de Pierre Assouline

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La République des livres

Littérature étrangères

Résurrection d’un roman macédonien

Résurrection d’un roman macédonien

Maria Béjanovska

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Quand j’évoque le titre de ce roman unique de Živko Čingo, La Grande eau, j’ai le cœur qui chavire. C’est à cause de ce texte, ou plutôt grâce à lui, que je suis devenue traductrice littéraire. Je devrais parler de vocation, car à l’époque j’avais déjà un métier passionnant, le journalisme. Je revenais de reportage en Macédoine et, comme toujours, ma valise était pleine de livres. Connaissant mon intérêt pour la littérature, les écrivains et les éditeurs de mon pays natal n’hésitaient pas à me charger d’une quantité invraisemblable d’ouvrages qui ne manquaient pas de me poser quelques problèmes à […]

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55, rue Jablonski, Berlin

55, rue Jablonski, Berlin

395

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Quel écrivain n’a pas été tenté par le projet littéraire de partir du particulier pour atteindre à l’universel en racontant à travers la vie d’un immeuble un peuple et un pays pris dans l’étau d’une époque ? L’exercice est aussi tentant que périlleux car, s’il échoue, le huis clos devient inutilement oppressant ; mais en cas de réussite, quel grand souvenir ! en tout cas pour le lecteur… Les Français penseront aussitôt à La vie, mode d’emploi de Georges Perec : on s’en souvient (ou pas, d’ailleurs, foin de cette manie des critiques de feindre de croire que tout le monde a nécessairement tout […]

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Mark Twain écrivait en langue américaine

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La peu commune puissance de séduction de Huckleberry Finn (…) si elle doit beaucoup à la figure de son héros éponyme, tient autant, et peut-être plus, à la qualité de la langue orale que Mark Twain fait entendre: la langue américaine de tous les jours, le parler des autochtones, qu’on ne trouvait ni chez Washington Irving, ni chez James Fenimore Cooper, ni chez Nathaniel Hawthorne. Cette fois, la rupture avec la prose bien policée héritée du Vieux Monde est consommée: l’Amérique parle sa langue en littérature; un roman est, pour la première fois, écrit d’un bout à l’autre en américain. «You […]

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Pour saluer François Maspéro et…

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Pour ceux qui ne le connaissaient pas, François Maspéro, qui vient de disparaître à 83 ans , était quelqu’un de pudique, discret, réservé. Du genre qui pèse chacun de ses mots avant de les employer. Des qualités manifestées tant dans son activité d’éditeur (« éditeur engagé » clament ce matin les médias, mais s’agissant de lui, c’était d’une telle évidence que cela en devenait pléonastique) que dans celle de traducteur et d’écrivain. Tout le contraire d’un bateleur de médias. Il fut autrefois le fondateur et l’âme des éditions Maspéro, résolument engagées à gauche, et l’animateur de la légendaire librairie « La joie de […]

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Du trafic épistolaire entre Kafka et Milena

Du trafic épistolaire entre Kafka et Milena

Robert Kahn

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(…) Kafka a rencontré Milena à Prague, au café Arco, sans doute en septembre 1919. Après cette rencontre, la jeune femme lui a rapidement proposé de traduire en tchèque le premier chapitre, « Der Heizer » — « Le Chauffeur » — de ce qui allait devenir L’Amérique. Un rapport flatteur s’installe donc d’emblée entre cet auteur juif pragois certes connu des milieux littéraires de sa ville natale mais qui n’occupe encore qu’une position marginale, et cette jeune femme de 24 ans si séduisante : « elle est un feu vivant comme je n’en ai encore jamais vu », écrit-il plus tard […]

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Le Kâmasûtra est ce qu’il semble ne pas être

Le Kâmasûtra est ce qu’il semble ne pas être

Frédéric Boyer

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J’entreprenais cette lecture et cette traduction dans le noir. Il y a plus de quatre ans déjà. Ne connaissant à peu près rien à l’Inde ancienne et moins encore au sanscrit. Sans savoir où cette curiosité et ces efforts laborieux me conduiraient. Et toutes ces années je voyais que ma vie changeait rapidement et que j’allais être amené à vivre différemment. La ligne imaginaire du plaisir scinde souvent nos vies. Le sexe est le point le plus intense et le plus secret des vies, rappelait le regretté Michel Foucault, celui où se concentre leur énergie, leur vitesse, qui nous emporte […]

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Un grand roman européen

Un grand roman européen

Milan Kundera

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L’histoire de l’art du roman approche discrètement de sa fin. Même la critique littéraire, qui occupait jadis une grande place dans tous les journaux, n’y apparaît aujourd’hui que de plus en plus rarement. Et, bien sûr, plus un pays est petit, moins ses livres sont connus à l’étranger et plus ils ont de mal à trouver un public. La Macédoine. Parmi tous les piétons qui passent autour de moi  dans la rue, combien savent ce que ce mot veut dire ? On éprouve une sorte de tristesse quand on pense à la solitude dans laquelle se trouve forcément un grand romancier […]

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Richard Flanagan, le diable de Tasmanie

Richard Flanagan, le diable de Tasmanie

MARIE TOURRES

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EN 2014, le vénérable Booker Prize fut teinté d’un relent de polémique sur les spécificités de la culture du Commonwealth, de l’Irlande et du Zimbabwe. Pour la première fois, le prix était ouvert à tout auteur écrivant en anglais et publié au Royaume-Uni, dégageant donc une large voie aux oeuvres américaines. Cette modification, rompant avec une tradition vieille de 45 ans, ne remporta pas l’approbation générale. Certains criant à la globalisation de la littérature, d’autres au manque d’équité puisque jamais le Pulitzer ne laisserait place libre à des auteurs étrangers. Mais l’honneur est sauf. C’est bien un écrivain du Commonwealth qui […]

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Leopardi deux fois plutôt qu’une

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L’expérience est fascinante, surtout quand on ne l’a pas fait exprès : lire un poète tout en lisant sa biographie, laquelle renvoie sans cesse à son œuvre, après avoir vu un film à lui consacré. Cela peut avoir des effets néfastes pour les livres comme pour les films, l’un ne supportant pas la comparaison avec l’autre, trop en-decà dans le registre de la connaissance, ou celui de l’émotion, quand ce n’est tout simplement celui du pur plaisir de lecteur ou de spectateur. Bref, le hasard a fait que quelques jours durant, j’ai pu me leopardiser comme jamais avant de me lover […]

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Traduire la poésie d’idées de Javed Akhtar

Traduire la poésie d’idées de Javed Akhtar

Vidya Vencatesan

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Javed Akhtar est l’une des voix les plus justes de la poésie ourdoue contemporaine. Elle exprime une sensibilité postmoderne, radicalement différente des autres voix de sa génération. Il habite les deux mondes de la métaphysique et du concret avec la même facilité ; entre eux ni opposition ni hiérarchie. Exemple de l’hétérotopie qu’évoque Michel Foucault, sa poésie est une invitation à découvrir d’autres mondes encore, des lieux qui permettent de contester, des lieux de doute, de clair-obscur, d’autres mondes que ceux qui nous sont familiers. Héritier d’une riche tradition poétique familiale, Javed Akhtar réussit pourtant à trouver un mode d’expression dont le timbre frais […]

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