de Pierre Assouline

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La République des livres
La malédiction du livre-culte

La malédiction du livre-culte

Il arrive qu’un écrivain vive le succès comme une malédiction. Inutile de dresser la liste des anciens lauréats du prix Goncourt, de Jean Carrière (L’Epervier des Maheux) à Pascal Lainé (La dentellière), qui ont pu mesurer à leurs dépens le prix d’un Goncourt et ses dommages collatéraux tant sur le plan professionnel que psychologique. L’histoire de Charles Webb est à cet égard des plus édifiantes- et on imagine qu’un romancier doublé d’un scénariste ne manquera pas de s’en emparer un jour ou l’autre.

Vous vous souvenez de ce refrain fredonné par Simon & Garfunkel qui a probablement bercé votre adolescence :

« And here’s to you, Mrs. Robinson/ Jesus loves you more than you will know / Whoa, whoa, whoa/ God bless you, please, Mrs. Robinson/ Heaven holds a place for those who pray / Hey, hey, hey/ Hey, hey, hey…”

Ah, elle en aura fait rêver des lycéens et des étudiants, cette sacrée Mrs Robinson incarnée à l’écran dans le plus simple appareil par Ann Bancroft qui séduit le jeune Dustin Hoffman, fils d’un couple d’amis, assez désoeuvré après l’obtention de son diplôme, lequel finira par s’en déprendre dans les bras de sa fille…. Tous sauf Charles Webb qui est à l’origine de tout. Il est l’auteur du roman autobiographique The Graduate/Le Lauréat (1963), dont Mike Nichols a tiré un film quelques années après, l’immense succès de l’un décuplant celui de l’autre et réciproquement. Ce livre-culte, qui a beaucoup compté dans le rejet du matérialisme par toute une génération, a apporté gloire et fortune à son auteur ; mais jusqu’à sa disparition il y a quelques mois, celui-ci n’aura cessé de vouloir s’en débarrasser. De l’argent et de la notoriété comme d’un sparadrap.

Il publia huit livres en tout, notamment une suite du Lauréat dans le but avoué de payer ses dettes. Or non seulement certains se vendirent correctement mais ils furent eux aussi adaptés au cinéma. Ce qui ne manqua pas de générer de nouveaux profits qui s’ajoutèrent aux maisons, meubles, tableaux reçus en héritage (des oeuvres d’ Andy Warhol, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, tout de même) ; ils firent l’objet de dons à la Ligue anti-diffamation et à des associations philanthropiques tout comme les droits audiovisuels du Lauréat (ils ont été rachetés depuis par Canal + qui n’est pas une œuvre de charité). Moins sauvage que J.D. Salinger, auteur d’un livre-culte plus fameux encore L’attrape-cœurs (1951), il n’en tenait pas moins la société à distance, à l’égal d’un anarchiste aux yeux de qui tout ce qu’elle touchait par le biais de l’argent était nécessairement corrompu. S’en délester revenait à se purifier. Mais il avait beau y faire, des héritages divers et variés le rattrapaient. Ce qui est dur pour qui a fait vœu de pauvreté. N’empêche qu’en y mettant du sien, il arriva finalement à tout donner ce qui l’obligea, pour vivre, à accepter des petits boulots ici ou là malgré son âge.

Il avait épousé Eve Rudd, qui était « une Mrs Robinson » lorsqu’ils se sont connus, issus du même milieu bourgeois, puis ils ont divorcé vingt ans après afin de protester contre l’institution du mariage avant de se remarier quelques temps après pour des raisons purement pratiques vis-à-vis de l’Administration. Après avoir vécu dans un bus Volkswagen en Californie avec leurs deux fils qu’ils retirèrent de l’école afin de les instruire eux-mêmes, ils s’installèrent en Angleterre ; un journaliste retrouva le couple vivant dans la chambre d’un hôtel de dernière catégorie à Londres payée par les services sociaux ; puis l’ancienne agente littéraire de Charles Webb, qui leur rendit visite du côté de Brighton puis dans un petit hôtel d’Eastbourne, observa que la maison était quasiment vide de meubles et les armoires tout aussi vides de vêtements. Un jour on apprit que Eve, qui fut internée après une grave dépression nerveuse, s’était fait officiellement rebaptiser Fred par solidarité avec un groupe d’Américains tous nommés Fred qui avaient perdu l’estime de soi ; quant à son mari, tout à son obsession de se dépouiller de tout, il avait fini par rejoindre provisoirement une colonie de nudistes.

Bref, gardez-vous de ne jamais écrire de livre-culte susceptible de bouleverser une ou deux générations : c’est trop de problèmes et de malheurs en perspective.« And here’s to you, Mrs. Robinson… » A propos, lorsque le producteur du film rendit visite à Simon & Garfunkel pour leur arracher la chanson qu’ils étaient en train d’écrire, elle s’appelait encore « Mrs Roosevelt » et il fallut l’adapter pour coller à l’histoire. « … Hey, hey, hey/ Hey, hey, hey…”

(« Charles Webb et sa femme Eve » photo Andrew Hasson/Alamy)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire.

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commentaires

1 237 Réponses pour La malédiction du livre-culte

JiCé..... dit: à

Samedi 21 novembre 2020, 5h18, 10°

La température descend, ici, contrairement à ce qu’affirment les voyous du GIEC ce ramassis de malades mentaux réchauffés à l’idéologie absurde, eux qui se prennent pour des scientifiques.

Ce qui monte, c’est l’aspect EHPAD des sans-famille littéraires qui trainent leur verve molle dans le gazon épais du blog prestigieux de notre prestigieux Passou !

Joie ! Joie ! Cris de joie !

JiCé..... dit: à

Chevaliers ! En route par ces temps de guerre sanitaire ! Foin de vaccin !

Reprenons les seuls combats que la nature nous a confié ! Par tous les seins ! Nous avons une tâche impériale à réaliser : remplacer les morts par des vivants ! Enfantons de l’espoir ! Haut les cœurs ! Parcourons les champs, ivres de gaité primaire, mentule en feu … ! Liberté ! Liberté !

Tous ensemble, nobles Chevaliers, écrasons le désespoir viral. En avant !
« MONTJOIE VERGEMAGNE ! »

rose dit: à

Renato
Tout ce qui constitue La Grande fugue me touche. Dont
Entre la première fugue et la deuxième on a un épisode qui commence sur dans un tempo Meno mosso et Moderato, dans un contrepoint moins rigoureux — un fugato —

Et la coda finale emphatique.

Je me lève courageusement et vais l’écouter.

rose dit: à

Meno mosso, je l’m bcp. Il me parle.

Marie Sasseur dit: à

@ »En route par ces temps de guerre sanitaire  »

Un écrivain a entrepris une trilogie, dont les deux premiers volets, agencés de manière très innovante, dressaient un tableau d’une guerre dont les protagonistes, obscurs rouages d’une machine devenue monstrueuse,
écrivent votre futur proche.
Cet écrivain c’est J-Ph. Toussaint, in  » la clé usb », et « les emotions ».

Et la guerre sanitaire qui se trame aujourd’hui, c’est aussi celle-ci:

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/09/23/vaccins-contre-le-covid-19-des-eurodeputes-denoncent-un-manque-de-transparence_6053313_3244.html

rose dit: à

50 ans après, le problème racial n’a pas évolué aux USA. Utilisé par Trump pour asseoir sa mégalomanie. Va-t-il falloir le sortir par les pieds ?

https://www.marianne.net/culture/litterature/salauderie-noire-et-culpabilite-blanche-lhypocrisie-antiraciste-selon-romain-gary

Me demande in petto ce que dirait Romain à la dénomination juif lituanien.
À la réflexion sur Jean, Live blacks Matters et son engagement politique, il répondrait « j’y ai cru, ce temps-là est derrière moi, je ne me bats plus ».
Quel magnifique observateur du monde !

rose dit: à

Black Lives Matter ( La vie des Noirs compte) a été créé aux États-Unis en 2013.

christiane dit: à

@ Jibé et Rose
La beauté ne devrait jamais être détruite par une note dissonante du cœur.
Il reste à transformer toute douleur en beauté pour retrouver le chant initial.

« nous restons confrontés à l’énigme
qu’en vain nous tentons d’élucider
reprendre alors les mots au noir de la nuit. »

Amina saïd « Dernier visage avant le noir »(éd. Rhubarbe) – /terresdefemmes.blogs.com

JiCé..... dit: à

« La beauté ne devrait jamais être détruite par une note dissonante du cœur.
Il reste à transformer toute douleur en beauté pour retrouver le chant initial. »

Ne veux strictement rien dire ! Rien ….

Marie Sasseur dit: à

Une histoire de livre et de malédiction. Citer Eco était bien vu.

« Un sort de protection des livres est employé afin de décourager le vol de livres, leur dégradation, voire la malédiction des livres ou de leur auteur. Il consiste souvent en une inscription située en début ou en fin d’ouvrage. Cette inscription consiste en général en une menace adressée au(x) coupable(s) potentiel(s). On n’y trouve le plus souvent pas mention du nom de propriétaire de l’ouvrage, ce qui distingue ces inscriptions des ex-libris. Cet usage est essentiellement documenté pour le Moyen Âge et concerne donc presque exclusivement des manuscrits.

La plupart de malédictions sont inscrites dans le colophon du livre par le copiste. Il s’agit en effet pour ce dernier de l’endroit du manuscrit où il peut appliquer une touche personnelle ; c’est d’ailleurs pourquoi les malédictions sont en général uniques à chaque ouvrage. »
Wiki

bouguereau dit: à

Quel magnifique observateur du monde !

..hof..fait aux pattes..comme dirait lassouline j’en ai marre des noirs qui en ont une plus grosse que moïse

JiCé..... dit: à

Mrs Robinson est interprétée par l’actrice ANN BANCROFT…pas par une inconnue nommée Anne Brancoft !

bouguereau dit: à

Je trouve Barack Obama trop maigre.
Est-ce qu’il mange assez de protéines animales ?

c’est pas faut..l’a la fesse trop creuse qu’il dirait baroz..meussieu obama..pour faire traverser le chameau dans lchat de laiguille il faut bien le passer au gras qu’elle dirait maité..qu’est ce ten pense dédé

bouguereau dit: à

Ce n’est pas un blasphème. Ni un tabou, aux US

lajustice en france est pourrite jusqu’à la moelle de los! ‘libélé nicolas! à mort djizeus!’

Jazzi dit: à

Je vois que je ne suis pas le seul à avoir passé une nuit quasi blanche ici !

Et Jicé qui tient absolument à ce que Passou, qui ne l’entend pas, lui dise merci…

bouguereau dit: à

Alors qu’à mon sens, c’est une photo collée au mur, et qui, je pense, représente un nu féminin ? Non ?

bonne clopine voit un cul..keupu hune plume..et haprés hon s’étonne que les 3 mousquetaires étaient 4

Sant'Angelo Giovanni dit: à

…samedi 21 novembre 2020 à 9 h 41 min.

…la valeur pour certains, c’est ce qui est acquis par des ramifications en  » modus vivendi  » , par des possesseurs interposés, comme protégeons ces voleurs  » au genres  » vols planifiés protéger,!…
…( les sources de commerces & management de drogues, détournements variables d’impôts, concurrences déloyale diverses et influences à exploité des soumis sans ressources,!…)

…avec la formation des têtes de pipes appropriés, faisant fonctions, comme les voleurs de tombes,!…

…en sortes, que le profit, c’est de posséder tout, à la fin des convoitises orchestrer, comme des dieux immortels,!…

…hormis la fraicheur et sa peste.

…queldiscourts, c’est le cadre des lois, comme la ruche à son miel, et les mailles de filet, pour en arnaquer des poissons à farine à leurs yeux.

…cultures et souabes, à l’esclavage des rêves, des corporations et crédits à risques, & spoliations comptables en cuisine sociale!…

…brefs etc, à mon café,!…chez soi,!…
…un replay censuré,!…Go,!…

bouguereau dit: à

Et Jicé qui tient absolument à ce que Passou, qui ne l’entend pas, lui dise merci…

ni juif ni noir..il prétend qu’il est riche..il a lbénéfice du doute..mais restons en là

christiane dit: à

J’ai très bien dormi.
Je laisse les nuits noires d’insomnie aux menteurs rongés par la culpabilité… et à leur énigme…
La poésie est un magnifique chemin pour frôler ces énigmes.

D. dit: à

qu’est ce ten pense dédé

_

qu’il a peut de chance de se trouver un jour aux chiottes de la Gare du Nord avec Michelle… mais il ne faut jurer de rien.

puck dit: à

« 2367ème jour de confinement – cette nuit nous avons encore subi les attaques des sauvages qui encerclent la propriété. Avec Lucy et les 4 enfants nous avons réussi à les repousser, ils ont quand même réussi à voler les 3 poules qui nous restait et mettre le feu à la grange. Il ne nous reste plus assez de vivre et de munitions : nous ne pourrons pas résister à leur prochain assaut. Il parait qu’il existe un camp de survivants dans la forêt de Passay au dessus de Fougères : à midi nous chargerons ce qu’il reste de vivres dans la Peugeot et nous essaierons de trouver leur campement. Avant il faudra forcer le barrage des sauvages – si nous échouons il me reste 4 balles dans mon Beretta, une pour Lucy et les trois enfants, ils les auront pas vivants!
John J. Jansenn – la Rochelle le 21 novembre 2024 à 10h38 »

rose dit: à

Et le quatrième enfant ?
Et toi ? Tu vas te laisser dépecer vivant, Denom ?

rose dit: à

Puck, pardon.

puck dit: à

rose dit: Et le quatrième enfant ?
 »

oui, Elsa, la plus jeune; elle a reçu une balle dans l’oeil, elle est morte sur le coup, que Dieu dans sa Bonté puisse nous venir en aide.
John J. Jansenn qui répondait à rose le 21 novembre 2028 à 10h45

et alii dit: à

Parler en anglais pourrait propager plus de coronavirus que ne le font certaines autres langues
Francoise le Fleur (cropped)Le article qui suit, basé sur une recherche publiée par la Bibliothèque nationale de Médecin des États-Unis sur son site PubMed Central, est intitulée « The use of aspirated consonants during speech may increase the transmission of COVID-19. » Le 8 septembre la revue Forbes a récapitulé cette recherche dans un article intitulé « Why Speaking English May Spread More Coronavirus Then Some Other Languages ». Notre contributrice Françoise Le Meur a bien voulu traduire l’article de Forbes.
.com/2020/11/coronavirus-8-sept-2020-0920-edt-pourquoi-parler-en-anglais-pourrait-propager-plus-de-coronavirus-que-ne-le-font-certaine.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+typepad%2Fle-mot+%28Le+mot+just

puck dit: à

pourquoi ils parlent en anglais ? parce que le Covid-19 a pris « anglais » en première langue quand il était au collège ?

Janssen J-J dit: à

Daniel CORDIER vient de mourir.
Je me suis volontairement trompé de billet pour ne pas assombrir le nouveau post de Pierre Assouline. Je voudrais dire ceci :

Quel magnifique témoignage ! Merci PA de l’avoir écrit.
Cela dit, je ne comprendrai jamais comment un même être humain tel que vous peut à la fois, 1° – se montrer fasciné par l’exemple du destin de cet homme devenu historien pour réparer une accusation sordide faite à Moulin (et qui raconta avoir voulu se précipiter auprès d’un homme et d’un enfant porteurs de l’étoile jaune pour leur demander pardon) 2° – et tout autant fasciné par une ordure comme Morand, suintant la haine antisémite à longueur de journal, durant la même époque…

Et cela, au nom de la défense de LA littérature… depuis l’ainsi née, République des Livres…

Cela me trouble, sinon me dépassera toujours un brin. Pour ma part, je ne garderai d’estime que pour ce magnifique témoignage sur la vie de ce bon Cordier, en espérant très vite oublier le papier sur cette ordure de Morand. C’est insurmontable mais c’est, hélas, l’époque qui le veut ainsi.
Vivants en finitude, jugeons le passé avec nos yeux du présent, ne jugeons pas du présent avec nos yeux de l’avenir. Voilà ma morale élémentaire. Et qu’advienne pour le reste.
(21.11.20_10.56)

Marie Sasseur dit: à

Je disais donc que connard était encore un mot trop doux.

A-t-on déjà lu aussi niais, dans le conformisme binaire ?

Les bons et les méchants.
Si tu penses allonger Passou sur le divan, avec tes contradictions relevées chez Passou, va falloir que tu bosses un peu plus ta psycho, mon pote.

Janssen J-J dit: à

Merci ma soeur… La niaiserie a parfois du bon, savez-vous ? Et la Duconne est souvent plus intéressante que la Connasse, quand elle fait des efforts dans les 36 nuances de gris, ce qui lui arrive très fréquemment, comme chaque erdélien en conviendra.
Bàv,

Marie Sasseur dit: à

Vazy, réduit à rien, il te reste l’invective putassiere. Il faut bien que cet ancien petit fonctionnaire du ministère de l’intérieur montre de quoi il est capable. Connard.

JiCé..... dit: à

Mrs Robinson est interprétée par l’actrice ANN BANCROFT…pas par une inconnue nommée Anne Brancoft !

Passou dit: à

Merci Jicé, corrigé !

JiCé..... dit: à

Bien à vous, Passou !

Janssen J-J dit: à

Les années défilent par dizaines sans qu’on les voie passer. Et un jour, on se découvre petite chose molle, fragile et fripée, l’oreille dure, le pas incertain, le souffle court, la mémoire à trous, dialoguant avec son chat un dimanche de solitude. Cela s’appelle vieillir et cela m’est pur scandale (FG).

Janssen J-J dit: à

Quoiqu’il en soit, r., « Impossible » d’Erri de Luca est un excellent roman fictionnel dont les dimensions autobiographiques évidentes le rendent tout à fait passionnant.
Je ne vois guère en ce moment de prose italienne traduite de ce niveau. Et qu’on ne vienne pas nous chanter les sérénades d’Elena Ferrante ou de Milena Agus, quoique…

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