traducteur
La peu commune puissance de séduction de Huckleberry Finn (…) si elle doit beaucoup à la figure de son héros éponyme, tient autant, et peut-être plus, à la qualité de la langue orale que Mark Twain fait entendre: la langue américaine de tous les jours, le parler des autochtones, qu’on ne trouvait ni chez Washington Irving, ni chez James Fenimore Cooper, ni chez Nathaniel Hawthorne. Cette fois, la rupture avec la prose bien policée héritée du Vieux Monde est consommée: l’Amérique parle sa langue en littérature; un roman est, pour la première fois, écrit d’un bout à l’autre en américain. «You […]
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(…) Kafka a rencontré Milena à Prague, au café Arco, sans doute en septembre 1919. Après cette rencontre, la jeune femme lui a rapidement proposé de traduire en tchèque le premier chapitre, « Der Heizer » — « Le Chauffeur » — de ce qui allait devenir L’Amérique. Un rapport flatteur s’installe donc d’emblée entre cet auteur juif pragois certes connu des milieux littéraires de sa ville natale mais qui n’occupe encore qu’une position marginale, et cette jeune femme de 24 ans si séduisante : « elle est un feu vivant comme je n’en ai encore jamais vu », écrit-il plus tard […]
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J’entreprenais cette lecture et cette traduction dans le noir. Il y a plus de quatre ans déjà. Ne connaissant à peu près rien à l’Inde ancienne et moins encore au sanscrit. Sans savoir où cette curiosité et ces efforts laborieux me conduiraient. Et toutes ces années je voyais que ma vie changeait rapidement et que j’allais être amené à vivre différemment. La ligne imaginaire du plaisir scinde souvent nos vies. Le sexe est le point le plus intense et le plus secret des vies, rappelait le regretté Michel Foucault, celui où se concentre leur énergie, leur vitesse, qui nous emporte […]
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Javed Akhtar est l’une des voix les plus justes de la poésie ourdoue contemporaine. Elle exprime une sensibilité postmoderne, radicalement différente des autres voix de sa génération. Il habite les deux mondes de la métaphysique et du concret avec la même facilité ; entre eux ni opposition ni hiérarchie. Exemple de l’hétérotopie qu’évoque Michel Foucault, sa poésie est une invitation à découvrir d’autres mondes encore, des lieux qui permettent de contester, des lieux de doute, de clair-obscur, d’autres mondes que ceux qui nous sont familiers. Héritier d’une riche tradition poétique familiale, Javed Akhtar réussit pourtant à trouver un mode d’expression dont le timbre frais […]
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Nous pensions avoir tout lu d’Épictète, tout connu de ses maximes si profitables à la conduite de nos vies, tout entendu de ses Entretiens, ravis par leur style percutant, n’ayant d’égal que les dialogues du grand Platon. Mais s’il est bien un sort partagé par bon nombre de philosophes antiques, et singulièrement les moralistes, c’est d’être, sinon tout bonnement passés dans l’oubli, du moins résumés au titre d’un seul de leurs livres, quand la loi du marché ne les a pas déjà condamnés pas au rayon des sciences occultes ou du développement personnel. Pour celui d’entre eux, Épictète, que l’on peut considérer […]
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Murakami Haruki, l’écrivain japonais le plus lu dans le monde, fêtera son soixante-cinquième anniversaire le 12 janvier 2014 (ndlr— l’original de cet article a été écrit le 4 janvier), deux jours après la parution de Die Pilgerjahre des farblosen Herrn Tazaki, la traduction en allemand judicieusement programmée de son dernier roman — Shikisai o motanai Tazaki Tsukuru to, kare no junrei no toshi (littéralement « Le sans couleur Tazaki Tsukuru et ses années de pèlerinage »), sorti au Japon en avril 2013. En Allemagne, le public et la presse attendent impatiemment cette œuvre depuis octobre 2013, où la date de sa sortie […]
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Le phénomène n’est plus tout à fait neuf, mais il n’en est pas moins inquiétant et me semble aller croissant, celui qui consiste à faire traduire en français des manuscrits encore inédits en anglais, et donc parfois très incomplets, ou encore imparfaits, au moment de leur traduction. Certains l’attribuent au phénomène Harry Potter, où les éditeurs français auraient été “doublés” par nombre de lecteurs français impatients de connaître la suite, qu’ils ont alors achetée en anglais puisqu’elle n’était pas encore disponible en français… Il se peut que ce soit cela, oui, ou bien, de plus en plus fréquemment, le désir […]
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Avec le Journal de Kafka, publié en France en 1954, Le Métier de vivre, publié en 1958, comptera pour la création et la réflexion littéraires françaises d’après- guerre comme un de ces grands témoignages d’écrivain où l’auteur semble sous-titrer l’expérience de sa création par les promesses de l’œuvre dont il autorisait une «écoute anonyme» (27 mai 1947). «L’infini littéraire» se nourrissait des grandes méditations douloureuses de l’écriture au jour le jour. Le journal, où se pensait l’œuvre, tendait vers l’œuvre, devenait œuvre, se faisait œuvre au cœur du flux des mots et l’on pouvait percevoir, derrière la litanie des plaintes, […]
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L’irruption d’une langue étrangère ou régionale, ou encore d’un parler spécifique qui tranche sur la langue classique, est un des cauchemars du traducteur – et celui qui traduit du russe se trouve ni plus, ni moins démuni que ses confrères. Je passerai rapidement sur le problème du « en français dans le texte », récurrent dans les romans du xixe siècle, ceux de Tolstoï en particulier. On parlait français dans les salons du grand monde et les milieux cultivés, et les nombreux passages de Guerre et Paix écrits en cette langue ne dérangeaient pas le lecteur. Quand au traducteur et à l’éditeur, le seul problème […]
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1 – Proust au garage Dès la première lecture de Mécanique, petit livre que François Bon, auteur jamais auparavant traduit en espagnol, publia en 2001, jʼai eu lʼimpression dʼavoir affaire à une sorte de « Proust au garage ». Mais ici, pas de madeleine à tremper : en récréant les territoires dʼenfance et adolescente, ce sont plutôt les mots eux mêmes qui, après la mort du père, opèrent autant de passages vers un temps retrouvé. Fils et petit-fils de mécaniciens, sa voix parcourt en mémoire le vieux village, la vieille maison familiale adossée au garage, à Saint-Michel-en-LʼHerm dans le marais poitevin, […]
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