de Pierre Assouline

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La République des livres

Poésie

Baudelaire plus que jamais « n’importe où hors du monde »

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Et dire qu’on en est là : évoquer le génie de Baudelaire en contrepoint de celui de Houellebecq, parler de l’un pour établir des analogies avec l’autre, convoquer à son corps défendant l’ombre tutélaire de l’incontestable poète qui continue à dominer les lettres françaises depuis un siècle et demi pour consolider la réputation de celui que les medias veulent à tout prix nous vendre comme le Grand-Poète-de-son-époque… Quelle misère intellectuelle et quel triste signe des temps ! Il suffirait pourtant d’expédier la chose, et l’Autre autoconsacré par son propre pavé de l’Herne, d’une citation de Baudelaire échappée du Peintre de la vie moderne : […]

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Ce n’est rien, juste des mots écrits sur l’eau

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De Paterson de Jim Jarmusch, on pourrait dire a priori qu’il y a là un certain abus à anticiper sur le label poétique que la critique ciné ne manque pas de lui accoler. Il y a bien une histoire : un jeune chauffeur de bus, sa compagne, leur bouledogue anglais craint comme un pittbull vivent à Paterson, New Jersey. Paterson (car c’est aussi son nom à lui) a un emploi du temps hautement répétitif, ritualisé sans maniaquerie ni ponctualité. Juste que c’est tous les jours pareil : lever à six heures, gare des bus, la ligne toute la journée, retour à la maison, s’assoit […]

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Bonsoir tout le monde !

Bonsoir tout le monde !

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I’m not there ? En effet. Comme prévu, Bob Dylan aura donc brillé par son absence samedi aux cérémonies de remise du prix Nobel de littérature à Stockholm. Il avait un autre engagement au même moment (la twittosphère a persiflé qu’il avait piscine). Son attitude est dans le droit fil de la désinvolture avec laquelle il n’avait pas daigné décrocher son téléphone pendant deux semaines à l’appel du comité Nobel chargé de lui annoncer la nouvelle, puis entretenu le suspens sur sa venue en Suède. Samedi, c’était donc le grand jour. Point de récipiendaire. Point de discours non plus. Les Suédois […]

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Ugo Foscolo et l’écriture d’un « problème italien »

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En octobre 1796, alors que le général Bonaparte apporte en Italie le germe de la révolution, la vieille République de Venise refuse l’alliance avec les Français et proclame sa neutralité. Empreint de convictions démocratiques, le jeune poète Ugo Foscolo s’indigne de voir la Sérénissime reculer devant ce qu’il considère comme un combat pour la liberté. La composition, au même moment, du sonnet À Venise (A Venezia), marque l’avènement en Europe d’une poésie à la fois historique et patriotique et donne le ton héroïque et civique des poèmes politiques qui vont suivre : Aux nouveaux républicains (Ai novelli repubblicani) et Bonaparte libérateur […]

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Coup d’oeil en « Enfer »

Coup d’oeil en « Enfer »

Jean-Pierre Pisetta

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Pourquoi traduit-on un texte ? La plupart du temps, bien sûr, parce qu’on nous le demande. Les traductions sont donc majoritairement des commandes. Dans le domaine littéraire toutefois, l’initiative revient souvent aux traducteurs et les éditeurs ne manquent pas de rester ouverts à leurs propositions. Mais certaines traductions se font aussi pour le plaisir, comme on peint un tableau, le dimanche, ou comme on cultiverait ses choux le temps de la retraite venu. Une fois la besogne menée à bien, elle devient quelquefois « rentable », c’est-à-dire que le tableau est vendu, que les choux sont dégustés et que la traduction atterrit dans l’étalage d’une […]

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Le bras d’honneur des Nobel à la littérature américaine

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Des années qu’elle attend sa consécration. Des années que sont régulièrement consignés les noms de Philip Roth, Don De Lillo, Cormac McCarthy, Russell Banks et quelques autres et non des moindres. Des années que l’Académie suédoise laisse faire, laisse dire, laisse écrire. Une règle : ne jamais démentir les rumeurs (son point commun avec la CIA). Une seule fois, il y a huit ans, Horace Engdahl alors secrétaire du comité Nobel, légèrement escagassé que l’on reproche à sa bande de copains engoncés d’ignorer les susnommés, ne supportant plus cette pression insistante en leur faveur, laissa éclater son humeur américanophobe non sans […]

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« On n’entend que le montagnard du Kremlin/ L’assassin et le mangeur d’hommes »

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Mandelstam, on connaît. Il suffit d’avoir un jour effleuré son oeuvre, fût-ce en traduction, pour en être marqué à jamais. Si en plus on a lu sa biographie par Ralph Dutli, on connaît mieux. Et mieux encore si l’on a conservé en mémoire Le Bruit du temps, recueil d’esquisses autobiographiques qui dit la puissance et la fragilité de sa parole poétique au plus profond de ses cinq années de mutisme poétique. Ou la formule de Marina Tsvetaeva (ici sa traduction du Crépuscule de la liberté), laquelle s’interrogeait : comment un grand poète peut-il être un homme petit ? Elle accablait le prosateur […]

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La poésie est-elle traduisible ?

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Plutôt que l’inusable scie traduttore traditore, ceux nombreux (mais oui, et bien plus nombreux qu’on ne l’imagine) qui s’intéressent aux questions de traduction seraient bien inspirés de s’interroger sur la définition de cette activité par Paul Valéry loin de la trahison comme de la nécessité de « créer de la grâce au plus près de la gêne ». Il est vrai qu’il commentait les traductions des œuvres de Jean de la Croix par le carme Cyprien de la Nativité de la Vierge, mais tout de même. Ce n’est pas un hasard si on trouve cette citation dès les premières pages de La Seconde Profondeur […]

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« Musique de chambre » et la vocation de Joyce

« Musique de chambre » et la vocation de Joyce

Marc C. Conner

Musique de chambre (Chamber Music, traduit de l’anglais (Irlande) par Olivier Litvine,  (95 pages, 20 euros, édition bilingue, Caractères), est le premier ouvrage de James Joyce. Si ses œuvres en prose, par leur complexité, semblent éclipser ce recueil de courts poèmes lyriques, il reste que par maints aspects, c’est un des livres les plus intimes jamais écrits par Joyce, une œuvre qui n’a jamais cessé de hanter son imagination. C’est par la poésie que Joyce entra en littérature : son ambition initiale était sans conteste de devenir un grand poète irlandais. Lorsqu’en 1899, son compatriote W.B. Yeats publia The Wind Among the Reeds (Le vent dans […]

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Le silence d’un père suffit à inquiéter l’enfance d’un fils

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Un écrivain écrit ce qu’il a à écrire à son heure. Kairos, dieu de l’occasion opportune par opposition à Chronos, dieu du Temps et père des Heures, en a décidé ainsi. Ce n’est pas Yves Bonnefoy qui nous démentira. Son dernier livre, dans les deux sens du terme probablement (il s’est éteint le 1 er juillet à l’aube, en est la bouleversante illustration. En 1964, il s’était lancé dans ce qu’il voyait comme « une idée de récit ». Depuis, il n’avait cessé de la reprendre et d’y renoncer, d’interruptions en reprises et de reprises en renoncements. La chose, informe et confuse […]

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