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Défis, dilemmes et délices du métier de traducteur

Défis, dilemmes et délices du métier de traducteur

Par SOPHIE BENECH

Je vais commencer par quelque chose d’un peu banal, mais bon, tant pis, je le dis quand même : le métier de traducteur est un métier merveilleux. Chaque traduction est un voyage dans un nouvel univers, une occasion d’approfondir ses  connaissances ou d’en acquérir, une rencontre avec une personne hors du commun — je parle de l’auteur, bien sûr. Tous ceux que j’ai eu la chance de traduire étaient ou sont des écrivains de talent ou de grands écrivains. Et ici,en prime, il y a le poète dont l’auteur fait le portrait, Anna Akhmatova, que j’aime tout particulièrement…

Bien sûr, chaque traduction apporte son lot de difficultés. Pour l’une, c’est un style limpide et rigoureux qu’il faut se garder d’enjoliver, pour une autre, ce sont des images originales, une langue extrêmement travaillée, ou bien poétique, ou au contraire, « parlée ». Dans l’une, on se heurte à un vocabulaire spécialisé ou très riche, dans une autre, les mots sont simples et tout est dans l’intonation… Chaque fois, c’est un nouveau défi, et pour qui trouve du plaisir à manier les mots, un vrai bonheur.

Nadejda Mandelstam n’est pas un grand écrivain ni une styliste, c’est une femme cultivée qui réfléchit, elle est sensible à la poésie de la langue, mais c’est aussi une personne qui n’y va pas par quatre chemins et ne mâche pas ses mots. Tout cela transparaît dans sa façon d’écrire, son style est vivant et spontané, souvent familier, un peu négligent, avec ici et là des phrases soit plus recherchées, soit plus crues, qui s’insèrent tout naturellement dans le flot de son écriture. L’enjeu était de garder ce ton et de ne pas rendre le texte trop littéraire. Ce sont des souvenirs à bâtons rompus, elle saute parfois du coq à l’âne, comme dans une conversation avec le lecteur ou avec elle-même. Tout cela ponctué de bribes de poèmes, ainsi que cela arrive très souvent chez beaucoup de Russes cultivés que j’ai rencontrés (c’était semble-t-il aussi le cas jadis en France, mais la tradition s’est perdue…) : la poésie tient une telle place dans leur univers que toutes les circonstances de la vie font surgir dans leur mémoire des vers exprimant ou illustrant ce qu’ils veulent dire.

Afin de tenter de rendre au mieux tout ce dont je viens de parler, c’est-à-dire de faire entendre la voix de Nadejda telle que je la perçois à travers ce texte, sans l’améliorer ni la rendre plus littéraire qu’elle n’est, j’ai commencé par choisir, par exemple, d’employer le passé composé. En russe, c’est au traducteur de décider, d’après le contexte, en fonction de sa sensibilité et de l’effet qu’il veut produire, entre passé simple et passé composé (et dans certains cas, plus-que-parfait).

Ensuite, j’ai gardé, en essayant de les intégrer au flux général du texte, certaines expressions, certaines tournures très familières qui venaient se greffer sur des phrases plus classiques — « comment se fait-il que je n’ai pas plaqué Mandelstam », « tout a cafouillé »,  « il avait récolté tout un tas de médailles », « Akhmatova voulait me cuisiner »... J’ai tenté de garder son naturel, de rendre sa voix.

Pour ce qui est des difficultés lexicales, elles ne sont pas très nombreuses ici. Le vocabulaire est relativement simple, ce qui ne veut pas toujours dire que ce soit plus facile à  traduire qu’un texte où le vocabulaire est plus riche, puisque ce qui compte, c’est la justesse du ton. Les mots rares ou inconnus ne sont pas vraiment une difficulté, ou plutôt, la seule difficulté est de percevoir l’effet que produit leur emploi pour un locuteur de la langue (incongru, précieux, poétique, etc.). Un traducteur n’est pas dans une salle d’examen, il a le droit et je dirais même le devoir de se servir de ses dictionnaires ! Je crois que je n’ai rencontré dans ce texte que quelques écueils dans ce domaine. Comme les exemples concrets sont plus parlants que des discours théoriques, je vais vous présenter en détail trois d’entre eux.

Une petite digression avant d’entrer dans le vif du sujet : il faut toujours garder présent à l’esprit que les mots ont, dans des langues différentes, des champs de signification qui ne se recoupent pas toujours. Il arrive souvent qu’un mot (russe par exemple) puisse être traduit, selon le contexte, par trois ou quatre mots français différents. L’inverse aussi est vrai, bien entendu, il arrive qu’un seul mot français puisse être traduit par plusieurs mots russes. Je vais prendre un exemple relativement simple et concret (rencontré dans un des poèmes d’Akhmatova proposé dans le livre). Le mot russe tchacha peut être traduit par coupe, calice, ou même vase (si l’on entend par là en français non le vase où l’on met des fleurs, mais celui de l’expression « vase d’élection ».) Inversement, « coupe » et « calice » seront tous deux traduits en russe par tchacha, mot qui évoque aussitôt pour un Russe le Christ au jardin de Gethsémani ou le dernier poème du Docteur Jivago de Pasternak : « Il suppliait le Père/ Que cette coupe lui fût épargnée », mais également la coupe que les chevaliers se passent de main en main au cours d’un festin. Ici, il s’agit d’un objet auquel on donne une certaine connotation : le mot coupe et le mot calice éveillent chacun des échos et des associations différentes dans l’esprit d’un francophone. Si bien que la subjectivité du traducteur joue un grand rôle dans le choix du terme ou, dans d’autres cas, du synonyme. Les choses se compliquent encore, évidemment, quand il s’agit d’une notion ou d’un concept.

Je reviens aux souvenirs de Nadejda Mandelstam. Dans cette traduction, j’ai rencontré un mot impossible à traduire (je veux dire par là non qu’on ne peut en traduire le sens — ça, c’est toujours possible —, mais qu’on ne peut pas le faire de façon aussi concise, ramassée, imagée, que dans la langue originale), un mot qui a en russe un sens tellement plus riche qu’en français qu’il fallait trouver un moyen de le faire comprendre, et un autre qui, en russe, a deux sens qui se superposent (j’ai dû trancher et en choisir un, enfin presque, j’ai un peu triché).

Je commence par le premier. Je précise que mon but, qui conditionne le choix de la solution choisie, est avant tout que le lecteur français comprenne d’emblée de quoi il s’agit, du moins aussi « naturellement » que le lecteur russe. Les jeunes poètes acméistes, le mouvement poétique dont faisaient partie Mandelstam et Akhmatova, se sont opposés aux symbolistes, et ont créé un mot pour se désigner, les smysloviki, sur la racine smysl, le sens, comme on dit le sens de la vie, le sens d’un mot (il existe aussi le mot znatchenie, « signification », et là, les deux mots contiennent, dans les deux langues, le mot « signe », en russe znak). Le mot smysloviki n’existe pas en russe, mais il se comprend immédiatement (le russe est plus souple que le français et crée plus facilement des mots). Si le substantif avait été formé sur znatchenie, j’aurais pu, en forçant un peu, créer en français le mot « significateur » (cela a déjà été fait), sa sonorité assez barbare faisant écho à celle, également un peu barbare, du terme russe. Mais impossible de jouer à créer quelque chose d’équivalent avec le mot « sens »… Les « sensistes » ou les « senseurs », c’est bien sûr hors de question. Les acméistes se démarquaient des symbolistes (qui insistaient sur le symbole au détriment du sens premier, intrinsèque, des mots) et des futuristes (qui s’amusaient à distordre le sens et jouaient avec les sonorités). Pour faire comprendre cela, je me suis rabattue sur une solution qui ne me satisfait pas complètement : les smysloviki sont devenus « les adeptes du sens ». Et j’ai ajouté une note dans laquelle je précise qu’il s’agit ici plus du sens ontologique des mots que de leur simple signification.

Deuxième problème, plus délicat… Il existe en russe deux termes, et même trois, pour « liberté » ou « la liberté » (j’ouvre une parenthèse pour  rappeler au passage à ceux qui l’auraient oublié que le russe n’a pas d’article — ce qui pose parfois des problèmes. Généralement, le contexte ou la place des mots donnent suffisamment d’indications pour que l’on sache si le substantif est déterminé ou non. Mais il peut y avoir une ambiguïté. Cela concerne tout particulièrement la traduction des titres, où l’absence de contexte empêche de sentir si un mot est déterminé ou indéterminé, si on doit dire un ou le… Cela explique, par exemple, pourquoi on peut trouver « La Guerre et la paix » et « Guerre et paix », « Crime et châtiment » ou « Le Crime et le châtiment » « Poème sans héros » ou « Le Poème sans héros »— je ferme la parenthèse). Le mot généralement utilisé pour liberté est svoboda (la liberté de « liberté, égalité, fraternité », et tous les emplois les plus courants du terme,  dans un contexte politique ou social). Mais il existe aussi un autre mot russe, volia (qui, je le précise au passage, signifie également « volonté », les deux notions étant liées, on est libre quand on peut exercer sa volonté, on a une volonté propre quand on est libre). Le mot volia est lui aussi couramment utilisé, il se retrouve dans l’expression« na vole », très souvent employée pour dire « se retrouver en liberté » quand on sort de prison. Il est aussi plus poétique, plus « philosophique ». Il se retrouve également dans l’adjectif volny (qui n’a pas tout à fait le même sens que l’adjectif svobodny formé sur svoboda), utilisé par exemple pour désigner les cosaques…   Lorsqu’on dit svoboda, on voit et on entend à peu près la même chose que quand on dit « liberté » en français. Quand on dit volia, on voit des cosaques galoper librement à travers la steppe, on sent l’immensité d’espaces sans limites sur lesquels se déploie une liberté enivrante. Enfin, moi, c’est ce que je vois. (Il existe en russe un expression consacrée, kazatchiia volia — c’est aussi le titre d’une chanson — pour désigner cette fameuse« liberté cosaque »).

Et puis il y a le mot qu’on trouve dans ces souvenirs, svoevolie, avec le préfixe svoe, qui désigne tout ce qui concerne soi-même, tout ce qui nous concerne nous, personnellement, intimement… Svoï, ce sont nos proches, nos intimes. Svoevolie, c’est « la liberté d’agir selon sa propre volonté », « la liberté que l’on se donne à soi-même ». On le traduit généralement par « licence ». Quand je regarde dans le Robert, je trouve plusieurs définitions du mot licence. Voici la deuxième (II) : « 1) liberté d’action qui est laissée à quelqu’un, ou qu’il se donne à lui-même. 2) liberté excessive, désordre, anarchie. 3) dérèglement dans les mœurs. » Ces trois définitions recouvrent bien le sens de svoevolie. Mais si l’on y réfléchit, on se rend compte que ce n’est pas tout à fait le premier sens qui vient à l’esprit d’un Français (ni des auteurs du Robert), et surtout, que le mot russe, de par ses racines (volia, « liberté-volonté », et svoe « qui relève de soi-même » est bien plus évocateur que le mot français. Sans compter qu’en russe, on pense tout de suite aux cosaques galopant dans la steppe dont je vous ai parlé plus haut. La traductrice qui a traduit Contre tout espoir s’était heurtée elle aussi à ce problème. Or c’est un mot extrêmement important ici, car Nadejda Mandelstam bâtit toute une théorie en opposant svoboda et svoevolie, ce n’est pas juste un terme qui apparaît une fois et se fond dans le texte. Ma collègue avait opté pour la solution de ne pas toujours le traduire de la même façon et s’en explique dans une note (licence, fausse liberté, bon plaisir, arbitraire), ce qui s’imposait d’autant plus qu’elle avait à faire à un chapitre entier sur ce thème. Pour ma part (j’avais juste quelques paragraphes), j’ai choisi licence, que j’ai transformée une ou deux fois en liberté effrénée quand c’était possible, naturel, et que cela rendait les choses plus claires. Comme dans le cas de smysloviki, je ne suis pas entièrement satisfaite, mais (je répète une banalité), traduire, c’est choisir et parfois sacrifier…

Je terminerai avec un autre exemple, que l’on rencontre tout au début du texte : Nadejda Mandelstam parle des gens nepouganye. C’est un participe passé passif : pougany veut dire « qui est effrayé », ou plutôt « à qui on a fait peur et qui est toujours sous l’emprise de cette peur ». Il évoque le dicton russe « à une corneille pouganaïa, même une branche fait peur ». Autrement dit, « une corneille qui a peur de tout (effrayée, en état de frayeur) a peur même d’un petit bout de bois ».  Nepougany, c’est  quelqu’un à qui on n’a pas fait peur, qu’on n’a pas terrorisé, et qui du coup n’est pas « effrayé » et n’a peur de rien. Le Russe exprime tout cela en un seul mot. Et un mot qui passe en russe tout à fait naturellement. Akhmatova redoutait plus que tout les gens nepouganye parce qu’ils ne se rendaient pas compte du danger, ils bavardaient à tort et à travers, ils ne se méfiaient pas des mouchards, et pouvaient causer leur propre perte et surtout celle des autres. On ne peut pas dire « elle redoutait les gens non-effrayés », ni « elle redoutait les gens à qui on n’a pas fait peur »… J’aurais pu mettre « les gens qui n’ont peur de rien », mais cela aurait pu suggérer qu’ils étaient courageux, et non qu’ils n’avaient jamais rencontré la peur. J’ai choisi « les gens qui ne connaissent pas la peur », il m’a semblé que c’était plus proche du sens véritable. C’est moins compact, moins ramassé que le terme russe, mais c’est ce que j’ai trouvé de mieux. Il reste néanmoins un petit problème : « les gens qui ne connaissent pas la peur », ou « les gens qui n’ont pas connu la peur » ? Choix cornélien. Cela veut dire les deux. C’est là que j’ai triché : comme le mot revient plusieurs fois, j’ai choisi tantôt l’un, tantôt l’autre…

Mais laissons-là les problèmes concrets. Je voudrais terminer avec la dernière difficulté à laquelle je me suis heurtée avec ce texte. Ces souvenirs s’inscrivent dans une époque très précise, ils font référence à un grand nombre d’événements historiques et tragiques, ainsi qu’à des détails sur la vie et l’œuvre d’Akhmatova. Les Russes cultivés savent qui est Akhmatova, ce qu’elle a représenté dans le Pétersbourg d’avant 17, ce qui s’est passé dans la vie littéraire russe entre 1920 et 1966. Ils ont une idée de sa biographie, ils savent (du moins les plus âgés) ce qu’a représenté l’acméisme par opposition au symbolisme, ce que cela signifiait quand un décret du Comité central s’en prenait à la rédaction d’une revue, ce qu’était la vie quotidienne en URSS. Ils comprennent sans qu’on ait besoin de le leur expliquer pourquoi elle a été obligée de rester vivre sous le même toit que son mari après leur séparation (par impossibilité de se faire attribuer un logement — j’ai moi-même rencontré plusieurs fois des cas de ce genre en Union soviétique). Mais les lecteurs français, spécialistes mis à part, risquent d’être un peu perdus, comment vont-il pouvoir apprécier pleinement ce texte et se faire une idée du grand poète et de la grande dame qu’était Anna Akhmatova, sans un minimum d’informations ? Bien des choses ne vont pas de soi pour eux. Même moi, qui fréquente la littérature, l’histoire et la culture russe du XXe siècle depuis longtemps, j’ai dû me renseigner sur certains points pour comprendre et apprécier réellement ce que je traduisais.

Je me suis donc retrouvée devant une dernière tâche, et pas la moindre : essayer de rassembler tous les éléments utiles à une compréhension plus profonde de ce texte, et les exposer à mes compatriotes de la façon la plus vivante possible, afin qu’ils possèdent en lisant les mêmes informations que moi — ce que j’avais déjà fait pour Isaac Babel. J’ai choisi de le faire dans un avant-propos, car les notes alourdissent toujours une lecture (toutes les références qui ne sont pas absolument indispensables à la compréhension sont regroupées à la fin).

J’ai appris énormément en traduisant ce livre. Sur la poésie russe du début du siècle, sur la vie d’Akhmatova, sur son œuvre, sur des gens que je ne  connaissais que de nom. Je suis même allée voir de mes yeux toutes les maisons où elle a vécu à Saint-Pétersbourg-Petrograd-Leningrad, la fenêtre par laquelle elle a regardé son fils emmené par les représentants du NKVD le jour où il a été arrêté. J’ai essayé de réunir tout cela dans un avant-propos intéressant à lire, qui évoque de façon vivante Akhmatova, sa vie, son œuvre, mais aussi sa beauté, son charme, sa personnalité hors du commun et son esprit acéré. Bref, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour que le lecteur français puisse, lui aussi, profiter de ce que j’avais récolté au fil de ma traduction. Écrire une préface ou un avant-propos, à mes yeux, cela fait aussi partie de mon travail de traductrice, c’en est même une facette importante.

Ce livre m’a par ailleurs donné l’occasion de passer plus de trois mois dans l’univers poétique d’Akhmatova et dans celui de Mandelstam (car, je l’ai dit, le texte est émaillé de citations de poèmes des deux), et quelle joie, quel bonheur d’être obligée, ne serait-ce que par conscience professionnelle, de passer des soirées entières à lire et à relire des poèmes… !

Enfin, comme je souhaitais que le lecteur français sente, au moins un peu, l’immense talent des deux poètes présents dans ce livre, je n’ai pu résister à l’envie de proposer quelques poèmes en annexe au texte de Nadejda Mandelstam (j’en profite pour remercier encore une fois mon éditeur Antoine Jaccottet de m’avoir laissé cette liberté).

J’espère avoir fait comprendre à ceux qui ont eu la patience de me lire jusqu’au bout qu’un des principaux buts de mon travail de traductrice depuis vingt ans est de partager. Partager l’amour que j’ai pour ce pays, cette culture, cette littérature, cette langue, partager tout ce que j’ai compris et senti au fil des années à travers cette expérience, et qui a modelé et modèle constamment ma perception de la vie et des gens. Et enfin, partager l’immense plaisir que me procure la lecture des auteurs russes que j’aime.

SOPHIE BENECH

(« Sophie Benech », « Anna Akhmatova », « Georgy Chulkov, Marina Petrovykh, Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam « , « Nadejda Mandelstam » photos D.R.)

 

 

Nadjeda Mandelstam

Sur Anna Akhmatova

Édition et postface de Pavel Nerler

Traduction du russe et avant-propos de Sophie Benech

224 pages  • 21 euros

Le Bruit du temps

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire, Littérature étrangères, traducteur.

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commentaires

9 Réponses pour Défis, dilemmes et délices du métier de traducteur

u. dit: à

Merci pour ce partage concret d’expériences!

Je reviendrai relire.

blog booming you pi*°°° dit: à

merci , madame, de nous montrer de manièr si sensible votre travail .
( J’espère un peu en vous retrouvant sur papier, trouver une note au mot -Тоска)

xlew.m dit: à

Les exemples que vous nous donnez du rythme particulier de la phrase de Nadejda Mandelstam, retravaillé par vous en français, sont formidables ; votre emploi du passé composé semble tomber à point, encore fallait-il trouver les conditions de son parfait agencement afin de l’articuler à la manière d’écrire de cette extraordinaire femme russe. Nadejda est en effet très directe, vous nous faites bien sentir sa langue, sa pratique du russe ne connaît guère l’ambage, vous captez tout ça. Son sens de l’observation était très aigu, ce n’est sans doute pas par hasard que vous aviez choisi de mettre l’une de ses descriptions du visage d’Isaac Babel en exergue à l’avant-propos de votre traduction des oeuvres complètes de l’écrivain exécuté par la Tcheka en 1940.
Ce livre paru en 2011 aux éditions Le Bruit du temps est un excellent souvenir. Vos « notes en bas de pages », loin de s’avérer pesantes furent comme de très utiles petits messages d’informations écrits sur de l »écorce de bouleau. J’ai beaucoup appris sur la culture cosaque, peuple du cheval par excellence, grâce à elles.
Mais, surtout, elles ne dérangèrent jamais la plongée (haletante bien que rendue fluide) dans ces immenses et terribles récits que forment « Cavalerie rouge » et le « Journal de 1920. »…
Pour les « Smysloviki », votre proposition paraît un choix limpide. Inutile donc de s’amuser à bricoler tout seul dans son coin des trucs comme « Sensitivistes » (après tout Mandelstam était aussi grand connaisseur de la poésie anglaise, le ‘sensitive’ note peut-être plus que de la pure sensibilité, le « son » était important chez Shakespeare comme il l’était chez les Acméistes.)
Pour les « nepougany » (vous faites vous-même allusion à Corneille avec votre ‘choix cornélien’), pour les lecteurs français familiers de quelques proverbes russes, on pourrait suggérer qu’ils sont « des gens qui ne corbinent pas » face au danger. Ils laissent parler leur coeur sans peur. (La corneille ‘corbine’ ou ‘criaille’, c’est presque un défi aux mouchards que de ne pas « jouer les corbeaux », soi-même.)
Sur le « Svoï » et la « svoevolie », impossible pour moi de ne pas penser à cinq ami’e)s chers, natifs de Saint-Petersbourg. Dans leur jeunesse, ils étaient tous fans du groupe Kino et de Viktor Tsoï. Une de leur chanson s’intitulait : « Ya ob’iavliaiou svoï dom (bez’yadernooï zonoï), « je déclare ma maison » (zone dénucléarisée.) Je me permets de citer cet exemple car je pense que des groupe de musique comme Kino et DDT reprirent le flambeau des grandes âmes que furent Akhmatova, Mandelstam, Pasternak et Tsvétaïeva. Ce furent les seuls à mettre leur carrière et leur vie en jeu, avec Brodsky. Rien ne se perd en Russie. Les grands poètes de ce pays ne meurent jamais.

Jean-ollivier dit: à

« Afin de tenter de rendre au mieux tout ce dont je viens de parler, c’est-à-dire de faire entendre la voix de Nadejda telle que je la perçois à travers ce texte, sans l’améliorer ni la rendre plus littéraire qu’elle n’est, j’ai commencé par choisir, par exemple, d’employer le passé composé. » La remarque vaut sûrement pour Nadejda Mandelstam, mais elle vaut aussi pour d’autres langues. Traducteur amateur, et ignorant tout de Mme Alice Munro, le Nobel 2013, je viens de traduire une de ses nouvelles Dear Life,a childhood visitation, que j’ai trouvée sur le site du New Yorker. Et le choix du passé simple, du passé composé, ou entre l’imparfait et le plus-que-parfait est redoutable quand quelqu’un se souvient de son enfance, et qu’il s’agit en fait d’un « passé recomposé ».
En tout cas, le traducteur doit lire soigneusement. Et ça c’est tout autre chose que la lecture classique. « Der Wahre Leser muss der erweiterte Autor sein ». (Novalis Fragmente 2006) que je traduis (très librement..) par « L’authentique lecteur, plus vaste que l’auteur…  »
à quelque niveau que l’on se trouve, »le métier de traducteur est un métier merveilleux ».

Guillaume Franck dit: à

J’ai interrompu ce soir ma lecture de « La Fin de l’Homme Rouge », de plus en plus admiratif du texte francais, une oeuvre litteraire en elle-meme, pour chercher sur Google qui etait Sophie Benech…..il vous serait sans doute difficile de nous livrer sur Alexievitch la meme analyse que sur Akhmatova, mais en tous cas un grand bravo pour le verbatim du verbatim, a aucun moment on ne sent la traduction, je m’identifie aux personnages comme s’ils etaient ceux que j’ai rencontres en URSS lors de mon premier voyage en 1960, puis plus tard.

BENECH dit: à

Bonjour,
tout comme Mme Sophie Bénech, je m’appelle Bénech et suis né en 1952. (24 avril)
Je souhaitais simplement savoir si Mme Sophie Bénech avait une connaissance de sa généalogie ainsi que de l’origine du nom que nous portons.
Cordialement, Gérard Bénech

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