Retour sur la consécration du « syndicat »
Récemment interrogée dans l’Express sur l’art et la manière d’obtenir les droits d’édition du nouveau livre de Barack Obama, Sophie de Closets, Pdg des éditions Fayard, confiait à Marianne Payot :
« Selon moi, dans le registre des Mémoires de président, comme il y a eu De Gaulle et Churchill au XXe siècle, il y aura Une terre promise au XXIème ».
A la réflexion, ce ne sont pas tant les qualités littéraires de « l’écrivain » Obama qui valent d’être discutées : gageons que l’empreinte de l’homme d’Etat les recouvrira bientôt ; c’est plutôt la comparaison avec les deux autres mémorialistes qui fait problème.
Que Charles de Gaulle, nourri de ses lectures de Bossuet, Chateaubriand, Las Cases, Barrès ait eu de longue date la fibre littéraire, et qu’elles aient nourri sa plume de mémorialiste ne fait guère de doute ; que ses Mémoires de guerre soient passées à la postérité comme l’œuvre historique d’un styliste, pléiadisé à raison, n’est que justice. Mais Winston Churchill ? Il avait certes la plume facile, comme en témoignent d’innombrables articles ainsi qu’un grand nombre d’essais et de récits historiques.
Il a été couronné du prix Nobel de littérature en 1953, succédant à Mauriac et précédant Hemingway, excusez du peu, pour l’ensemble de son oeuvre au moment de la parution de La seconde guerre mondiale en six volumes, « « pour sa maîtrise de la description historique et biographique ainsi que pour ses discours brillants pour la défense des valeurs humaines » selon le communiqué de l’Académie suédoise. Encore faut-il préciser que toute sa vie, il s’était fait une certaine idée de l’écriture. Quelque chose de collectif, ce qui est généreux, à ceci près qu’il signait seul.
Quand De Gaulle rédigeait seul les trois tomes de ses souvenirs parus de 1954 à 1959, rivé à son bureau de la Boisserie à Colombey-les-deux églises, face à la fenêtre donnant sur la forêt de Clairvaux et les coteaux champenois s’étendant à perte de vue, Sir Winston, lui, restait au lit dans sa propriété de Chartwell, un cigare dans une main et un verre de whisky dans l’autre, entouré d’une flopée de dactylos et d’une équipe composée de chercheurs, d’archivistes, d’historiens, de généraux à la retraite et de rédacteurs. Ceux que Andrew Roberts, son plus récent biographe (Churchill. Walking with Destiny, traduit de l’anglais par Antoine Capet, 1314 pages, 29 euros, Perrin), appelle avec un goût certain de la litote « ses assistants littéraires ». Churchill les désignait avec des accents plus mafieux comme « le syndicat ».
Il n’y a pas qu’Agatha Christie : lui aussi a eu ses dix petits nègres, pardon, ses « ils étaient dix » comme il convient de le dire désormais. Du fond de son plumard, il dictait à ses multiples plumes sa version très personnelle de l’Histoire ; puis ceux-ci vérifiaient, nourrissaient, documentaient, réécrivaient ; plusieurs jets du manuscrit plus tard, après qu’il eut été soumis à une quarantaine de personnalités qui y étaient évoquées afin de solliciter leur aval ou leur censure (famille royale, responsables politiques, anciens ministres, diplomates etc), le patron le « churchillisait » en le mettant à sa sauce à coups de ratures, de paperolles et d’allongeails. Ce ton si particulier, style épique, lyrique, anecdotique et coloré, qui faisait son succès.
Le Général ne s’y était pas trompé qui, dans une lettre du 26 décembre 1953 à Louis Terrenoire, confiait :
« Ces Mémoires me donnent énormément de mal pour les écrire et pour en vérifier tous les éléments historiques au détail près. Comprenez-vous, je veux en faire une oeuvre, ce n’est pas ce qu’a fait Churchill qui a mis bout à bout beaucoup de choses ».
D’un côté l’œuvre conçue dans la solitude d’un homme d’Etat aux prises avec l’Histoire, obsédé par la vérification et la recherche du mot juste. De l’autre, une oeuvre collective, soumise à l’expertise et aux susceptibilités d’un consortium innombrable, qui aurait pâti d’un manque d’unité n’eut été le souffle d’un artiste de la politique. On s’en doute, chaque camp a ses défenseurs. On ne peut pas dire que l’on ressort convaincu de la lecture de Churchill the Writer. His Life as a Man of Letters (162 pages, Hutchinson) car pour qui a lu l’essentiel de l’oeuvre en question malgré la quantité, le plaidoyer enthousiaste de Keith Alldritt citations à l’appui (publié il y a trente ans) ne suffit pas. En revanche, l’anthologie récemment constituée par Jean-Claude Perrier sous le titre De Gaulle vu par les écrivains. D’Aragon à Zagdanski (312 pages, 8,90 euros, La Table ronde) vient à point rafraichir les mémoires. Même si un certain nombre de contributeurs s’y attachent davantage à l’homme qu’à l’écrivain, l’ensemble est propose un tableau dense et ouvert. Les fidèles sont bien au rendez-vous (Mauriac, Gary, Debray, Rouart, Malraux, Tillinac…) et les impitoyables ennemis du Général ainsi que ses plus féroces critiques (Aragon, Jacques Laurent, Sartre…). Question de droits? Probablement car il est regrettable que parmi les adversaires du premier, Duras manque à l’appel, et que parmi les plus exacts démolisseurs du second soit absent le Jean-François Revel du Style du Général (Julliard, 1959)
Lorsque le comité Nobel fit connaitre son choix en 1953, l’académie suédoise se vit reprocher son caractère bien peu littéraire et si clairement politique. Quant à son élu, il ne dissimula pas sa déception : il espérait le prix Nobel de paix, faisant peu de cas du génie des livres qu’il signait pour les avoir de tous temps considérés comme un moyen de s’enrichir. Ce qui fut le cas. Mais les membres du syndicat, eux, étaient ravis. La consécration de ces « ils-étaient-même-un-peu-plus-que-dix » est unique dans l’histoire du Nobel.
1 247 Réponses pour Retour sur la consécration du « syndicat »
Le blog de et autour de Jacques Bouveresse :
Et merci et alii pour ce texte :
et alii dit: à
bouveresse et « la bigoterie »:
On peut parfaitement défendre les choses importantes – la littérature en fait partie – sans avoir besoin d’entretenir à leur sujet une espèce de mythologie héroïsante, en particulier sans avoir besoin d’accepter cette vision si répandue de la littérature que je qualifierais de «religieuse» et même d’ «idolâtre». On croit facilement que l’importance et la grandeur de la littérature ont besoin de s’abriter derrière un rempart de sublimité et de mystère. S’il y a une vérité littéraire, il ne faut surtout pas essayer d’expliquer en quoi elle consiste exactement. Celui qui cherche à préciser et à expliquer est facilement soupçonné, comme l’a été Bourdieu et comme je l’ai probablement été moi-même, d’être quelqu’un qui n’aime pas la littérature et veut même peut-être tout simplement sa mort. Le fait de ne pas aimer beaucoup le milieu littéraire et le genre de mythologie qu’il a tendance à développer à propos de ce qu’il fait n’a évidemment rien à voir avec une quelconque «haine de la littérature».
commenter de cette façon un peu lassante, répétitive B
mais tu t’es relue, goulue?
Donc, Jazzi, à un moment j’ai décidé d’apprendre le français intuitivement, car lors de mes études j’avais mieux affaire — conservatoire, anglais, apprentissage de la sculpture —, car je sui de l’opinion que c’est seulement par l’abâtardissement qu’une langue évolue.
Donc une approche sonore appuié sur le latin, un mélange quoi. Bon, on peut toujours rechercher la muséification (voir plus haut Agamben) ou du moins tendre à… mais c’est une question d’antécédents, pour moi l’antécédent c’est l’Accademia della Crusca (date de naissance 1583, qui stimulé par les frère Verri et Beccaria a su se remettre dans le présent) qui accepte en 2016 un néologisme (certifié 1991) créé par un enfant : « petaloso adj. Fourni avec des pétales ; plein de pétales. Avez-vous déjà entendu ce mot ? Probablement pas, à moins que vous ne vous appeliez Matteo, ou que vous soyez son camarade de classe ou son professeur. À l’école élémentaire Marchesi di Copparo, dans la province de Ferrare, à partir d’aujourd’hui ce mot — inventé par un enfant de troisième année — a pris une valeur toute particulière, étant donné que l’Accademia della Crusca l’a évalué comme « beau et clair » par répondre par une lettre à l’avis demandé par l’enseignant et l’élève.
Alors, vous comprendrez que pour moi la Loi Toubon et une blague mariniste ça revient au même.
racontPATaVi = PAT V !
« c’est seulement par l’abâtardissement qu’une langue évolue »
Idem pour la race, renato.
Je suis de ceux qui considèrent que l’apprentissage intuitif est le meilleur…
publié le 11 mai 2021
C’est un grand nom de la philosophie qui s’en est allé : Jacques Bouveresse est décédé le dimanche 9 mai. Longtemps professeur au Collège de France, influencé par les logiciens du cercle de Vienne, par Robert Musil, par Karl Kraus et surtout par Ludwig Wittgenstein, il fut un défenseur ardent, dans une époque qui proclamait la « mort de l’homme », de l’héritage des Lumières et de la rationalité. « On a toujours l’impression, quand on demande aux gens de se servir de leur raison, qu’on va faire du tort à quelque chose de beaucoup plus essentiel à quoi il ne faudrait pas toucher : l’imagination, la spontanéité, l’émotivité, la passion, le sentiment, etc. Les droits de l’affectivité semblent devenus imprescriptibles et les défenseurs de la raison passent presque toujours pour naïfs ou pour autoritaires et répressifs. Je n’ai, pour ma part jamais réussi à percevoir la logique ou la raison comme répressives », précisait-il dans Le Philosophe et le Réel (entretiens avec Jean-Jacques Rosat, Hachette Littératures, 1998).
« Les droits de l’affectivité semblent devenus imprescriptibles et les défenseurs de la raison passent presque toujours pour naïfs ou pour autoritaires et répressifs. » Jacques Bouveresse.
L’intuitio, on ne sais pas exactement par où ça passe jazzi.
Ce n’est pas l’abâtardissement du français qui me gène, renato, mais la généralisation mondiale de l’espéranto anglo-américain.
« L’intuitio, on ne sais pas exactement par où ça passe jazzi. »
Par le coeur, Pat V !
racontPATaVi = PAT V !jazzi.
Mais non, il y a erreur sur le courriel et la marchandise, Jizzi.
Goulue?! Oui pour la rime et non pour une réalité, plutôt tendance anorexique. Je suis répétitive et lourde comme un kilo de plomb dans l’aile, donc. Excusez. Je tenterai de remédier. Je pense avoir touché un pont sensible, néanmoins.
Point.
Par le coeur, Pat V !
Il s’agit d’une pompe, ni plus ni moins.
Diastole/systole, rien de plus rudimentaire jazzi.
La rationalité n’empêche aucunement l’émotion mais s’en distingue foncièrement, Jazzi.
Jazzi, Le cœur c’est confondre le détail avec la synthèse…
Les sauts du cœur, partiels, partiaux et anecdotiques.
Marie Sasseur dit: à
… fait un temps pourri.
« Et si on lisait ? »
Le château, de F. Kafka.
Lire Kafka par un temps pourri, à Étretat au bord de la falaise.
Bravo pour cette réponse Alexia.
N’empêche… C’est vrai que la tête de Kafka n’est pas sans rappeler celle de Gai-Luron de Gotlib, cette sorte de Droopy, « I’m so happy »(de Tex Avery).
Le pire, c’est de vouloir trouver à cela des justifications et explications partielles, partiales et anecdotiques.
« Lire Kafka par un temps pourri, à Étretat au bord de la falaise. »
comme ça, c’est sûr, on saute.
Pat V
Et le coeur, emballé
https://www.elle.fr/Loisirs/News/Christo-ses-5-oeuvres-qui-nous-emballeront-toujours
Jacques Bouveresse, salut!
Au moins un type qui ne se gavait pas de lui-même et avait tout compris des médiacrates.
Oui, c’est tout rose!
( le cas de le dire…)
Oui, jibé.
Et il a influencé les plus intéressant(e)s philosophes de nos jours en Europe et ailleurs dans le monde.
… du latin intueri « voir dedans » : si l’on n’a pas une conscience des matériaux on n’y voit rien dedans. Le cœur n’y est évidemment pour rien, mais si cela peut assouvir des désires, pourquoi pas ?
vu le bordel qui y règne j’avais décidé de ne plus revenir sur le blogapassou sauf pour lire les articlapassou, mais hélas de tragiques circonstances me poussent à venir annoncer la mort de Jacques Bouveresse.
Je ne sais pas si certains d’entre vous ont connu ce grand monsieur, ou tout au moins ont lu quelues de ses ouvrages, si ce n’est pas le cas je leur conseillerais trop de laisser tomber la lecture d’Onfray, Enthoven et Comte Sponville pour aller voir du côté de grand penseur.
Toujours à contre courant de son époque, jamais dans les clous, ne ramant jamais dans le sens du courant, ennemi de toutes les compromissions et les copinages qui sont les deux mamelles du monde intellectuel parisien Bouveresse a construit une oeuvre considérable…
D’abord bien sûr la philosophie du langage, dans un pays hyper continentalisé qui ne jure que par la philosophie continentale issue de notre continent européen fondée sur la raison, la vérité socratique et autres débilités obsolètes Bouveresse est allé voir du côté de l’école de Vienne, et il a trouvé ce qu’il était venu y chercher, fin connaisseur de Wittgenstein, mais aussi de Russell, Carnap et ces autres qui ont fondé la philosophie du XXè siècles pendant que d’autres continuaient de vivre dans la philosophie grecque ou romantique Bouveresse a décrit par le menu les limites de la raison et ses antagonismes avec le langage.
Et bien sûr Bouveresse c’est aussi et surtout Robert Musil : Bouveresse s’est amusé avec l’ironie musilienne, il a joué avec sa pensée et ses idées, quand il écrit sur Musil on le voit sourire derrière sa plume, car s’il n’était pas un philosophe de la joie, Bouveresse était un philosophe du sourire d’une philosophie qui dit des choses trop graves et sérieuses pour se prendre elle-même au sérieux.
Il peut arriver parfois qu’un lecteur tombe sur un auteur et tisse avec cet auteur, au fil des pages un lien d’amitié, simplement parce que cet auteur, loin de le consoler ou le réconforter, le fait sourire ou même rire, non pas un rire moqueur ou méprisant d’un monsieur je sais tout, mais un rire provenant d’un effet de décalage avec la réalité, non pas pour la voir de haut, mais juste avec une plus grande humilité… je sais plus trop où j’en étais.
Musil/Kraus avec Jacques Bouveresse, la satire pour répondre au monde simplificateur de l’intuition.
La « journalisation » de la vie et de l’esprit (Kraus)
Puck dit: à
En fait je sais pourquoi je préfère la critique littéraire à la lecture des romans …
Objectivement, c’est pas mal du tout ce texte. Parfois je lis ici des choses étonnantes.
La dépravation du langage (K. Kraus).
Dans le quotidien Libération, le 26 novembre 1998, Robert Maggiori dresse un très beau portrait de Jacques Bouveresse sous le titre « Bouveresse hors d’ivresse » :
https://www.liberation.fr/livres/1998/11/26/bouveresse-hors-d-ivresse_251918/
#mais un rire provenant d’un effet de décalage avec la réalité, non pas pour la voir de haut, mais juste avec une plus grande humilité… je sais plus trop où j’en étais.
A Leibniz ?
« non pas un rire moqueur ou méprisant d’un monsieur je sais tout »
Tu penses à qui, puck ?
Magnifique photo, Passou
Le soleil est revenu, à bientôt
Un détail, le coeur, Pat V !
On peut aussi dire pedaloso s’agissant d’un peloton de cyclistes.
Soleil vert lisant Puck qui dit: « En fait je sais pourquoi je préfère la critique littéraire à la lecture des romans […] » (page 2 des commentaires), écrit : « objectivement, c’est pas mal du tout ce texte. Parfois je lis ici des choses étonnantes. »
Alors lisez tout le roman dont c’est le passage le plus déchirant pour comprendre pourquoi « les autres élèves le regardent aussi comme un Martien, débarqué là par hasard, le plus grand des hasards. […]
C’est un véritable chamboulement quand les choses ne sont pas à leur place […] »
Pourquoi, Samuel, voyant son « père effondré se tenant la tête entre les mains, une lettre écrite par sa femme posée sur la nappe orange » ne lira pas la lettre.
« Sa mère est partie, si elle était morte les choses seraient différentes, mais elle est partie […] »
et surtout ce qu’il devient, adulte… et qu’il lit, adulte…
Antimatière – auteur… Maurice Desborels (?) – publié en octobre 2015 par Atramenta.
Roman révélé par une salve de commentaires caustiques de Pablo 75. Merci à lui car sans ce feu de barrage je ne l’aurais pas lu (pour moi, sur tablette) !
Le livre a dû être évoqué à d’autres occasions lorsque Kafka et Brod faisaient l’objet d’un article ici, mais il me semble qu’il manque à la discussion : Les Testaments trahis de Kundera.
Particulièrement la 2ème partie « L’ombre castratrice de saint Garta », mais pas seulement.
Un paragraphe à la fin de l’ouvrage (9ème partie « Là, vous n’êtes pas chez vous, mon cher ») résume l’essentiel (les impatients pourront s’en contenter) :
« Pauvre Kafka, même ce petite contexte [littéraire] ne lui a pas été concédé. Quand on parle de lui, on ne rappelle ni Hofmannsthal, ni Mann, ni Musil, ni Broch ; on ne lui laisse qu’un seul contexte : Felice, le père, Milena, Dora ; il est renvoyé dans le mini-mini-mini-contexte de sa biographie, loin de l’histoire du roman, très loin de l’art. » (§12)
Je sais plus teopboù j’en étais ?
À un éloge funèbre, venu du coeur.
plus trop
Un philosophe érudit et profond… Que j’estimais beaucoup, car sans aucun mépris mépris pour cette sociologie qui essayait de se hisser au niveau de la science plutôt que de s’abaisser à celle la littérature. JB (jibé ?) était lié à Pierre Bourdieu par une amitié profonde, sans jamais avoir été un « sectateur ». Il croyait que la philosophie avait aussi à justifier de son prétendu statut surplombant les autres SHS… D’où son goût pour se coltiner à des objets aussi « sociologisants » que l’entreprise de Karl Krauss à la tête du Flambeau, ou du statut de l’analogie dans le monde des lettres… Ou bien encore de son apport épistémologique majeur à la notion de « réel » (rien à voir avec la métaphore de Rosset), qui m’avait parue lumineuse car très accessible, dans ses entretiens avec Jean-Jacques Rozat…
Voilà l’attachement personnel dont je peux faire état à l’égard de ce penseur, trois de ses livres annotés au milieu de ma quarantaine… à une époque où je doutais un brin de la socio empirique, et avais surtout besoin de prendre quelque hauteur… Merci M. Bouveresse de m’avoir bien aidé sans vous en douter, à cette époque-là… Souvenir et hommage ému.
Bàv (11.5.21_15.10)
B, on peut dire que Brad Meldhau, trente ans après, effectivement, prolonge Bill Evans. Mais c’est ce que vous entendez qui peut vous guider pour rapprocher les deux musiciens.
renato, merci de votre réponse . Mais comme je ne connais pas la postface en question je ne pouvais pas imaginer, forcement !
……de façon sensible je préfère Bill Evans à Kafka … À la réflexion il me revient que les dernières années de Bill Evans a été très assombries, écourtées, par la drogue. Mort jeune.
Son visage, sur ce blog. Merci Passou.
Pour le retrouver, hors du temps…
https://agone.org/livres/essaisiii/essaisiii
je relis de la page 189 à la page 234, le dernier chapitre intitulé Les « énigmes du temps » où Jacques Bouveresse construit sa pensée à partir de remarques de Wittgenstein sur la notion d’écoulement du temps et d’autres de philosophes et de physiciens.
W – « si l’on demandait à quelqu’un comment il se représente l’unidirectionnalité du temps, si un évènement pouvait se répéter, il dirait que justement un évènement ne peut pas se répéter, que c’est exactement comme le fait qu’un corps ne peut pas être en même temps à deux endroits différents. »
J. Bouveresse le cite abondamment, et commente :
« Par conséquent, quand nous disons que le temps coule et qu’il coule dans un sens déterminé, nous ne décrivons pas un fait, parce qu’il n’y a, en réalité, rien qui coule ni aucun écoulement d’aucune sorte. Nous utilisons simplement une image[…] »
D’image en image, il en vient à interroger notre expérience de spectateur regardant un film.
« l’écoulement du temps d’un film est irréel, il est uniquement le déroulement d’un schéma imprimé sur la bande du film. […] Le présent est-il quelque chose qui se déploie comme un film qui se déroule ? Une différence importante est, bien entendu, que la personne qui regarde le film est extérieure aux évènements que celui-ci représente et empêchée d’y intervenir de façon quelconque. Mais si notre futur est aussi déterminé que l’est le déroulement des images qui sont représentées sur le film, quelle différence cela ferait-il si nous le connaissions à l’avance ? Nous ne pourrions pas le changer : nous serions de simples spectateurs de nos propres actions et, pour ce qui est de notre contrôle du futur, nous ne serions pas dans une position meilleure qu’une personne dans le public d’une salle de cinéma[…] l’écoulement du temps se réduirait nécessairement à une simple illusion subjective de la conscience si les évènements étaient prédéterminés et ne faisaient que défiler devant nous comme les images d’un film sur l’écran. Par conséquent pour qu’il y ait un écoulement du temps réel, il faut que le futur ne soit pas déterminé.[…] Si le futur était écrit comme l’est la suite de l’histoire sur le film,pourrait-il encore y avoir une asymétrie entre le passé et le futur, et par conséquent un temps réel ? »
Or, ajoute J.B. « Wittgenstein dit que « le temps » a une autre signification lorsque nous concevons la mémoire comme la source du temps et lorsque nous la concevons comme l’image conservée de l’évènement passé » et ajoute « Ce qu’il faut dire est plutôt que le passé est par essence ce dont on se souvient, ce à quoi on est lié par la relation du souvenir. »
Jacques Bouveresse a cheminé au long de ses années, libre, courageusement, parfois rageusement (voir la page de Libé de ce jour), avec ses étudiants, aimé des siens. Le temps de son présent est échu. Tout devient haute mémoire…
MITRAN ET MASTRIC
Ceux qui ne sont pas nés de la dernière pluie se souviennent sans doute qu’à l’époque de Mitterrand certains de ses adversaires prenaient plaisir à dire Mitran.
A la même époque, Philippe Séguin prenait plaisir à dire non pas Maastricht, mais Mastric.
Or , dans un livre français peu connu publié en 1680, je tombe sur ceci : « Faire compliment au Roi sur la prise de Mastric… »
Si ça se trouve, Séguin avait lu ce livre du Grand siècle et avait rencontré Maastricht écrit
Mastric, comme certains appellent les musulmans les mahométans, à force d’avoir lu Voltaire.
D’Artagnan est mort devant Maastricht. Tout un symbole…
J’espère n’être pas le seul à avoir lu Patrick White, LE Nobel australien. « Voss » est un roman aux dimensions de l’île continent; de façon générale, tous ses romans, ambitieux et exigeants, sont à lire. En revanche, après m’être essayé à traduire sa poésie pour une anthologie de poètes nobélisés, j’ai finalement renoncé – poèmes trop cryptiques que surtout, je ne sens pas (aucune d’empathie dirait-on aujourd’hui). Idem pour Les Murray, ‘a strange fish’…Judith Wright est pour moi la plus belle voix poétique de l’Australie.
Et en ce moment, le Tasmanien Richard Flannagan est un romancier à suivre (The Narrow Road to the Deep North méritait amplement d’être Booker Prize).
Kundera, Les Testaments trahis (suite)
« À l’instar de Brod, la kafkologie déloge Kafka systématiquement du domaine de l’esthétique […] Elle examine infatigablement ses rapports à Kierkegaard, à Nietzsche, aux théologiens, mais ignore les romanciers et les poètes. »
« À l’instar de Brod, la kafkologie ignore l’existence de l’art moderne; comme si Kafka n’appartenait pas à la génération des grands novateurs, Stravinski, Webern, Bartok, Apollinaire, Musil, Joyce, Picasso, Braque, tous nés comme lui entre 1880 et 1883). »
« La kafkologie n’est pas une critique littéraire (elle ‘nexamine pas la valeur de l’œuvre: les aspect jusqu’alors inconnus de l’existence dévoilés par l’œuvre, les innovations esthétiques par lesquelles elle a infléchi l’évolution de l’art, etc.) ; la kafkologie est une exégèse. En tant que telle, elle ne sait voir dans les romans de Kafka que des allégories [religieuses, psychanalytiques, existentialisantes, politiques] Dans les romans de Kafka, la kafkologie ne cherche pas le monde réel transformé par une immense imagination; elle décrypte des messages religieux, elle déchiffre des paraboles philosophiques. »
« Un saint peut-il fréquenter des bordels ? Brod a édité le journal de Kafka en le censurant un peu ; il en a éliminé non seulement les allusions aux putains mais tout ce qui concernait la sexualité. […] Ainsi, depuis longtemps, Kafka est-il devenu le saint patron des névrosés, des déprimés, des anorexiques […] »
« Brod était un romantique. Par contre, à la base des romans de Kafka, je crois distinguer un profond antiromantisme ».
Selon Kundera, « Kafka fut le premier à décrire le comique » de la tristesse post coïtum (dans L’Amérique, Karl et la bonne, puis le personnage fellinien de Brunelda)
« Le comique de la sexualité: idée inacceptable pour les puritains ainsi que pour les […] chantre[s] d’Éros », ceux que Kundera appelle les évangélistes de la sexualité lyrique.
Pour Paul Edel : les § 7-9 de « L’Ombre castratrice de saint Garta » évoquent le 3ème chapitre du Chäteau et l’étreinte de K. et Frieda, et le chapitre 12 (la classe d’école primaire transformée en chambre à coucher, la rencontre des deux espaces).
Les Testaments trahis (suite et fin)
Kundera montre comment « toute l’image de Kafka et tout le destin posthume de son œuvre » sont formatés par un mauvais roman à clef de Brod, Le Royaume enchanté de l’amour, où figure, à côté de l’autoportrait flatté de Brod en « Nowy », un portrait de Kafka en « Garta » : « un véritable saint », épris de pureté, un penseur religieux. Portrait complété dans ses préfaces à l’œuvre de son ami.
Il y a d’autres manières de trahir que le simple fait de publier ce qui devait être brûlé (Kundera reconnaît d’ailleurs que lui non plus n’aurait pas obéi à cette volonté) : interpréter de travers, gauchir la réception de l’œuvre en la présentant selon des principes qui lui sont esthétiquement opposés
— en hiérarchisant la vie et l’œuvre en fonction de ses propres conceptions (en plaçant au plus haut la vie de l’auteur considérée comme exemplaire, ensuite ses aphorismes et « les passages sentencieux, “philosophiques” de son journal » et enfin, bonne dernière, l’œuvre narrative)
— en mettant sur le même plan écrits intimes (lettres, journaux) et ouvrages imprimés ou destinés à l’être, mais aussi ouvrages « finis » sur le plan de la forme et « journaux de travail » ou textes jugés non satisfaisants en l’état (qui auraient été retravaillés ou auraient servi de matériau pour d’autres textes)
— en défaisant l’ordre choisi par l’auteur pour ses recueils de nouvelles (celles-ci se retrouvant noyées dans un flot d’autres textes, par ordre chronologique)
— sur le plan matériel, en considérant comme une lubie la volonté de Kafka que ses textes soient imprimés en gros caractères alors qu’elle est liée à la faible articulation (délibérée) du texte (peu de divisions en paragraphes, « peu de signes [de ponctuation] soulignant l’organisation logique du texte »), « paragraphe[s] « infini[s] » où même les longs passages de dialogue sont enfermés. »)
— la traduction, non qu’elle soit considérée par essence comme « infidèle » et traîtresse, mais chaque fois que par souci (déplacé) d’élégance elle évite les répétitions du texte original ou l’emploi de verbes trop simples comme être ou avoir, ou encore lorsqu’elle ajoute des connotations au texte original, surtout dans les passages métaphoriques (connotations sentimentales ou mélodramatiques par exemple)
Kundera mentionne la fin du Procès, cette agonie guettée de près « c’était comme si la honte devait lui survivre. » de « la honte toute élémentaire, non pas celle d’un écrivain mais celle d’un simple individu, la honte de laisser traîner des choses intimes sous les yeux des autres, de la famille, des inconnus, la honte d’être [transformé] en objet » et la façon dont certaines biographies transforment une œuvre entière en roman à clés et ouvrent le procès moral de l’écrivain.
On imagine les objections : il y aura des gens pour dénoncer la dénonciation de la « furie biographique » et de ses méthodes « quasi policière[s] » par Kundera, pour la supposer intéressée, révélatrice, etc.
Mais c’est chaque lecteur qui paye le prix lorsque « au lieu des aspects inconnus de l’existence, il cherchera dans un roman des apsects inconnus de l’existence de l’auteur ; tout le sens de l’art du roman sera ainsi anéanti ».
Bloom, vous n’êtes pas seul : the Vivisector
ne se laisse pas oublier
Kramm, Kafka-Zyklus, 1951 :
https://blogfigures.blogspot.com/2010/12/kramm-kafka-zyklus-1951.html
Pied de page, lien vers Kafka und Kramm par Hans Gadamer,
Merci X de présenter le Kafka de Kundera.
On comprend mieux, dès lors, les raisons de Kundera d’être édité dans la pléiade brut de décoffrage, sans notes ni commentaires…
« Ainsi, depuis longtemps, Kafka est-il devenu le saint patron des névrosés, des déprimés, des anorexiques »
je voudrais remercier Monsieur X pour le rappel de ces extraits de K. sur K, j’aime beaucoup cette phrase : « Kafka est devenu le saint patron des névrosés, des déprimés, des anorexiques ».
je sais pas pourquoi, mais cette phrase me parle, non pas qu’elle m’interpelle parce que, n’étant pas moi-même ni névrosé, ni déprimé, ni anoréchic j’appartiendrais personnellement à cette catégories de gens visés par K., mais ça me parle, sans doute parce que mon empathie naturelle me porte à me soucier des névrosés, des déprimés et des anoresquites, mais surtout je ne voudrais pas que certains ici s’imaginent que, découvrant cette remarque, je regrette soudainement de n’avoir jamais pris le temps de lire un auteur qui pouvait intéresser une catégorie de personnes, bien que n’appartenant pas à cette catégorie, je tiens à le souligner afin d’éviter que des mauvaises langues s’emparent de cet aveu pour justifier une quelconque agression à mon encontre.
bien à vous, P.
Merci Puck pour ces lignes. Oui, Musil. De Wittgenstein le philosophe au romancier, Jacques Bouveresse penchait pour Musil. Un romancier a tellement plus de liberté avec la philosophie en l’incarnant dans ses personnages. Jacques Bouveresse est un peu Ulrich de « L’Homme sans qualités », c’est aussi Torless. N’a-t-il pas connu, adolescent, dans ce séminaire à la discipline stricte, les mêmes « désarrois » ? Eh bien, comme vous l’écrivez « Jacques Bouveresse c’est aussi et surtout Robert Musil : Bouveresse s’est amusé avec l’ironie musilienne, il a joué avec sa pensée et ses idées, quand il écrit sur Musil on le voit sourire derrière sa plume, car s’il n’était pas un philosophe de la joie, Bouveresse était un philosophe du sourire d’une philosophie qui dit des choses trop graves et sérieuses pour se prendre elle-même au sérieux. »
Et j’aime que vous ajoutiez :
« Il peut arriver parfois qu’un lecteur tombe sur un auteur et tisse avec cet auteur, au fil des pages un lien d’amitié, simplement parce que cet auteur, loin de le consoler ou le réconforter, le fait sourire ou même rire, non pas un rire moqueur ou méprisant d’un monsieur je sais tout, mais un rire provenant d’un effet de décalage avec la réalité, non pas pour la voir de haut, mais juste avec une plus grande humilité… je sais plus trop où j’en étais. »
Ne changez pas , Puck.
Oui, de Musil le romancier à Wittgenstein le philosophe, Jacques Bouveresse penchait pour Musil.
Soleil vert dit: à
Puck dit: à
En fait je sais pourquoi je préfère la critique littéraire à la lecture des romans …
Objectivement, c’est pas mal du tout ce texte. Parfois je lis ici des choses étonnantes.
»
tout à fait ! je suis (du verbe suivre) cet auteur depuis maintenant pas mal d’années, à tel point qu’une personne ici, très mal intentionnée, a pu, en utilisant quelques procédés plus ou moins astrologiques, déduire que cela puisse être une personne présente sur ce blog utilisant par le plus grand des hasards les mêmes pseudos que moi, il est évident qu’il s’agit de concours de circonstances malheureux, et à partir de là on ne s’étonne point qu’un auteur comme Kafka ait pu être considéré comme le Saint Patrons des névrosés et des déprimés tant il est vrai que ces susdits névrosés et déprimés en toujours été en recherche de Saint Patrons pouvant leur venir en aide, mais ne sont hélas jamais tombés sur les bons Saint Patrons, car il est évident que dans le lot des Saint Patrons beaucoup sont hélas aussi peu Saints que Patrons et il s’agit en ces questions de savoir bien ouvrir l’oeil !
Son visage, sur ce blog. Merci Passou.
Pour le retrouver, hors du temps…
Effaré de lire de tels mots à propos de Jacques Bouveresse.
Celui qui refusa toutes les médailles n’accepterait certainement pas cette image pieuse le concernant.
C’est une mécompréhension totale de l’œuvre de ce philosophe!
Et ce : « Jacques Bouveresse penchait pour Musil. » c’est un contre sens effarant, notamment pour ce qui concerne son étroit voisinage de vue avec les idées développées par Karl Kraus.
Toute sa recherche philosophe fut de lutter contre ces « penchant pour », cet irrationaliste incarné!
Toute sa recherche philosophique fallait-il lire.
irrationalisme
Que Passou publie une photographie, plutôt réussie dois-je le dire, de Jacques Bouveresse paraît normal et légitime, mais de là à qualifier ses traits et de parler de lui en immortel, non! Lisons ses textes, décryptons ses analyses, réécoutons ses entretiens philosophiques, n’en faisons surtout pas un philosophe de caisse de résonance, celui contre lequel précisément, il s’est battu toute sa vie!
Merde alors!
J’emprunte à Passou le lien qu’il a posé sur son propre site facebook, de Jacques Bouveresse, le discours d’introduction de ses conférences au Collège de France :
Bloom, vous n’êtes pas seul : the Vivisector
ne se laisse pas oublier
—
Je ne vous le fais pas dire, x…Baroque foldingue à souhaits!
Mais que vous êtes épais, brinquebal, « hors du temps », on l’est tout simplement quand on meurt.
La citation qui suit de ses « essais III » place ma réflexion sur le temps et ce qu’il en disait.
A croire que vous ne savez pas lire.
Il est vrai qu’ici vos interventions sont plutôt bas de plafond. Soupir.
Pour même prétentieux dit brinquebal :
Écoutez donc l’épisode 3 et écoutez ce que Jacques Bouveresse dit de Musil
https://www.franceculture.fr/emissions/a-voix-nue-jacques-bouveresse
Suite, pour brinquebal le fanfaron. C’est Jacques Bouveresse lui-même, qui, dans cette émission, « à voix nue », épisode 3 , dit qu’entre Wittgenstein et Musil, Il PENCHE, pour Musil.
L’épaisseur est bien du côté de votre incompréhension abyssale de la philosophie de J. Bouveresse, ce qui ne vous empêchera pas d’ailleurs d’en parler de long en large sur ce blog.
Notre philosophe oppose une critique totale et radicale à la philosophie considérée comme une littérature.
Évitez de nous broder vos dentelles habituelles là-dessus.
Ai-je dit que vous étiez une pesante idiote têtue? Non.
N’allez pas chercher des petits bouts de phrase pour en faire une argumentation philosophique dont vous êtes incapable de tenir le fil. J’ai trop d’amis qui furent ses élèves et correspondants pour continuer un inutile débat inconsistant en ce qui vous concerne.
Parlez toute seule, cela ne changera pas de vos impressions de lecture, même en faisant l’effort de rameuter et de relancer vos supporters.
Bye.
…mardi 11 mai 2021 à 19 h 14 min.
…
…s’établir dans une sorte de sérénité et revoir sa journée d’évènements,…et se dire , encore une journée pour rien,!…alors, que c’est une journée comme les autres, à rester soi-même,…
…et même en restant succinct, » normal-base « ;…et à la réflexion chacun suit son parcourt, comme une boule de pétanque sur sa lancée,…vers son cochonnet rouge-vif,…chacun sa pétanque et son passe-temps,…et d’autres,!…à s’asticoter les pièces d’échecs à mouvoir depuis le matin.
…
…à d’autres époques pour faire court,…le bilboquet,…sur table,!…ah,…!ah,!…ha,!…
…
…un manche déjà de bois,!…à s’user derechef sa pointe d’argent,…presque déjà un » gourdin » de gendarme » londonien » de première fois en soirée.
…
…tous ou toutes les mêmes,!…journal de bord,!…des cornets de glace à distribuer,!…
…après coup!,…Magnum ou Igloo tout est engloutis, une chance ces réserves-fraîches du frigo, pour désaltérer la chambrée de passage,!…
…
…écrire, pour rien, pour du vent frais, et une balade loin encore des rosiers bourgeonnants,!…
…exister pour du beurre,!…
…celui d’Irlande est le meilleur,!…
…etc.,!…
très fatiguée aujourd’hui:debout trèstôt;
On aurait pu attendre des journalistes et des intellectuels français qu’ils traitent Kraus autrement qu’ils traitent ses compatriotes de gauche, humanistes et démocrates issus des Lumières – ce qu’il n’est pas.
Après tout, dans la patrie des éditions Gallimard on peut entrer au panthéon des Lettres lorsqu’on a été nazi (Heidegger), fasciste (Jünger), antisémite (Céline), fasciste et antisémite (Blanchot, Pound), stalinien (Aragon) ou vichyste (Morand, Drieu) [1]. Mais jamais lorsqu’on a critiqué la presse avec un peu de vigueur ? Pourtant, au crédit de Kraus, celui-ci ne fut-il pas rangé par Musil, mentionne Bouveresse, aux côtés de Heidegger, parmi les « dictateurs dans l’ordre de l’esprit » ? Enfin, Kraus ayant été accusé d’avoir fait preuve d’une « complaisance coupable à l’égard du nazisme », cette faute aurait pu lui permettre de bénéficier du type d’asile politique que les lettres françaises accordent à ce genre de (grands) auteurs.
On pourrait le regretter ; mais ce qui est clair et plutôt rassurant, juge Bouveresse, est que, « si beaucoup de gens se sont trompés de façon peu excusable sur l’attitude de Kraus à l’égard du nazisme, les nazis ne se sont manifestement pas trompés, pour leur part, sur son cas ». Quand certains acceptaient des postes dans l’université (Heidegger) et quand d’autres, qui en occupaient dans l’armée d’occupation (Jünger), voyaient leurs livres compter parmi les best-sellers de l’espace culturel national-socialiste, ceux de Kraus étaient interdits, et, en octobre 1938, les SA ont démoli ses archives [2].
(Ruse de la raison historique, malgré sa rupture tonitruante avec la social-démocratie et tous ses amis de gauche – y compris communistes comme Brecht –, la postérité de Kraus penche à gauche, et même plutôt à l’extrême gauche. Pour ne parler que des plus connus de ceux dont on a rapproché les noms de celui de Kraus – d’Orwell à Chomsky en passant par la critique radicale des médias que représente Serge Halimi –, dans cette liste, le citoyen Bouveresse tient la position politique la plus centriste.)
La lecture la plus typiquement journalistique qui soit de Kraus est sans aucun doute celle qui consiste à prendre au pied de la lettre et comme un aveu la première phrase de la Troisième nuit de Walpurgis : « Je n’ai aucune idée sur Hitler. » Tout serait dit, même si suivent trois cents pages d’analyse du nazisme qui obligent à se redire, à la lecture de chaque page, qu’elles n’ont pas été écrites au plus tôt en 1944 mais bien de mai à octobre 1933, soit durant les mois qui ont suivi l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne.
Tout serait dit, bien que ce livre fasse la preuve que toutes les informations étaient disponibles et qu’elles suffisaient bien – pour ceux qui n’avaient pas perdu leur capacité à lire en même temps que « tout sens de la réalité, aussi bien naturelle que morale », comme dit Bouveresse – pour comprendre ce qui allait se passer, et en particulier l’extermination des Juifs d’Europe. Ce n’est pas le moindre des mérites de ce livre de Kraus que de démasquer un mensonge qui a servi d’alibi, notamment aux intellectuels les plus réputés et aux gens les plus cultivés qui, à l’époque, ne « pouvaient pas encore savoir ». Voilà qui explique peut-être le type de réception qu’on réserve à Kraus dans la patrie des éditions Bourgois, où l’on comprend (avec empathie) que, la démocratie libérale ayant eu si peu de satisfactions à proposer aux grands hommes, on puisse juger leur collaboration active avec les régimes fascistes pour de la vertu quand elle passe pour un crime chez les petits : « Sous cet angle, et tout bien considéré, considère Philippe Lacoue-Labarthe, cite Bouveresse, le mérite de Heidegger, incalculable aujourd’hui, aura été de ne céder que dix mois. » [3]
Heureusement, rappelle Bouveresse, un nombre nettement plus important « d’écrivains et de penseurs réellement grands dans leur ordre » – et qui n’avaient pas besoin d’être de gauche ni même démocrates – ne se sont jamais laissé séduire par le type de « révolution » qu’a proposé le programme national-socialiste.
https://agone.org/blog/le-demon-de-karl-kraus-et-le-philosophe-du-college-de-france-3-sur-les-intellectuels
Illustration de ce qu’il était possible de penser plutôt que céder, la Troisième nuit de Walpurgis réussit même à nous faire sourire : « On voit depuis longtemps déjà que tout ce que l’Allemagne nouvelle mijote et expose n’est pas très appétissant : rien que l’action et la volonté, le sang et la terre ; chaque slogan est une grenade à main, tous ces regards d’auteurs qui ressemblent à leurs lecteurs, visages tous pareils, autant de succès de librairie ; optimisme affligeant d’une génération qui a entendu parler du “J’ai vu la mort en face” et se sent obligée à la répétition et au viol du reste de l’humanité. Grouillement d’individus prêts à l’emploi : hommes de plume, adorateurs de la santé, et maintenant ces hommes de main qui font dans la transcendance et proposent dans les universités et les revues de faire de la philosophie allemande une école préparatoire aux idées de Hitler. On trouve parmi eux le penseur Heidegger qui aligne ses fumeuses idées bleues sur les brunes et commence à reconnaître clairement que l’univers intellectuel d’un peuple est “le pouvoir de conserver fermement ses forces relevant de la terre et du sang comme pouvoir d’intime excitation et de vaste ébranlement de son être”. » J’ai toujours su qu’un savetier de Bohême est plus proche du sens de la vie qu’un penseur néo-allemand. Pourquoi faudrait-il que le peuple soit excité et ébranlé par ses forces relevant de la terre et du sang ? Et comment une telle chose pourrait-elle lui être profitable ? Voilà qui est plus affaire de croyance que de démonstration. »
Si on peut constater que Bouveresse continue de faire siennes, entre autres critiques impitoyables par Kraus, en plus de celle des médias et des intellectuels, celles du progrès, de la société de consommation et de la société du spectacle – dont le philosophe dit qu’elle a été « souvent imitée par des gens qui la plupart du temps ne la connaissaient pas » et dont il ne croit pas qu’elle « ait jamais été égalée et encore moins surpassée » –, c’est dans les domaines des prises de positions politiques que le rationaliste résiste le plus ouvertement au démon du satiriste.
Les relations de Kraus avec le socialisme ressemblent autant à une amitié impossible qu’à une amitié déçue. On sait (précise Bouveresse) qu’il a « adhéré pendant un temps, de façon critique, au programme socialiste, sans jamais réussir à s’entendre réellement avec les partis et les appareils qui étaient censés le représenter ». Au début des années 1930, il a accepté qu’une association portant son nom et reprenant ses textes œuvre à l’intérieur de la social-démocratie autrichienne. Sur les critiques formulées par Kraus contre la politique de leur parti, les militants ont fait la déclaration suivante (qui ne manque pas d’allure, même si on ne pense pas à la production de leurs continuateurs français) : « Ce que Karl Kraus exige du parti coïncide avec l’esprit et le sens du programme du parti. Et si les choses se passaient comme elles le doivent, les travailleurs de tous les pays devraient être remplis de gratitude à son égard, parce qu’il leur montre le chemin qui conduit à un monde où “les frimeurs, que ce soit par la classe, par l’argent ou par la culture”, n’ont plus leur place. » Mais quand ses « amis de gauche » lui ont reproché son ralliement au régime de Dollfuß, vécu comme une trahison des idéaux socialistes, Kraus, rappelle Bouveresse, « ne s’est pas privé de rappeler que ceux qui l’avaient pris pour un radical de gauche ou même simplement pour un homme de gauche l’avaient fait sans lui demander son avis et à leurs risques et périls ».
Le domaine de prédilection de la satire étant la critique morale et sa qualité première l’outrance, on nous demande en général de ne pas nous étonner d’un manque d’efficacité (politique), voire de lucidité (politique), chez le satiriste et chez ceux qui s’aventurent en politique avec ses jugements (moraux). S’agissant du fait que Kraus donne l’impression de trouver « beaucoup moins redoutable » le pangermanisme ouvertement proclamé de certains idéologues que le « pangermanisme dissimulé et hypocrite d’un journal libéral comme la Neue Freie Presse », Bouveresse suggère que ce classement des dangers ne favorise pas « la sûreté du jugement politique et l’appréciation correcte du rapport des forces politiques et idéologiques ». Pourtant, encore une fois, sans aller chercher très loin dans la France contemporaine, on peut se demander qui fut le plus « redoutable » à l’époque où le PS au pouvoir « modernisait » la société française : le capitalisme ouvertement proclamé du Figaro ou le capitalisme « dissimulé et hypocrite d’un journal libéral comme » Le Monde ? Et plus tard (prémisses aux violences sociales, économiques, policières et juridiques de l’État macronien) : le fascisme ouvertement proclamé du Front national ou le fascisme (de moins en moins) « dissimulé et hypocrite » de l’UMP ?
Les limites de la provocation satirique seraient flagrantes chez Kraus lorsqu’il aurait, à l’égard des socialistes, « péché par excès d’intransigeance et manque de sens politique », en particulier, explique Bouveresse, lorsque ceux-ci, entre autres ajustements et compromissions, ont consenti à se réconcilier avec le préfet de police Schober, accueilli avec solennité, en 1930, dans la Maison des travailleurs pour la commémoration du souvenir du massacre de juillet 1927, à l’issue duquel Kraus avait fait placarder sur les murs de Vienne des affiches nommant le coupable sommé de démissionner – ce qui ne manquait pas de panache, ni, d’ailleurs, de sens politique. Que le préfet Schober ne soit pas un social-démocrate ne change rien aux yeux de Kraus ; il fera au contraire un parallèle avec son homologue social-démocrate à Berlin, Zörgiebel, qui, le 1er mai 1929, dans des circonstancescomparables, avait donné la même réponse aux mobilisations ouvrières : la troupe. La seule supériorité de l’honorable criminel autrichien sur l’honorable criminel allemand, fit remarquer ironiquement Kraus, fait remarquer Bouveresse, est d’« avoir provoqué un nombre moins grand de morts ».
On pourrait aussi se demander si c’est au nom de l’efficacité des politiques de compromis envers les divers régimes autoritaires menées le plus souvent par les régimes sociaux-démocrates et républicains qu’on doit juger de l’inefficacité des « excès d’intransigeance » reprochés à Kraus par les professionnels de la politique. Qui reprochent également à ses attaques personnelles et personnalisées de n’être que l’expression de sa mauvaise humeur : ancien « disciple » du satiriste, le chancelier (social-démocrate) Bruno Kreisky « explique » le choix par Kraus de soutenir Dollfuß – au moment où l’Allemagne nazie était prête à absorber le monde germanique pour lancer sa croisade raciale – par le fait, rapporte Bouveresse, qu’il « avait purement et simplement un mauvais caractère politique, un mauvais caractère en général ».
On insiste donc souvent sur les limites de la critique « morale », par le satiriste, des dirigeants social-démocrates autrichiens, dont les sympathies pangermanistes leur ont valu d’être qualifiés d’« agents de la dementia nationalis » incapables de « reconnaître l’inconciliabilité du nationalisme et de la dignité humaine » : « Ne peuvent-ils donc pas nous tuer sans nous rendre auparavant stupides ? » exigeait Kraus, cite Bouveresse. L’une des cibles principales du polémiste fut le secrétaire d’État aux Affaires étrangères et social-démocrate Otto Bauer : non seulement celui-ci s’était activé, dès novembre 1918, à la réalisation de l’Anschluß, mais il fut l’un des promoteurs de l’idée (aussi stupide que criminelle aux yeux de Kraus, précise Bouveresse) qu’on puisse parier, au risque d’une nouvelle guerre mondiale, sur l’effondrement du régime hitlérien pour favoriser une révolution prolétarienne mondiale et le triomphe de la social-démocratie. Autrement dit une stratégie qui avait moins de chances de contrecarrer que d’accomplir le programme national-socialiste et l’avènement d’une guerre mondiale.
Une analyse qui n’est pas si loin de celles qu’ont formulées, dans l’entre-deux-guerres, des spartakistes, des anarchistes, des conseillistes et autres communistes antistaliniens – à qui on pourra reprocher d’avoir perdu mais ni d’avoir manqué de sens politique ni d’avoir eu tort [4].
À moins de réduire la politique à un jeu de prises de positions tactiques (dont la plupart d’entre nous sont d’ailleurs privés), est-il donc tout à fait sûr que les excès propres aux attaques morales et personnalisées du satiriste manquent de sens, sinon d’efficacité politiques ? Après tout, dans un monde politique (de plus en plus réduit à des « débats », désormais télévisés) où les arrangements ne sont pas plus dissimulés que les changements d’allégeance entre partis au pouvoir, voire passent pour le nec plus ultra de la démocratie (il n’est pas besoin de remonter plus loin que les débuts du quinquennat français en cours pour en trouver des exemples), alors que se succèdent en se bousculant les « hommes [et les femmes] de plume » prêt(e)s à justifier, poliment, tous les vrais compromis, les fausses ruptures et les fausses oppositions qui désespèrent le plus grand nombre confiné au rôle de spectateur quotidien et d’acteur à échéance électorale, le dernier rôle politique, en attendant le « réveil des masses », n’est-il pas tenu par le satiriste dans une société où le spectacle et la consommation ont pris toute la place ?
Si Bouveresse refuse une légion d’honneur aussi bien à l’initiative du ministère Lang (PS) que du ministère Pécresse (UMP), on peut se demander, lorsqu’il utilise sa notoriété pour soutenir publiquement la candidature de la personnalité socialiste du moment, s’il refuse de se plier aux diatribes (gauchistes) du démon de Kraus contre la social-démocratie ou s’il met en pratique, lui aussi, toutes proportions gardées, la politique du « moindre mal ».
Si l’immunité du philosophe de la connaissance aux penchants irrationalistes et au modèle tyrannique de Kraus ne fait pas de doute, non plus que sa résistance aux attaques portées par le satiriste contre la démocratie, l’intérêt pour ses outils trouve son sens dans la prise de conscience par le rationaliste des limites de l’Aufklärung. D’une part, à l’intérieur même de la tradition des Lumières, pour des raisons démocratiques – et même de radicalisme démocratique. Ce qui ne manque pas d’ironie s’agissant d’une leçon empruntée au très peu démocrate Kraus : c’est aussi contre les tentations élitistes de certains enthousiastes naïfs (le salut et la liberté des hommes naîtra de la lucidité acquise par la seule science et le seul exercice de la raison) que Bouveresse tient l’exercice de la satire pour un instrument de lutte efficace et l’ironie pour une méthode de connaissance indispensable. D’autre part, le monde intellectuel n’étant, aux yeux de Bouveresse, pas moins violent et injuste que les autres mondes sociaux, on ne peut y défendre l’honnêteté intellectuelle comme la justice sociale et économique sans accompagner l’exercice de la raison et les luttes pour un ordre social égalitaire par l’exercice d’une contre-violence au moins équivalente à la violence de l’attaque dont sont l’objet ces valeurs inséparables aux yeux du démocrate armé.
Maintenant, si on peut juger, comme Bouveresse, que la satire apocalyptique complète utilement les armes de l’émancipation par la connaissance et l’argumentation rationnelles, on doit bien constater qu’elle n’a pas plus de « force intrinsèque » que n’en a l’idée vraie (pour parler comme Pierre Bourdieu citant Spinoza). Même lorsque le rationaliste équipé du « manuel de combattant contre la domination symbolique » fourni par Kraus se fixe les objectifs les plus modestes. Par exemple lorsqu’on se prend à rêver que la seule lecture des analyses de Kraus (comme elle produit le ravissement du sujet qui ne se complaît pas dans son impuissance malheureuse) continue de pétrifier, un demi-siècle plus tard, les descendants de ceux que Kraus a poursuivis de ses imprécations : ainsi, entre autres hommes de plume toujours prêts à servir d’hommes de main, Pierre Assouline, « couvert numéro dix » de l’académie Goncourt, a survécu à sa découverte de l’existence de Kraus – il est vrai qu’en bon journaliste littéraire il n’a lu que sa notice sur Wikipédia… [5]
On a vu les avantages que Bouveresse trouve dans son accueil fidèle du démon de Kraus. Mais que gagne ce dernier à prendre possession d’une personnalité aussi bien armée pour lui résister ? qui plus est un démocrate radical armé des armes de la raison ?
Certes, Kraus n’aurait certainement pas supporté d’être abrité par un autre « satiriste apocalyptique » – s’il avait existé… Mais pourquoi pas un mystique de la langue (de Renaud Camus à Marc-Édouard Nabe, très douteux mais auxquels nos Lettres pardonnent presque tout au nom du « style ») ? Ou encore, d’Alain Finkielkraut à Jean-Claude Michéa, le moins grincheux des néoconservateurs à la française ? Sinon, parmi nos « anti-Lumières », non moins antidémocrates que Kraus mais (d’Alain Badiou à Michel Foucault) si prisés dans les couloirs les plus courus de l’Université, au sein des grandes comme des petites maisons d’édition et dans les officines du patronat comme dans les salons les plus chic de la gauche intellectuelle ?
Qu’elle ait préféré un Aufklärer (certes sceptique) et un savant (certes peu sage) oblige à se demander si l’âme de Kraus ne serait pas (tout de même) moins intransigeante à l’état démoniaque qu’elle ne l’était emprisonnée dans son enveloppe charnelle. À moins que le satiriste ait fait, de son point de vue, le même constat que le rationaliste : leurs armes seraient complémentaires, leurs positions (minoritaires) plus proches et leurs combats plus communs, aujourd’hui, ici, qu’ils ne l’étaient à Vienne au siècle dernier. Les médias de masse, de plus en plus soumis aux puissances d’argent, n’ont-ils pas encore gagné en importance dans l’organisation sociale ? Les dirigeants de nos démocraties (vidées de toute substance démocratique) ne sont-ils pas moins que jamais capables de gouverner sans eux ? Les élites intellectuelles, dans leur grande majorité, ne sont-elles pas toujours plus ouvertement au service des classes dirigeantes et d’un ordre social inégalitaire ? La défense des droits humains n’a-t-elle pas perdu toute signification au point que les plus (démocratiquement) défendus soient ceux d’être bête, inculte et malhonnête ? Ne paye-t-on pas au prix fort de la pire aliénation les bienfaits attendus des progrès techniques ? Et la réalité elle-même ne dépasse-t-elle pas la satire au point que la satire n’a plus d’objet tandis que la raison éducatrice continue de faire la preuve éclatante de ses limites ?
La moindre des lucidités est de constater la disproportion des forces en lutte et l’absence de résultats pratiques comme de perspectives réelles d’amélioration, constate Bouveresse à propos de la situation Kraus – et donc de la sienne aussi. Mais ce constat n’a évidemment jamais été suffisant pour décourager un satiriste accompagné d’un rationaliste.
Thierry Discepolo
Dernière partie d’un texte paru dans un numéro de la revue Agone en 2012 (n° 48, p. 35-56), consacrée à Jacques Bouveresse : « La philosophie malgré eux ».
Du même auteur sur le même thème, lire « Kraus et les premiers jours de l’inhumanité ».
bonsoir
Krauss — Ronconi
https://www.telerama.fr/livre/mort-de-jacques-bouveresse-le-philosophe-des-petits-pas-6878218.php
d’ordinaire je ne lis pas Télérama, mais là, je conseille. Christiane, allez-y voir!
La belle affaire, en effet. Mercredi 17 mars, la Préfecture de police de Paris annonçait sur son compte Twitter avoir mis la main à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, sur « un atelier de conditionnement de produits stupéfiants (MDMA, ecstasy) » et saisi pour un million d’euros de marchandise. Pour saluer la découverte, la préfecture accompagnait cette annonce du hashtag #belleaffaire. Il s’agissait en fait… de fraises Tagada.
le monde
« entre Wittgenstein et Musil, Il PENCHE, pour Musil. »
c’est évident ! il n’y a que bien que ces idéologues de philomag pour dire que c’est un spécialiste de LW en passant sous silence Musil, parce que tous les philosophes le passent sous silence !
et la raison en est très simple !
Bouveresse c’est quoi sa spécialité ? hein ? (je vais me la jouer Pétomane) : son truc c’est le positivisme logique !
et c’est quoi le positivisme logique ? c’est déjà un truc qui démarre avec E. Mach et Musil a fait sa thèse de philo sur Mach !
ensuite c’est quoi ? c’est juste un courant de pensée dont l’objectif est de mette fin à la métaphysique et à l’idéalisme essentiellement allemand !
et c’est quoi la métaphysique et l’idéalisme dans la philo traditionnelle continentale ?
c’est un truc qui marche pareil chez tous les philosophes depuis Platon : les types ils commencent par pondre des idées qui tiennent la route, et au milieu de leur bouquin, quand le lecteur, après avoir lu tous ces trucs qui tiennent la route, commencent à avoir confiance dans ce philosophes en se disant « voilà un type qui raconte des trucs qui tiennent la route » et ben là le type commence à déballer des trucs qui ne tiennent plus du tout la route jusqu’à complètement perdre les pédales !
et voilà ! c’est une technique d’enfumage vieille comme le monde : on gagne la confiance du lecteur pour ensuite mieux l’enfumer.
et là les types du Cercle de Vienne ils ont dit hého on va reprendre tout ça phrase par phrase et on va voir ce qui tient la route : ça c’est ce qu’on appelle la philosophie du langage qui est la fille du positivisme logique !
et là les types ils se sont aperçus de quoi ? que rien ne tenait la route ! que les mecs partaient en vrille complet en racontant des fables « métaphysiques » qui ne tenaient pas debout !
alors d’accord pour Wittgenstein, LW c’est très bien et c’est même souvent assez drôle, sauf que chez Musil ce démontage devient de l’art ! en passant par l’ironie Musil fait avec les idéalistes et métaphysiciens de son temps ce que Rabelais a fait avec les scolasticiens du sien !
et un type comme Bouveresse ne pouvait pas ne pas rester insensible à cet art, parce que quand on le fait sous forme de discours philosophique comme LW c’est fort, mais quand on le met en scène avec des personnages et des dialogues comme le fait Musil on atteint le sublime !
pas beaucoup y sont arrivés : Rabelais, Sterne, Swift et Musil et voilà dans l’histoire de la littérature il n’y a que 4 écrivains (5 avec Cervantes) qui ont fait exploser la métaphysique et l’idéalisme en les tournant en ridicule. le point commun étant qu’ils s’en prennent chacun à sa manière à l’ésotérisme, parce que la métaphysique comme Heidegger c’est juste un truc ésotérique que seuls comprennent quelques élus qui ont reçu la sainte lumière sur la troche !
et voilà : le positivisme logique ce n’est que ça, sauf que ça n’a pas plu au directeur de thèse de Musil parce que c’était une façon de s’en prendre à Kant qui dans le classement des grands enfumeurs écrivaint des trucs que lui seul comprend figure au tout premier rang !
NB Article (post précédent) qui est une entrevue donnée par Jacques Bouveresse, cet homme qui ne méprisait rien mais savait se méfier et mettre à distance les fariboles et les fétiches. Jamais sectateur, comme dit JJJ, toujours attentif, oui vraiment un sacré merci à lui, dont j’aurais tant appris.
Pauvre brinquebal,
Vos amis devraient vous donner des cours particuliers !
Ce ne sont pas des « morceaux de phrases » mais un bel entretien où il est on ne peut plus clair sur sa presque complicite avec l’écrivain et philosophe Musil.
Vous avez des amis…. La belle justification que voilà…
Sa femme est mon amie. Nous avons travaillé ensemble pendant des années et l’entendre évoquer son travail qu’elle a soutenu avec tant d’amour et de partage me donne des raisons d’avoir compris quelque chose de profond à sa personnalité, à ses recherches que je lis régulièrement.
Pauvre tâche ! Je préfère vous laisser à vos rancoeurs…
Puck, votre résumé/analyse est impec,
« LW c’est très bien et c’est même souvent assez drôle, sauf que chez Musil ce démontage devient de l’art ! en passant par l’ironie Musil fait avec les idéalistes et métaphysiciens de son temps ce que Rabelais a fait avec les scolasticiens du sien »
ça, je plussoie!!!+++
Puck and co : Heureux d’être Candide sur ce coup là.
philomag:
Travail qui passe, en priorité, par le langage, en deçà de toute distinction entre extérieur et intérieur, entre le monde et l’intimité à soi, comme il le montrait dans son ouvrage le plus connu, Le Mythe de l’intériorité (Éditions de Minuit, 1976).
Bouveresse laisse derrière lui une œuvre majeure qui exerce et continuera certainement d’exercer une influence considérable. Comme il le disait lui-même dans nos colonnes : « J’ai toujours cru à la possibilité et à la nécessité de la discussion en philosophie, et à une forme de discussion possible aussi bien avec les morts qu’avec les vivants. »
Musil c’est quoi sa particularité ? c’est qu’il est le seul écrivain appartenant au Cercle de Vienne.
et ça c’est pas un truc courant, parce que dans la tradition occidentale philosophie et littérature suivent 2 voies bien distinctes et en général c’est assez mal vu que les uns débordent dans le pré cubique des autres !
le Cercle de Vienne est un courant de pensée regroupant des philosophes dont la plupart se sont exilés aux US et aussi 1 écrivain ! un écrivain qui a mis en roman cette pensée viennoise qui aurait pu représenter une chance pour une Europe, au centre de combats idéologiques, de trouver une troisième voie qui réconcilie modernité et tradition.
parce que Vienne est la ville qui a basculé dans le temps le plus bref de Sissi l’impératrice à la psychanalyse ! en même pas 2 décennies ! et le Cercle de Vienne représentait un moyen d’absorber cette mutation, qui au lieu de ça a viré aux massacres idéologiques pour finir par une américanisation du monde faisant d’Emerson le grand gagnant de l’histoire des idées occidentales !
et Musil aujourd’hui incarne cette chance perdue de l’époque de réconcilier des mondes que tout séparait.
parce qu’il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt derrire tout ça il y a un enjeu politique, et Bouveresse n’a jamais caché cet enjeu, parce qu’il est déjà présent dès l’apparition de l’empirisme logique et de la pensée du cercle de Vienne, même si on dit que Musil était apolitique il ne peut pas ne pas y avoir d’enjeu politique !
et c’est peut-être un des mérites de Bouveresse que d’avoir redonner un sens politique à la pensée de Musil.
Pauvre sucrée que Cricri, si vous n’avez pas digéré que la critique portait sur le fait qu’il est quand même simpliste de résumer le travail philosophique complet de Jacques Bouveresse sur un penchant Musil, c’est que vous êtes de mauvaise foi.
Il a beaucoup plus écrit sur Wittgenstein que sur Musil, même si sa tournure d’esprit le rapproche intellectuellement de Musil. Et là, il ne faut pas oublier aussi Karl Kraus.
Moi aussi je connais des épouses d’hommes célèbres, 😉 elles ne sont pas forcément dans les mêmes préoccupations que celles de leurs maris… 😉
puisque J.Drillon nous l’a recommandé(e)
Philosophie magazine : Vous vous êtes intéressée à « des objets non identifiés par la vulgate philosophique » : les Juifs (et l’antisémitisme), les femmes, Diderot, les bêtes. Quel fil biographique relie ces objets d’investigation ?
Élisabeth de Fontenay : Comme le dit cette énumération qui me fait apparaître comme quelqu’un de bizarre, à la pensée un peu décousue, aux intérêts contradictoires, oui, j’ai écrit sur les Juifs (continûment), sur les femmes (très peu), sur Diderot (passionnément), sur les animaux (énormément). Si je ne me suis pas située dans le droit fil de la tradition philosophique et de ses institutions, c’est que j’ai toujours ressenti une certaine illégitimité dont je sais qu’elle était due à cette éducation chrétienne que recevaient les filles de mon milieu et de ma génération, et qui nous exerçait à l’effacement, voire à l’humilité. Cette illégitimité, j’ai pris le parti de la cultiver systématiquement en laissant aux autres les problématiques et les auteurs majeurs. J’en ai fait une légitimité théorique en m’attachant aux marges de la grande trame métaphysique. Oui, c’est à la fois avec et contre la rationalité occidentale que j’ai fait mon chemin. Mais il faut que je vous dise d’emblée que c’est mon saisissement à la lecture de Derrida qui, avant que j’écrive Les Figures juives de Marx, a conféré son plein droit à cette orientation…
https://www.philomag.com/articles/elisabeth-de-fontenay-jai-fait-mon-chemin-avec-et-contre-la-rationalite-occidentale
Exact, Puck.
Brinqbas,
Je vous laisse à votre arrogance. Votre mépris pour l’épouse de Jacques Bouveresse montre bien votre misogynie. C’est une sacrée pointure et elle partageait ses recherches.
Assez perdu de temps avec vous, tellement médiocre.
Magnifique réflexion. Merci, Jibé. Oui, Puck est impressionnant sur Musil et le cercle de Vienne.
Je vous laisse. J’ai une lettre à écrire….
Comment pouvez-vous comprendre la pensée complexe de J. Bouverese si vous tournez mes phrases à contre-sens?
J’ai beaucoup d’ admiration pour les recherches philosophiques de Jacques Bouveresse (je le lis depuis 1973) et aussi pour son épouse sans la connaître bien sûr, qui fut assurément, je le suppose aussi, d’une aide véritable dans sa vie. Je vous parle que de ce que je connais, des épouses d’amis (et aussi d’époux d’amies). Vous êtes toujours dans l’approximation irrationnelle et disqualifiante des mots que vous employez. J’en suis désolé.
Mais on connait votre fonctionnement depuis de longue date sur ce blog.
Mes derniers propos à C. du blog.
merci pour le lien de l’entretien à Télérama avec Cath Portevin. Très ému par cette phrase tirée de chez Musil : « Il n’y a pas de plus bel exemple de l’inéluctable que le rétrécissement par lequel un jeune homme entre progressivement dans la peau d’un vieillard. » – Et aussi par ce passage éclairant au sujet de l’imposture de la thèse de Mc Cornish sur Wittgenstein/Hitler, qu’on avait re-effleuré avec MC pas plus tard qu’avant hier… Je reconnais à MC/PR ce mérite d’avoir gardé plus de mémoire quant au buzz de la publication de cet essai à l’époque, sans doute parce que le jeune homme M. Court n’a toujours pas accepté d’entrer dans sa vieillesse… Bàv, MC, jibé et J. B.
une des mérites de Bouveresse est d’avoir montré que l’ironie musilienne reposait essentiellement sur un décalage entre le mouvement des idées scientifiques et celui des représentations métaphysiques, morales et politiques : d’un côté le privilège liée à une perception du réel comme rétrécissement (admis de façon conventionnelle)du champs des possibles, ce privilège serait comme l’essence de cette réalité (du genre : vous voyez bien c’est comme ça !), privilège remis en cause par des idées scientifiques prouvant que les choses sont toujours différentes de la façon dont elles sont admises généralement (d’où le fait qu’Ulrich choisisse d’être mathématicien) Bouveresse a commencé par synthétiser (par la compréhension) cette pensée musilienne pour ensuite la déployer. Bouveresse a fait de Musil un des penseurs les plus importants de la pensée (post)modernes, il l’a fait lui et par des personnes qui ont travaillé autour et avec lui. d’où la différence entre ses travaux sur Wittgenstein, Kraus, Carnap etc.. d’un côté et Musil de l’autre.
COMMENT TROUVER LA PROBLÉMATIQUE DU COMMENTAIRE DE TEXTE ?
Bouveresse fait partie de ces philosophes qui sont nourris de littérature, comme Bachelard, Michel Serres ou encore Clément Rosset. Ce « décloisonnement » est fécond et en plus permet d’éviter le parcours circulaire du cochon d’Inde qui se mord la queue sur sa roue.
Les textes de Bruno Clément sur Beckett sont probablement ce qui se fait de mieux et en critique littéraire et en philosophie.
Éthique, littérature, vie humaine, sous la direction de Sandra Laugier, Paris, PUF, collection « Éthique et philosophie morale », 2006,372 p. (avec des contributions de Jacques Bouveresse, Stanley Cavell, Monique Canto-Sperber, James Conant, Vincent Descombes, Cora Diamond, Élise Domenach, Emmanuel Halais, Sandra Laugier, Martha Nussbaum, Layla Raïd, Jean-Jacques Rosat).
https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2007-2-page-273.htm
« L’honnêteté est la première condition de l’esthétique ».
– Flaubert,lettre de 1878.
Exactement ce que disait Patrick Rotman, à propos de son doc sur Henri Weber: « Je ne crois pas à l’objectivité, mais à l’honnêteté, oui ».
Pas facile de faire un film sur un ami, sans verser dans les travers de « la république des petits copains ».
A l’œuvre donc!:
XXVII. The Elder Pharos
From Leng, where rocky peaks climb bleak and bare
Under cold stars obscure to human sight,
There shoots at dusk a single beam of light
Whose far blue rays make shepherds whine in prayer.
They say (though none has been there) that it comes
Out of a pharos in a tower of stone,
Where the last Elder One lives on alone,
Talking to Chaos with the beat of drums.
The Thing, they whisper, wears a silken mask
Of yellow, whose queer folds appear to hide
A face not of this earth, though none dares ask
Just what those features are, which bulge inside.
Many, in man’s first youth, sought out that glow,
But what they found, no one will ever know.
des compagnons de la libération, les distingués et les plus courants, refont parfois surface ; les copains et les coquins … ça ne date pas d’hier
Pierre Bergounioux, Liber (texte inédit)
Le mot liber, en latin, désignait la partie vivante de l’écorce. Il a passé sous cette forme,
et avec le même sens, en français. Comme cette partie de l’arbre servait à écrire, liber en
est venu à s’appliquer au livre. Mais il avait d’autres significations, dans la vieille langue
mère : il signifiait socialement libre, affranchi de charges et de servitudes. On l’employait
parfois au singulier, pour désigner l’enfant. Enfin, c’était le nom d’une vieille divinité que
l’on a confondue, plus tard, avec Bacchus. Horace, dans ses Odes, s’en sert pour parler du
vin.
L’étymologie est une science du passé, de la lettre morte, des paroles gelées. Elle ne
saurait déchiffrer la signification de l’heure toujours neuve qu’il est. Il se trouve, pourtant,
que les divers sens qui s’attachèrent, jadis, au mot liber flottent encore autour de livre.
L’occasion était trop belle pour la laisser passer.
Puisque le livre a rapport à l’arbre, qu’il désigne sa partie vivante, cette couche de l’écorce
par laquelle s’effectue la circulation de la sève, le passage de la vie, je parlerai d’abord de
ce qui me semble constituer le trait majeur de l’époque actuelle : à savoir la disparition de
la société agraire traditionnelle, du monde bocager, lacustre, immobile, vieux de deux
mille ans, que les vingt dernières années ont balayé. Tout finit à la ville, prophétisait un
économiste du siècle passé, qui était aussi philosophe. Nous avons vu s’accomplir la
prophétie.
La vie s’est concentrée dans l’espace réduit, rationnel, fonctionnel des zones urbaines. Ce
qu’elle a gagné en efficience économique, elle l’a payé d’un immense désenchantement.
L’heureux hasard qui rassemble à l’origine du livre l’ivresse et la délivrance, la sève et
l’enfance, ce même hasard veut que François Bon se trouve à cette tribune. Il est celui qui
a décrit avec la plus grande vigueur, pour l’avoir subi en personne, le brutal processus
d’urbanisation qui a marqué les dernières décennies. C’est ici-même, en Seine Saint-Denis,
qu’il a écrit un des livres noirs à couverture blanche qui portent son nom : Décor ciment. Il
a représenté, avec la puissance suggestive qui n’appartient qu’à l’oeuvre d’art, les nouvelles
structures du monde matériel et l’oppression mentale qu’elles exercent sur ses occupants.
Lorsque les barres, les tours, les blocs, les dalles, les parkings, les centres commerciaux en
tôle gaufrée, les voies rapides ceinturées de glissières couvrent la surface du sol, ils
ensevelissent le territoire où l’imagination enfonçait, depuis le fond des âges, ses racines
et puisait son aliment.
Je ne prétends pas que le vieux monde, l’étendue ouverte, sylvestre, virgilienne dans
laquelle les gens de mon âge ont fait les expériences cardinales, celles de l’enfance, de
l’adolescence, de la première fois, fut meilleur que celui-ci. Il était, lui aussi, dominé par
la nécessité. Il avait pour fondement le travail de l’homme, celui, constant, épuisant, que
l’on tire de la machine corporelle, de soi. Il a eu sa part de misère et ses maux. Il a connu
la parcimonie, la rareté, l’immobilité, l’ignorance. Le même philosophe économiste qui
annonçait le triomphe de la ville a eu un mot pour le stigmatiser -« l’idiotie rurale » .
Seulement voilà. Si rude que fût la nécessité, c’est-à-dire la contrainte économique – et
elle l’était au suprême degré à ce stade désormais révolu de notre histoire – , elle restait
immergée dans ce qu’on pourrait appeler la totalité de l’existence. Et j’entends par là tout
ce par quoi nous sommes autre chose que des agents économiques mus par le calcul
explicite du gain pécunier. Ou, pour dire les choses autrement, la sphère de l’activité
économique, le monde de la production et de la circulation ne s’était pas détaché de la
création. On ne lisait guère. On n’en avait pas le temps ou la force après qu’on avait passé
tout le jour à travailler. On n’avait pas l’argent qu’il fallait. Parfois, même, on n’en avait
pas la capacité. On était illettré. J’ai connu des gens d’un certain âge, lorsque j’étais
enfant, des femmes, surtout, qui ne savaient pas lire. On leur avait mis un travail manuel
entre les mains à l’instant, à peu près, où elles en avaient eu l’usage. On n’avait pas de
quoi, pas le choix. C’était ainsi. Mais ces femmes étaient admirables, des êtres accomplis,
parce qu’elles avaient puisé dans « le grand livre du monde », comme dit Descartes, les
enseignements, les clartés, la finesse, la sagesse qu’elles n’avaient pu se procurer à l’école,
dans des volumes de papier imprimé.
Longtemps, le soin de vivre fut si pressant, dévorant, qu’il excluait l’usage des livres. Mais
alors les choses tenaient à l’esprit et au coeur ce langage dont Bachelard a montré, dans
de magnifiques études, les échos qu’il éveillait en nous. Le temps me manque pour citer,
comme j’aurais aimé le faire, certaines pages qu’il a écrites sur les leçons plénifiantes que
l’âme tirait de l’air, de l’eau, de la terre et du feu. Celles et ceux qui vécurent à l’écart,
qui disputèrent leur existence au vieux sol, dans le vent, sous les pluies et la canicule,
ceux-là furent hommes et femmes autant qu’il est en nous, c’est-à-dire au monde, aux
quatre éléments qui en forment la substance. Et c’est cela que nous avons perdu sur le
chemin qui mène à la ville.
Je n’imagine pas sans effroi l’âme que fait aux enfants d’aujourd’hui l’aride décor de ciment
où ils sont enfermés. Jamais les ressorts de l’expérience élémentaire, heureuse, poétique,
les oiseaux et les sources de l’illumination rimbaldinenne n’ont été si complètement
absentés qu’en cette heure des heures juvéniles où l’on fait provision d’émois et de
merveilles pour sa vie à venir.
Avec les »tendres bois de noisetiers », c’est l’expérience du règne végétal, la gamme la plus
délicate des sensations qui manque, désormais, à la perception du monde -l’écorce fine, le
premier liber-.
La jeunesse n’est plus cette « ivresse sans vin » dont le souvenir étourdissait encore le vieux
Goethe. Le liber d’Horace s’est évaporé sans laisser de traces.
L’élément brut, irréductible, gratuit qui se trouvait autrefois mêlé au travail et à la vie en
a été chassé par l’emprise totale du profit économique sur toutes les formes de l’existence.
La douceur d’un paysage, la lumière, l’odeur de la terre, la voix du bois, le silence, rien
que le silence pouvaient faire contrepoids au pire labeur, maintenir, autour de ce qu’on
qualifie de réel, un large halo de songes et de contes, une effusion, un horizon de
possibles, bref, une liberté que les murs de la ville ont étouffée.
Des acceptions primitives du mot liber, un seule a survécu : le livre. Mais elle combine
toutes les autres. C’est à la chose de papier de dispenser l’ivresse , la sève, la liberté que
la réalité contemporaine a exilées. Il y a un goût amer au temps que nous vivons. Mais il
contient, comme chacun des moments dont notre histoire est faite, une requête
intemporelle. Il exige que nous tâchions à réaliser, quoiqu’il advienne, la forme entière de
notre condition. Quand les choses qui exaltèrent Rimbaud, l’oiseleur, l’enfant-fée, ont
déserté le paysage, c’est au livre qu’il appartient de prodiguer aux enfants leur dû
imprescriptible d’images, d’errances, de rêves et de beauté.
Qu’il s’y emploie, deux faits l’attestent.
Le premier, c’est l’extraordinaire floraison du livre de jeunesse, l’attention que les éditeurs
ont accordée depuis quelques années à ce secteur de leur activité. Les fastes
élémentaires, les merveilles, s’ils ont quitté le paysage, avec les choses auxquelles ils
s’attachaient , n’ont pas pour autant abandonné le champ de l’expérience, disparu de
l’existence. Ils se sont réfugiés entre les plats de couverture des ouvrages imprimés. Ils
veillent toujours dans cette partie de la réalité qu’on appelle un livre, dans ce miroir qui
s’ouvre et réfléchit le monde tout entier.
Mais pas plus que la forêt de jadis, les bêtes, la mare, le chemin, le gnome ne livraient
spontanément leur histoire et leur secret, le livre ne s’entrebâille de lui-même aux yeux de
ceux qu’il a vocation d’enivrer, d’instruire et de délivrer. Et c’est le deuxième fait :
l’existence d’un lieu distinct, d’un salon du livre de jeunesse, comme une persistante et
mystérieuse lisière au coeur de la cité.
Rien ne se perd ni ne meurt. Nous portons le passé dans notre profondeur présente. Les
cinq sens de liber rayonnent encore autour du mot livre.
© Pierre Bergounioux, 1998.
(je t’aime aussi au singuriel)
« le positivisme logique », ça se mange en salade ?
Comment se fait-il qu’avec tout ce background tu n’aies pas réussi à trouver un éditeur, puck ?
@en salade
club sandwich au cresson
De la haute voltige le puck…( Il ne nous a rien expliqué du travail philosophique de fond de J. Bouveresse.)
Une valse des étiquettes.
Il faut lire Bouveresse dans le texte.
Caressé un bb pêche.
Compris soudain le mot « la peau de pêche » grâce au duvet tout fin.
Enlevé avec un bâtonnet le groupe de pucerons qui mangeaient le fruit encore petit.
(pour pierre bergougnioux)
Le cresson ça me fait frissonner la narine !
Du lyrisme de pacotille ce texte de Bergougnioux !
un goût de la jeunesse en vue, Jazzi ?
le cas échéant, allez-y voir ailleurs pour collecter un peu de matière qu’il dirait newton
Un prolongement de très haute pensée des problématiques posées par Jacques Bouveresse dans ce colloque dirigé par son héritière ( l’une de ses ) philosophique dont il promouvra la candidature comme professeur au Collège de France, le professeur Claudine Tiercelin :
https://books.openedition.org/cdf/3435
( Très intéressant article sur la paraphilosophie de Musil. Tous les articles sont lisibles individuellement en cliquant sur le titre.)
XXVIII. Expectancy
I cannot tell why some things hold for me
A sense of unplumbed marvels to befall,
Or of a rift in the horizon’s wall
Opening to worlds where only gods can be.
There is a breathless, vague expectancy,
As of vast ancient pomps I half recall,
Or wild adventures, uncorporeal,
Ecstasy-fraught, and as a day-dream free.
It is in sunsets and strange city spires,
Old villages and woods and misty downs,
South winds, the sea, low hills, and lighted towns,
Old gardens, half-heard songs, and the moon’s fires.
But though its lure alone makes life worth living,
None gains or guesses what it hints at giving.
Musil et la métaphilosophie, pardon :
XXIX. Nostalgia
Once every year, in autumn’s wistful glow,
The birds fly out over an ocean waste,
Calling and chattering in a joyous haste
To reach some land their inner memories know.
Great terraced gardens where bright blossoms blow,
And lines of mangoes luscious to the taste,
And temple-groves with branches interlaced
Over cool paths—all these their vague dreams shew.
They search the sea for marks of their old shore—
For the tall city, white and turreted—
But only empty waters stretch ahead,
So that at last they turn away once more.
Yet sunken deep where alien polyps throng,
The old towers miss their lost, remembered song.
XXX. Background
I never can be tied to raw, new things,
For I first saw the light in an old town,
Where from my window huddled roofs sloped down
To a quaint harbour rich with visionings.
Streets with carved doorways where the sunset beams
Flooded old fanlights and small window-panes,
And Georgian steeples topped with gilded vanes—
These were the sights that shaped my childhood dreams.
Such treasures, left from times of cautious leaven,
Cannot but loose the hold of flimsier wraiths
That flit with shifting ways and muddled faiths
Across the changeless walls of earth and heaven.
They cut the moment’s thongs and leave me free
To stand alone before eternity.
Mimi Pinson, ne manque plus que la cerise (ou plutôt l’angélique confite, car ce petit livre-là n’est pas rouge) sur la pièce montée : l’opuscule de circonstance de 1999, Prodiges et vertiges de l’analogie.
Je le mentionne pour plusieurs raisons.
Dont celle-ci :
« En matière intellectuelle, on n’est pas plus tenu de haïr ceux que l’on critique qu’on ne l’est d’aimer ceux que l’on approuve. Inimicus Plato, magis inimica falsitas (Platon est mon ennemi mais l’erreur encore plus). Le problème est justement que trop de gens sont devenus aujourd’hui incapables de distinguer la haine que l’on peut éprouver pour la fausseté et l’absurdité de celle que l’on peut avoir pour leurs auteurs. » (112)
@“L’honnêteté est la première condition de l’esthétique ».
– Flaubert,lettre de 1878.
un écho à la si déterminante “bonne foi” visée par notre vieux code civil ?
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032040772/
(a contrario, on peut définir la figure pénale de “l’escroc” assez aisément)
(on peut même oser des transpositions à peu près dans tous les domaines)
@« pour sa maîtrise de la description historique et biographique ainsi que pour ses discours brillants pour la défense des valeurs humaines »
Pourquoi la « bonne foi » de Churchill (De Gaulle n’étant pas en lice sur ce coup) importe-t-elle plus que celle de Dylan ? My two cents : un prix les unit, la littérature les sépare
My Back Pages
https://www.youtube.com/watch?v=92cF_KCH7TU
BOB DYLAN A VENDU TOUT SON CATALOGUE À UNIVERSAL POUR 300 MILLIONS DE DOLLARS
profitons en
https://www.youtube.com/watch?v=aehwEu8SBSo
Cela dit, Bouveresse ne ménageait personne dans son Prodiges et vertiges de l’analogie.
Par exemple Roland Jaccard, dont il cite le Prière d’insérer à son Enquête de Wittgenstein : « Il n’y a pas de philosophie de Wittgenstein. Il y a l’histoire d’un homme qui lutta pied à pied contre la folie et le suicide avec pour seules armes la logique et l’éthique. »
Commentaire de ce déplacement sur le terrain de « la biographie, la personnalité et la psychologie d’un auteur » : il permet à un essayiste (j’ajouterais pour élargir le propos à notre propre scène : ou à un peu tout le monde) de se trouver qualifié et autorisé à écrire sur les « souffrances d’une âme torturée ».
Pour ce faire « on décrète tout simplement que la philosophie de [Wittgenstein] n’existe pas et a été inventée probablement par des commentateurs ennuyeux et pédants. On peut donc se demander finalement de quoi se mêlent les philosophes professionnels, lorsqu’ils prétendent encore s’occuper de Wittgenstein et des milliers de pages qu’il a consacrées à la philosophie. Voilà, en tout cas, une nouvelle qui fera certainement plaisir à tous ceux qui n’ont pas envie de se fatiguer à lire un ouvrage aussi difficile et austère que les Recherches philosophiques. » (126)
On ne peut qu’approuver, mais aussi faire le rapprochement avec le même type de déplacement-alibi concernant non plus des philosophes, mais bien des romanciers, des poètes, des dramaturges… (c’est même monnaie courante).
Concernant aussi ceux, parmi les « littéraires », qui étudient ces textes en respectant un certain nombre de procédures et règles de méthode, et, mutatis mutandis, en « trait[ant] de façon technique des choses [que d’autres considèrent] ennuyeuses et sans intérêt », plutôt que de pratiquer les raccourcis des simples « ressenti », intuition, bon goût, etc. présentés de façon soit lyrique soit au contraire véhémente et expéditive.
Sur ce terrain-là également, ceux qui ne tiennent aucun compte des règles (ou ne (re)connaissent pas leur existence) sont persuadés non seulement de leur bon droit, mais de leur supériorité sur les tâcherons (à leurs yeux) qui les respectent.
Et si à propos de cette affaire Sokal et Bricmont (à l’origine du petit livre de Bouveresse) la dénonciation de la « morgue scientiste » n’était pas pertinente (ne servant qu’à noyer le poisson), cela ne signifie pas pour autant que la chose n’existe pas : les commentateurs de ce blogue l’ont même rencontrée plus d’une fois.
J’espère n’avoir pas trop « exploit[é] sans précaution » le texte de Bouveresse en voulant prévenir la simplification aussi abusive que triomphaliste qui me paraissait, hélas, hautement prévisible.
x, croyez-vous que les erdéliens soient si différents
« des gens » , et que leurs discussions sont d’ordre intellectuel? de quel ordre sinon? (MËME SI C’EST DE GRANG GUIGNOL qu’ils ont prêché explicitement ) Les croyez-vous capables d’identifier CORRECTEMENT les affects qu’ils éprouvent?
merci!
x,je n’avais pas encore lu votre dernier paragraphe
conclu sur l’éventuelle » , simplification aussi abusive que triomphaliste qui (vous) paraissait, hélas, hautement prévisible » -sans annuler tout à fait ma question – que je trouve bienvenu ; est-ce une période de la RDL qui s’achève? CE QUON APPELLAIT UN TOURNANT, dans « ce monde d’avant » ?
QUI VIVRA VERRA?
LE COVID a-t-il été le révélateur , l’adjuvant à ce tournant ?
J’ai écrit « tournant » pour éviter la confusion « care » kehre évidemment
à propos de « kehre » wiki résume
C’est à en découvrir les indices dans l’essence de la vérité de l’être que s’attache Heidegger dans cette conférence.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Die_Kehre_(conf%C3%A9rence_de_Martin_Heidegger)
GRANG GUIGNOL excuses ; une histoire de »gang »au tournant? Tous en rang!
assez de « pUérilité »:
Le Péril (traduction de l’allemand die Gefahr) correspond au texte de la troisième des quatre conférences de Martin Heidegger prononcées au Club de Brême, sous le titre général Einblick in das, was ist (Regard dans ce qui est), le premier décembre 1949N 1, éditée pour la première fois en allemand en 1994 et ici traduite par Hadrien France-Lanord et publiée dans la revue L’Infini en 2006.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_P%C3%A9ril_(conf%C3%A9rence_de_Martin_Heidegger)#Les_formes_du_p%C3%A9ril
Bis.
M. BOUVERESSE
Langage,logique et philosophie.
Quel bâton merdeux ce petitix. Donneuse de leçons, sans aucune culture sur le raisonnement scientifique, doute de rien.
M. BOUVERESSE et le pont aux ânes de la french theory: Gödel.
http://athena.unige.ch/athena/bouveresse/bouveresse-penser.html
Le dur métier de comédien.ne !
« Mélanie Laurent dans «Oxygène» : «Je n’ai pas bronché lorsqu’on m’a versé 200 rats sur le corps»
Dans ce nouveau long-métrage inédit proposé par Netflix à partir de ce mercredi, Mélanie Laurent joue une amnésique enfermée dans un caisson. Un huis clos qui vire rapidement à la science-fiction. »
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Florence_Delay
Une nuit rêvée sur France culture où on a pu écouter les trois premiers épisodes de l’émission « A voix nue » consacrés à Florence Delay.
Contrairement à beaucoup de ceux qui se sont exprimés ici je ne connais de Bouveresse que le nom ,et même si j’ai un certain intérêt pour ce qui releve des rapports entre la logique et le langage , ce qui me semble être la matière de son œuvre ,je n’ai rien lui de lui et je pense que ce qu’il a écrit resterait inintelligible pour moi
Néanmoins ce nom résonne de manière particulière pour moi ,en écho avec mon affection pour un proche , un cousin de mon âge récemment décédé avec qui j’ai partagé un monceau de souvenirs d’enfance et d’adolescence
C’était un grand mathématicien auteur d’une these sur l’algèbre de Boole , qui l’avait fait docteur en mathématiques et avait intéressé Jacques Bouveresse. Puis dans dans le prolongement de ce travail il s’était lancé dans une thèse sur Leibniz et les signes mathématiques que Jacques Bouveresse avait dirigée l’honorant d’une préface , et qui lui a conféré un deuxième doctorat , en philosophie cette fois .,Peut-etre est-il le le seul de ses doctorants dans ce cas
Outre le fait qu’elle incarna la Jeanne d’Arc de Robert Bresson, le meilleur chez Florence Delay c’est son père, Jean Delay (1907-1987), psychiatre et écrivain.
https://www.bing.com/videos/search?q=jeanne+d%27arc+bresson+youtube&&view=detail&mid=112B4579C07DB7B7C2C8112B4579C07DB7B7C2C8&&FORM=VDRVSR
De celui-ci je ne saurais trop vous recommander son « Avant-mémoire » en 4 volumes, où ce natif de Bayonne se livre à la reconstitution sur plusieurs siècles de la généalogie de sa branche maternelle parisienne.
Savoureuse étude qui fait revivre le Paris d’avant sa naissance. Evoquant notamment l’une de ses aïeules, qui était pute en chambre dans le quartier de l’Odéon, ou l’un de ses ancêtres qui créa l’un des premiers établissements de jeu de paume, sport cher à Passou…
J’étais sûre, Jazzi, que tu réagirais. Il y a une suite d’émissions sur Jeanne d’Arc dans une série la concernant en complément de ce rôle, à son nom.
J’adore la franchise de DHH ! Alors que nous sommes tous ici, enfin la plupart, planqués derrière notre pupitre en espérant que le prof nous oubliera sur Bouveresse, DHH avoue en toute simplicité qu’elle n’en connaît que le nom.
D’autres la ramènent en ajoutant même un zeste de Wittgenstein et une pincée de Heidegger…
@ M. Beaufils, merci pour la réf du colloque Tiercelin. Deux papiers en accès libres m’ont surtout intéressé sur la « raison » en philo et en socio à partir de J.B. : ceux de J J Rosat et de Louis Pinto… Au moins ces deux là, pour ma gouverne, à défaut de pouvoir tout lire. Un bon bol de rafraichissements, hier…
« lorsque je lis Bouveresse, alors que, pour qu’ils ne me tombent pas des mains, je suis parfois contraint d’arrimer solidement à la table tels livres terriblement bavards, alambiqués, amphigouriques, partant assommants, de tant de penseurs et philosophes. »
@closer, j’adore votre franchise : vous vous servez de DHH pour expliquer que vous non plus, n’avez jamais rencontré Bouveresse. Plutôt que d’attaquer les autres en les soupçonnant d’on ne sait quelle forfaiture, pourquoi ne pas dire tout simplement, moi non plus je ne l’ai jamais lu, donc je n’ai hélas rien à en dire. Donc je reviens au sujet du jour, le nobel attribué à Winston Churchill… Sauf que merdr’…, comme Passoul, je ne l’ai jamais lu non plus…, mais bon, j’ai quand même le droit d’en penser quelque chose, hein… Enfin moi je dis ça,… c’est pour pas qu’on m’oublie, hein…, et histoire de saluer matinalement le plaisir de retrouver l’herdélie, quoique sans aucune surprise… Heureusement qu’on a des morts tous les jours pour dévier les conversations qui s’engluent le plus souvent…
Grâces soient donc rendues, une fois de plus, à la conversationnite permise par cette chaîne. Bonsoir 🙂 12.5.21_9.25
En liminaire de son analyse de l’utilisation du cas Gödel par jacques Bouveresse :
« Un des traits les plus étonnants des penseurs de notre époque est qu’ils ne se sentent pas du tout liés par ou du moins ne satisfont que médiocrement aux règles jusque là en vigueur de la logique, notamment au devoir de dire toujours précisément avec clarté de quoi l’on parle, en quel sens on prend tel ou tel mot, puis d’indiquer pour quelles raisons on affirme telle ou telle chose, etc. »
Bernard Bolzano, Lehrbuch der Religionswissenschaft, paragr. 63.
« Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. »
Paul Valéry, OEuvres, I, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1209.
Oui, moi non plus je ne connais pas Bouveresse.
De quoi est-il mort ?
De manière générale, je ne lis pas les philosophes.
La philosophie est partout comme la politique ou la poésie.
Mais les échanges étaient passionnants, hier, sur ce défunt, comme d’habitude soudainement plus grand mort que vivant !
On en parlait moins, avant…
Un peu entachés cependant, le débat, par la querelle Brinqueballe-Christiane, hélas.
j’ai entendu une fois Bouveresse au salon de la revue
halle Blancs Manteaux; il n’y a pas eu de questions;
il etait très agréable à écouter et très légèrement caustique
question philosophique:
e les questions du respect du droit des personnes en fin de vie – et des conditions du bien ou du mal mourir en France – sont plus que jamais d’intérêt public.
il était très agréable à écouter et très légèrement caustique
C’est bien sûr et alii, tout à fait du côté du caustique et surtout pas de l’encaustique!
Je connaissais cette citation de Valery qui me semble dans l’ensemble fort juste, à ceci pres que je n’en comprends pas le premier membre .
qui m’explique ce que veut dire : »prendre un hypallage pour une découverte »?.
rappelons qu’un hypallage c’est quand on dit : »vous viendrez a 15 heures précises » ou « il vécut de longues années de bonheur
@Un peu entachés cependant, le débat, par la querelle Brinqueballe-Christiane, hélas.
Elle a conduit à des échanges qui m’ont permis de mieux appréhender les travaux de Bouveresse.
3J, je ne me « sers » pas de DHH, j’ai trop de respect pour elle. Je « n’attaque » pas non plus les autres. Je m’amusais un peu sans blesser personne me semble-t-il.
DHH,
votre témoignage réveille en moi bien des souvenirs…
Je travaillais depuis quelques années avec une chercheuse en littérature enfantine, elle pour ses étudiants, moi pour mes petits élèves.
Elle m’apprenait à découvrir hors cette recherche tant d’écrivains. Agrégée de littérature, partager était sa joie.
Passionnée par la Vienne fin de siècle, l’écouter, c’était faire revivre les cafés pour intellectuels désespérés et, noctambules, c’était échanger sur Klimt, Kokoschka, Freud, Schnitzer, sur l’immeuble de la Sécession que je devais découvrir un peu plus tard lors de l’exposition Klimt, comme les jardins du Belvédère ou le Ring.
C’était aussi partager quelques films dont « Le Troisième Homme » et cette musique que l’on n’oublie pas et la roue du Prater. C’était partager les livres de T.Bernhard et se raconter « Le Neveu de Wittgenstein » ou ceux de Musil et de « l’étouffement cacanien » ou encore la fureur dénonciatrice de Kraus. Vienne encore, des scientifiques Bolzmann, Mach. Toutes les Vienne défilaient entre insouciance et tragédie même les fiacres et leurs cochers en chapeau melon !
Là, c’est ouvert pour moi l’inconnu : Wittgenstein ? Elle me prêta quelques livres. Je découvris alors qui en était l’auteur… (pas facile d’accès…).
Pour vous ces quelques lignes de « L’Homme sans qualités » de Robert Musil (traduit de l’allemand par Philippe Jaccottet). :
« […] c’était une belle journée d’août 1913.
Du fond des étroites rues, les autos filaient dans la clarté des places sans profondeur. La masse sombre des piétons se divisait en cordons nébuleux. Aux points où les droites plus puissantes de la vitesse croisaient leur hâte flottante, ils s’épaississaient, puis s’écoulaient plus vite et retrouvaient, après quelques hésitations, leur pouls normal. L’enchevêtrement d’innombrables sons créait un grand vacarme barbelé aux arêtes tranchantes, tantôt émoussées, confuse masse d’où saillait une pointe ici ou là et d’où se détachaient comme des éclats, puis se perdaient, des notes plus claires. A ce seul bruit, sans qu’on en pût définir pourtant la singularité, un voyageur eût reconnu les yeux fermés qu’il se trouvait à Vienne, capitale et résidence de l’Empire. »
Que de talent pour capturer les fêlures de cette société superficielle et bien-pensante au long des pages du roman. Comme une vie suspendue dans l’attente et Là, au milieu de cette foule, un homme quelconque qui refuse de se figer dans une personnalité stable, froid, ironique, circonspect : Ulrich.
Émigré de Berlin à Vienne, puis de Vienne en Suisse, ruiné, malade, Robert Musil ne put achever ce roman… Il est mort en 1942.
Ok, jzmn, ladite querelle avait pris des dimensions grotesques sur ses chapeaux de routes un brin crevées… Mal barrée, faut dire, la « discussion » à partir de cet argument d’autorité, si j’ia bien compris : « mais moi, je la connais bien la pensée de ce Bouveresse, vu que j’ai longuement fréquenté son épouse et corrigé les épreuves avec elle, etc… Anéfé, on se sent rapido un brin disqualifié, y compris M.C. qui n’a jamais déjeuné avec.
Bon, cela dit, chacun.e met sa propre toile cirée sur l’herbe pour pique-niquer, même si cela provoque un afflux de parasites attirés par les miettes du relief… C’est thumain, hein ! Bàv,
@ PR/MC : causticité = malignité mordante, à la soude.
@ De quoi est-il mort ?
On va le demander à Madame Bouveresse, jzmn, ne vous inquiétez pas. Rien à voir avec covid19, d’après mes sources au MI.
Oh merci agrégée de littérature!
Il mangeait quoi, Jacques Bouveresse, quand on déjeunait avec ?
« Que de talent pour capturer les fêlures de cette société superficielle et bien-pensante au long des pages du roman. »
Chère Christiane, l’extrait que vous donnez me paraît bien alambiqué pour ne pas dire verbeux: trop d’adjectifs, c’est insupportable !
Je termine une seconde lecture de « La Marche de Radetzky » de Joseph Roth. Son écriture est tout simplement incomparable. Et pour ce qui est de capter les fêlures d’une société à l’agonie, je ne vois pas comment il est possible de faire plus sensible et plus intelligent.
« Le mal de prendre une hypallage pour une découverte »
Peut être de prendre une évidence, une redondance, une précision pour une découverte, DHH ?
Moi j’aime pas trop Dylan et sa sbire Baez.
De toutes façons.
Il m’apprenait à découvrir jacques Bouveresse, me tenant au courant de ses derniers livres juste à leur parution, ceux sur la musiques, les derniers, plus précisément. Agrégé de philosophie, analyser la signification du langage est sa passion constante et raisonnée.;)
Voire pas du tout. C’est normak, je suis un connard. Il y a une logique dans tout ça.
JJJ, dans cette querelle, c’est Christiane qui était attaquée la première. Brinqueballe lui déniant le droit de comprendre quelque chose à la pensée de Bouveresse, contrairement à lui. Après, leur échange a tourné aux Plaideurs…
Bon ça suffit, Brinqueballe, maintenant. Vous coupez tout le monde avec des considérations à la limite de ce qui est ici admissible.
On en a assez.
« La masse sombre des piétons se divisait en cordons nébuleux. »
« L’enchevêtrement d’innombrables sons créait un grand vacarme barbelé aux arêtes tranchantes, tantôt émoussées, confuse masse d’où saillait une pointe ici ou là et d’où se détachaient comme des éclats, puis se perdaient, des notes plus claires. »
Les cordons nébuleux ou le vacarme barbelé, images audacieuses ou lourdingues et confuses ?
Christiane citant un livre de J Bouveresse
Merci !
On en parlait moins, avant…
Ce n’est pas tout à fait exact, jazzi. La presse généraliste en parlait pas ou très peu, se contentant de faire les titres sur les philosophes à la mode. Il faut se souvenir que lors de la nomination au Collège de France, le professeur Claudine Tiercelin fut taxée d’inconnue dans le gota de la recherche philosophique par une journaliste (soi-disante spécialisée) du Nouvel Obs. Jacques Bouveresse à écrit une longue lettre au journal cité, on la trouve sur le net :
https://www.acrimed.org/Lettre-ouverte-de-Jacques-Bouveresse-au-Nouvel-Observateur
A défaut de pouvoir être romanciers, certains se font philosophes !
Il faut bien reconnaitre l’omniscience de Christiane dans les domaines littéraires et artistiques.
Pour revenir à un grand Résistant :
Je parlais de la RDL, Brinqueballe.
Hier, c’était un véritable feu d’artifice !
le cas GODEL n’a guère impressionné;je me souviens d’une évocation à beaubourg qui tourna au TOHU BOHU
Mais non Jazzi, émettre un avis un peu courroucé sur une mésinterprétation n’est pas dénier à qui que ce soit d’apprendre encore et toujours.
Moi-même en premier je n’arrive jamais à lire J. Bouveresse aussi prestement que mon ami, grand lecteur de notre philosophe.
Mais vous pouvez vous abstenir de le lire si la cause de sa mort semble être votre seul souci ici exprimé.
Bàv.
D. dit: à
Il faut bien reconnaitre l’omniscience de Christiane dans les domaines littéraires et artistiques.
Nous sommes bien d’accord!
( Mais elle n’est pas la seule…)
J’ai lu les échanges nourris sur Bouveresse avec beaucoup d’intérêt, Brinqueballe.
J’aurais même voulu en apprendre un peu plus sur le « positivisme logique »…
Késako ?
Christiane citant un livre de J Bouveresse
Pour être plus explicite ce passage de JB, est un peu le sujet du film Premier contact. J’écrirais peut-être qq lignes à ce sujet – peut-être –
Closer et Jazzi, c’est la traduction d’un roman inachevé. Tout le roman est plein de ces gros écueils mais on avance, sidérés car c’est une bataille. C’est bien que Jaccottet laisse la langue en son bouillonnement. Pour l’écriture fluide lire « Les désarrois de l’élève Torless » ou les « Écrits pre-posthumes »…
Joseph Roth avait fait une remarque assez drôle quand on lui a demandé ce qu’il pensait de Musil, un truc du genre « il est lourdingue comme ein gross deutsche philosophe ».
Ils incarnent 2 époques viennoises différentes : Roth c’est l’empereur François Joseph, l’autro-hongrie, une écriture claire et précise avec un sujet un verbe et un complément comme dirait Jazzi.
alors que Musil est plus un essayiste qu’un romancier (Bouveresse a écrit des belles pages sur l’essayisme musilien) : les personnages de l’hsq n’existent pas dans la vrai vie, ils ne parlent pas comme il devraient parler, Musil recrée une réalité aux limites du réel, il pousse les circonstances à la frontière de ces limites pour faire exister un possible au delà du probable.
exemple : l’Action Parallèle avec ses organisateurs : Diotime,Arnheim, Leinsdorf, Stumm, Walter, Clarisse est….
l’objectif : trouver le meilleur moyen de fêter le 60è anniversaire l’empereur FJ : « l’année jubilaire de l’empereur de la Paix ».
Chacun va donner son opinion sur la meilleure façon de célébrer cet évènement, cette opinion dépendra de sa personnalité, de sa perception de l’histoire passée et présente, et aussi future.
Rien que ça on perçoit la somme de paramètres qui va intervenir, somme qui corrrespond à la sommes des paramètres au sein de chaque personne, sachant que ces paramètres ne vont pas être « stables », mais fluctuer en fonction des relations entre ces personnes – ex : histoire d’amour entre Arhneim et Diotime ou amour de Stumm pour Diotime, dans ce dernier cas on voit qu’un colonel peut se montrer bien plus enclin aux valeurs artistiques parce qu’il est de nature habituer au respect des valeurs militaires, ce qui est une manière drôle de voir les choses, mais pertinente.
il faut garder en tête que le Cercle de Vienne au départ c’est un courant de pensée autour de l’empirisme logique dont le but est d’en finir avec l’idéalisme et la métaphysique. et donc, si Musil veut rester fidèle à ce courant de pensée il ne peut pas voir les choses et écrire comme Roth ou Stendhal.
nous pourrions réécrire la même chose avec les personnes qui fréquentent ce blog, chacun incarne un système de pensée et des valeurs bien à elle, et quand on a compris ce fonctionnement il serait facile d’écrire à l’avance les commentaires de chacun ici en jouant sur la probabilité d’écrire tel truc en réponse de tel autre, sauf qu’il peut toujours se produire un possible qui n’entre pas dans les probabilité de départ. Et ensuite on peut élargir cette situation au niveau d’une socité, et d’un pays.
Non non, Soleil vert, c’est un livre de Puck (Antimatière).
Très juste, Puck.
Je mets en ligne une citation de jacques Bouveresse posée par x, hier soir :
Je me trouve dans la même disposition d’esprit, Jazzi.
« En matière intellectuelle, on n’est pas plus tenu de haïr ceux que l’on critique qu’on ne l’est d’aimer ceux que l’on approuve. Inimicus Plato, magis inimica falsitas (Platon est mon ennemi mais l’erreur encore plus). Le problème est justement que trop de gens sont devenus aujourd’hui incapables de distinguer la haine que l’on peut éprouver pour la fausseté et l’absurdité de celle que l’on peut avoir pour leurs auteurs. » (112)
A se demander si l’obscure Claudine Tiercelin (lancée par J Bouveresse au CF) n’allait pas faire de l’ombre à l’immense journaliste Aude Lancelin, lancée par Fred Lordon au NO, par hasard…? – Comme quoi, parfois, hein, il est bon de revenir jaser sur la philosophie du journalisme à la Karl Kraus au 21e siècle.
je reviens sur Stumm pour montrer la façon de Musil de trouver des décalage. Stumm est un militaire, un autre est un industriel, Diotime est une personne sensible à la beauté de l’art.
un écrivain « normal » considèrerait chacun de ces personnages en fonction de cette appartenance à un système de valeur et de pensée : un militaire ça pense comme un militaire et un industriel ça pense comme un industriel.
sauf que Musil va déplacer le curseur de la relation entre le sujet et ses affinités sociales et culturelles vers un point centré sur la perception elle-même (exactement comme le fait Chesterton), à partir de là la défense des valeurs militaire d’un colonel va se transformer en défense des valeurs artistiques, pareil pour Arhneim qui parle comme un poète dans les conseils d’administration de ses entreprises et comme un industriels aux artistes.
et ça c’est exactement l’approche philosophique d’un Wittgenstein ou d’un Carnap, et là on comprend comment par cette approche empiriste qui démontent les faits et les causes il était possible de faire voler en éclat les systèmes sur lesquelles repose la métaphysique, tout au moins démontrer que tout discours métaphysique ne tient pas la route pour peu qu’on le décortique.
On sait bien ici que agacement ne vaut pas haine et compliment amour, Brinqueballe.
Mais certains sont plus méchants que d’autres…
@ dextère : « même chose avec les personnes qui fréquentent ce blog, chacun incarne un système de pensée et des valeurs bien à elle »… Non, je ne pense pas que vous puissiez impunément comparer l’herdélie au cercle de Vienne…
Vous en prendriez-vous pour le Witt, par hasard ?
Bàv,
Janssen J-J dit: à
A se demander si l’obscure Claudine Tiercelin (lancée par J Bouveresse au CF) n’allait pas faire de l’ombre à l’immense journaliste Aude Lancelin, lancée par Fred Lordon au NO, par hasard…? – Comme quoi, parfois, hein, il est bon de revenir jaser sur la philosophie du journalisme à la Karl Kraus au 21e siècle.
Oui 3J! 😉
« tout discours métaphysique ne tient pas la route pour peu qu’on le décortique. »
Idem pour le discours littéraire par les déconstructivistes, puck
Et après qu’on a cassé le jouet, qu’est-ce qu’on fait ?
Dans la mouvance Lordon, il s’y trouve des philosophes qui travaillèrent sur Wittgenstein et dans des colloques sur J. Bouveresse…jadis.
et comme par hasard, on oublie toujours de situer Moosbrugger dans ce système, car l’homme sans qualité était bien incapable de le comprendre lui-même de l’intérieur… Quant aux autres protag, M. n’était qu’un reflet-prétexte à clarifier le système de rationalité cloisonné qui lui était propre. Ulrich parvenait à les comprendre, pas celui de M. qui ne l’intéressait pas vraiment. Il achoppait sur « l’énigme du criminel ».
Je lis dans la lettre ouverte de Jacques Bouveresse au Nouvel Observateur (proposée par Brinqueballe) :
«Je ne reproche pas, bien entendu, aux gens auxquels vous vous êtes adressée de ne savoir manifestement pas grand-chose de philosophes aussi importants que […] McTaggart, […] dont ils n’ont même peut-être jamais entendu parler »
Moi, qui comme d’autres, n’ai jamais lu de livre de Bouveresse, j’ai signalé l’autre jour ce Mc Taggart auquel s’est intéressé Jacques Roubaud (L’abominable tisonier de John McTaggart Ellis McTaggart) pour ses raisonnements de logique à tiroirs sur le temps,
On a les satisfactions qu’on peut.
Question du jour : « Comment écrire un roman aujourd’hui ? »
puck, qui, contrairement à moi possède infiniment plus de trois neurones, devrait pouvoir répondre, entre autres, à la question du jour !
Que reste t-il des Nouveaux Philosophes ?
BHL !
Que reste t-il des existentialistes ?
« Les Chemins de la liberté » de Sartre et quelques romans d’Albert Camus…
@ jzmn / « après qu’on a cassé le jouet, qu’est-ce qu’on fait ? »
Excellent question à laquelle je leur réponds toujours ceci : on le reconstruit en essayant d’en recoller les morceaux différemment réagencés avec ceux que l’on a pu sauver… tout en ayant l’honnêteté d’expliquer avec quelle colle on s’y est pris… plutôt que de faire accroire qu’elle serait invisible au point que que le jouet-vase de Soissons n’aurait jamais été cassé dans l’intention de sonder ce qu’il pouvait bien avoir dans le ventre ».
(si l’on me permet un parallèle un brin capilotractable, TCEPA… Je ferais allusion à une pbmtq identique aux pilleurs de sarcophages dans l’Egypte antique… un bienfait que les égyptologues modernes ne remercieront jamais assez, pour les avoir obligés à se poser de bonnes questions, et partant, d’aller vérifier empiriquement certaines hypothèses qui ne seraient jamais advenues sans l’action destructrice de pareils « barbares ». La déconstruction commence quand on on ne s’en tient pas à ce seul mobile invariant de la prédation humaine qui a nom cupidité et appât du gain. Car ce ne sont jamais là qu’illusions rétrospective d’indignés sentimentaux du tourisme post égyptologique se croyant moralement vertueux face à la conviction de devoir patrimonialiser les découvertes du monde ancien, alors que chacun pour soi en pille allégrement au centuple les dernières ressources d’aujourd’hui).
Bàv
Christiane dit: à
Non non, Soleil vert, c’est un livre de Puck (Antimatière).
oui c’est que j’avais compris, il se dérobe 🙂 🙂
Y a pas un clampin de Grasset ou Albin-Michel qui aurait pu recommander son livre ?
Mais peut-on recréer le Banquet avec la colle « positivisme logique », JJJ ?
Ou Sollers chez Gallimard, Soleil vert !
Je me souviens et j’avoue avoir décroché à propos de la correspondance de Bertrand Russell avec Ludwig Wittgenstien, dans le gros bouquin de sa correpondance philosophique, que l’on m’avait offert pour me mettre à l’épreuve…, car on m’avait affirmé que ma sociologie ne valait pas tripette… Je reconnais n’avoir pas disposé de clés suffisamment solides pour comprendre l’objet de leur mésentente que l’on voit pourtant se dégrader au fur et à mesure… Pourtant, j’avais quand même le sentiment de mieux comprendre le Tractatus qui m’était resté très obscur durant ma jeunesse et m’avait totalement affolé, comme jeune autodidacte.
(je vous prie de m’excuser, racontpatavi et Ch.). Bàv,
Bàv
@ jzmn. Oui, tout est possible. Il suffit d’avoir de l’imagination tant qu’elle reste assise sur la conscience historicisée d’une épistémologie parfaitement cohérente avec elle-même, au moment où le candidat entend se re-colleter avec le Banquet ou n’importe quelle autre œuvre platonicienne. Bàv,
« il faut garder en tête que le Cercle de Vienne au départ c’est un courant de pensée autour de l’empirisme logique dont le but est d’en finir avec l’idéalisme et la métaphysique. et donc, si Musil veut rester fidèle à ce courant de pensée il ne peut pas voir les choses et écrire comme Roth ou Stendhal. »
Je ne vois pas bien le rapport entre le souci d’en finir avec l’idéalisme et la métaphysique et le fait de ne pas écrire comme Roth ou Stendhal, qui ne sont ni l’un ni l’autre obsédés par l’idéalisme et la métaphysique. D’ailleurs, je ne reproche pas à Musil de ne pas écrire comme Roth (il ne manquerait plus que ça!), je reproche au passage cité par Christiane d’être lourdingue et confus, comme le dit pertinemment JzzB.
J’ai lu l’HSQ évidemment, ayant traversé une époque où il était impossible de ne pas l’avoir lu. Aucun souvenir, aucune envie de m’y remettre. Eventuellement, un jour, par devoir…
A noter que Jospeh Roth est de 14 ans le cadet de Musil
A noter que Jospeh Roth est de 14 ans le cadet de Musil. Puck suggère que Musil serait le plus jeune des deux.
ah zut, j’avais préparé un lien sait-on jamais, et puis emporté par mon élan, j’ai oublié de l’incruster. Apologize me,
(pour info à txfldg et à ma soeur…)
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-Philosophie/Correspondance-philosophique
@ traversé une époque où il était impossible de ne pas l’avoir lu. Aucun souvenir, aucune envie de m’y remettre (closer).
Remarque fort intéressante à mes yeux. Nous avons tous traversé ce genre d’époque où nous nous sentions obligés de… Or, dès lors que nous sacrifiâmes à cette injonction culturelle « d’incontournable », nous pouvons être à peu près sûrs aujourd’hui d’avoir oublié une grand partie de notre lecture, car de facto, elle était liée au déplaisir non avouable d’un « devoir »…
Pour ma part, seules m’ont réellement marqué les lectures que me conseillèrent sans insister des gens envers lesquels j’avais une totale confiance (genre, ma prof de français au lycée), puis… m’enhardissant…, en me fiant à des lectures personnelles recherchées et explorées par moi-même, lesquelles faisaient suite à des corrélats rhyzomatiques puisés dans ces premières lectures initiatrices.
(pardon à racontpatavi). Bàv
Ah les corrélats rhyzomatiques, rien de mieux, JJJ !
Parfois, il suffit d’attendre le bon moment, closer. Combien de livres qui me tombèrent un jour des mains s’y trouvèrent bien des années plus tard !
Parfois, il suffit d’attendre le bon moment, closer.
c’est exact
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