de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 45 Le dieu des traducteurs

N° 45 Le dieu des traducteurs

Par Jacques Drillon

Ces ouvrières qui travaillent à la chaîne dans une entreprise de désarêtage de sardines. Installées dans une atmosphère à 5° devant des tapis roulants, dos à dos : on leur interdit de se parler.

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Marcel Proust jouant des coudes pour pouvoir assister au procès de Dreyfus.

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(Suite)
Marcel Proust stérilisant les lettres qu’il recevait, par peur des microbes des autres.

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(Fin)
Céleste atteste que les « paperoles » n’étaient pas les bandes de papiers collés, mais simplement des feuilles volantes (par opposition aux carnets).

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(Suite)
«Vous ne me comprenez pas. Je ne me comprends pas non plus. Même Dieu ne me comprend pas. »

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Personne ne sait
Pourquoi tous les grands spécialistes de Céline sont des hommes.

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Les ténors glapissants.

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Personne ne sait
Ce qu’il fût advenu de la petite madeleine de Proust, privée de son précieux gluten.

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« Odeur fidèle à toutes les détresses, odeur détachée de toutes les déroutes du monde, l’odeur de la poudre fumante » (Voyage au bout de la nuit).
Les « mille odeurs qu’y dégagent les vertus, la sagesse, les habitudes, toute une vie secrète, invisible, surabondante et morale que l’atmosphère y tient en suspens » (Du côté de chez Swann).

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Les traductions rigolotes
« To be or not to be, that is the question » = « Vivre ou mourir, tout est là » (trad. Gérald Robitaille).

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(Suite)
Les deux sortes de traducteurs : les « sourciers » et les « ciblistes ». « Les sourciers sont ceux qui traduisent (ou qui, du moins, prétendent traduire) en mettant l’accent a) sur le signifiant, b) sur la langue et, évidemment, c) sur la langue-source. Les ciblistes, à l’opposé, mettent l’accent a) non pas sur le signifiant, ni même sur le signifié, mais sur le sens du message, b) non pas sur la langue, mais sur la parole, c’est-à-dire sur le discours, sur le texte, sur l’œuvre à traduire ; et c) il s’agit pour eux de mobiliser tous les moyens propres dont dispose la langue-cible » (Jean-René Ladmiral).
On le voit, Gérald Robitaille n’est ni un sourcier ni un cibliste. C’est un traducteur.
Exercice : Traduire « To die, to sleep – no more » à la manière de Gérald Robitaille. Cela donnerait à peu près : « Être ou ne pas être, telle est la question. »

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(Fin)
Deux ponctuations, selon les éditions : « To die, to sleep – no more » et « To die : to sleep ; no more. »
Autrement dit, dans le premier cas, Hamlet dit qu’il ne demande qu’à mourir ou à dormir, voilà tout ; dans le second, il dit que dormir c’est mourir un peu, rien de plus.

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Ceux qui prétendent que pour venir à bout d’une viande trop dure, il suffit de la couper en fines lanières, dans le sens de la fibre.

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(Suite)
Les couteaux en acier inoxydable, qui ne coupent rien, et qu’il faut aiguiser sans cesse. Les couteaux en fer, qui semblent aiguisés à jamais.

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

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Les deuxième et troisième séries (Papiers recollésPapiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

 

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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