de Pierre Assouline

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La République des livres

Poésie

Mourir… dormir, dormir ! Rêver peut-être !

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Nous aura-t-il fait rêver, justement, ce passage de Shakespeare… (Hamlet, III, 1). Il y a plusieurs années, Katharina Hagena en avait fait le fil rouge d’un beau roman L’Envol du héron ((Vom Schlafen und Verschwinden, traduit de l’allemand par Corinna Gepner, Editions Anne Carrière). Etait-ce le roman de la disparition ou celui du sommeil ? A moins que ce ne fut l’un dans l’autre, ce qui disparaît de nous lorsque nous nous abandonnons. L’un de ses trois personnages principaux était une somnologue, qui allait d’un congrès l’autre. Entre collègues, ils s’y projetaient des films de patients, généralement des maires ou des pasteurs, espionnés dans […]

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Triomphe de Pétrarque

Triomphe de Pétrarque

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Est-ce dans une lettre, dans un article ou dans la Recherche du temps perdu plus probablement que Proust emploie l’exquis néologisme de son crû « pétrarquiser » (correction : en fait, c’est de Sainte-Beuve) dont le sens n’a pas du paraître évident à nombre de lecteurs, du moins nos plus contemporains  plutôt que ceux de son temps ? C’est aussi que depuis, un certain humanisme s’est perdu et que Francesco Petrarca (Arezzo, 1304- Arqua 1374) dit Pétrarque de par chez nous, grand poète en latin devenu le plus grand poète en italien après Dante (chronologiquement, l’un et l’autre faisant du toscan l’italien littéraire), […]

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De la poétique avant toute chose…

De la poétique avant toute chose…

Revue "Critique"

Toujours l’exception française ? Tandis que les études littéraires, un peu partout dans le monde, succombent aux sirènes des cultural studies, la «poétique», chez nous, fait de la résistance. Certes, elle a ses détracteurs qui pointent du doigt dérives dogmatiques ou dommages pédagogiques. Ce qui frappe, cependant, c’est sa vitalité. L’un de ses pères fondateurs, Gérard Genette, nous a quittés au printemps dernier; mais l’«aventure poétique1» continue, comme l’atteste, en cette année 2018, une belle salve de publications. Critique n’a cessé d’accompagner l’œuvre de Gérard Genette2 et Marc Cerisuelo le fait encore une fois, dans ce numéro, évoquant Postcript – […]

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Mais malgré tout, ce monde était beau

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Sur 14-18, voyez Barbusse et Giono, voyez Dorgelès et Genevoix ! Ce conseil sous forme d’injonction, des générations de collégiens et de lycéens français l’ont entendu dans la bouche de leurs professeurs chaque fois qu’ils ont eu à plancher sur ladite Grande Guerre. Il est vrai que Le Feu, et Le Grand troupeau, Les Croix-de-bois et Ceux de 14 sont des livres puissants, des témoignages si incontestablement frappés du sceau de l’authenticité –et pour cause ! qu’on n’ose rappeler qu’ils se présentent comme des romans. Seuls les élèves les plus curieux osaient aller voir aussi ailleurs, du côté de La Comédie de Charleroi […]

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Le « troisième monde » de Marina Tsvetaeva

Le « troisième monde » de Marina Tsvetaeva

Hélène Henry

Voici, enfin rassemblés, les « longs poèmes » de Marina Tsvetaeva, dans une traduction de Véronique Lossky. La traductrice achève avec ce volume une entreprise capitale : donner à lire en français toute l’oeuvre poétique de Tsvetaeva. Longtemps la porte n’avait été qu’entrouverte : la prose de Tsvetaeva nous était parvenue la première, grâce aux efforts conjugués d’éditeurs perceptifs (Clémence Hiver) et de quelques traducteurs de la première heure ; puis parurent, en 2009 et 2011, sous la direction de Tsvetan Todorov et Véronique Lossky, les deux tomes du Seuil. Moins heureuse malgré des réussites de traduction superbes, éparpillée, livrée au […]

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Lire Rilke, c’est d’abord prêter l’oreille

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Etant entendu que la fonction de la poésie est selon Yves Bonnefoy « d’inquiéter le langage », et que sa traduction reflète d’après Paul Valéry la nécessité de « créer de la grâce au plus près de la gêne », on n’en continuera pas moins à ses demander si un poète est le mieux placé pour traduire un poète. Le problème se pose avec moins d’acuité s’agissant d’un romancier pour un romancier, à supposer que cela fasse vraiment problème. Avec les poètes, il en va autrement. Le linguiste Roman Jakobson ayant décrété que par définition, la poésie était intraduisible, et que seule la transposition créatrice était […]

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Intraductibilités sonores

Intraductibilités sonores

Roméo Fratti

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Dans son essai intitulé Peut-on lire Pascoli en français aujourd’hui ? Jean-Charles Vegliante, poète, traducteur et professeur émérite à la Sorbonne-Nouvelle, se demandait si l’œuvre de Giovanni Pascoli, poète italien de la seconde moitié du XIXèmesiècle, avait une « chance d’être lisible comme texte : suite écrite, parole poétique, discours original déchiffrable et recevable, en français aujourd’hui. (…) » Les recherches de Vegliante ont mené à la rédaction d’un large choix de poèmes de Pascoli, réunis sous un titre qui renvoie sans ambiguïté au noyau de sens susceptible d’échapper à la raison lors de la lecture d’un texte poétique : L’impensé la poésie  (Choix de poèmes […]

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Prendre le temps d’écouter ce bruit-là

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Si tout autre maison que le Bruit du temps (avec La Dogana) avait publié ce coffret (1200 pages, 59 euros) habité par un cri et par la grâce, on aurait été en droit de dénoncer une injustice. Quel plus bel hommage que cette édition techniquement si soignée (typographie, papier, mise en page, finition) de ces deux volumes rassemblés, Œuvres poétiques ( en bilingue, 784 pages) et Œuvres en prose (736 pages) d’Ossip Mandelstam (1891-1938) ! On dira familièrement que c’est un petit éditeur. Comme quoi la taille ne préjuge pas de l’envergure. C’est pourtant un des plus discrets, exigeants, ambitieux, obstinés que […]

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Et la poésie, me direz-vous ?

Et la poésie, me direz-vous ?

Franck Venaille

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Je vous dois, d’emblée cette confidence, cet aveu : je suis mal à l’aise pour parler en public, au public, et personne de raisonnable n’a su, ou voulu, me donner des explications sur mon sort. Enfant, j’admirais Robin Crusoé parce qu’il avait appris à vivre et à penser seul. Seul ? Dernièrement j’ai lu un texte de Virginia Woolf où elle disait que durant des années notre ami Robinson « mangeait un bout », comme on le dit à Bruxelles, en dialoguant avec le pot en terre cuite qu’il avait fabriqué -– un pot définitivement muet. Modestement je rejoins le camp de Daniel Defoe. […]

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Traduire le silence de Rimbaud

Traduire le silence de Rimbaud

Roméo Fratti

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Comment entendre le langage baudelairien « des fleurs et des choses muettes » si ce n’est par le silence, premier pas vers l’écoute et la possibilité de comprendre ? « J’écrivais des silences, (…) je notais l’inexprimable (…) » affirme Arthur Rimbaud au moment de son bilan poétique dans Une saison en enfer. L’auteur suggère un refus de l’acte d’énonciation de la voix poétique et semble confier sa création à une perception sensorielle silencieuse, capable d’exprimer des aspects inexprimables du monde. Le sujet se tait pour céder sa place au silence. L’écriture en vient donc à désigner un processus de transcription du silence, qu’il s’agisse du […]

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