LE COIN DU CRITIQUE SDF
Depuis que la nouvelle a filtré, la candidature de Mario Vargas Llosa au fauteuil de Michel Serres a suscité maintes réactions, y compris dans ce blog. Trois points prêtent à polémique – la nationalité étrangère du candidat, son âge et l’absence de la langue française dans ses œuvres. La critique balance entre respecter les règles de l’institution, qui sont autant d’obstacles – a priori insurmontables – à cette candidature, et aligner les arguments qui les démolissent. Il est clair qu’en littérature, la nationalité est une notion purement abstraite qui renvoie du côté de l’administration et de la fiche de police : elle […]
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Il semble désormais admis que le latin soit une matière scolaire d’élite, destinée à reproduire les inégalités sociales en érigeant en valeur suprême la distance à la nécessité matérielle, la gratuité des apprentissages non professionnalisants, dont seuls les bourgeois peuvent faire ostentation. La Russie soviétique, déjà, supprimait le latin des programmes en vue d’émanciper les travailleurs, tandis que l’Italie fasciste lui prêtait des vertus anti-marxistes. On ne peut nier que le latin s’adresse depuis longtemps en priorité à des catégories sociales aisées, sinon en théorie, du moins dans les faits. Mais en soutenant que le latin est une matière scolaire « […]
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« Le café est le parlement du peuple », cette phrase attribuée à Balzac et maintes fois citée est présentée comme une consécration du café et son élévation au rang d’institution démocratique. À la lire aujourd’hui, il semble bien que le grand écrivain exprime ainsi, sans ambiguïté, une grande déférence pour le café. Je confesse que j’ai été tenté de reprendre cette belle formule dans mon livre La vie de bistrot[1]. Un détail m’en a empêché, nulle part je n’ai trouvé sa source exacte. En effet, curieusement, cette formule n’est jamais référencée, comme s’il fallait cacher sa provenance pour mieux en détourner […]
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Albert Bensoussan a fait du récit bref, ou du roman court, sa marque de fabrique : c’est à chaque fois une variation sur un thème, toujours le même, comme en musique, et La tendre indifférence (12 euros, Le Réalgar) n’y fait pas exception en posant une sorte de point d’orgue provisoire – rien n’est définitif chez Bensoussan – à sa série ( une cinquantaine de volumes ) sur l’Algérie d’avant l’indépendance inlassablement revisitée, l’exil faussement habillé du mot « rapatriement » et le royaume du souvenir. L’exil et le royaume, comme chez Camus dont l’ombre tutélaire plane sur ce livre mémoriel. À travers […]
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Extinction, sous-titré « Un effondrement », est le dernier roman de Thomas Bernhard, disparu soudainement en 1989. C’est une œuvre imposante, d’une richesse extrême, un monologue en deux longs paragraphes, « Le télégramme » et « Le testament », qui s’étendent, dans la traduction française, sur plus de 400 pages écrites serrées. Le tout forme une sorte de bloc compact, dans lequel on a peine à reprendre son souffle, tant la prose tournoyante et obsessionnelle de Bernhard nous entraîne, sur un rythme vif et envoûtant. Pour décrypter ce labyrinthe romanesque étonnant, je m’arrêterai plus précisément sur l’un des personnages les plus importants de cette Extinction (Auslöschung, […]
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Tu as été l’un des membres du jury de la thèse de troisième cycle que j’ai soutenue à Nice en juin 1978. Ce fut une rencontre. La confrontation de nos deux points de vue reste gravée dans ma mémoire : un affrontement verbal acide. Il faut dire que mon analyse des films français réalisés sous l’Occupation portait la marque des excès taxinomiques de la sémiologie triomphante des années 70. Néanmoins, dès les premiers mots du professeur Ferro, « j’ai pesté en lisant votre texte, vous ne pouvez pas savoir… J’ai lu votre texte avec fureur, il m’a fait franchement bondir », le […]
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Voilà la question qui revient régulièrement chez ceux qui, de plus en plus nombreux, n’ont eu aucun contact direct, vivant, avec lui. Et la réponse qui s’ensuit, presque toujours positive, veut qu’il se soit tant dilué, vaporisé dans la mode, les modes – de pensée comme de comportement – et même, c’est bien le moins, dans la littérature, que son existence, un siècle après sa naissance, prend un petit air posthume, quelque chose comme un monument de cendres. Et pourtant ! Avec la parution de Chroniques de la boîte noire (161 pages, 19 euros, Maurice Nadeau), il suffit de la reprise […]
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Si le comité Nobel de l’Académie suédoise, régulièrement sollicité en ce sens depuis des années, ne s’était décidé à laurer Philippe Jaccottet qui vient de nous quitter à 95 ans, nul doute que sa consécration en 2014 par la Pléiade sous la forme d’un volume d’Oeuvres (1728 pages, 59 euros) y serait pour beaucoup. Par « Œuvres », il faut entendre l’œuvre poétique. Encore faut-il s’accorder sur ce qui en relève. Il était le quinzième auteur à entrer de son vivant dans le temple, quatrième suisse à y être convié après Rousseau, Cendrars et Ramuz, mais-ceux-là à titre posthume ; encore est-il davantage fêté […]
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Lorsqu’on parle de la littérature latino-américaine, et de ce que l‘on a appelé le « boom », une seule expression suffit à la définir : le réalisme magique. Appliquée de préférence à l’emblématique Cent ans de solitude, de Gabriel García Márquez, cette étiquette procède de l’inventeur d’un style romanesque, Alejo Carpentier (1904-1980) qui, dépassant l’indigénisme fondateur de Miguel Ángel Asturias et de Rómulo Gallegos, découvre, en parcourant l’Orénoque et en pénétrant la jungle amazonienne, ce qu’il qualifie, lui, le tout premier, de « réel merveilleux ». Mais chez celui qui prétendait avoir « besoin de démesure pour écrire », était-ce la réalité ou un rêve ? L’écrivain Jean-Louis […]
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« Cartes postales : Représentation idéale des lieux destinée à impressionner le destinataire en faisant mentir l’expéditeur ». Ce propos de Pierre Daninos – écrivain et humoriste français – donne tout son sens au travail d’un autre Pierre, Mainguy, dont le roman intitulé Arles, féria tragique (18 euros, éditions Portaparole, en librairie le 19 janvier) – se présente comme une anti-carte postale de la Provence. Mais une anti-carte postale humaniste (lire ici un extrait). Loin des parfums de lavande, du chant des cigales et des transfigurations de Paul Cézanne, Arles, féria tragique est d’abord le récit d’une Provence hyperréaliste, hivernale et sombre. Pierre […]
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