. Tout de même, quel bonheur de découvrir enfin l’anthologie poétique des années 1942-1967 d’Ingeborg Bachmann (1926-1973) publiée il y a quelques jours sous le titre Toute personne qui tombe a des ailes (588 pages, 13,50 euros, Poésie/Gallimard), un vers chu d’un poème, on s’en doute, dans une exigeante édition bilingue de Françoise Rétif […]

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La parole retrouvée de la poésie slovène

La parole retrouvée de la poésie slovène

Françoise Siri

On connaît peu la poésie slovène en France. L’occasion nous a été donnée de la découvrir en octobre, à la Sorbonne, où l’on recevait Barbara Pogačnik, lumineuse poète de quarante ans, ayant déjà trois recueils derrière elle et des traductions dans plus d’une vingtaine de langues. L’un de ses traducteurs français est un poète singulier et rare, Guy Goffette, qui retrouve dans la poésie de cette jeune femme un écho à sa propre mélancolie :  « Grand­mère est assise au milieu de sa chambre, / dans la lumière des tableaux peints par sa mère. / Le reflet de l’argenterie terne se pose […]

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