de Pierre Assouline

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La République des livres
Georges Lambrichs ou l’épatant éditeur

Georges Lambrichs ou l’épatant éditeur

Un éditeur peut en cacher un autre. A qui la faute ? Notre langue, dont la clarté est un mythe inusable, l’anglais étant bien plus riche sur le plan lexical. Ainsi n’avons-nous que le mot « éditeur » pour désigner le patron et parfois propriétaire d’une maison d’édition ainsi que son directeur littéraire plus directement en prise avec les auteurs dans le travail sur les manuscrits. Dans le monde anglo-saxon, on distingue plus nettement le publisher de l’editor. Deux statuts et deux responsabilités sans commune mesure. Dans les petites maisons, il cumule les deux. Ailleurs, l’un dirige la boîte tandis que l’autre se penche sur les textes à l’état brut. A l’un la fréquentation des banquiers et des commerciaux ; à l’autre celle des écrivains. Lire ou compter, il faut choisir.

 Il est tellement mystérieux que sa fonction ne porte même d’intitulé précis en français. Comment l’appelle-t-on ? On ne l’appelle pas. C’est dire s’il est discret, secret même, il est l’homme invisible. La faute à Jean Paulhan qui l’a incarné pendant des décennies. L’éminence grise de Gallimard a même réussi à invisibiliser ses pairs. Aussi il est remarquable que l’un d’eux, Georges Lambrichs, fasse l’objet d’une biographie entièrement consacrée à son œuvre de découvreur. Le Chemin continue (288 pages, 21,50 euros, Gallimard) d’Arnaud Villanova est le titre de celle qui révèle la personnalité et le travail de Georges Lambrichs (1917-1992).

On attendait de lui un jugement prononcé parfois sous forme de verdict. Sa formulation lapidaire lui donnait une réputation de taciturne. Du genre à taire ce qui va sans dire. Lorsque le texte qui lui était soumis lui plaisait, il disait simplement : « C’est épatant ». Et dans le cas contraire : « Ca ne va pas ». A l’image des attendus : sa fiche de lecture excède rarement trois lignes. C’est à peine s’il s’autorise : « C’est un peu longuet… ». Si d’aventure l’auteur se pliait aux observations critiques des membres du comité de lecture et soumettait à nouveau son manuscrit, alors Lambrichs le gratifiait d’un : « Qu’est-ce que c’est que cet écrivain qui fait tout ce qu’on lui demande ? ». Le roman, la nouvelle, le poème, l’essai en devenir, il ne les jugeait pas seulement au premier coup d’œil mais à l’oreille ; il doit dégager un son original.

Le principal mérite du travail d’Arnaud Villanova, à l’origine un mémoire de recherche, est d’avoir largement puisé dans les riches archives de Georges Lambrichs déposées à l’IMEC (Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine) et de nous en révéler la teneur. Délectable ! Ses formules ont la saveur du paradoxe :

« Les mots souvent nous aveuglent plus qu’ils ne nous éclairent »

Une pipe derrière un noeud pap. Un taiseux à l’écoute, regard myope à l’affût d’une langue. Un authentique passeur que Georges Lambrichs. Editer, ce n’est pas seulement lire : c’est mettre des écrivains en présence les uns des autres autour d’une table bien garnie en mets et flacons, au restaurant ou chez lui en toute convivialité, pour qu’ils se parlent, autrement dit pour qu’ils s’engueulent, que leur entremetteur s’enivre de leur conversation et se désaltère de leur disputatio, afin que s’établisse une relation, qu’en naissent des amitiés et qu’en jaillisse une bande, un réseau, une nébuleuse, un groupe. Surtout pas une école, synonyme de discipline et d’autorité, ni une avant-garde, irrémédiablement promise à un destin d’arrière-garde, mais bien une famille d’esprit, comme il en existait au sein des revues d’autrefois, laboratoire des idées de demain. Un monde hélas révolu.

Après avoir travaillé chez Minuit et Grasset, Lambrichs fut à partir de 1959 et jusqu’en 1987 chez Gallimard autant l’homme d’une collection à l’enseigne du « Chemin » que celui d’une revue labellisée « Les Cahiers du Chemin ». Son contrat signé par Gaston Gallimard vaut le détour : il y est stipulé qu’il est engagé comme « directeur littéraire toutes mains, traitant des manuscrits sans ligne directrice » et que le nouvel employé devra consacrer au éditions Gallimard « le meilleur de son temps » ! Voilà qui est ficelé. D’autant qu’il avait l’austère réputation de ne publier que dans la littérature expérimentale. Après la parution par ses soins chez Grasset du Repos du guerrier de Christiane Rochefort, gros succès public, la maison de Proust s’empressa de le débaucher.

Il respectait « la manière qu’avait chacun de respirer dans la langue ». Avec Samuel Beckett, dont le premier livre lui avait été déposé sur son bureau par sa femme, c’était un colloque de taiseux. Mais ce qu’il en disait, il pouvait le dire des autres aussi :

« Je ne peux pas trouver à sa place les solutions. En revanche, je peux lui donner confiance, l’encourager, l’aider à tenir ».

Une collection, c’est quelqu’un derrière pour la diriger et quelqu’un devant pour l’incarner. Le plus souvent le même. Le Chemin, c’est Georges Lambrichs. Quand on lui demandait pourquoi il l’avait ainsi baptisée, il répondait invariablement : « Parce que le chemin continue ». Moins une question de flair qu’une vista sans pareille. Il sait repérer- intransitivement. Son secret ? La lecture mais lente, lente… En toute indépendance et dans l’absolue liberté de jugement, sans le moindre contrôleur de gestion dans les parages.

Il guettait chaque jour l’arrivée du facteur avec une ardeur inentamée car ses plus belles surprises lui venaient de manuscrits postés par des inconnus. Un jour, au début des années 60, l’un d’eux âgé de 22 ans lui adressa timidement le sien. « C’est épatant… ». Différents titres sont essayés : « Le Tâtonneur, » « Le Deuil », « Splendeur multiple », « Dernier jour avant la mer », « Le Jésus-Baigneur », « Lumière d’ailleurs », « La Dessiccation », « Artériosclérose », « La Déflagration », « Au-dessous du soleil-lune »… Il parait finalement sous le titre Le Proçès-verbal, est couronné du prix Renaudot et sera suivi d’une dizaine d’autres parus sous la même bannière du même JMG Le Clézio. Son succès, avec ceux de Jacques Borel et Pascal Lainé, lauréats du prix Goncourt, met sa collection chroniquement déficitaire à l’abri des sarcasmes pour un certain temps. S’y côtoieront Butor, Klossowski, Pieyre de Mandiargues, Laclavetine Guyotat, Beaussant, Bobin, Sarraute, Starobinski, Tardieu notamment.

Butor l’avait observé : avec l’âge, le plus chevronné des découvreurs risque de devenir un gardien du temple. Le rebelle triomphant avait acquis une incontestable autorité sans que l’on sût jamais s’il avait vraiment exercé le pouvoir qu’on lui prêtait. Un éditeur, quoi.

(« Un placard corrigé de la main de de qui vous savez » photo D.R. ; « Georges Lambrichs » photo

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire.

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commentaires

939 Réponses pour Georges Lambrichs ou l’épatant éditeur

J J-J dit: à

On aimerait tous avoir 88 ans comme Bernard. Joyeuses fêtes à ce grand homme qui aura marqué notre vie, bien plus que celle de michamuel macron ou georges 3,

Janssen J-J dit: à

… ou Pénélope murmurant à François dans un ehpad donnant sur la place rouge à Moscou : elle lui tournait le dos, se jetait sur le lit, lui montrait le renflement brun de son anus. « Tu viens Oskar, je suis dilatée comme jamais » !, lui lançait-elle
(d’après chatGPT, à la question : comment les ministres français conçoivent-ils leurs amours érotiques dans leurs manuels d’économie politique ?)

J J-J dit: à

@ B.B., la teigneuse : « mais comment se rincer les aisselles avec des pommes de douche pareilles ? »

morales sed laisse dit: à

ce grand homme qui aura marqué notre vie,

Hé bien, parlez pour vous.
Il ne vous en faut pas beaucoup, grand crétin des Deux-Sèvres!
( Des Alpes c’est pour un autre…)

J J-J dit: à

c’est une histoire émouvante et bien triste… Mais une autre explication du suicide bien moins romanesque serait possible. Nous qui en sommes éloignés pouvons nous la suggérer, non sans un brin de cruauté à l’égard de cette émouvante promesse d’amitié ajournée.

Janssen J-J dit: à

@ émesselles…, je ne parlais pas de vous, bien sûr, j’émettais un nous de compassion pour moi-même, et pour feu, leslie & kevin. Pourquoi toujours insulter la mémoire des gens, lors de vos rares réapparitions, MS ? C’est iconique ou syndromatique, chévous ?

Janssen J-J dit: à

… comme un pont aérien entre deux chèvres alpestres, en somme. Le court-circuit est intéressant, au fond. On peut en faire quelque chose de mieux. …

Paul Edel dit: à

JJ-J. Vous n’êtes pas obligé de faire preuve de cruauté. Merci.

Janssen J-J dit: à

Pourquoi torturer de petites écureuils gris québécois alors que nos ocres-bruns charentais sont bien plus appétissants ?

vadeboncoeur dit: à

Depuis hier au soir, je pense à Clopine et j’ espère qu’elle va bien.
Bonne et belle journée!

J J-J dit: à

Bien sûr que non, et voilà pourquoi je m’en empêche. Je voulais surtout signaler l’intérêt de ce douloureux souvenir, inviter à ce qu’on aille le visiter, PE, toujours aux aguets inquiets du moindre commentaire distancié. Pardon de vous en avoir blessé, semble-t-il. Mais reconnaissez-moi quelque déférence minimale à l’égard de votre susceptibilité à fleurs de pot bien compréhensible. Admettez alors celle de notre amie, Mme CT.

Janssen J-J dit: à

on peut bien confondre un clapinox gris d’un écureuil marron, me suis-je dit en mon fort intérieur (sic). Quelle endive au jambon cela pourrait-il bien effrayer, au juste ? -> Tant qu’à encombrer l’espace disponible de pkl, pourquoi se gêner ?

Samuel dit: à

Pourquoi le ciel est si haut, loin de notre portée alors que la terre est si plate sous nos pieds ?

J J-J dit: à

je pense à Christiane et j’ espère qu’elle va bien
(@ vadetonboncoeur)

J J-J dit: à

à cause d’un biais cognitif de la perception perdurable commun à pas mal de merlots pontis de l’herdélie.

J J-J dit: à

Il faut toujours se comporter comme un maître d’ouvrage chef de chantier, et ne pas hésiter à punir les ouvriers et artisans, s’il le faut, quand on reste le maître d’oeuvre légal et sans homme de paille. Mais ne pas les payer « au black », sans quoi on n’a plus rien de l’autorité fiscale suffisante.

J J-J dit: à

Depuis hier, elle a bien vieilli.

Jazzi dit: à

Triste histoire d’amitié, Paul !
Ensuite, tu es parti toi même en Algérie ?

Clopine dit: à

Merci à Tvb pour sa sollicitude. Pas trop d’inquiétude tout de même : mon autre casquette (écriture de documentaires) va revêtir mon front de manière intense tout ce week-end. En effet, je suis à l’origine d’un projet de film « des bâtons dans les roues », et nous allons filmer le festival « des bâtons dans les routes », qui s’oppose à la construction d’une enième autoroute autour de Rouen (450 hectares de terres agricoles bétonnées, la forêt de Bord amputée, des atteintes à l’environnement gérées façon apprentis sorciers, bref.) J’espère juste que cela ne va pas être un débordement policier comme à Sainte Soline… Enfin, j’en parle ici, vous vous en foutez probablement tous. Mais moi je ne dissocie pas le travail intellectuel du cambouis quotidien. Et je fais ça « pour passer le temps -petit- qu’il me reste à vivre » !!!

et alii dit: à

CLOPINE,TRES BONNE IDEE? J’ESPeRE QU’IL VA EN RESSORTIR PLEIN DE TROUVAILLES POUR vous!
MAZEL TOV

D. dit: à

Clopine, très bien en effet. Et n’hésitez pas à proposer votre voix pour les documentaires parce que pour moi c’est évident et je vous l’ai déjà dit, vous avez une voix dite radiophonique, ce qui n’est pas si courant. Avec votre capacité d’élocution, votre culture et votre originalité, vous êtes faite pour la radio.

D. dit: à

Je ne suis pas du genre à donner raison aux Italiens mais là je leur donne raison contre Darmanin. Je me remerciez pas, renato.

FL dit: à

« Et je me souviens qu’au lendemain de la première de « L’Echarpe rouge », le merveilleux, l’inoubliable Vitez – qui n’hésitait jamais à déclarer en public que j’étais un génie -, lisant la presse, m’avait dit avec un air gourmand : ‘ma foi, ils disent tous que tu es un crétin’. »

Alain Badiou – « Le Concept de modèle »

D. dit: à

Pourquoi mon commentaire a-t-il disparu ?!!

D. dit: à

Ah ben non.

et alii dit: à

0 PROPOS D HEURE
je note , toujours en retard,
La treizième heure
Emmanuelle Bayamack-Tam

Emmanuelle Bayamack-Tam a remporté mardi 8 novembre le prix Médicis du roman français avec « la Treizième Heure » (éditions POL).

La lauréate, professeure de français de 56 ans, écrit du point de vue d’une adolescente, Farah, et de sa famille, investie dans une Eglise fondée par le père, qui se retrouve autour de lectures de poésie. obs

et alii dit: à

précision:
Emmanuelle Bayamack-Tam, née Garino le 16 mars 1966 à Marseille, est une écrivaine française1. Elle écrit également sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri.
sur son oeuvre et ses prix wiki

et alii dit: à

Si tout n’a pas péri avec mon innocence a reçu le prix Vialatte et le prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs en 2013. Arcadie (2018) a reçu le Prix du Livre inter 2019.Elle publie aussi sous le nom de Rebecca Lighieri. Elle a reçu le Prix Littéraire de la ville d’Arcachon en 2017, et le prix Folio des Libraires 2018 pour Les Garçons de l’été. Dernier livre paru : Il est des hommes qui se perdront toujours (2020).
sur
Rebecca Lighieri, pseudonyme de Bayamak-Tam,
encore une agrégée

Janssen J-J dit: à

@ NB une intéressante itw d’Eribon sur son bouquin à paraître : (…)
« En fait les messages que ma mère laissait sur mon répondeur étaient éminemment politiques, puisqu’elle y protestait contre la situation qui lui était faire. Mais se protestation restait cantonnée dans l’espace privé, mes frères et moi. La parole des personnes âgées peut-elle accéder à l’espace public ? La réponse est, dans une large mesure, non ».
(Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple).

et alii dit: à

oh la, pas possible, si le syndrome des endives a atteint je me fais faire pour l’hiver prochain un chapeau comme ceux de la garde royale anglaise en peau d’ours!

et alii dit: à

a atteint l’obs

Lucien Bergeret dit: à

« mon fiston est un être parfaitement étonnant. J’ai subi les pires insultes quand, naïvement, j’en faisais état, il y a des années de cela (le troll Bergeret m’accusait même de faire de la « retape » -sexuelle !!! – pour mon blog en parlant de lui, et du coup j’ai cessé d’en faire état). » (Clopine)
Je ne suis un troll que dans votre imagination, peut-être parce que vous m’attribuez toutes les critiques qui vous ont été faites par d’autres.
Il est possible, par contre, que je vous ai demandé un jour si votre mari et votre fils étaient d’accord pour que vous exhibiez leur vie sur Internet ce qui me paraissait et me parait toujours dangereux.

D. dit: à

Quand je pense à Christiane, je fais l’âne.

D. dit: à

Pour te rappeler qu’un être infiniment grand t’a donné la vie, Samuel.

et alii dit: à

Un sondage récent (Ipsos, mars 2019) révèle que les Français estiment qu’on est considéré comme « vieux » à partir de… 69 ans. Il semble que le passage aux 70 ans soit capital dans l’Hexagone. Toutefois, cette vision diffère selon les pays et les cultures. En Amérique latine, il faut dépasser les 70 ans pour être qualifiée de personne âgée. Sur le continent asiatique, les Japonais sont vieux à partir de 66 ans contre 56 ans en Malaisie ! En Arabie Saoudite, vous serez vu comme vieux dès l’âge de 55 ans…

Mais ces considérations varient aussi selon les domaines concernés. À partir de quel âge est-on senior pour sa famille, ses collègues ou son médecin, cela dépend ! Ainsi, le monde de l’entreprise considère les + de 45 ans comme senior tandis qu’en médecine c’est plutôt autour de 70 ans. Enfin, avec l’allongement de notre espérance de vie, ce stade a tendance à reculer.
https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/nos-actualites/a-quel-age-devient-on-vieux

et alii dit: à

Alors à partir de quel âge est-on vraiment un senior ? Finalement, ce qui confronte à son véritable âge, ce sont les problèmes de santé (CSA/ Silver Alliance, mars 2019). Pour une minorité, c’est l’arrivée à un âge spécifique ou le changement de statut social (départ à la retraite, carte de réduction senior, devenir grand-parent…).

et alii dit: à

Raoni, 89 ans, pour la préservation de l’Amazonie
Il a été invité par les plus grands chefs d’Etats, soutenu par de grandes stars comme Sting et récemment convié au G7 pour évoquer les incendies au Brésil. À 89 ans, Raoni Metuktire, l’un des grands chefs du peuple des Kayapos, est la figure emblématique de la lutte pour la préservation de la forêt amazonienne et des tribus autochtones. Depuis 40 ans, il s’efforce d’alerter sur la déforestation et partage son inquiétude sur l’avenir de notre planète.
John, 95 ans, contre le racisme
Vétéran de la Seconde guerre mondiale, John Sato, 95 ans, n’a pas hésité à prendre 4 bus pour aller manifester contre le racisme en Nouvelle-Zélande après les attentats de Christchurch en mars 2019. Pris en photo alors qu’il défile épaulé par un policier et un manifestant, John a ému le monde entier. « Je ne suis pas un petit cœur sensible ni un bon samaritain, mais je ressens de la compassion pour les gens », a-t-il humblement avoué. Un modèle à suivre…
prenez en de la graine P.Charoulet ;choisissez vos manifs!

Clopine dit: à

« j’exhibe leurs vies » ??? Bergeret, toujours aussi venimeux…

renato dit: à

Vous avez simplement mal interprété mon post Jazzi, la différence est clairement faite entre création et divination par l’interprétation des rêves (oniromancie), mais peu importe, il y a de bon que la RdL n’est pa s mon environnement de travail.

Bon, souvenir :

https://erenatornasabbia.blogspot.com/2023/05/cassette.html

Jazzi dit: à

Stefan Zweig

« Je suis né en 1881 dans un grand et puissant empire, la monarchie des Habsbourg, mais qu’on ne la cherche pas sur la carte : elle a été rayée sans laisser de trace. J’ai grandi à Vienne, métropole supranationale vieille de deux mille ans, et j’ai dû la quitter comme un criminel avant sa dégradation en ville de province allemande. Mon œuvre littéraire, dans la langue où je l’ai écrite, a été brûlée et réduite en cendres, dans le pays même où mes livres avaient gagné l’amitié de millions de lecteurs. Aussi je n’ai plus de place nulle part, étranger partout, hôte de passage dans le meilleur des cas ; même la patrie que mon cœur avait élue, l’Europe, est perdue pour moi depuis qu’elle se déchire et se suicide pour la seconde fois dans une guerre fratricide. Contre ma volonté, je suis devenu le témoin de la défaite la plus terrifiante de la raison et du triomphe le plus sauvage de la brutalité dans la chronique des temps ; jamais — et je le relève sans aucune fierté mais avec un sentiment de honte — jamais une génération n’a subi comme la nôtre une telle rechute morale après un tel sommet de l’esprit. Dans ce petit intervalle qui sépare le moment où la barbe a commencé à me pousser et celui où elle commence à devenir grise, dans ce demi-siècle, il s’est produit plus de métamorphoses et de changements radicaux qu’autrefois dans le courant de dix générations, et chacun d’entre nous le sent : presque trop ! Et mon aujourd’hui est si différent de chacun de mes hier, avec mes périodes ascendantes et mes chutes brutales, qu’il me semble parfois que j’ai vécu non pas une mais plusieurs existences absolument
différentes les unes des autres. Car il m’arrive souvent, quand je dis sans y penser « ma vie », de me demander involontairement: « Quelle vie ? » Celle d’avant la guerre mondiale, d’avant la Première ou d’avant la Seconde, ou la vie d’aujourd’hui ? Et puis je me surprends une nouvelle fois à dire « ma maison » sans savoir immédiatement de laquelle je parlais parmi celles d’autrefois, si c’était celle de Bath, celle de Salzbourg ou la maison de mes parents à Vienne. Ou à dire « chez nous » et à devoir me rappeler avec frayeur que pour les gens de ma patrie il y a beau temps que je suis aussi peu des leurs que pour les Anglais ou les Américains, que là-bas je n’ai plus de lien d’appartenance organique et qu’ici je ne suis jamais tout à fait intégré ; le monde dans lequel j’ai grandi, celui d’aujourd’hui et celui qui se trouve entre les deux se séparent de plus en plus pour ma sensibilité en mondes totalement différents. Chaque fois que je parle avec des amis plus jeunes et leur raconte des épisodes d’avant la Première Guerre, je remarque en écoutant leurs questions étonnées combien de choses sont devenues pour eux historiques ou inconcevables parmi celles qui relèvent encore pour moi de la réalité évidente. Et il y a en moi un instinct secret qui leur donne raison : entre notre aujourd’hui, notre hier et notre avant-hier,
tous les ponts ont été coupés. Moi-même, je ne peux m’empêcher d’être étonné par l’abondance et la diversité que nous avons resserrées dans l’espace exigu d’une existence unique — il est vrai on ne peut plus inconfortable et menacée —, dès le moment où je la compare simplement, pour commencer, avec la forme de vie de mes aïeux. Mon père et mon grand-père, qu’ont-ils vu ? Ils vécurent chacun leur vie sur un mode uniforme. Une vie homogène du début à la fin, sans ascension ni chute, sans bouleversement ni danger, une vie de légères tensions, de transitions imperceptibles ; c’est sur un rythme égal, tranquille et paisible que la vague du temps les a portés du berceau à la tombe. Ils vécurent dans le même pays, dans la même ville et même, pour la majorité, dans la même maison ; ce qui se passait à l’extérieur dans le monde n’avait finalement lieu que dans les journaux et ne frappait pas à la porte de leur chambre. On ne sait quelle guerre eut bien lieu de leur temps on ne sait trop où, mais ce n’était qu’une toute petite guerre à l’aune de celles d’aujourd’hui, et elle se déroulait loin à la frontière, on n’entendait pas les canons et au bout de six mois elle était éteinte, oubliée, feuille morte de l’histoire, et la vie ancienne, la même, pouvait reprendre. Quant à nous, tout ce que nous avons vécu l’a été sans retour, rien n’est resté de ce qui précédait, rien n’est revenu ; c’est à nous qu’a été réservé de subir au maximum ce que l’histoire répartit ordinairement avec parcimonie… »
(Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, 1942)

Jazzi dit: à

Ce que vous donnez à voir ce sont des cagettes, pas des cassettes, renato.

et alii dit: à

mais une cagette se métamorphose :
« En conclusion, la sculpture de cagettes en bois est une pratique artistique créative et originale qui gagne en popularité. Les artistes créatifs utilisent les cagettes en bois pour créer des sculptures uniques et originales qui attirent l’attention. Les cagettes en bois sont un matériau de choix pour les artistes débutants ou expérimentés en raison de leur coût peu élevé et de la grande variété de formes, de tailles et de couleurs qu’elles offrent. Que ce soit pour embellir un espace public ou privé, les sculptures en bois de cagettes apportent une touche naturelle et chaleureuse à n’importe quel environnement.
pour le choix, voyez les liens!
https://sculpture.galerie-creation.com/_s/sculpture-cagette/1187516/

et alii dit: à

allons, je serai « cool » en mettant les coordonnées d’une librairie:
Exposition Librairie-Galerie Antinoë, Brest
Exposition régulière à la librairie-galerie Antinoë, à Brest entre 2014 et 2018. Exposition de compressions papiers, de sculptures en bois de cagettes et de créations à partir du recyclage des boîtes de conserve. Ci-dessous annonce parue dans l’hebdomadaire 7 jours à Brest, pour amener le public brestois à découvrir les objets décoratifs proposés chez Antinoë, notamment les boîtes de sardines associées aux bijoux d’autres créateurs. Mars 2016.

renato dit: à

Eventuellement des cageots, selon Ponge, Jazzi, en it. cassette.

renato dit: à

Singulier cassetta, pluriel cassette…

Jazzi dit: à

J’ai travaillé au marché dans mon enfance, renato.
La cagette est basse (comme sur votre photo), le cageot est plus haut, et l’on peut y entreposer plusieurs rangées de fruits et légumes.

Jean Langoncet dit: à

Quant à la ca[i]ssette, elle ferme souvent à clef et on peut y entreposer de l’argent ou des manuscrits …

et alii dit: à

cassette; elle est dans le jardin:
ACTE IV, SCÈNE 7,
Harpagon, un vieil avare, vient de se rendre compte qu’on lui a volé sa «chère cassette» lourde de dix mille écus, qu’il avait enterrée dans son jardin.
molière

et alii dit: à

cageot nom masculin.
Femme ou fille laide.

D. dit: à

Oui, ou bien thon.

Jean Langoncet dit: à

@Jazzi dit: à
« Fonds abondants sur le marxisme, le féminisme, le racisme, l’Irlande du nord, la désobéissance civique, l’écologie »

Et rien sur la littérature, Bloom ?

Peut-être aussi du Genet … où sinon dans pareils lieux (communs) ?

J J-J dit: à

On en déduit que Lulu Bergeret n’a rien à voir avec MC. Reconnaissez le, au moins… Mais il continue de veiller sur vous. C’est flotteur…

Jean Langoncet dit: à

@duralex said laisse dit: à
Sur FB, ce matin :
ANOMALIE DÉMOCRATIQUE – Dans @C cesoir, sous des airs feutrés et délicats, la violence des discours est préoccupante et le débat fortement déséquilibré, partial, partisan.

Au pays des pros poutiniens, de Le Pen à Mélenchon en passant par micron le caméléon absolutiste, unis dans l’acceptation de l’ignominie (ce qui distingue Meloni de Le Pen, opposées au parlement européen), voyons cela avec ceux qui sont attachés à la liberté de la presse
https://twitter.com/i/status/1654170436433854464

closer dit: à

Oui mais c’était à Nice JB…le vocabulaire était peut-être local.

closer dit: à

Le dernier billet de Paul Edel est particulièrement poignant…C’est très beau, mais ne sombrez pas dans la mélancolie Paul. Un petit voyage à Rome vous ferait le plus grand bien.

vadeboncoeur dit: à

Jazzi dit: à

J’ai travaillé au marché dans mon enfance

Oh, moi aussi! 🙂

Jazzi dit: à

Non, closer, à Cannes.

A.B dit: à

Jean Curutchet est parti, lui qui avait trouve paraît-il le moyen de retenir ses Rêves, Qu’il repose en paix , et à l’ Orient des Maçons.

et alii dit: à

Oh, moi aussi!vadeboncoeur
i worked , too ;much and hard!

et alii dit: à

un de ces messieurs peut-il nous dire s’il y a en français un lexique aussi riche pour nommer les hommes que pour nommer ls femmes où l’on a croisé ci dessus « cageot »?
MERCI

D. dit: à

Et alii, il y a tronche de cake, face de cul et cheum, qui s’appliquent généralement aux hommes.

Jean Langoncet dit: à

@Je viens peu ici. Et je lis peu d’entre vous. Un jour, j’ai eu la surpise de lire à côté de mon nom de famille le mot « enculé »
@un de ces messieurs peut-il nous dire s’il y a en français un lexique aussi riche pour nommer les hommes que pour nommer ls femmes où l’on a croisé ci dessus « cageot »?

Errata : « charoulée hanculée » ; la spontanéité dans l’expression n’étant pas discutée

D. dit: à

Vous mentez, Langoncet. Marine Le Pen n’est pas pro-poutinienne. Citez des faits ou des propos qui depuis le début du conflit iraient en ce sens ?

Jean Langoncet dit: à

@Citez des faits ou des propos qui depuis le début du conflit iraient en ce sens ?

C’est une affaires de pros ; citez donc ceux qui – depuis le début du conflit – n’iraient pas dans ce sens

Jean Langoncet dit: à

A la différence de Le Pen, Meloni est claire sur cette question (et son opposante au parlement européen sur des tas d’autres questions)

Jean Langoncet dit: à

une affaires > une affaire

Que Le Pen tire un crédit politique en France de l’élection de Meloni en italie, procède d’un amalgame et d’un contresens achevés

Jean Langoncet dit: à

(@Jazzi dit: à
« Fonds abondants sur le marxisme, le féminisme, le racisme, l’Irlande du nord, la désobéissance civique, l’écologie »

Et rien sur la littérature, Bloom ?

Peut-être aussi du Genet … où sinon dans pareils lieux (communs) ?

C’est tout à fait effrayant https://www.youtube.com/watch?v=kMYg_Ra4cr8 )

JC..... dit: à

SAMEDI 6 MAI 2023, 7h48

CONFLIT ITALIA-FRANCE

Le Prince Grimaldi vient de poser les fondations de la réconciliation. Ses talents de négociateur ont permis à l’Etat monégasque de jouer en Europe du Sud le rôle que tente de jouer Xi et son Empire du Milieu à l’Est.

Monaco devient ainsi la Principauté du Milieu, en organisant un bal le 8 mai prochain à la SBM, cérémonie dont le clou sera l’invitation à danser en couple un tango argentin de notre Romeo DARMANIN à la séduisante MELONI, sous le regard affectueux du Pape François, invité d’honneur à l’occasion.

Une guerre évitée, ça se fête ! Bon week-end, camarades !

une main dit: à

J’espère juste que cela ne va pas être un débordement policier comme à Sainte Soline…

Clopine, comme la merluche, inverse les rôles.
Les excités écolo-nupes ne sont pas dupes!

Bolibongo dit: à

Les non-dupes errent,ma chère une main! 🙂

lmd dit: à

Merci renato pour votre suggestion de lecture. J’ai trouvé ceci qui à l’air tout à fait intéressant mais dont la lecture me serait trop laborieuse pour que j’y prenne plaisir (tant pis );
https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/tx31qn10x
J’ai vu plus haut votre mention du Corridor de Vassari. Le dessin de la travée est plus proche du dessin de Chirico que celle de l’hôpital des Innocents et surtout la volumétrie, étroite, ouverte des deux cotés rappelle celle de l’Enigma del’ora (mais il n’y a pas la grande place devant).

D. dit: à

Il va y avoir des orages terribles.

closer dit: à

Sollers passed away…

Jazzi dit: à

L’écrivain Philippe Sollers est mort

Par Etienne de Montety et Astrid Eliard
Publié il y a 9 minutes , mis à jour il y a 1 minute

Derrière son inaltérable sourire narquois, son fume-cigarette et ses fameuses bagues – il portait l’une en souvenir de sa mère, l’autre était « casanoviste » – se cachait un Philippe Sollers aux mille masques, dont le plus durable fut celui de la contradiction. Il avait 86 ans.

Jeune, il était déjà « vieux », admirateur de Mauriac, qui publia son premier texte avant sa majorité. Vieux, n’était-il pas encore « jeune », à vouloir demeurer le trublion des lettres en dépit de ses cheveux blancs ? Tout le monde connaissait Sollers sans forcément l’avoir lu, tant il avait été présent sur la scène publique. Il n’aimait rien tant que parler de lui devant un micro, une caméra, tout en se plaignant qu’on s’intéressât davantage à son personnage médiatique et social qu’à son œuvre. Celle qu’il laisse derrière lui est celle d’un demi-siècle d’écriture, aussi riche et protéiforme que l’histoire des quarante dernières années. Elle compte plusieurs dizaines d’ouvrages.

Philippe Joyaux est né le 28 novembre 1936 à Talence, aux environs de Bordeaux. Sa famille dirige une entreprise de matériel de cuisine. « Le préjugé veut sans cesse trouver un homme derrière un auteur ; dans mon cas, il faudra s’habituer au contraire », disait Sollers pour éviter de s’épancher sur son enfance, restée relativement méconnue. Il grandit dans une famille de la bourgeoisie bordelaise (comme Jacques Rivière ou Jean de La Ville de Mirmont). Il voit beaucoup de médecins – le grand fumeur que nous avons toujours connu fut d’abord un grand asthmatique. La puberté le sort de cet état de santé fragile, que la guerre d’Algérie et l’appel sous les drapeaux lui feront regretter. En 1962, croupissant dans un hôpital militaire de Belfort, Philippe Sollers fait une grève de la faim pour échapper à sa mobilisation. André Malraux, alerté, libère l’écrivain au dossier médical sans faille et le fait réformer pour « terrain schizoïde aigu ».

À 19 ans, alors qu’il n’a encore rien écrit, Philippe Joyaux rencontre François Mauriac à Malagar et lui propose de faire son portrait pour un journal local. Quelques mois plus tard, quand il publie son premier texte, Le Défi, le vieil écrivain, emballé, salue son compatriote. «L’auteur du Défi s’appelle Philippe Sollers. J’aurai été le premier à écrire ce nom».

Philippe Joyaux s’empresse de publier un premier roman, Une curieuse solitude. Il a 22 ans. Sa courte majorité ne lui aurait pas permis de signer un livre sur l’éducation sexuelle d’un garçon de 15 ans. Il prend donc un pseudo, tiré du dictionnaire latin, « Sollers », dont il a donné des définitions diverses : «Tout en art » ou bien « rusé », « habile », « sagace ». Avec ce livre, Philippe Sollers devient l’enfant chéri des lettres françaises, adoubé par le catholique Mauriac comme par le communiste Aragon. Entre ces trois-là, la filiation littéraire avec Barrès. Mauriac ne lui a-t-il pas confié : «Vous êtes de la famille sans le savoir».

Le même écrit dans un Bloc-notes de décembre 1957 : «Philippe offre ce caractère singulier chez un débutant des lettres de ne pas y songer comme à une carrière. Francis Ponge est un de ses grands hommes. Philippe n’est pas pressé d’écrire dans les journaux, ni de s’agiter à la surface. L’œuvre s’impose seule à lui. Il ne croit pas aux recettes et s’il a tout lu de ce qui compte parmi les aînés immédiats, on ne saurait être moins docile à la mode. À l’avant-garde, oui, mais pas à tout prix».

Virement de bord

Pourtant à peine né, l’écrivain Solaires est déjà marqué par l’ambivalence. Mauriac a beau dire, sitôt paru ce premier roman d’inspiration classique, son auteur vire très vite de bord. Sollers fonde au Seuil Tel Quel avec Jean-Edern Hallier. Cette revue, qui, selon lui a préparé le mouvement de 68, se passionne pour les structuralistes, Lacan, Barthes, Foucault, Althusser. Mais ambitionne aussi de réévaluer les œuvres extrêmes et marginales de Sade, Bataille, Lautréamont, Artaud, Joyce, Céline, etc.

Le féroce Jean-Paul Aron fera dans les Modernes (1984) le récit impitoyable de cette évolution : «Six mois plus tard il fonce à la conquête de l’espace culturel parisien, reniant son passé par une perception aiguë des circonstances, cynique, n’ayant foi qu’en son intérêt, insensible aux valeurs, dispensé de sentiments et coiffé de modes, toujours prêt à la remercier pour d’autres en sacrifiant sans pitié les niais qui lui font cortège».

L’écrivain choisit l’expérimentation. Il se rapproche du Nouveau Roman, d’Alain Robbe-Grillet et publie une demi-douzaine de romans qui sont pour le lecteur des casse-tête hermétiques, surtout quand ils sont dénués de ponctuation. Drame, Nombres, Lois, Logiques, H… Ils déroutent le public mais ravissent Saint-Germain-des-Prés. En 1961, l’écrivain se voit décerner le prix Médicis pour Le Parc.

Il devient le compagnon de route de toutes les vogues intellectuelles et littéraires de son temps. Nouveau Roman, structuralisme, communisme, Sollers est un ludion brillant et insaisissable. Outre le PCF avec lequel il flirte un court moment, il s’entiche dans les années 1970 de la Chine et de Mao, en qui il croit trouver un guide spirituel. En 1974, il emmène son épouse, la psychanalyste Julia Kristeva, et Roland Barthes en Chine. De retour en France, il témoigne de « la vraie révolution antibourgeoise », alors que Kristeva écrit dans Des femmes : « Mao a libéré les femmes. » Leur égarement, largement explicable par une méconnaissance profonde du pays, leur vaut les foudres du grand sinologue Simon Leys qui tonne : «Le danger aujourd’hui est moins de désespérer Billancourt que de désespérer Tel Quel ; et cette dernière éventualité est peut-être moins effrayante qu’il n’y paraît à première vue, car après tout quand cette brave phalange se sera déprise de son Mao – toujours plus à l’Est – il lui restera encore Kim Il Sung».

Sollers aura l’honnêteté plus tard de reconnaître son aveuglement et surtout de se plier à l’autorité de Leys sur ce sujet : «Disons le simplement : Leys avait raison, il continue d’avoir raison, c’est un analyste et un écrivain de premier ordre, ses livres et articles sont une montagne de vérités précises».

Dans les années 1980, Philippe le maoïste se fera papiste : l’élection de Jean-Paul II, la dimension prophétique du robuste polonais face à l’empire soviétique l’intrigue et le fascine. Le monde change, Sollers aussi. En 1982, il quitte le Seuil, où il dirigeait depuis vingt-deux ans Tel Quel pour la respectable maison Gallimard, où il fonde la revue L’Infini. Il publie Femmes, un de ses meilleurs romans, rempli de portraits des figures intellectuelles qu’il a connues, admirées, aimées. Il se voit offrir un bureau rue Sébastien-Bottin et une place au comité de lecture.

Il est désormais éditeur et publie ses thuriféraires, Marcellin Pleynet, Jean Ricardou, mais, éclectique toujours, des auteurs comme Frédéric Berthet (Daimler s’en va), Nabe, Duteurtre, Marc Pautrel, Alexandre Duval Stalla. Le prix Goncourt 2000 décerné à Ingrid Caven de Jean-Jacques Schuhl sort de son écurie.

Cette arrivée chez Gallimard et ce retour au roman somme toute classique sont pris par certains pour un virage calculé dans un plan de carrière bien huilé. Sollers n’est-il pas un as du complot, un séducteur, un joueur ? Dans Femmes, il met en scène les exploits sexuels d’un don Juan catholique, adorateur de la Bible et de Jean-Paul II. Avec Portrait du joueur, La Fête à Venise, Sollers, sans rien changer de sa coupe de cheveux, prend le visage du provocateur cancanier. Il truffe ses romans d’autoportraits truqués et de fausses confidences qui ne laissent pas de réjouir ou d’irriter. Qu’il écrive sur Vivant Denon, Sade, Casanova – ce libertin a toujours accordé sa préférence au XVIIIe siècle -, Philippe Sollers met un point d’honneur à déconcerter, faire le grand écart, affirmer tout et son contraire, parfois sur un ton péremptoire.

L’art du grand écart

C’est surtout un lecteur inlassable, passionné, un critique qui procède par tâtonnements, fulgurances, intuitions. Cette profusion séduisante dont on trouvera des échos dans ses études critiques de La Guerre du goût, séduit les uns et agace les autres. L’exigeant Jean-Paul Aron, toujours lui, ne voudra pas être dupe : «Acharné à l’étude, il débouche sur n’importe quoi. Il y a de l’autodidacte chez ce zélé comme en maints petits clercs qui, faute d’imposer des bornes à leur appétit de savoir, sont acculés à s’instruire eux-mêmes s’embrouillant dans les références».

Sollers apparaît ainsi : l’œil mi-clos, la bouche gourmande, tirant sur son fume-cigarettes comme pour y chercher l’inspiration, feignant de plaindre notre société qui se vautre dans l’inculture et l’inanité, mais ne boudant jamais son plaisir quand il paraît sur un plateau de télévision pour jouer un de ses numéros, inattendu, plein de charme et de paradoxes.

Toute sa vie, Philippe Sollers a voulu rester un inclassable, un indompté, doué d’un indéniable brio. La publication de sa correspondance avec Dominique Rolin (son grand amour caché) a montré une autre facette de lui, plus émouvante : le jeune homme doué et ambitieux était un amoureux sincère et un fou de littérature. Cachant sa vérité et ses souffrances intimes, il était né pour un autre siècle. Moins exposé, moins sollicité par le monde et ses chimères, il eut été plus profond, s’épargnant d’être contraint à se faire le parangon des modes intellectuelles et le commentateur de l’actualité fugitive, lui qui semblait ne se complaire qu’en compagnie de Joyce, Lautréamont et Mozart.
(Le Monde)

Jazzi dit: à

De Mao à Jean-Paul II

« Il devient le compagnon de route de toutes les vogues intellectuelles et littéraires de son temps. Nouveau Roman, structuralisme, communisme, Sollers est un ludion brillant et insaisissable. Outre le PCF avec lequel il flirte un court moment, il s’entiche dans les années 1970 de la Chine et de Mao, en qui il croit trouver un guide spirituel. En 1974, il emmène son épouse, la psychanalyste Julia Kristeva, et Roland Barthes en Chine. De retour en France, il témoigne de « la vraie révolution antibourgeoise », alors que Kristeva écrit dans Des femmes : « Mao a libéré les femmes. » »

Jazzi dit: à

PHILIPPE SOLLERS VA A LA MESSE

« 6 heures, réveil, petit déjeuner à 7 heures. Tout de suite à la plume, sur le papier velouté. Descente à 7 h 30, messe aux Gesuiti (« mistero della fede »), un bout de messe seulement, à peine sept ou huit personnes, les deux anges d’or devant l’autel. Retour sur le ponton désert à cette heure, achat des journaux, vérification que l’argent et le pouvoir tiennent solidairement le pouvoir, journaux vite abandonnés, supplément culturels périmés, remontée dans la chambre.
Il est 8 h 30. Bain ou douche, et travail, ou plus exactement jeu, jusqu’à 13 heures.
Le bois des volets chauffe peu à peu. Quatre heures dans les phrases, ce n’est pas mal. Mais le vieux Casanova, en Bohême, écrivait, dit-il, douze à treize heures par jour. Il s’ennuyait à mourir, alors que moi, ici, je m’amuse. J’arriverai à huit ou neuf heures, pas plus.
La ville, à partir de 10 heures, monte en puissance. Bateaux, barges, canots, paquebots, je sens tout à travers les lettres que je trace. Venise m’aide, il fait beau, tout miroite en miroir. J’écoute la lumière du dehors, la prends, la détourne et la mets dans l’encre. De temps en temps, coup d’œil par la fenêtre sur les long-courriers (voir Bateaux).
Cloches vers midi, grappes et tourbillons de cloches, comme nulle part ailleurs. La Sérénissime fait savoir à l’air et au monde qu’elle contrôle le son et l’eau. Folie des cloches, arrogance joyeuse, difficile de croire que quelqu’un est déjà mort par ici (les morts sont en exil, sur une île spéciale).
Descente un peu après 13 heures, traversée de la place San Agnese, kiosque de l’Académie pour acheter les journaux français périmés vingt minutes après, passage du pont vers San Trovaso, traversée de l’église, sorte de grange confortable à rideaux tranquilles (Tintoret). L’organiste joue quelque chose de Frescobaldi ou de Bach. La messe est finie depuis longtemps, il y a eu des baptêmes et des mariages (jamais d’enterrements). Voici l’arrière du consulat français et ses arbres et la merveilleuse terrasse fleurie du palais Giustinani-Recanati, avec sa vierge d’angle protégée par un dais.
Encore un pont, ruelle très étroite, les Zattere de nouveau, petit restaurant près de la gare maritime, risotto (excellent) eau, café. Retour par le quai ensoleillé, encore un café sur le ponton avec un livre (Le Gai Savoir de Nietzsche, par exemple). Puis remontée et sommeil.
La chambre enregistre tout.
Reprise à 16 heures. Vers 17 heures, le maximum de rendement est atteint. La main court sur le papier, les mots glissent, je suis dans la partition, les thèmes et les scènes se pénètrent, s’exposent. C’est du stylo, mais aussi du pinceau, du clavier. De nouveau les cloches. A 19 h 30, whisky (toujours dans la chambre). Si je sors un peu plus tôt, morceau de messe aux Gesuiti (j’arrive à l’élévation, « mistero della fede »). Puis dîner léger, friture de poisson, chianti, observation de la foule au soleil couchant rouge, ouvriers, mères et enfants, renouvellement des vivants. L’eau devient mercurielle. Café, cigare. De nouveau, le tour par la Salute et la Douane, arrêt sur la place San Agnese, les volets des maisons se ferment, deux chiens, trois garçons énervés attardés avec leur ballon, deux ou trois appels, silence. Le clocher sonne ses dix coups. Les acacias deviennent noirs. Remontée dans la chambre, encore une heure ou deux dans l’encre, cela va faire neuf heures d’improvisation, fatigue. La journée se boucle sur elle-même, apparition et disparition du soleil, image de l’hostie au-dessus du ciboire, consécration et élévation, mystère de la foi et du verbe, plongée de l’autre côté du temps. Allongé, avant de dormir, rayon lumineux au plafond, quelques conversations étouffées sur le quai, et, tirant sur la corde, clapotis incessant de l’eau. Plongée dans les rêves, insomnie vers 3 heures du matin, plongée à nouveau. Et puis 6 heures, dépôt du sommeil, soleil. »
(Dictionnaire amoureux de Venise, Plon, 2004-

renato dit: à

Détail, l’on ne petit-déjeune pas avant la messe, même si on a pas l’intention de communier. Bon, je suppose que pour lui la messe n’était qu’un moment de théâtre, mais si on veut jouer une pièce autant le faire bien.

D. dit: à

Ce texte de Sollers en presque style télégraphique est excellent. Bien que je n’y crois pas un instant.

Paul Edel dit: à

Mort de Philippe Sollers. Tristesse.

FL dit: à

J’ai arrêté de le lire le jour où j’ai lu les pages mémorables où il se fait faire une fellation devant une armoire à miroir. J’ai trouvé ça tellement grotesque !

pourmapar dit: à

un bout de messe seulement, à peine sept ou huit personnes, les deux anges d’or devant l’autel

Il faut remarquer qu’il prend sa douche bien après…
Prier dieu avec le cul sale et l’ haleine forte.
Il fit de même avec la littérature! ©

Damien dit: à

Sollers, qu’en restera-t-il ? Quand je songe à Sollers, me viennent à l’esprit Lautréamont, Bataille, Céline, Sade, Freud, etc. Donc, quand je pense à Sollers, je pense à d’autres écrivains, meilleurs que lui. Parce que Sollers pensait par citations interposées. Derrière sa silhouette, se profilaient la stature de ceux qui savaient écrire, et dont Sollers, en tant que critique, faisait l’apologie — pour se faire mousser. Comme Dominique de Roux, qui avait écrit un livre sur Céline, ce qui a donné le titre suivant dans « Tel Quel », justement : « Céline véhicule à deux roues », ce qui est plus marrant que « Sollers véhicule à Sade », etc. Il reste que Sollers parlait bien des écrivains qu’il aimait, avec ce souci d’avoir le bon goût qui parfois donnait des choses outrées. Mais par exemple quand il parlait de Céline, là il était très bon. Quand on lui laissait trop de liberté, il en abusait, voir « La France moisie ». Je n’ai toujours pas compris ce qu’il houspillait. C’était moins clair que Louis Pauwels sortant « le sida mental » à propos des jeunes. Mais ça y ressemblait. Je ne dirai rien de ses romans, qui sont des essais déguisés, où il recopie de manière interminable ce que d’autres ont écrit avant lui. Le personnage était arrogant. Une sorte de libertin massif, qui voulait avoir toujours raison, des idées et des femmes. Les femmes le fuyaient instinctivement, sauf les kamikaze. Un beau portait de lui est celui qu’en fit Houellebecq, dans un roman, insistant sur la misère sexuelle de Sollers, qui était grande, jamais repue, toujours à chercher. Sollers ne s’est pas caché d’aimer les putes, surtout espagnoles. Il était réfractaire, comme Catherine Deneuve — et Harvey Weinstein — à la pensée woke, mais dans la légèreté parisienne d’un printemps pluvieux. Et donc que restera-t-il de lui ? On le lisait pour s’amuser, pas pour apprendre quoi que ce soit. On ne lui faisait pas confiance. Il parlait toujours de jeu (« Portrait du Joueur »), et effectivement c’est un baladin, type peu sérieux. Ce qui comptait avant tout pour lui, c’était de jouir davantage que son prochain. D’où la messe qui sera dite pour lui, mais quand même dans l’intimité. Je n’aimerais pas être le curé. Je vais aller jeter un coup d’oeil dans ma librairie, pour voir s’ils se rappelaient de Sollers. Ses livres avaient disparu des rayons. Il n’a jamais beaucoup vendu, on n’a pas les chiffres, mais lui-même se plaignait et pour arrondir ses fins de mois, il vendait ses manuscrits. Et puis il était éditeur. C’est étrange. Il n’en avait pas l’envergure. Il publiait ses amis, c’est déjà ça. Parce qu’au fond Sollers était un gentil gars. — C’est l’heure de manger, cette nouvelle ne m’a pas coupé l’appétit, on dirait. Bon week-end à tous.

pourmapar dit: à

Excellent portrait Damien.

pourmapar dit: à

Oui, il prit la littérature comme un bout de messe, avec le cul sale et l’ haleine forte! ©

Jazzi dit: à

Dans cet opéra bouffe qui se joue actuellement à Londres, à guichet ouvert, Charles III revêt des airs d’importance et de gravité dignes du Bourgeois Gentilhomme élevé à la dignité de Grand Mamamouchi !
Dans quel siècle vivons-nous ?
Ici, Molière détrône Shakespeare…

et alii dit: à

J N4AI PAS REGARDE LE COURONNEMENT. j’ai pensé à KANTOROWICZ (les acclamations,etc)
bonne journée

Paul Edel dit: à

Damien, il est très bien votre portrait de Sollers.

J’aimais bien(ah, bigre, cet imparfait pour le désigner, c’est vraiment désagréable.. ) Sollers, surtout celui des trente dernières années, celui qui dans son costume anthracite de clergyman prenait son café le matin Boulevard de Port-Royal à une terrasse remplie d’infirmières. . . Avant, il m’agaçait en surdoué chef scout de « Tel quel, » en surdoué de l’avant-gardisme en marche avec Barthes et Lacan .. Mais le meilleur l’emporte dans la deuxième partie de sa vie  . Surtout ses livres gais, pimpants, de ces vingt dernières années , notamment « les voyageurs du temps », « Studio », « le lys d’or « le cœur absolu » (excellent sur Stendhal) ,et « Une vie divine » sur Nietzsche..Drôles de bouquins fourre -tout. Après imitation pauvrette de Céline pour le laborieux « Femmes »,il se reprend. Il écrit alors des devoirs de vacances d’un surdoué de la lecture.Difficiles à classer ces livres là. Beaucoup de petits instants vrais, énormément de citations de ses auteurs préférés. C’est leur charme. On y trouve du bluff et des traits de sincérité . De l ‘érotisme de bazar et des portraits de femme pointus.. Un éloge du bonheur bien trop appuyé pur être honnête ,mais des traits funèbres réussis.Une joie de vie mais dans une époque qu’il juge désolante, collante, assommante, « sociologique » , moisie .. Le monde littéraire germano-pratin ? Il faisait semblant d’en être le centre , le pape, le gourou, l’animateur,mais c’était un jeu,un truc. A examiner de plus prés mais c’était plutôt chez lui la distance moqueuse et la lucidité railleuse qui se restaient en tête. En 2002 ,rappelons nous ,au tout début de « Le cœur absolu » il déclare clairement son angoisse de la mort lorsqu’un matin il est incapable de quitter son lit pour se prépare du café. « Toujours vivant ?..Oui.. C’est drôle..je ne devrais pas être là.. »
Il n’est plus là.

et alii dit: à

L’écrivain français Sollers rencontre Francis Ponge en 1956 au cours d’une conférence donnée par Ponge. Une fascination intellectuelle se crée entre les deux hommes. Sollers noue une communication entre Ponge et ses camarades de Tel Quel et Ponge reçoit Sollers au moins deux fois par semaine dans son appartement rue Lhomond. Ces moments sont évoqués dans une parution du Monde datée du 9 août 1988 à la fin de laquelle Sollers s’adresse directement à son ami.

Les correspondances et les conversations avec Sollers inspirent Ponge. Elles influencent notamment La Fabrique du pré, paru en 1971, et La Table, paru à titre posthume en 1991. Sollers introduit aussi Francis Ponge aux textes de Denis Roche en 1962, faisant partie de la « seconde génération » de poètes que Ponge voit naitre. En 1965, Ponge exprimera son admiration pour ces poètes, Thibaudeau, Pleynet, Sollers et Roche, qui sont, selon lui, le « relais de l’anto-conformisme et de l’arbitraire » et l’avenir de la poésie française.
http://francisponge-slfp.ens-lyon.fr/?+-Sollers-Philippe-+

pourmapar dit: à

il déclare clairement son angoisse de la mort lorsqu’un matin il est incapable de quitter son lit pour se prépare du café. « Toujours vivant ?..Oui.. C’est drôle..je ne devrais pas être là.. »

C’est drôle, Paul Edel, juste avant de prendre note de votre dernier commentaire je relisais le numéro 1 de la revue Tel Quel, Printemps 1960.
Sommaire qui débute par un extrait de la Figue de Francis Ponge pour finir avec encore Francis Ponge avec un extrait de Proême.
Le texte publié et signé Sollers page trente trois?
REQUIEM
Bonne journée.

Phil dit: à

« Joyau unique de la littérature », Sollers eut la riche idée de tirer sa révérence sans attendre ni entendre le trait d’esprit d’une ministre de la culture.

Samuel dit: à

Pourquoi le tout premier charmant roman de Philippe Sollers « Une curieuse solitude » a été renié par son auteur ?

vadeboncoeur dit: à

Élisabeth Roudinesco
·
La mort de Philippe Sollers, le 6 mai 2023 facebook il y a 3 heures :
Adieu Philippe et toutes mes pensées à ceux que tu aimais et qui sont nombreux.
Il faudra bien un jour écrire l’histoire de cet étonnant écrivain, d’une érudition éclatante, immergé dans le XVIIIème siècle et dans l’œuvre de Sade. Il aura occupé, comme romancier, éditeur, chroniqueur littéraire (Les Lettres françaises, Le Monde, le JDD) – tous les métiers du livre – une place centrale dans les débats intellectuels de la deuxième moitié du XXème siècle, à travers la revue Tel Quel (publiée au Seuil) puis L’infini (Gallimard). De son amitié avec Georges Bataille et Roland Barthes à ses interventions dans les débats sur le rôle des avant-gardes, il aura été de ceux qui abordaient, dans toutes ses dimensions, la question de l’écriture. Aussi a-t-il dialogué avec les penseurs et écrivains français les plus importants de son époque : Louis Aragon, Michel Foucault, Jacques Derrida, Jacques Lacan, notamment.
Il publiait ce qu’il aimait, au-delà des clivages et il a toujours manifesté une sainte horreur envers ce qu’il appelait « la boue noire de l’occultisme ». D’où son amour, non négociable, de l’œuvre de Freud. On l’accusé de tout : opportunisme, fumisterie, reniements. Ce n’était pas cela : les changements de cap témoignaient chez lui d’une certaine fidélité à l’idée qu’il se faisait de la nécessité permanente des transgressions. Et chez ses adversaires, il respectait avant tout l’intelligence et le talent. Il était généreux en tout.
Et puis n’oublions pas le scandale provoqué par sa chronique du Monde, le 28 janvier 1999, toujours d’actualité : « Elle était là, elle est toujours là, on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes (…) Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle. La France moisie a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. »

Et cette photographie à la suite :

https://scontent.ftls1-1.fna.fbcdn.net/v/t39.30808-6/345054576_272534455110680_8346555824886413484_n.jpg?_nc_cat=101&ccb=1-7&_nc_sid=8bfeb9&_nc_ohc=2YIIDiFcV_UAX9v7F7R&_nc_ht=scontent.ftls1-1.fna&oh=00_AfBLLGyzXL6KwytGBQQ2PWsLGysK_yTuPW6u18htlnSIhA&oe=645B774C

pourmapar dit: à

Je crois ( j’en suis presque sûr) qu’il s’agit des jurés du prix Décembre.

et alii dit: à

Sollers et la musique:
« Tout récemment, j’ouvre la télévision, dans mon île, et je tombe sur mon opéra préféré de Mozart, Cosi fan tutte, joué à Salzbourg. Stupeur : l’une des chanteuses, blonde et pulpeuse, est la sosie de Daphné. C’est une soprano veloutée et puissante de 31 ans, elle incarne la plus résistante des deux sœurs, Fiordiligi. Elle est franco-danoise, et elle a choisi le nom de sa mère, elle s’appelle donc Elsa Dreisig. La mise en scène de cet opéra virtuose évite, par sa sobriété et ses costumes jeunes d’aujourd’hui, les boursouflures sinistres de l’art moderne. L’Orchestre philharmonique de Vienne est dirigé fermement par une femme allemande, Joana Mallwitz. Le résultat, très animé, est vif et précis. En plus de sa beauté, et de la qualité supérieurement émouvante de sa voix, Fiordiligi, en courant souvent d’un bout à l’autre du plateau, ou en se déguisant, pour un temps, en homme, est très sympathique. Elle souffre d’aimer, elle souffre de trahir son amour, et on sent qu’elle en rit, comme elles le font toutes.
https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article2435

et alii dit: à

The Art Newspaper Daily
Why has no one been invited to follow in the footsteps of Hollar, Lowry and Topolski as a coronation artist?

et alii dit: à

En 2019, l’écrivain avait même écrit à Alain Juppé, alors maire de Bordeaux, pour s’offusquer que les nombreux châteaux viticoles du Bordelais changeaient de noms, en même temps qu’ils passaient aux mains de propriétaires chinois. « C’est ainsi que débarque chez nous le lapin impérial, le lapin d’or, l’antilope tibétaine, et la grande antilope », écrivait alors Philippe Sollers.

Je ne suis pas excessivement curieux de connaître la vie de ces animaux, n’ayant jamais rencontré, dans mon enfance à Bordeaux, le moindre lapin impérial ni la moindre antilope tibétaine.

Philippe Sollers
Lettre ouverte à Alain Juppé (2019)

Pablo75 dit: à

« La rose de la Raison dans la Croix du présent ». C’est l’inscription que Sollers a fait inscrire sur sa tombe de l’île de Ré.
https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article2435
et alii dit:

Tricheur y frivole jusqu’à la fin: il veut nous faire croire que c’était un Rose-Croix.

J J-J dit: à

Philippe Sollers vient de mourir un brin définitif
(Julia Kristeva).

Janssen J-J dit: à

Je me souviens bien de l’indécence de Josyane S., à la tête du Monde des livres, à l’égard de Ph. S.
La notoriété de ce journal en prit un sacré coup à l’époque. Ce dithyrambe permanent, non plus que celui dédié à l’autre Philip…, annonçait le chant du cygne de cet illustre journal du vendredi soir.

Damien dit: à

Le blog officiel de Sollers portait en exergue ceci :

« Dans la nouvelle science, chaque chose vient à son tour, telle est son excellence. »

Lautréamont, Poésies

Donc, lu aujourd’hui, ça paraît assez incongru, comme si Sollers n’avait pas prévu sa mort. Il est mort à son tour, telle est son excellence, finalement. Surtout qu’on le savait malade depuis plusieurs mois, et ça aussi, peut-être, c’était venu quand il fallait ? Sollers, le jour de sa mort, piégé par Lautréamont, qui se venge. « Tel quel » a beaucoup fait pour Lautéamont, des lectures publiques notamment, avec toujours Marcellin Pleynet aux premières loges pour parader. C’était sans conteste une bonne initiative. L’araignée qui sort de son trou, l’effet de réel… et maintenant la mort de Sollers. Comme dans un mécanisme d’horlogerie, tout se met en place. Bonne soirée !

Pablo75 dit: à

L’inguérissable frivolité de Sollers (en 2014 il n’était pas encore très repenti de sa période maoïste):

Le revers de Mao
Regardez bien cette photo, datée de 1963, que je porte toujours sur moi, sauf, évidemment, quand je suis en Russie, en Ukraine, ou à New York.
http://www.philippesollers.net/intervention7septembre2014.html

Eh oui, en 2014 le soi-disant catholique Sollers admirait un type qui a causé la mort de 65-70 millions de personnes.

J J-J dit: à

Poirot se Délpêcha d’en retourner à son tombe, hôla !…
Tous ces gens découvrant maintenant à quel point ils l’avaient toujours aimé, y compris en sa France profondément moisie. Les mêmes que ceux qui adornaient naguère Jean d’Ormesson et qui se coucheront, éplorés, sur la stèle de Michel Houellebecq.

pourmapar dit: à

le monsieur à lunettes.

Il s’agit de Dominique Noguez, un superbe écrivain avec lequel j’ ai échangé une bonne soixantaine de carte de correspondance.

C’est vrai que les vestales à Sollers, Josiane S. et Laura de l’air ne lui ont
pas fait que du bien! 🙂

Damien dit: à

On va sentir dans les années qui viennent tout un changement de génération dans l’édition, notamment avec l’arrivée de Bolloré, qui en choque tellement. Ils ne sont pas rassurés. Antoine Gallimard lui-même pense à sa succession, il vient de nommer ses deux filles à des postes clefs. L’édition va se droitiser, et devenir davantage performative. Ceux qui voudront rester devront travailler. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mais ça, c’est fini. La mort de Sollers restera une date de cela, le règne de la paresse éditoriale. Contrepartie : la vie intellectuelle va devenir plus intéressante, et plus ouverte. Une ère nouvelle se fait jour, qu’on datera bientôt de cette mort de Sollers. Dans ce charivari, par exemple, un Yannick Haenel risque d’en pâtir. Dommage, mais il pourra se reconvertir, à « Match » ou à « Mme Figaro ». Ou bien il écrira d’autres romans, et aura enfin du succès. Lui aussi, ancien prof, n’avait pas l’habitude de travailler fort. Le jour où Bolloré voudra le payer, Haenel devra en mettre un coup. Ce n’est pas dit qu’il y arrive,tant pis pour lui. Il nous fera des listes de livres à lire. Lui, il va regretter l’ère Sollers. Sollers, le nouveau saint des lettres et des temps modernes. Qui l’a lu ici ? Il y en a sans doute, comme moi. J’ai lu « Femmes » à sa parution. J’ai mis des années à comprendre le gâchis que c’étais…

pourmapar dit: à

cartes…
Il était fan de Sollers, Dominique Noguez.
Excellent esthéticien sur le cinéma underground américains et d’ ailleurs. Deux essais sur M. Duras dont le second très critique. Beaucoup d’ humour et un homme d’une extrême culture. Décédé trop tôt à 76 ans…

Pablo75 dit: à

Question:

Étant donné que Sollers a écrit: « Les Essais de Mao constituent un bond en avant considérable et complètement original » et que Mao à son tour a écrit: « Nous sommes reconnaissants à Lénine et Staline, qui nous ont donné l’arme du marxisme-léninisme », comment expliquer que Sollers a pu se déclarer catholique et grand admirateur du pape Jean-Paul II, fervent anti-communiste?
a) Par frivolité?
b) Par simple connerie?
c) Grâce à une absence absolue de sens du ridicule?
d) Par mépris complet de la logique la plus élémentaire?
e) Par gâtisme?

pourmapar dit: à

Haenel était un cheval dans l’ écurie Sollers.
A-t-il été nourri au foin de grande classe?

Sollers était un malin, son coup réalisé avec F. Ponge fut un coup de maitre, on raccroche les wagons Paulhan, on joue les influences avec les vestales mais n’est pas Paulhan qui veut!

Paul Edel dit: à

Janssen J-J depuis le départ de Sollers et de Josyane Savigneau, vous trouvez dans les pages livres du « Monde » une nette amélioration?

Paul Edel dit: à

  « On publie de plus en plus, ou plutôt on poublie. Aussitôt imprimé, aussitôt oublié. Les tweets, les blogs, donnent à chacun et chacune la possibilité d’exhiber, en quelques mots, la folie normalisée. Les livres sont devenus de drôles de machins visqueux, enfance malheureuse, enfers familiaux, délires sentimentaux, demandes essoufflées d’amour. Ca ne se vend pas, mais peu importe. Une telle surproduction prouve la bonne volonté démocratique générale, la dépense tarée dans l’égalité. » C’est de Philippe Sollers, dans « Médium », Gallimard,2014, 17,50 euros .

Pablo75 dit: à

« On publie de plus en plus, ou plutôt on poublie. Aussitôt imprimé, aussitôt oublié. […] Les livres sont devenus de drôles de machins visqueux […] Ca ne se vend pas, mais peu importe. » C’est de Philippe Sollers, dans « Médium »
Paul Edel dit:

Et parfaitement applicable aux 88 livres de Sollers (et 16 « audios » et « vidéos »).

Et que restera de tout cela dans 50 ans? Rien.

Pablo75 dit: à

les changements de cap témoignaient chez lui d’une certaine fidélité à l’idée qu’il se faisait de la nécessité permanente des transgressions.
(Élisabeth Roudinesco sur Sollers)

Décorations
-Chevalier de la Légion d’honneur, le 13 juillet 1993
-Commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, le 9 juillet 2014
https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Sollers

Un vrai révolutionnaire ce Sollers, en effet…

Janssen J-J dit: à

mais non justement, RE, cela n’a fait qu’empirer depuis, voyons, ils savaient qu’ils devaient torpiller le supplément avant de partir, et que personne ne pourrait remonter leur entreprise d’abaissement !
Mais je ne sais pas trop…, il y a bien longtemps que je ne lis plus les journaux papier…

Pablo75 dit: à

La girouette Sollers (en 1974 il était « matérialiste »):

« Philippe Sollers évoque la lutte des classes, et l’influence de ses livres sur le prolétariat. »

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i00003336/intervention-sollers

Quelques perles de l’interview:

« …l’énorme originalité de Mao comme philosophe… »
« Mao […] est un penseur philosophique très, très profond »
« Mao est un très grand poète […] ses poèmes sont très beaux »

Pablo75 dit: à

Comment peut-on défendre Sollers? Défendre Sollers est défendre la frivolité, le cynisme, la bêtise, l’escroquerie, le narcissisme fanfaron, l’impudence, le mensonge, l’imposture, l’hypocrisie, la tartufferie, l’esbroufe, le charlatanisme, le faux…

Pablo75 dit: à

En 1977, la girouette bordelaise, n’est plus maoïste (alors qu’il avait écrit que le maoïsme était « irréversible »):

L’Homme en question – Philippe Sollers (03/04/1977)
https://www.youtube.com/watch?v=TmTjwr2IdTg

Vers 31 min, François Aubral lui dit ses quatre vérités sur sa « pensée politique ».

Patrice Charoulet dit: à

Beau portrait de Sollers par Pierre Assouline.
J’ajouterai une seule chose : Je plains Julia Kristeva d’être tombé sur un tel compagnon. Quel coureur !

Patrice Charoulet dit: à

DICTIONNAIRES

A Dieppe, quelqu’un ayant appris, par une tierce personne, que j’avais chez moi 180 dictionnaires
unilingues, m’interroge : « Vous collectionnez vraiment les dictionnaires? » Je lui ai répondu ceci, qui est vrai : « Non, non, je ne les collectionne pas, je les utilise. »

Janssen J-J dit: à

@PC / Et sa Suffisance première est contente de son bon mot. De la crème Sollers toute crachouille,

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