traducteur

En 1986, peu après la publication de ma première traduction – des contes et des récits de Léon Tolstoï traduits du russe en français –, un ami me proposa d’aller présenter le livre dans l’école primaire de son fils. L’ouvrage étant illustré, j’avais fait des agrandissements de certains dessins et avais débarqué dans la région belge de Charleroi armé de mon matériel didactique. La classe était principalement composée d’enfants d’immigrés turcs et, après les présentations d’usage effectuées par la maîtresse, l’un de ces écoliers m’avait demandé ce que c’était que la « traduction ». C’est effectivement un mot savant et je me […]
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(…) Quels sont le noyau et le développement du Pasticciaccio (Quer pasticciaccio brutto de via Merulana qui paraît ces jours-ci en français sous le titre L’affreuse embrouille de via Merulana) ? La question est à la fois simple et compliquée. Elle est simple par son « histoire » : deux crimes sont au centre des événements, le vol des bijoux d’une comtesse d’origine vénitienne et, deux jours plus tard, l’assassinat de madame Liliana Balducci, romaine, perpétrés sur le troisième palier d’un immeuble, sis au 219 de via Merulana, où vivent confortablement des gens et des familles de la nouvelle bourgeoisie romaine, le « […]
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Pourquoi traduit-on un texte ? La plupart du temps, bien sûr, parce qu’on nous le demande. Les traductions sont donc majoritairement des commandes. Dans le domaine littéraire toutefois, l’initiative revient souvent aux traducteurs et les éditeurs ne manquent pas de rester ouverts à leurs propositions. Mais certaines traductions se font aussi pour le plaisir, comme on peint un tableau, le dimanche, ou comme on cultiverait ses choux le temps de la retraite venu. Une fois la besogne menée à bien, elle devient quelquefois « rentable », c’est-à-dire que le tableau est vendu, que les choux sont dégustés et que la traduction atterrit dans l’étalage d’une […]
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Sous l’invocation de Salomon. Il existe trois sortes de langues françaises : l’écrite, la parlée, et celle des traductions de Shakespeare. * Lorsque j’étais enfant, on me disait que la version était un exercice de français. Les traducteurs de Shakespeare n’ont jamais été enfants. * Les traductions de Shakespeare sont presque toutes incompréhensibles. D’une lenteur exaspérante, d’une parfaite inefficacité dramatique. Shakespeare y a résisté, comme les malades de Molière à leur médecin. Mais ce n’est pas le seul miracle : les comédiens aussi ont survécu à ce traitement, à ces phrases imprononçables, à ces tirades obscures ; et ce n’est pas le […]
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Musique de chambre (Chamber Music, traduit de l’anglais (Irlande) par Olivier Litvine, (95 pages, 20 euros, édition bilingue, Caractères), est le premier ouvrage de James Joyce. Si ses œuvres en prose, par leur complexité, semblent éclipser ce recueil de courts poèmes lyriques, il reste que par maints aspects, c’est un des livres les plus intimes jamais écrits par Joyce, une œuvre qui n’a jamais cessé de hanter son imagination. C’est par la poésie que Joyce entra en littérature : son ambition initiale était sans conteste de devenir un grand poète irlandais. Lorsqu’en 1899, son compatriote W.B. Yeats publia The Wind Among the Reeds (Le vent dans […]
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Giovanni Verga (1840-1922), écrivain sicilien que l’on considère comme le père du vérisme (du mot italien vero, « vrai » ou « vérité »), mouvement littéraire comparable au naturalisme français (on appelle parfois Verga « le Zola italien »), a tiré plus d’une fois des œuvres théâtrales de ses productions en prose. C’est notamment le cas de la célèbre Cavalleria rusticana (titre jamais traduit mais que l’on pourrait rendre en français par un Code de l’honneur rustique). Cette nouvelle, publiée dans le recueil Vita dei campi[1] (1880), fit l’objet d’une adaptation théâtrale, opérée par Verga lui-même, en 1884 ; le musicien Pietro Mascagni en tira aussi, en […]
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Dès septembre prochain, je vous propose de m’accompagner dans la traduction de Jérusalem, d’Alan Moore, à paraître aux éditions Inculte à la rentrée 2017. Mais avant de vous parler de ce roman et de sa « translation », commençons par le commencement. Une des premières choses que doit faire le traducteur, face à un texte qu’on lui propose, c’est le « calculer ». Avant d’en devenir le lecteur obsessionnel et assidu, avant même de le déplier, de le décortiquer comme un curieux et croquant crustacé, il doit s’assurer du volume qu’occupe ledit texte dans le temps. Ce crabe a un poids avant d’être une démarche. […]
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Peut-on parler de roman au sens strict ? Avec Les Ragazzi (1955) de Pier Paolo Pasolini, il s’agit en effet d’une suite de récits – chacun précédé d’un titre qui le singularise – sans un unique véritable protagoniste. Nous sommes en présence d’une pluralité de personnages dont Riccetto paraît être le plus marquant, le plus suivi, mêlé tout de même à la petite foule qui l’entoure. On peut voir dans ce choix de présentation de l’œuvre un raccord possible avec la tradition italienne de la nouvelle instaurée par Boccace. Le choix de cette forme, d’un entre-deux que l’on pourrait considérer […]
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Isaac Babel est un grand écrivain, il existait par et pour la littérature, écrire était sa passion et sa raison de vivre. Or la biographie que lui a consacrée Adrien Le Bihan Isaac Babel. L’écrivain condamné par Staline (343 pages, 22 euros, Perrin) traite presque exclusivement de sa personnalité, de sa vie privée et de ses positions politiques – du moins telles que les comprend l’auteur. Si, après bien des hésitations, je prends la plume pour parler de cet ouvrage, c’est parce que Babel lui-même n’est plus là pour se défendre contre le réquisitoire dont il fait ici l’objet, tant d’un point de […]
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Tout le monde sait qu’il existe une traduction de Beowulf en anglais moderne et en prose, réalisée par J.R.R. Tolkien, et au vu de la réputation et de l’éminence de celui-ci dans le domaine des études littéraires et linguistiques vieil anglaises, le fait qu’elle soit restée inédite pendant de si nombreuses années est même devenu matière à reproche. C’est moi qui suis responsable de cette situation, et la raison ou explication première en est assez simple. Cette traduction fut achevée vers 1926, quand mon père avait 34 ans ; deux décennies d’enseignement de l’anglo-saxon à Oxford l’attendaient, deux décennies d’étude approfondie de la poésie […]
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