Cet été, préférez ne pas !
N’hésitez pas : bartlebysez-vous sans tarder bien qu’aucune nouvelle traduction de Bartleby, le scribe ne pointe à l’horizon. Non que depuis 1853 les anciennes fussent défectueuses, datées ou insatisfaisantes (celle, historique, de Pierre Leyris a longtemps paru inégalable). Mais le chef d’oeuvre comique de Herman Melville est de ceux dont la restitution dans une autre langue est une sorte de sport et de loisir dont on ne se lasse pas. Ne fut-ce que pour une phrase, la plus célèbre, celle qui tient toute la nouvelle, sa formule alchimique dont on n’a pas fini de creuser l’énigme souterraine: « I would prefer not to », rendue selon les versions par « Je ne préfèrerais pas » ou « J’aimerais mieux pas » ou « Je préfèrerais ne pas ». Ad libitum. Si vous avez autre chose à proposer, ne vous gênez ou, nous ferons suivre à Melville. Borges traduisait par « Preferiría no hacerlo… ».
Tout se complique quand on sait que même en anglais, la forme est agrammaticale car il eut été plus correct, et tellement moins génial, d’écrire « I had rather not ». Tout cela pour faire l’apologie de la résistance passive, mutique, inerte et irrémédiablement désolée à travers l’un des personnages les plus inoubliables qui soient. Dans son éblouissante postface à la traduction de Michèle Causse (GF, 1989), Gilles Deleuze rappelle un mot de Proust selon lequel les beaux livres nous paraissent toujours écrits dans une sorte de langue étrangère. J’avoue un attachement particulier à la version de Jérôme Vidal parue en 2004 avec des illustrations de l’excellent Jean-Claude Götting, sous le titre Bartleby, une histoire de Wall street (78 pages, 13,50 euros) aux éditions Amsterdam, une jeune maison qui se veut « démocritique »et s’est placée dès ses débuts justement sous la protection de l’auteur de Moby Dick, ce qui est très bon signe.
Imagine-t-on un instant le nombre de lecteurs qui en ont fait leur emblème et une philosophie pour la vie, à commencer par l’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas ? Non sans l’adapter au passage au risque de susciter une nouvelle bataille d’Hernani dans la blogosphère, à la suite de Gilles Deleuze et Maurice Blanchot qui s’en mêlèrent autrefois. « Je préfèrerais ne pas » garde ses partisans de même que « J’aimerais mieux pas ».
Ce qui est intéressant, c’est aussi de retrouver l’ombre portée de Bartleby sur l’œuvre de nombre d’écrivains. Par exemple Le Pressentiment (Gallimard, 1935, Le Castor Astral, 1991) du regretté Emmanuel Bove. C’est l’histoire de Charles Benesteau, un type tombé d’une famille de grands bourgeois comme on tombe du cadre des portraits d’ancêtres. Il aimerait tant changer de contemporains ! Volontairement déclassé et marginal, étranger dans la ville, ce grand immobile s’est lui-même exclu de la société, et inquiète les siens qui le sont si peu ; il leur témoigne une indifférence sans haine et sans reproche pour mieux vivre sa vie en paix avec sa conscience dans un quartier populaire de Paris. Comme s’il flottait sur un coussin d’air, à son rythme, loin de toute préoccupation matérialiste. Il rompt avec son milieu comme on fuit chez Simenon. Avocat de profession, il n’exerce même plus, se contentant de donner des conseils aux voisins démunis. Melville n’est jamais cité mais il a tout de Bartleby : lui aussi aimerait mieux ne pas. Il rêvasse à en perdre conscience. En fait, il vit comme on doit vivre quand on a le pressentiment de sa mort. D’ailleurs, sa femme le considère comme un renonçant héritier des mystiques du XVIIIème siècle. On est dans sa tête en ne sachant même plus si on est dans le réel ou dans le rêve éveillé. Il est la subjectivité faite homme. C’est un errant à qui Paris sert de paysage pour être un peu mieux malheureux. En faire un misanthrope relève du contre-sens. Il possède une inépuisable réserve d’indulgence pour l’humanité. Comment s’en sort-on lorsqu’on on a conscience du caractère immaîtrisé de son existence ? On se veut non-concerné comme il y a des non-conformistes. En vérité, on se contente de circuler dans la vie comme sur la scène d’un théâtre. Voilà l’effet que cela fait aux autres que de vouloir vivre sa vie au jour le jour et écrire des poèmes destinés à n’être pas lus. Cela ne l’empêchera pas de se cogner à d’autres réalités dans un milieu aux antipodes du sien où il affrontera les mêmes mesquineries, jalousies et misères. De la gratitude et de la tendresse aussi, avec une adolescente et sa mère. Pour lui, au bout, c’est la même solitude.
Et M. Spitzweg, vous connaissez ? Il tire à petites bouffées bleues sur ses Ninas dans son deux-pièces de la rue Marcadet. Il en est resté à la France du commissaire Maigret. D’ailleurs, il lit ses enquêtes comme on déguste le fumet d’un boeuf bourguignon. Parfois, il pose son livre sous la lampe et se pose des questions existentielles bien en phase avec cette époque qui ne veut pas de lui : qu’est-ce qu’un bobo, au fond ? Ce n’est qu’un exemple. M. Spitzweg a beaucoup voyagé en lisant L’usage du monde de Nicolas Bouvier sur son banc du square Carpeaux. Il y a de pires guides pour se perdre. Il a ses habitudes : lire Le Parisien lui est agréable le matin au bistro, mais impensable le soir au restaurant. On le comprend. C’est à ce détail qu’on juge de la qualité d’un homme. Sa courtoisie, si rare dans les grandes villes, lui fait ressembler à ces petits bourgeois de Sempé qui soulèvent leur chapeau en croisant une dame. Après avoir longtemps été un intégriste du refus face à la tentation de l’ordinateur, il s’est mis lui aussi à bloguer, le soir. Il faut dire que le geste de refus lui est un réflexe spontané. Il a fait du sport mais y a renoncé : entre dix minutes de plaisir qui le rapprochent de la mort et quatre heures de souffrance qui le rapprochent de la santé, il a choisi. Les Ninas. N’allez pas le croire solitaire; il voit des gens, et même de vrais gens qui ont eux aussi des prénoms à la Sempé : Raoul, Roger, Denise, Marceline, et des noms assortis, Dumontier, la charcutière Mme Bornand, Lachaume. Quand il reçoit, il achète un torchon à carreaux pour faire la nappe. Vous vous souvenez de M. Hire, celui du roman, puis ceux du cinéma, Michel Simon et longtemps après Michel Blanc ? M. Spitzweg pourrait être un cousin de M. Hire, mais sans le tragique. J’allais oublier : M. Spitzweg connaît bien une phrase en anglais « »I’d prefer not to » » que son édition Folio traduit par « »Je préfèrerais pas » ». Il est vrai que, quand tant d’autres ont quelque chose en eux de Tennessee, il a quelque chose en lui de Bartleby. Normal, après tout, puisqu’il est le héros de Quelque chose en lui de Bartleby (Mercure de France, 2009), le très touchant et délicieusement léger roman de Philippe Delerm.
Si ce n’est sur l’œuvre elle-même, c’est sur la personne. Ainsi Jean-Philippe Toussaint n’est pas du genre à encombrer les tréteaux. D’abord, il n’est pas là, toujours ailleurs ; ensuite, il préférerait ne pas, à la Bartleby. Ses interwiews sont plutôt rares. Jonathan Littell aussi. L’auteur des Bienveillantes déclarait en 2007 :
« Bartleby le scribe est un livre qui me fascine. Un personnage qui ne cesse de dire qu’il préfèrerait ne pas d’une certaine manière, c’est l’attitude qui fut la mienne vis à vis du Goncourt, qui s’est fait sans moi. »
Alors, qu’en penser au juste ? Philippe Jaworski, éditeur et traducteur du quatrième et dernier volume de l’œuvre romanesque de Melville dans La Pléiade, y était revenu en détail, bien conscient que négliger un tel débat, aussi fondamental qu’interminable, lui eut valu des ennuis auprès de la secte. « Je ne préfèrerais pas » : ainsi traduit-il la devise, refrain et ritournelle de celui qui refuse d’accomplir tout travail, se fait un rempart de sa non-action catégorique et installe son oisiveté dans un coin de l’étude de son employeur, l’avoué qui n’en peut mais.
Au fond, tout dépend comme on l’entend. Dans leur majorité, les auditeurs de Daniel Pennac l’entendaient pour la première fois. Ceux qui se sont pressés à travers la France à sa lecture-spectacle de la nouvelle, y ont été davantage pour lui que pour Bartleby qu’ils ne connaissaient pas. Le romancier a découvert le texte dans la traduction « avec négation » de Pierre Leyris qui fait autorité depuis les années 50 ; mais lorsqu’il en a lu la version révisée plus tard « sans négation », il l’a adoptée :
« Je préfèrerais pas » »… La négation arrive après la préférence, moyennant quoi Bartleby rend cinglé son entourage. Ce n’est pas que cela sonne mieux mais c’est plus proche de l’original » remarquait-il en rappelant qu’au fur et à mesure, le verbe varie du conditionnel à l’indicatif. « Au début, les spectateurs rient ; puis ils s’aperçoivent que c’est une monade close sur elle-même et ne rient plus ; alors l’anxiété les gagne jusqu’à les faire compatir au désespoir de l’avoué ».
De cette expérience, il est sorti melvillisé. Découvrant avec bonheur Le livre de l’intranquillité de Pessoa, Pennac se disait alors convaincu d’y avoir lu le journal intime de Bartleby. Par quel mystère ? Telle est la réponse, eut dit Woody Allen. Ni l’un ni l’autre, eut ajouté Cioran. Je préfèrerais ne pas, eut précisé Bartleby. Mais c’est naître qu’il aurait pas fallu ! eut tranché Céline.
(Photos de Nicolas Bouvier alias Sparth)
1 467 Réponses pour Cet été, préférez ne pas !
renato, oui bien sûr, l’aspect transcendance qui ne se préoccupe pas du temps, de l’histoire et des époques, une beauté éternelle…
une peinture rupestre c’est beau, un tableau de Bruegel c’est beau, un table de Monet c’est beau, un tableau de Klein ou de Soulages c’est beau aussi.
mais vous aurez remarqué que cette beauté fonctionne dans un sens et pas dans l’autre.
nous trouvons belles les peintures préhistoriques mais je ne sais si Soulages aurait vendu beaucoup de ses tableaux à la Renaissance ?
nous trouvons beaux les chants grégoriens, mais si une pièce de John Cage ou de Boulez aurait été bien accueillie au 19è s. ?
et pourtant les étoiles sont toujours les mêmes dans le ciel et le coucher de soleil aussi.
on ne va quand même pas faire un cours de philo sur l’histoire de l’art sur Mr i would prefer not to ?
« J’ai eu l’audace d’écrire ici même que certaines œuvres contemporaines purement intellectuelles, telles que les monochromes noirs de Soulages, qu’on nous somme d’adorer parce qu’il «est l’artiste français le plus cher au monde (sic!)», ne répondent à aucun des critères qui constituent à mes yeux une œuvre d’art authentique: ni vision du monde, ni sens, ni beauté, ni géniale innovation.
Malgré les discours obscurs et pompeux qui les entourent d’ordinaire, ils m’apparaissent comme de simples marchandises portées par une triple logique: celle du snobisme, appuyée par la puissance mercantile du marché et les aberrations de l’État culturel. Comme j’ai argumenté, tant sur un plan historique que philosophique, en évoquant l’histoire de la bohème, mais aussi la logique capitaliste de «l’innovation destructrice» dont l’art contemporain est trop souvent le reflet servile – ce qui explique l’engouement qu’il suscite dans l’univers de la finance -, ça n’a pas plu à tout le monde. Je m’y attendais. J’ai vu paraître ici ou là, comme dans Art, la pièce de Yasmina Reza, les rituelles réponses «indignées».
Parmi d’autres, celle que M. Cerutti a publiée dans Le Figaro de la semaine dernière. Lui ne cherche pas à argumenter, mais, PDG de Sotheby’s, il protège des intérêts, défend le dogme. C’est sa fonction. En théologie, on parle de «gardiens du temple», dans la Mafia, de «porte-flingues», et sous Mao, de «gardes rouge». Je ne suis ni vendeur, ni collectionneur, je n’ai aucun intérêt dans l’affaire, juste une passion pour l’art et les idées, mais j’ai bien connu ça quand j’ai publié, en l985, La Pensée 68, un livre qui tordait déjà le cou à un certain nombre d’impostures intellectuelles nées autour du joyeux mois de Mai. Parmi les flèches que M. Cerutti décoche, croyant me clouer le bec, il me traite de «fumiste», ignorant manifestement tout de la signification élogieuse qu’avait ce terme au XIXe siècle, dans la jeunesse bohème et romantique à laquelle j’ai consacré un livre. Faisant semblant de s’y connaître, il ose affirmer que les monochromes de Klein, Malevitch ou Soulages ne doivent rien à ceux de Paul Bilhaud et Alphonse Allais. Que d’ignorance!
La vérité, c’est que les premiers artistes bohèmes ont inventé pratiquement toutes les prétendues «innovations» que l’intellectualisme contemporain va répéter ad nauseam, de Duchamp à Lavier en passant par Cage ou Soulages: les monochromes, bien sûr, mais aussi les concerts de silence, les ready-made, les happenings, l’art conceptuel, l’abstraction. Simplement, pour le savoir, il ne suffit pas d’acheter et de vendre, il faut aussi lire quelques ouvrages anciens, se plonger dans Théophile Gautier, Pétrus Borel et Nerval, aller voir du côté des «frénétiques» et des «fumistes», d’Aloysius Bertrand, Arsène Houssaye, Émile Goudeau ou Jules Lévy.
Il est vrai que pour bêler d’admiration devant un tableau noir, tout cela est fort inutile. Dommage, car on y apprend mille choses passionnantes sur le sens et la naissance du modernisme. Chez les fumistes, justement, dont le nom du groupe est déjà en lui-même plein de significations. À l’époque, il désigne d’abord les ramoneurs, des ouvriers noirs de crasse. Pourquoi cette référence? Parce qu’on voit au premier coup d’œil qu’ils ne sont pas des bourgeois et que la bohème naissante, encore pleine de charme et d’allégresse, déteste le conformisme et l’argent roi – justement ce qui fait maintenant la prospérité d’une large part de l’art contemporain. De là «l’humour fumiste», qui s’alimente aussi à la «fumette», à ces paradis artificiels que décrit Gautier dans un livre que M. Cerutti n’a d’évidence pas lu non plus, Le Club des hachichins. «La vraie vie est ailleurs», et le comique, ici, n’a rien de superficiel. C’est par lui que la bohème romantique entend réenchanter le monde, le rendre joyeux, léger, amoureux, bref, tout le contraire des laïus pesants qui accompagnent les ready-made et monochromes d’aujourd’hui, avec leurs allusions pataudes «à la naissance et à la mort», à Heidegger ou au bouddhisme dont ils ne retiennent guère que l’appel à une abyssale vacuité.
De là ma question: comment ce qui était à la fois drôle et profond a-t-il pu donner lieu à des imitations aussi sinistres? Face aux prétendues «réponses» des gardes rouges dont l’inculture historique et philosophique est l’arme principale, mon attitude est simple: bien faire et laisser dire. J’écris et continuerai d’écrire ce que je tiens pour vrai. J’ajoute que, l’âge venant, je suis de plus en plus sensible aux vertus du pluralisme. M. Cerutti me tient pour un parfait crétin? C’est son droit le plus absolu! Je m’en remettrai. À vrai dire d’autant plus aisément que j’ai reçu pour mes chroniques sur l’art contemporain davantage de félicitations enthousiastes émanant d’artistes et d’intellectuels dont le jugement m’importe que je n’en avais reçu pour aucune autre. Comme quoi certaines vérités font parfois du bien à tout le monde. Ou presque… »
Luc Ferry
pour aimer à la fois les peintures rupestres, les tableaux de Bruegel, de Monet, de Soulages et de Klein il faut avoir les idées très larges.
l’homme moderne est un homme qui a appris à élargir ses idées.
du coup, si ça se trouve, nous serions peut-être même capables d’aimer ce qui se fera dans cent ans, ce dont n’étaient pas capables nos prédécesseurs d’il y a cent ans.
et pourtant les étoiles n’ont pas changé de place.
et la seule chose que nous n’avons pas apprise est de nous émanciper de nos croyances.
étonnant de voir cohabiter chez le même individu une largeur d’esprit et une émancipation impossible.
de fait nous serions parvenus à une demie modernité, mais l’histoire n’est pas encore finie.
Ferry a raison sur le fait qu’actuellement l’argent est en train de porter un coup très dur à l’art (encore que Ferry Boat ne soit pas le mieux placé pour parler de pognon).
mesdames messieurs vous allez assister à un combat de géants : à ma droite le pognon, à ma gauche l’art, qui de ces deux immenses champions remportera le match ?
allez-y ! faites vos pronostics sur le site de jeux en ligne passou.com !
Des images époustouflantes (comme dirait Roberto Benigni) pour accompagner une belle musique étrange:
Vangelis – Ask the mountains
je savais que Ferry était très bas de plafond, mais je n’imaginais pas qu’il était à ce point.
quand je pense qu’il est embauché pour faire des croisières philosophiques, mais des croisières d’exceptions !
et puis Ferry c’est un nom prédestiné pour les croisières.
ce qui est marrant c’est de le voir reprocher aux spéculateurs de faire à l’art ce qui lui fait à la philo pour le pognon : il la prostitue, il joue le rôle du maque et la philo est sa petite pute qui tous les soirs lui rapporte le pognon qu’elle a gagne en se faisant culbuter, bonjour la transcendance !
https://www.croisieres-exception.fr/intervenants/44-luc-ferry
en parlant d’images époustouflantes pour accompagner une belle musique il faut bien regarder à 1 mn dans l’arrière plan, c’est magnifique !
(arrêtez la vidéo à 1mn si vous ne voyez pas bien)
« Vangelis – Ask the mountains »
les montagnes sont belles, mais la musique est très très nulle, elle gâche le paysage, limite il faut regarder les images en coupant le son : mélange des genres insupportables pour l’esprit…
mon Dieu quelle misère.
Luc Ferry ?
Ah oui !
Celui qui est à la philosophie, à l’art et à la politique ce que Marc Lévy est à la littérature,
un guide pour les lecteurs du Figaro.
Même Raffarin n’en voulait plus.
« Monochrome » de Soulages, rien que d’oser l’écrire vous catalogue.
T’as déjà vu un Soulages pablito ?
l’extrait d’un autre sketch, le premier sketch, du début :
»
Samuel est dans sa voiture, il écoute la radio, comme d’habitude, France Culture, comme d’habitude, un écrivain parle, il est interviewé, une émission littéraire, comme d’habitude. Il parle de son livre, bien sûr, Samuel tend l’oreille, il aime écouter les auteurs parler de leurs livres, même s’il ne les lit jamais quand il s’agit de romans, il aime les écouter en parler, parfois il ressent de l’intérêt, un certain intérêt, le plus souvent un intérêt incertain. Cette fois c’est différent, il est captivé, la voix de l’auteur, une voix douce et posée, posée mais hésitante, il recherche ses mots, revient en arrière, se corrige, s’excuse d’être confus.
Son livre, un livre de critique, dit l’auteur, plutôt un livre critique, rectifie-t-il, la critique d’un roman, en vérité pas vraiment un roman, corrige-t-il, plutôt un essai, non, pour être tout à fait exact un roman-essai. Il cite l’auteur de l’objet de sa critique, Musil, Robert Musil, Samuel ne connaît pas, il a croisé ce nom, bien sûr, plus d’une fois, dans ses livres de critique littéraire, sans plus, il le connaît mal, juste de réputation, une réputation d’écrivain complexe, il conserve juste ce souvenir, d’écrivain trop compliqué, dense et compliqué.
Un autre souvenir lui vient au sujet de cet auteur, une phrase, un personnage sans caractères ne peut pas faire un bon personnage de roman, dit cette phrase, qui dit cette phrase qui lui revient, se demande-t-il, sans doute est-elle dite autrement, il ne s’en souvient plus exactement, où ai-je bien pu lire cette phrase, se demande-t-il, Blanchot peut-être, il n’en est pas sûr, dans un livre de critique littéraire c’est sûr, mais lequel, ça ne l’a pas marqué sur le moment.
Un personnage sans caractères ne fait peut-être pas un bon personnage de roman, en revanche, il peut faire un excellent personnage de roman-essai, se dit Samuel pour aller dans le sens de l’auteur qu’il est en train d’écouter. Un roman-essai, ce n’est pas courant les romans essais, se dit-il, il doit faire des recherches approfondies sur cette question, se renseigner au plus vite.
L’auteur poursuit ses explications, il s’embrouille, se mélange, son propos est confus. Il faut que je m’arrête de conduire, se dit Samuel, trouver une aire de repos, m’arrêter au plus vite, pour prendre des notes.
D’habitude Samuel télécharge ces émissions, il les podcaste, il télécharge des podcasts, pour les réécouter plus tard. Samuel a déjà téléchargé une infinité de podcasts, il les a dans son téléphone mobile, pour les écouter quand il n’est pas chez lui, et aussi sur son ordinateur portable, pour les écouter chez lui, sauf quand il emporte son ordinateur portable avec lui, dans ce cas il préfère les écouter sur son ordinateur portable, sauf quand il conduit. Samuel tient une liste précise, pour ne pas se perdre dans tous ces enregistrements, il note la date, et l’heure, et les noms, il classifie, les range, par catégorie.
Avant, quand les podcasts n’existaient pas encore, les choses étaient plus compliquées pour Samuel, maintenant c’est différent, les podcasts lui rendent la vie plus facile. Là aussi, bien sûr, cette émission il la téléchargera pour la réécouter plus tard, prendre des notes, bien sûr, mais cela ne l’empêche pas de s’arrêter, tout de suite, au plus vite, pour prendre des notes maintenant. Samuel a un petit cahier dans sa voiture, à cet usage, avec un stylo, toujours sous la main, pour ne pas laisser passer une occasion, même s’il réécoute ensuite les émissions, plus tard, en les podcastant, le direct c’est différent, même s’il recopie ses notes au propre, sur des fiches qu’ensuite il range, il les met ensuite dans des classeurs.
Samuel trouve enfin une aire, il coupe le moteur et prend son cahier. Il se souvient parfaitement de ce moment, tout lui revient maintenant, là, devant le stand du bouquiniste, le ciel bleu, le marcel bleu ciel de ce camionneur remplissant un bidon d’eau, le couple de personnes âgées, sans doute des retraités, ils déjeunent, assis sur des chaises pliantes, devant eux une table pliante, des tomates, du pain, du jambon, une bouteille d’eau minérale, derrière eux une vache les regarde en oscillant la tête, une charolaise toute blanche, comme toutes les charolaises, une charolaise d’une autre couleur ne s’appelle pas une charolaise, elle porte un autre nom, Samuel se souvient parfaitement de cette charolaise.
(…)
Samuel note avec minutie, précision, assiduité, comme un bon élève. Son écriture est ample, ronde, comme l’écriture des filles, c’est important de bien écrire, une écriture claire est la marque d’un esprit clair, il doit pouvoir se relire, pour ensuite recopier ses notes sur une feuille, les taper sur son ordinateur portable, proprement, ensuite il imprime la feuille, puis la perfore, ensuite il la range dans un classeur, à la bonne place, une place correspondant à l’auteur, classé par ordre alphabétique, une place correspondant à son livre, aux arguments pour, aux arguments contre, les arguments il les résume ensuite, sur une feuille, placée au début, coupée en deux par un long trait, tracé à la règle, sur toute la longueur pour faire apparaître deux colonnes, en haut, au centre de la colonne de gauche est écrit le mot POUR, en lettres majuscules, en haut à droite est écrit le mot CONTRE. (…) Sinon, à d’autres moments, pour son travail, ou chez lui, son écriture est différente, moins appliquée, plus resserrée et nerveuse, lui-même a souvent du mal pour se relire, ce n’est pas grave, ces notes ne concernent pas les livres, il n’a pas besoin de les recopier ensuite sur les feuilles, rangées, dans ses classeurs.
L’auteur parle d’un homme mathématique, il s’agit du personnage principal du roman, du roman qui n’est pas vraiment un roman mais plutôt un essai, un roman-essai, précise-t-il à nouveau, l’histoire d’un homme sans convictions évoluant dans un monde où s’accumulent des convictions de toutes sortes, des multitudes de convictions possibles et imaginables. L’homme mathématique est justement un homme du possible, ajoute-t-il toujours au sujet du personnage, improbable mais du possible, l’homme du possible est un homme éventuel orienté vers l’avenir, c’est un homme d’avenir, alors que l’homme du probable est un homme du passé. L’auteur fait la distinction entre l’homme du possible et l’homme du probable, c’est la même chose, dit-il, qu’entre le possible et le probable, il assure qu’il reviendra plus tard sur ce point important.
Samuel dresse l’oreille, cette affaire l’intéresse au plus haut point, il veut en savoir plus, il ne sait pas d’où vient cet intérêt si particulier, du moins il pense ne pas le savoir, sans doute cet intérêt si particulier lui vient de ses classeurs, se dit-il, les colonnes, le POUR, le CONTRE, tout ce qui lui permet de les remplir, les émissions radiophoniques bien sûr, quand les auteurs parlent eux-mêmes de leurs livres, mais le reste aussi, les rubriques littéraires des journaux, les magazines littéraires, les livres de critique littéraire, partout où il trouve des avis critiques, des avis de critiques, sur internet aussi, les forums littéraires, et aussi un blog littéraire sur lequel il se rend souvent, Samuel participe aux discussions, il signe ses commentaires Samuel, c’est son pseudonyme, aussi son prénom, Samuel signe de son prénom ses commentaires, les autres ont des pseudonymes sans rapport avec leur prénom, mais en rapport avec des romans, ou des auteurs, ils signent leurs commentaires Vladimir, Ophélie, Virginia et autres. Quand la discussion porte sur un auteur figurant dans un de ses classeurs où les auteurs sont classés par ordre alphabétique, ou sur un roman figurant dans un de ses classeurs, à la rubrique de l’auteur correspondant, Samuel va chercher le classeur où se trouve l’auteur, ou le roman, choisit une colonne, POUR ou CONTRE, c’est selon, et participe, lui aussi, à la discussion. Samuel se demande en écoutant l’auteur parler de son livre si lui-même n’est pas aussi un homme sans grandes convictions.
L’auteur essaie de définir l’homme mathématique, il évoque la différence entre la précision et l’exactitude, Samuel fronce les sourcils mais continue de noter avec précision, il n’est pas sûr de bien comprendre, pourtant, se dit-il, il est habitué à ce genre d’émission sur France Culture.
L’auteur prend l’exemple d’une cible, je tire, dit-il, dix fois sur la cible avec une carabine, il ne précise pas le modèle, Samuel relève ce détail, même s’il n’y connaît rien en matière de tir à la carabine, cela n’a sans doute pas grand intérêt en l’occurrence, pense-t-il, mais il note tout ça avec exactitude en se disant qu’il aurait sans doute préféré un arc à une carabine, un arc c’est plus noble, une carabine laisse des trous, un arc laisse des flèches, les flèches regroupées sur une cible ressemblent à un bouquet de fleurs, un bouquet de flèches.
L’auteur précise : si mes dix impacts sont rapprochés mais loin du centre de la cible, mes tirs sont précis, mais ils ne sont pas exacts, si un seul de mes dix impacts touche le centre il est exact, mais il n’est pas précis, si mes dix impacts de balles touchent le centre ils sont à la fois exacts et précis. Samuel commence à perdre le fil en imaginant ses bouquets de flèches à la place des trous d’impact, mais il continue d’écrire méthodiquement.
Si maintenant, se demande l’auteur, nous remplaçons les impacts de balle par nos pensées ou nos idées et la cible par nos sentiments qu’en est-il de l’exactitude et de la précision de nos pensées, ou de nos idées, vis-à-vis de nos sentiments.
Samuel se sent gagner par un sentiment de désespoir, il n’est pas sûr de comprendre de quoi il s’agit, il préfère ses classeurs à cette cible. Samuel se sent encore plus perdu lorsque l’auteur ajoute : de nos sentiments ou du monde qui nous entoure, je veux dire de la société, de ce que nous pouvons en dire.
L’auteur s’interrompt un moment. Il nous est parfois si difficile de savoir par quel bout nous devons prendre les choses, dit-il, nous sentons bien que la réalité nous échappe, comment être sûr d’être débarrassé de toutes formes de préjugés pour aborder cette réalité ?
Samuel est bien d’accord sur ce point, il note la phrase. Lorsque nous essayons de la saisir, poursuit l’auteur, elle nous glisse entre les doigts. Samuel perçoit comme une plainte dans cette voix, ou bien de la mélancolie, cet homme a dû traverser des épreuves terribles, douloureuses, se dit-il, cette douleur s’entend.
Samuel entend alors l’auteur partir d’un éclat de rire, il souhaite s’expliquer sur le centre de la cible, là où, dit-il, il est possible de dire que les impacts sont exacts. Samuel sursaute en entendant rire l’auteur du livre. Nous pouvons considérer le centre de la cible comme une image de la vérité, explique l’auteur, l’exactitude correspond alors à la justesse, à condition, bien sûr, de placer la vérité à cet endroit.
Bien sûr, se répète Samuel dans sa tête, même si à cet instant il ne se sent plus sûr de rien. L’idéal, répète l’auteur, serait bien sûr de placer la vérité au centre de notre cible. Bien sûr, se répète Samuel. Mais rien ne dit que cette vérité ne se trouve pas ailleurs sur cette cible, dit-il soudain, faisant à nouveau sursauter Samuel. Dans ce cas, dit l’auteur, nos impacts seraient exacts sans être justes. L’auteur redevient sérieux, l’affaire semble importante se dit Samuel.
L’auteur poursuit sur l’élasticité de nos catégories de jugement, de leur aspect approximatif. L’homme d’hier était un homme total, dit-il, vivant dans un monde total, son seul objectif était de toucher le centre de la cible, l’homme d’aujourd’hui est plus incertain, aléatoire, un homme ballotté par les mouvements du monde, sa cible n’est plus constituée par un ensemble de cercles concentriques avec un objectif situé au centre mais plutôt par des multitudes de cercles se chevauchant les uns les autres, et composant une multitude de centres. Toutefois, précise-t-il, il ne faut pas parler de relativisme. Samuel se sent rassuré, il ne sait pas pourquoi mais, à cet instant, lui-non plus, l’idée de parler de relativisme ne l’emballe pas.
Après tout, dit l’auteur, nous ne pouvons juger nos expériences présentes qu’en fonction de nos expériences passées, d’une histoire ancienne, il ne faut pas perdre de vue que cet homme mathématique, cet homme exact sans caractères et sans convictions, cet homme sans qualités, est là avant tout pour nous mettre en garde contre toute forme de défaitisme et de nostalgie, car si nous disons c’était mieux avant, ce n’est que parce que nous croyons bien connaître le passé, alors que, poursuit-il, si nous acceptons si mal le présent, c’est parce que nous ne le connaissons pas encore, nous n’avons pas assez de recul pour bien le connaître. D’où, dit-il, la difficulté, au temps présent, voire l’impossibilité, au temps présent, de placer la vérité, sur la cible, nous ne pouvons que dessiner des cercles, et conclure que nos tirs de carabine sont précis et exacts, sans jamais être en mesure de dire, au temps présent, s’ils sont justes.
Samuel continue de noter avec application, mais il sent le désespoir le gagner. Cette histoire de cible et de carabine, cette histoire de précision et d’exactitude, de possible et de probable, tous ces cercles concentriques qui se chevauchent lui donne le vertige, Samuel préfère de loin ses classeurs, avec ses colonnes, POUR, CONTRE. Son écriture devient moins ronde, les lettres sont à présent plus étriquées, Samuel s’en rend compte, il essaie d’arrondir ses lettres, leur redonner de l’ampleur, mais il se rend compte qu’il en est incapable.
«
19h04
Balancer du sirop sur la montagne,
c’est dégueulasse.
Il y a trois jours, elle connaissait des Bartleby.
Clopine dit: 1 août 2019 à 20 h 50 min
Les Bartleby de ma connaissance sont des jeunes gens, tous de moins de 25 ans, et qui ont une attitude tellement passive vis-à-vis de leur avenir voire de la vie en général qu’on croirait entendre des pré-retraités, en fait. Et ils préfèrent ne pas s’engager du tout dans quoi que ce soit.J’en connais un, précisément, qui passe encore une semaine chez Maman, une semaine chez Papa, à plus de vingt trois ans…Commment peut-on réveiller un Bartleby ? That is the question !
Aujourd’hui, elle n’en connait plus.
Clopine dit: 4 août 2019 à 11 h 59 min
Bartleby est beaucoup plus rare, à cause de sa fin tragique… Personnellement, je connais quelques jeunes gens dont la passivité surprenante est à inscrire, à mon sens, dans le désenchantement généralisé de l’espèce humaine vis-à-vis d’elle-même. Mais aucun d’entre eux n’irait jusque là où va Bartleby.
On voit la cohérence intellectuelle de la Bavassa Tréponema von Brayono.
Un troll?
« Mais si une pièce de Cage ou Boulez aurait été bien accueillie au XIXème siècle ». Hamlet.
jules Verne, dans son uchronie amienoise, évoque une « Reverie en la mineur sur le carré de l’Hypoténuse ». Ce n’est pas un compliment.
Des phrase très acerbes aussi, dans l’Ile à Hélice, sur les Peintres Impressionnistes dont il n’a manifestement vu aucun tableau…
Le fait que ça ne fonctionne que dans un sens ne signifie pas que ce sens soit toujours le meme. La réflexion de Malraux sur le Musée imaginaire vise à inclure ce qui a été rejeté par les autres époques.
Mieux vaut lire la thèse sur La Bohème parue chez Gallimard que le livre de Ferry (un catalogue, me semble-t-il?)
Non, Clopine, ce n’est pas parce que Bartle- by est très rare qu’il n’est qu’une idée.
Curieux que personne ne se dévoue pour montrer que le personnage ne fonctionne qu’en fonction du regard de l’avoué, qui lui-même, est l’objet des flèches de Melville. A cet homme vaniteux (il « tient à l’estime de Mr John Astor »), puissant, s’oppose le grain de sable de l’inertie. Et la nouvelle enregistre ce heurt. La fixation sur la fameuse phrase a en effet ses limites.
Je l’ai racheté en Folio, trad. Pierre Leyris. Je donnerai mon avis quand je l’aurai relu au moins deux fois.
Sur le blog de Paul Jorion, une analyse méticuleuse, maniaque, presque sadique du texte de Bartleby, avec des références à Blanchot et à Kafka, mais pas vraiment de conclusion révolutionnaire : on débouche sur le néant. L’auteur aurait gagné à prendre plus de recul :
Le dimanche soir incite aux grandes interrogations.Par exemple.Après avoir déposé des commentaires ce matin, entre 7h04 et 8h18, Marie Sasseur s’est tue, ce dimanche. Je suis un peu inquiet, car Marie Sasseur a des phrases qui grandissent, dont nous avons besoin, belles comme un message interstellaire, genre :» Alors se bartlebyser est une drôle de chose, qui a comme corollaire, cette intransigeance de se penser infaillible. » On sent qu’en venant sur la RDL, elle assouvit quelque chose de capital, d’essentiel pour sa vie..Impression qu’elle avance,aventurière, sur un trottoir, traquée par le néant, ce qui la rend passionnante, mais la raison? Pour qui? comment?Ce silence du dimanche après 8h18? Là encore, trou noir. Quelqu’un a une hypothèse ? elle écrit parfois de manière péremptoire non pas pour s’exprimer,mais pour se cacher.
The girl from Tréponéma…
Hurkhurkhurk!
The solitude of ravens
https://partialboner.tumblr.com/post/186768296614/acardinalisred-masahisa-fukase-the-solitude-of
Pas du tout Paul Edel, vos efforts sont remarquables, mais à côté de la plaque. La réalité est que j’ai passé une journée très agréable. Mon seul souci est de trouver de l’alcool pur pour préparer du génépi, et en Italie je sais pouvoir en trouver bientôt.
Pour le reste, ask the mountains, c’est drôle et c’est exactement ce morceau auquel j’ai pensé il y a 3 jours, et que je pensais mettre en lien , pour vous souhaiter de bonnes, a vous qui l’êtes h24 sur le reseau.
Saluons la naissance d’un cacographe, qui vous tient éveillés, et dont le seul mérite est peut-être un talent de dactylo, de pianiste, si vous préférez.
A très bientôt…
De bonnes vacances.
Très belle lecture du jour à la messe de ce dimanche. Le curé a fait un sermon ad hoc. Une bonne cérémonie, qui remet les idées à l’endroit, et que Bartleby aurait apprécié :
___________________________
Vanité des vanités, disait Qohèleth.
Vanité des vanités, tout est vanité !
Un homme s’est donné de la peine ;
il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi.
Et voilà qu’il doit laisser son bien
à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine.
Cela aussi n’est que vanité,
c’est un grand mal !
En effet, que reste-t-il à l’homme
de toute la peine et de tous les calculs
pour lesquels il se fatigue sous le soleil ?
Tous ses jours sont autant de souffrances,
ses occupations sont autant de tourments :
même la nuit, son cœur n’a pas de repos.
Cela aussi n’est que vanité.
Marie Sasseur,Vous êtes sur le versant italien des Alpes? pas loin de chez Renato?
Maderna :
MC « La réflexion de Malraux sur le Musée imaginaire vise à inclure ce qui a été rejeté par les autres époques. »
non, pour moi c’est toujours le même sens : à savoir une époque « actuelle » capable de recevoir ce que les époques antérieures « ont » ou « auraient » rejeté.
dans tous les cas c’est le temps présent qui s’en sort à bon compte du fait de sa « largeur d’esprit ».
Latour avait écrit un bouquin « nous n’avons jamais été modernes » dans lequel il plaçait l’émancipation au cœur du projet moderne. il a oublié une autre dimension de la modernité : le fait d’apprendre à avoir les idées larges, trop larges diraient certains ? cela n’a bien sûr rien à voir avec la tolérance ou le relativisme pragmatique.
je ne vois pas ce que nous pourrions rejeter dans l’art ? (en dehors des aspects liés au politiquement correct et à la défense des droits de l’homme).
Les grévistes irlandais, des terroristes?
Ils sont morts parce que la mère Tatscher n’avait pas levé son doigt de fer pour engager des négociations.
—
Peut-être faudrait-il préciser de négociations il s’agit. Peut-être faut-il éviter de traiter d’un sujet aussi lourd de façon si lapidaire. Ceux que l’Irlande du Nord n’intéressent pas peuvent snobber ce qui suit. Chacun son truc.
Les dix grévistes de la faim de mars-octobre 1981 demandaient à bénéficier de nouveau du ‘special category status’, statut spécial accordé en 1972 aux détenus impliqués dans les ‘Troubles’ par le gouvernement conservateur & supprimé 4 ans plus tard par les Travaillistes. Ce statut faisaient des volontaires de l’IRA & de l’INLA (républicains), ainsi que ceux de l’UDA, UVF, UFF & Red Hand Commandoes (loyalistes) des prisonniers politiques & non de droit commun ayant le porter leurs vêtements et d’être dispensés de travail.
Kieran Nugent fut le premier à protester contre la suppression du statut et refusa de porter l’uniforme de détenu & de travailler lançant le ‘blanket protest’ (grève de l’uniforme), qui fut suivie par la grève de l’hygiène (dirty protest) et enfin la grève de la faim de 1981.
La faim est une dimension essentielle de l’expérience irlandaise: comme tous les peuples paysans, les Irlandais ont connu diverses famines, mais aucune aussi tragique que celle de 1845-49, An Gorta Mor, la Grande Famine, qui fit un million de morts dans un pays qui en comptait officiellement 8 en 1841 et 6,5 dix ans plus tard. De fléau, la faim fut retournée en arme politique en 1917, lorsque Thomas Ashe, qui participa à l’insurrection de 1916, refusa de s’alimenter pour réclamer le statut de prisonnier politique (déjà) et mourut lorsqu’on le força à s’alimenter (traitement appliqué aux suffragettes anglaises avant la guerre). En 1920, arrêté pendant la Guerre d’indépendance contre la GB, le maire de Cork, Terence MacSwiney mourut après 74 jours de jeûne à la prison de Brixton (son prédécesseur, Thomas MacCurtain avait été tué par la police royale irlandaise). Plus tard, trois membres de l’IRA choisirent de mourir de faim, Seán McCaughey en 1946 , Michael Gaughan en 1974 et Frank Stagg en 1976. La grève de la faim de mars-octobre 1981 est unique en ce qu’elle vient après d’autres formes de résistance et qu’elle implique 10 jeunes hommes. La grève s’arrêta suite à l’intervention des familles des prisonniers qui s’étaient portés volontaires après qu’une première négociation entre Gerry Adams et les grévistes avaient échouée. Ceux qui ont renoncé à la poursuite de la grève ne l’ont firent pas de gaité de coeur, car ils eurent le sentiment de trahir leurs camarades.
Cette grève fut un tournant dans le conflit. Elle fit du Sinn Fein (dont Bobby Sands, puis Kieran Doherty furent brièvement députés), l’aile politique de l’IRA, un parti crédible politiquement, elle aboutit 4 ans plus tard aux accords de Hillsborough qui donnèrent un droit de regard à Dublin sur les affaires du Nord, et préparèrent ainsi le terrain pour l’accord de Belfast de 1998. Elle fit aussi de Gerry Adams & Martin McGuinness des interlocuteurs privilégiés des négociations secrètes qui eurent lieu entre les Républicains et le gouvernement britannique et certains groupes loyalistes.
On peut voir dans ces hommes des terroristes. Ils ont effectivement eu recours à la violence armée. L’IRA avait coutume de se distinguer des groupes paramilitaires protestants en ce qu’elle s’attaquait prioritairement à des cibles militaires. Le plastiquage des pubs britanniques (1974) et l’attentat d’Omagh en 1988 contredisent radicalement ce moralisme déclaré. Ils appartenaient à une organisation (2 en fait, avaiec l’INLA) dont certains membres avaient tués des civils innocents, mais ce n’était pas leur cas. A part Francis Hughes, coupable du meurtre d’un soldat britannique, tous furent condamnés pour possession d’armes ou d’explosifs.
Des terroristes au sens que les Allemands donnaient au terme, certainement…
Thatcher s’est vengée, elle a vengé les morts civils et les soldats tués en Irlande du Nord. Horreur des guerres.
bé je ne vois pas de contradiction dans mes propos, je connais quelques Bartleby « au petit pied », n’allant pas jusqu’où va le héros de Melville. Quand vous dites de quelqu’un « c’est un Tartuffe », vous ne l’accusez pas de vouloir séduire une épouse, en plus ?
Bartleby est donc un générique, dans le sens où je l’employais. Mais en réalité, il n’existe pas de Bartleby. Ce n’est pas un personnage réaliste, c’est surtout cela que je voulais dire.
en musique un type comme John Cage a repoussé les limites tellement loin que je ne vois pas ce qu’on pourrait aller plus loin.
son 4mn33 de silence a été « joué » par le Philharmonique de Londres ! je veux bien que les anglais aient l’esprit pop mais quand même.
c’est génial et important qu’il l’ait fait, au centre de la question artistique on ne peut pas évacuer le problème de la norme et de la limite, et Cage a repoussé les limites, à leur maximum ? peut-être pas.
Je crains que tu confondes les Bartleby et les Tanguy, Clopine !
Bartleby est un faux passif qui se révèle particulièrement actif.
Un petit grain de sable, en effet MC, qui en disant non, risque de perturber sérieusement l’ordre social des financiers de Manhattan. Malgré la bonne volonté du narrateur, il sera éliminé.
Car non seulement Bartleby ne veut plus travailler mais il ne veut plus bouger non plus.
Inerte et immobile !
Comme les sitting contre la guerre du Viet Nam ?
Tentative de meurtre à la Tate Modern ?
« Les grévistes irlandais, des terroristes ? »
La bonne question aurait été : « Terroriste, Bartleby ? », Bloom !
Hommage à Alexis Philonenko
Éteint le regard bleu, rieur à travers les volutes des Boyards ou des Gitanes maïs, tari le flot calme et sourd de propos identiquement sérieux, qu’il s’agisse du Requiem de Gilles, de Cassius Clay-Mohammed Ali ou de la quintuple synthèse, et rebelles à toute interruption, fût-ce pour nécessité de service, autour d’une table amicale.
Demeurent l’œuvre considérable de ce grand historien de la philosophie, la gratitude de ses anciens étudiants, devenus pour certains des collègues, et l’étonnement admiratif général devant un parcours aussi classique que divers et original.
La Société Française de Philosophie dont il fut des décennies un membre fidèle se devait de rendre hommage à Alexis Philonenko. De rappeler d’abord, outre sa participation fréquente aux discussions de la Société, la belle conférence qu’il présenta le 23 novembre 1968 : « Hegel, critique de Kant » et aussi, la part qu’il prit (« Le postulat chez Kant »), aux côtés de François Marty, Simone Goyard-Fabre, Monique Castillo, Pierre Osmo et Bernard Bourgeois, à la Journée d’étude du 27 mars 2004 consacrée au Bicentenaire de la mort de Kant, Actes publiés dans le Bulletin 2004 98.2. On ne saurait oublier non plus, le numéro fondamental de la Revue de Métaphysique et de Morale qu’il coordonna en 2007, intitulé : « Du langage et du symbole ». Ni enfin son intérêt pour l’enseignement de la philosophie comme en témoigne sa longue intervention lors de la séance consacrée à une « Réflexion sur l’état actuel et les perspectives de l’enseignement de la philosophie en France » (24 novembre 1990).
Alexis Philonenko est né le 21 mai 1932 à Paris. C’est à Paris qu’il est mort, le 12 septembre 2018. Ce pur Parisien : enfance à Saint Mandé, scolarité – de « cancre », disait-il… – au Lycée Voltaire, sauvée par ses brillants résultats sportifs, retrouva peut-être un certain exil et ses lointaines racines slaves dans l’itinérance d’une vie professionnelle qui fit de lui, en un sens, un nomade. Maître de conférences à Caen, puis Professeur à Rouen mais en même temps Professeur à Genève, il eut cependant constamment Paris pour port d’attache, Paris, son impressionnante bibliothèque et sa famille, Paris, le foyer de ses intérêts multiples.
Reçu premier en 1956 à l’agrégation de philosophie, il devint rapidement, après une année au Lycée Fustel de Coulanges à Strasbourg, l’assistant à la Sorbonne de Ferdinand Alquié en histoire de la philosophie. Celui qu’il reconnut toujours comme son maître, qui devait diriger sa thèse, soutenue en 1966 – La Liberté humaine dans la pensée morale et politique de Fichte – l’encouragea à publier en 1960 son Diplôme d’Études Supérieures (aujourd’hui mémoire de maîtrise) consacré à la traduction et au commentaire d’un article de Kant, publié en octobre 1786, (Berlinische Monatsschrift), Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?
Premier travail d’écriture ? Non pas. Peut-être pour le distraire de ce qu’il voyait alentour et qui devait profondément le marquer, l’armée avait donné au jeune appelé en Algérie la charge et le loisir de rédiger, auprès d’un médecin militaire, le Dr Ph. Laurent, un opuscule aujourd’hui oublié : Le Débile mental dans le monde du travail (1959). Le lecteur curieux y trouve, non seulement des analyses philosophiques toujours suggestives, mais des références à Aristote, Kant, Bergson… et même l’une des premières mentions de La Philosophie des formes symboliques d’E. Cassirer. Modeste caillou dans l’édifice imposant des œuvres de ce grand spécialiste de la philosophie allemande, cette brochure annonçait déjà cependant les développements savants que le jeune assistant consacrerait à l’École de Marbourg devant un auditoire encore balbutiant dans l’élément de la pensée kantienne, ultérieurement rassemblés dans l’ouvrage éponyme (1989).
Peut-être Alexis Philonenko était-il fort peu « pédagogue » au sens où on l’entend ordinairement, laissant à chacun de ses auditeurs la tâche de chercher les éléments par son propre travail. Mais il était, au meilleur sens du terme, un « professeur », stimulant chez ses étudiants l’intelligence et le goût de la quête intellectuelle ; se prêtant d’ailleurs volontiers, en fin d’après-midi, au Balzar ou sous les arbres de Saint Cloud, à des explications complémentaires. Ne tenait-il pas « la liberté de penser comme notre bien le plus précieux », elle-même en lien étroit avec le fait de penser en commun ? N’affirmait-il pas, que « l’âme et l’essence de l’enseignement est la répétition » ? (Passent les saisons, passe la vie. Chroniques parues dans la Revue des Deux mondes 1992-1994). À vrai dire, a-t-il jamais quitté l’enseignement ? Chacun de ses ouvrages ultérieurement publiés, en quelque sorte, y contribue.
Bien des années plus tard, d’autres générations d’étudiants expriment leur admiration pour le professeur, pour l’auteur, et non moins grande pour l’homme ; les mêmes mots reviennent : « la classe d’une pensée, le respect pour l’homme … »
L’œuvre monumentale de ce grand historien de la philosophie ne laisse pas en effet d’étonner, et par sa masse et par sa diversité. Si, comme il l’affirme, « les livres sont des arbres », c’est une forêt qu‘Alexis Philonenko a plantée.
Des éditions et traductions , des nombreux ouvrages et articles consacrés à Fichte, Kant, Feuerbach, Schopenhauer, Hegel… citons seulement, outre la Liberté humaine dans la philosophie de Fichte, l’édition et la traduction de la Critique de la faculté de juger – les Réflexions sur l’éducation – Théorie et praxis dans la pensée morale et politique de Kant et Fichte en 1793 – l’Œuvre de Kant, la philosophie critique (tome I, la Philosophie pré-critique et la critique de la raison pure, tome II, Morale et politique), ouvrage devenu quasiment un manuel – Etudes kantiennes – Schopenhauer, une philosophie de la tragédie –l’Œuvre de Fichte – la Théorie kantienne de l’histoire – la Jeunesse de Feuerbach, 1828-1841, introduction à ses positions fondamentales – l’Ecole de Marbourg – Métaphysique et politique chez Kant et Fichte –Schopenhauer, critique de Kant… Quelques-uns seulement parmi une bonne cinquantaine.
Alexis Philonenko quitte souvent aussi son terrain d’élection et publie de nombreux articles, parfois rassemblés en ouvrages, (Leçons…) sur bien d’autres philosophes, Aristote, Platon, Plotin, Descartes, Bergson, Chestov… ainsi qu’un impressionnant Jean-Jacques Rousseau et la pensée du malheur, en trois tomes.
Des traductions en espagnol, portugais, japonais, en serbo-croate… témoignent au demeurant de l’audience internationale de l’œuvre.
Pour caractériser cette œuvre et son auteur, l’un de ses anciens étudiants, devenu un collègue suggère : « Il s’engageait dans l’écriture d’une étude sur un auteur comme dans une confrontation, où sans rien présupposer des thèses reçues, il cherchait à comprendre de l’intérieur les problèmes et la manière singulière, idiosyncrasique, dont le philosophe étudié les avait traités. De là le caractère toujours très personnel de ses livres. Si l’on veut à tout prix qualifier ici, sinon une méthode (comme il y en dogmatiquement une chez Gueroult), du moins une manière de faire de l’histoire de la philosophie, je pourrais peut-être dire une sorte d’«intuitionnisme » (Michel Fichant).
En somme, penser avec… Ne jamais oublier que l’histoire de la philosophie est philosophie.
Mener une confrontation….
Peut-être mener en quelque sorte un combat singulier.
Un combat singulier, avatar de celui qui fascinait l’adolescent ? La boxe en réalité n’a jamais cessé d’intéresser, ô combien, l’adulte : « une fascination un peu honteuse », avouait-il. Au point que, ayant lui-même pénétré « le cercle enchanté », Alexis Philonenko consacra à cet art, le « noble art », plusieurs articles et entretiens, et même plusieurs livres, dont l’un, Histoire de la boxe, lui valut le Grand prix de littérature sportive, décerné en 1992 sous les ors du Sénat ; de Cassius Clay, il admirait « la danse sauvage », il en décrit le mouvement dans Mohammed Ali, un destin américain. Au fond, les boxeurs (Les Boxeurs et les dieux) ne sont-ils pas les compagnons des dieux ?
De manière plus aiguë, et plus générale, bien d’autres ouvrages, par exemple Tueurs. Figures du meurtre, ou encore La Mort de Louis XVI, révèlent l’attraction théorique et le grave souci pratique que, pour cet homme paisible, soucieux de conciliation, représentait, au fondement de la société, la violence. Or, celle-ci puise sa force et trouve sa racine dans les habitudes ; et nous sommes incroyablement habitués à la violence. On peut réduire la violence, non l’éradiquer, l’anéantir : c’est le « mal radical ». C’est la même préoccupation qui inspire les études et essais consacrés à la guerre. Ainsi apparaissent dans Essais sur la philosophie de la guerre, Machiavel, Tolstoï, Clausewitz…patiemment médités.
C’est pourquoi si, selon son commentateur, Fichte voulait consacrer une moitié de sa vie à la philosophie transcendantale stricto sensu et l’autre moitié à la philosophie politique, lui-même préféra, dans sa réflexion, sous sa plume et parfois dans sa parole, entrelacer constamment l’une et l’autre, fécondant l’une par l’autre, puisant peut-être dans la ténacité du nageur au long cours qu’il était aussi – ce que peu savent… – la persévérance et l’énergie nécessaires.
Une telle diversité étonne, une telle abondance stupéfie… Comment est-ce possible ? Il est vrai que c’est par un travail acharné que, en proie à l’angoisse, l’homme conjure la solitude du philosophe. Ainsi, celui qui a pu soupirer « J’ai eu le sentiment parfois, de suivre un chemin tournant autour d’un précipice… » surmonta-t-il, inégalement, les tourments de l’existence. Auprès de lui, son interlocutrice d’élection, Monique Naar, son épouse, professeur de philosophie en khâgne, disparue trois ans avant lui, le retint maintes fois au bord du gouffre et contribua largement à son accueillante générosité. Entre eux, un horizon commun et privilégié, la philosophie certes, mais aussi la musique, qui seule permet de saisir la quintessence du monde.
Dans un même ouvrage, méditatif, si profondément philosophique, L’Archipel de la conscience européenne, Alexis Philonenko, définit à la fois la guerre et l’assassinat comme des actes qui n’appartiennent qu’à l’homme, et la confiance dans la pensée comme seule capable de délivrer l’homme de ses angoisses et de ses tourments. Le primat de la pensée est ainsi pour lui le principe d’une définition de l’Europe ; il va jusqu’à définir celle-ci comme « le continent de la métaphysique » car ce qu’il y a de fondamental dans la pensée métaphysique, c’est la confiance dans la pensée. Il se dit ainsi convaincu que seul l’approfondissement par les Européens de la cohésion spirituelle qui les unit fera de l’Europe autre chose qu’une communauté plus ou moins précaire d’intérêts…
La confiance dans la pensée… N’est-ce pas ce qu’Alexis Philonenko souhaitait, au fond, nous léguer ?
Jazzy, le Tanguy a 30 ans. Les jeunes gens qui me navrent le coeur et auxquels je faisais allusion en ont 20…
Le train de Cage :
Paul Edel à 19 h 55 min
bien vu ! je n’avais pas remarqué.
faut dire que je suis juste passé ici en coup de vent.
L’incohérente ignore son incohérence.
La bonne question aurait été : « Terroriste, Bartleby ? », Bloom !
—
Une réponse, Baroz? I would prefer not to.
« I would prefer not to »
Que tu traduis comment, Bloom ?
« Le train de Cage »
Génial, renato !
Il faut mettre Pablo75 en cage à Medrano ?
J’aime mieux ne plus.
La nuit du 4 août 17891,2, ou simplement nuit du 4 Août3,4, est la séance de l’Assemblée nationale constituante au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux. Débutée le 4 août 1789 à sept heures du soir, elle se prolonge après minuit, jusqu’à deux heures du matin1. C’est un événement fondamental de la Révolution française, puisque, au cours de la séance qui se tenait alors, l’Assemblée constituante met fin au système féodal. C’est l’abolition de tous les droits et privilèges féodaux ainsi que de tous les privilèges des classes, des provinces, des villes et des corporations, à l’initiative du Club breton, futur « Club des Jacobins ».
Que tu traduis comment, Bloom ?
Baroz, ma traduction ‘droog’ de la très victorienne prose melvillienne: ‘Va te faire f…, ducon!’
Clopine, 20h 47; alors là, d’accord!
@hamlet dit: 4 août 2019 à 19 h 24 min
Est-ce le caractère de Samuel, sa façon d’écouter ce critique littéraire à la radio, au volant de sa voiture, les sentiments qui l’agitent… je ne peux m’empêcher de penser au roman de Sergio. Son narrateur, le héros, était aussi un personnage indécis qui se posait beaucoup de questions.
Donc, revenons à Musil. A L’homme sans qualités mais cette fois-ci, au tome II, au chapitre 76. C’est là qu’il s’interroge (c’est vrai que ce roman a souvent l’allure d’un essai, entre l’art et la science, le sentiment et l’intellect.). Ulrich pense. C’est un long monologue intérieur. Il feuillette ses notes et s’interroge sur les sentiments, qui, même s’ils sont source d’illusions, maintiennent un accord avec le réel, qu’ils servent « à nous adapter à la réalité. Mais il constate aussi que « ce monde-là serait « irréel » car « presque entièrement privé d’objectivité ». Une « utopie » habitable ? Il cherche à soupeser « la possibilité d’un tel monde ». Il n’est pas « précisément satisfait de ce qu’il avait noté là. Il ne souhaitait pas que toutes les réalités possibles parussent également justifiées. ».
Le sens du « possible »… Il n’est donc rien qui puisse être tenu pour exclusif ou définitif…
Et puis, juste avant il y a le délicieux chapitre 73 « Naïve description de la formation d’un sentiment ». (Encore Agathe qui fouille dans les papiers de son frère !) et justement, Ulrich s’interroge sur la naissance des sentiments.
En fin de compte, Samuel n’a pas lu le roman de Musil mais fait l’expérience d’Ulrich par son raisonnement, ses sensations, dans le monde d’aujourd’hui.
Donc c’était votre premier chapitre. (très réussi). Un théâtre contemporain…
@hamlet
pour accéder au roman de Sergio. Ici le dernier chapitre. Il faut remonter les billets pour trouver le premier.
amayerling.hautetfort.archive/2018/04/11/
Bloom, si vous étiez gentil… Est-ce que « Bartleby » a une quelconque singnification, ou une valeur quelconque, en anglais ?
Je veux dire qu’il n’est pas innocent qu’Oliver s’appelle « Twist » : on voit tout de suite que son chemin ne sera pas tracé au cordeau.
Y’a-t-il quelque chose de la sorte dans « Bartleby » ?
Merci d’avance !
@hamlet
Un extrait de ce chapitre qui par sa musique me fait penser à votre écriture :
« Finalement c’est le ciel qui l’a ramené sur terre. Il était si bien ! Là c’est un coin neutre, avec des tables dispersées, parfois vides, parfois en train de se charger. Il reste encore un peu de temps… C’est là le plus précieux ! Et encore des lanternes… Des lanternes et des grillons. Ca s’aligne formidablement il peut pas en revenir… Il repense au matin. C’est en bas qu’il faudrait en mettre, des lanternes… Une terrasse il y en a une aussi… Et les jardins… La nuit ça serait Schoenbrunn; »
hamlet, vu en retard votre 18 h 41 min.
Aucune transcendance, car une œuvre a son principe en soi-même.
@ Paul Edel,
Bien sûr, Céline est lu en traduction et apprécié mais il est loin d’avoir l’aura des autres écrivains français de la même époque, car il représente la France de la honte & est considéré comme illisible à parti D’un chateau l’autre. Son antisémitisme & son pro-nazisme sont un repoussoir pour de nombreux lecteurs qui se foutent du style de son écriture autobiographique laborieusement hallucinée & à chaque volume de plus en plus délirante.
Les anglais ont vu tôt dans son jeu: en 1935, le très respecté critique littéraire anglais William Empson disait de lui qu’il était « mûr pour le fascisme ».
Perso, j’apprécie Le Voyage et Mort à crédit & tiens les pamphlets pour une tentative réussie de salir l’humanité tout entière, avec une mention spéciale pour les Juifs. Je trouve le reste de l’oeuvre « formulaïque » comme on dit en anglais, moquerie, invective, sarcasme points de suspension et rebelotte, le tout cosmiquement pénible à digérer & sans imagination réelle.
Si la satire swiftienne a pour but de corriger les vices, la pseudo-satire célinienne n’a d’autre visée qu’elle-même, à savoir rabaisser & déshumaniser.
La déclaration de Céline dans Je Suis Partout en 1941 « Racisme fanatique total ou la mort . » est un peu son ‘Arbeit Macht Frei. Sinon que là encore il ment, le Ferdine, parce qu’il a eu très peur de la mort qu’on lui réservait. Pété de trouille malgré ses rodomontades, il manquait singulièrement de courage, l’homme du ressentiment, fort quand les autres sont faibles, et faible quand les autres sont forts.
P. S. au 23 h 21 min,
et ça depuis que une main à tracé le premier signe.
Éventuellement : Deleuze, Pourparlers.
Bloom, oui, difficile la coexistence d’un grand écrivain,celui du « Voyage ».. » et d’un parfait salaud comme homme..
Je veux dire qu’il n’est pas innocent qu’Oliver s’appelle « Twist » : on voit tout de suite que son chemin ne sera pas tracé au cordeau.
Y’a-t-il quelque chose de la sorte dans « Bartleby » ?
Merci d’avance !
—
Bonne question. Vous touchez là à l’allégorie, figure de style chrétienne et préférée des Anglais (pour faire court). A la théorie des humeurs, également, en vogue à la Renaissance. La Bible, Sakespeare & Lewis Carroll sont les trois sources de la littérature anglaise et américaine (pas tant de l’irlandaise).
Vous avez raison. Les exemples pullulent de personnages dont le nom ou le prénom incarnent une vertu, ou sont utilisés à contre emploi ou dénotent l’humeur dominante qui les gouverne: Angel, dans Tess, tout sauf un ange, G. Firmin dans Le Volcan de Lowry, Othello, associé à l’enfer, Hell, Deus demon pour Desdémone, etc.
Bartleby est un nom probablement lié à Bartholomew, lié à la Foire du même nom, supprimée en 1850 pour cause de débauche…Faut-il y voir un rapport avec la subversion? Un peu capilotracté, à mon goût. Pas mal d’auteurs américains allaient dans les cimetières choisir les noms de leurs personnages. Bartleby est un nom sans saveur, d’où l’effet de surprise…
G. Firmin = anagramme d’infirme /infirm
En épigraphe à «Un homme qui dort», on peut lire cet extrait des Méditations sur le péché Kafka, sans doute évoqué vingt fois sur ce fil mais à l’instar de renato, je ne prête pas attention à tout ce qui passe en temps utile :
«Il n’est pas nécessaire que tu sortes de ta maison. Reste à table et écoute. N’écoute même pas, attends seulement. N’attends même pas, sois absolument silencieux et seul. Le monde viendra s’offrir à toi pour que tu le démasques, il ne peut faire autrement, extasié, il se tordra devant toi.»
5 août 1962 :
https://blogfigures.blogspot.com/2012/08/robert-frank-marilyn-dead_5.html
@Perso, j’apprécie Le Voyage et Mort à crédit & tiens les pamphlets pour une tentative réussie de salir l’humanité tout entière, avec une mention spéciale pour les Juifs.
Certains sont perplexes sur l’intérêt littéraire des pamphlets ; celui dirigé à l’encontre de Sartre faisant semble-t-il exception
Céline et l’appréhension de la notion de péché ; une piste en dehors de Blake ?
(si Mr. Synthétique dit Court, clay Court parfois, pouvait nous épargner le recours à Swedenborg, on éviterait un changement de balles)
Céline s’y connaissait en bouc émissaire, qu’il craignit de devenir, pour finir mal. Il était réaliste, et avait peur à bon escient. Un passage du Voyage raconte un accès de violence en Afrique, et cela fait froid dans le dos. Céline savait faire passer l’angoisse. Par exemple, aujourd’hui, il y a une telle plénitude d’angoisse dans l’affaire Polanski. Polanski est une sorte de bouc émissaire qui se fait lyncher : mais il est allé au devant du lynchage. Il ne se rend toujours pas à la justice américaine, et cela lui met tout le monde sur le dos. C’est normal. Polanski n’a même pas fait profil bas, il est resté hautain, méprisant et insolent. A l’enterrement de Johnny, cet enflé pédophile s’est pointé avec trois quarts d’heure de retard. Rien que ça, il mérite d’aller en taule ! Polanski fait tout pour se faire lyncher. C’est un kamikaze ! Et il ne semble toujours pas avoir compris, avec son film puant sur Dreyfus où il se prend pour la victime innocente ! Hélas, résultat des courses, il ne fait pas de doute que tout autant que Céline, Polanski est coupable !
My Blakean Year
https://www.youtube.com/watch?v=tzJdd_y4kfY
…Mais comment faire autrement ? Melville en bonne place dans le discours du récipiendaire du Nobel de littérature 2016
https://www.youtube.com/watch?v=6TlcPRlau2Q
Jean Langoncet, à propos de GP, un lien à 12h27 hier pourrait vous retenir. Un autre 12h01 non moins intelligent à 12h01.
Hamlet, à quoi , quelles circonstances serait indiscret, doit on votre presence assidue sur ce blog. Je ne fais rien de mieux mais tout de même, cela m’interroge.
Un livre posthume de Michel Serres sur la religion ? C’est possible :
« Michel Serres a téléphoné à son éditrice l’avant-veille de sa mort. Il était déjà à l’hôpital. La conversation fut très brève. Il voulait seulement lui annoncer que « son livre était terminé » : son essai sur la religion qu’il méditait depuis longtemps et craignait de ne pouvoir achever, nous avait-il dit la dernière fois que nous avions poussé la grille. Notre Hermès nous réserve donc un lumineux message. Il ne nous a pas tout à fait quittés. »
Lieux à revisiter, 13 Merisio :
« Bartleby est un nom probablement lié à Bartholomew, lié à la Foire du même nom, supprimée en 1850 pour cause de débauche… »
et donc vous pensez, qu’aujourd’hui, d’après vous, compte tenu de ces circonstances, à la lumière de cet éclairage, de ces explications nouvelles, il faudrait traduire « i would prefer not to » par « je kifferai mieux pas » ?
« Hamlet, à quoi , quelles circonstances serait indiscret, doit on votre presence assidue sur ce blog. Je ne fais rien de mieux mais tout de même, cela m’interroge. »
bonne question ! je me la suis posée aussi, au début j’ai mis ça sur le compte d’un alignement en ce moment de Saturne sur Pluton, ce qui me semblait être une bonne raison, mais sans plus.
non en fait j’ai écrit toute une série de petits sketchs sur ce blog, j’ai l’intention de tous les copier ici, c’est leur place, et ensuite ciao ! et voilà, en voiture Simone c’est simple comme chou mon chou.
sketch où il trouve enfin le livre chez un bouquiniste :
»
« Je peux vous aider ? ». Samuel sent qu’on lui tape sur l’épaule, il se retourne, c’est le bouquiniste.
Samuel le connaît, il vient souvent sur les quais du Rhône pour chercher des livres. Le bouquiniste semble agacé, il tient une bâche en plastique transparent, il commence à pleuvoir, explique-t-il. Samuel regarde autour de lui, les autres bouquinistes ont déjà fermé leurs présentoirs, là où ils mettent leurs livres les plus précieux, ils ont déjà recouvert les livres posés sur les tables à tréteaux d’une bâche en plastique transparent.
Si vous voulez prendre un livre il faut vous décider vite parce qu’il commence à pleuvoir, dit le bouquiniste.
Il connaît Samuel, un client hésitant, il prend des livres puis les repose, n’importe comment, il est ensuite obligé de passer derrière pour les remettre en ordre.
Cette fois Samuel n’hésite pas, il sourit au bouquiniste, il n’a pas à s’inquiéter, insinue ce sourire, ça va aller vite, c’est déjà une affaire réglée, de longue date, une vieille histoire, il a trouvé ce qu’il cherche depuis si longtemps, le miracle tant attendu s’est enfin produit, aujourd’hui c’est son jour de chance. Samuel met sa main dans la poche pour prendre l’argent pour payer, il ne sait pas encore le prix du livre, cela n’a pas d’importance, il a assez d’argent sur lui pour le payer, il se retourne pour prendre le livre et vite repartir avec.
Horreur, une femme, une petite femme, vieille et petite, maigrichonne, le visage sec, un méchant visage sec et ridé, vêtue d’un imperméable en plastique transparent comme les bâches pour protéger les livres, un chapeau rond, à large bord fait du même plastique transparent, à la main une canne en bois pour l’aider à marcher, sa main osseuse, sèche et ridée, sa méchante main rôde autour de son livre, elle remet un livre en place, celui situé juste au-dessus du sien, le premier livre de la rangée, le sien est en seconde position, juste en dessous, elle l’a pris pour l’approcher de ses yeux, l’approcher de son méchant regard, pour mieux lire le titre.
Elle le remet en place, mal, déplacé, trop sous le suivant, trop sous le sien, le nom de l’auteur est caché par le sien situé juste en dessous, le titre n’apparaît qu’à moitié, le bouquiniste devra encore mettre de l’ordre dans ses livres. Le sien c’est le suivant, elle est sur le point de s’en saisir, c’est ce qu’elle fait, elle l’a dans ses griffes, le rapproche de ses yeux.
Samuel se précipite, arrache le livre de ces doigts maigrichons et fourchus. La femme recule, le regarde, de son regard bleu, pas vraiment bleu, un bleu délavé, un bleu si délavé qu’il n’est plus bleu, plutôt blanc, un regard blanc bleu, elle lui jette un regard noir.
Samuel panique, cette femme est une sorcière, se dit-il, c’est évident, le destin l’a placée là, entre lui et ce livre, pour qu’il ne puisse pas entrer en possession de ce livre aussi facilement, sans un combat préalable, titanesque et préalable avec une sorcière, si elle le touche avec sa canne, se dit-il, elle va le transformer en crapaud, c’est certain. La bouche de la vieille dame s’ouvre, pas vraiment une bouche, mais de méchantes petites lèvres, très fines, si fines qu’elle semble ne pas en avoir.
Samuel s’écarte, recule, il ne doit pas rester à portée de sa canne.
« Mais enfin, lance-t-elle, d’une voix aiguë, en voilà des manières, les jeunes ne respectent rien de nos jours, vous avez vu ça ? dit-elle au bouquiniste, ce malotru, il a failli m’arracher le bras. »
Samuel, tremblant, ouvre vite le livre, à la dernière page, pour rechercher le prix, il sursaute en le découvrant, il vaut deux fois plus cher que le neuf ! « Le neuf n’existe plus, ce produit est une rareté » répond le bouquiniste à Samuel qui pourtant n’a encore rien dit, avec sa bâche dans les mains, il pleut de plus en plus.
La vieille dame sourit, bien fait pour lui, croit-il lui entendre dire, l’a-t-elle vraiment dit, Samuel n’ose se retourner vers elle pour lui demander si elle l’a dit. Il fouille dans sa poche, tend des billets au bouquiniste et s’en va en courant sans attendre la monnaie.
Une fois éloigné, Samuel se retourne, il voit la vieille dame aider le bouquiniste à mettre en place la bâche en plastique transparent.
«
Et voilà qu’après qu’il l’a attisé, le Vieux Blond, affirme que la haine n’a pas de place Aux USA.
christiane dit: 4 août 2019 à 22 h 54 min
oui, Musil nous explique mieux que les auteurs modernes, la façon dont l’homme moderne a appris à élargir ses idées.
Christiane avez-vous remarqué qu’à une époque sur ce blog certains pouvaient tenir des propos « marxistes », je pense à MàC ou Lazarillo, alors que maintenant cela ne semble plus toléré, par contre d’autres (ex : Charoulet) peuvent étaler leur mépris du peuple sans problème, en lisant ce commentaire ignoble j’ai pensé à la réaction qu’aurait eu par exemple Lazarillo, lui n’aurait pas laissé passer ça, nous oui, à mon sens cette évolution bizarre des idées sur ce blog reflète celle de la société.
sketch où l’on apprend pourquoi il ne lit pas de romans, mais que des critiques de romans :
»
Samuel ne lit jamais de roman, il ne lit que les critiques littéraires contenues dans ses livres de critique littéraire, des analyses critiques, il écoute aussi les auteurs parler de leur livre, répondre aux questions des journalistes.
« Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre, demandent les journalistes ». Les auteurs hésitent rarement à répondre à cette question, ils ont tous de bonnes raisons, ils ne craignent pas de les faire savoir, je porte ce livre en moi depuis des années, répondent les auteurs, avant de parler d’accouchement, souvent les auteurs accouchent de leur livre, Samuel note souvent ce point, la littérature est devenue une immense salle d’accouchement, ils ne font pas toujours cette réponse, pas toujours bien sûr, certains n’accouchent pas de leur livre, pas toujours mais souvent, surtout les hommes, en majorité les hommes recourent à cette image de l’accouchement, note-t-il, pour eux c’est plus qu’une image, c’est un véritable accouchement, ils portent leur livre pendant des mois, des années, le plus souvent ils le portent en eux durant des années, ensuite ils accouchent, c’est la réponse qu’ils donnent aux journalistes, le plus souvent, les femmes de leur côté accouchent moins souvent que les hommes, surtout celles qui ont déjà des enfants.
Ce n’est pas parce que Samuel n’aime pas les accouchements ou qu’il n’aime pas les enfants qu’il ne lit pas de romans. Si quelqu’un lui pose la question, pourquoi ne lisez-vous pas de romans, Samuel serait bien en peine de répondre. Samuel ne le sait pas, pense-t-il, du moins croit-il le penser, il croit qu’il ne le sait pas, pense-t-il. Ce genre de comportement, aussi insolite, que de ne pas vouloir à ce point lire de romans, ou de ne pas pouvoir à ce point lire de romans, pour un lecteur qui lit autant que Samuel, autant de livres de critique littéraire concernant des romans qu’il ne lit pas, il y a forcément une raison à cela. Le plus souvent c’est une raison cachée, enfouie.
Pour trouver la raison, la révéler, la dévoiler, la mettre en lumière, comme un agent EDF installe l’électricité dans la caverne obscure de Platon, la caverne du fameux mythe de Platon, sans doute la caverne la plus célèbre de toutes les cavernes bien qu’on y trouve peu de peintures rupestres, pour mettre fin aux jeux d’ombres et de lumières, aux illusions, pour accéder enfin à la vérité, procéder à son accouchement, l’accouchement de la vérité, il faut remonter très loin, en amont, remonter le temps, jusqu’à l’enfance, sans doute jusqu’à la mère.
La mère et l’enfance, un grand classique de l’accouchement, pour accoucher de la vérité, un classique réservé à ceux qui souffrent d’un manque cruel d’imagination, de ceux qui préfèrent faire l’effort de remonter le fleuve du temps, à contre-courant pour parvenir à la source, le plus souvent ils remontent ce fleuve dans une petite barque, une pirogue bancale, risquant de tomber dans ces eaux sales où vivent des poissons carnivores et des serpents de vingt mètres de long, juste pour arriver à une source aussi commune, pour arriver à ce grand classique de l’accouchement de la vérité.
Les causes psychologiques sont toujours à prendre avec des pincettes, de minuscules pincettes, pour éviter de blesser, de heurter les sensibilités.
C’est tellement embarrassant de faire ces recherches pour Samuel, rechercher à sa place cette raison pour laquelle il ne lit pas de roman, remonter à la source, entrer dans sa conscience, sa mémoire, pour y déceler les raisons enfouies, des raisons toujours trop psychologiques, le disséquer comme une grenouille pour s’offrir le luxe d’une petite séance de psychologie à deux balles, aller fouiner, fouiller, piller dans sa mémoire, son passé, son enfance, l’enfance et la mère, du sale boulot de flic, de pilleur de tombe, de pilleur de salle d’accouchement.
Mieux vaut en rester aux faits, en l’occurrence au fait, puisque apparemment il n’y a qu’un seul fait, un seul fait apparent, cependant un fait marquant, mieux vaut se satisfaire de ce fait précis, sans chercher à extrapoler, quitte à ne pas être sûr que ce fait-là soit précisément la cause de ce comportement étrange, la véritable raison, que ce soit là la vérité, une vérité irréfutable.
Voici le fait. Jusqu’à l’âge de quinze ans, Samuel est un bon élève, c’est une évidence, un excellent élève à l’école, rien de très psychologique jusque-là, c’est un fait, ses notes le prouvent, il accumule les bonnes notes, toujours premier de la classe, toujours le meilleur, son bulletin le prouve.
Il suffit de jeter un œil non pas dans la tête de Samuel mais dans sa chambre pour constater qu’à cette époque il est entouré de livres, des livres parfaitement alignés sur des étagères, des livres parfaitement empilés par terre, sur le tapis de sa chambre, empilés près de son lit, empilés sur son bureau, là où il fait ses devoirs, Samuel ne fait pas que ranger et empiler ces livres, il les lit aussi, il les dévore même, pas des livres estampillés jeunesse, pas des livres d’ados, supposés faciles à lire, en tout cas écrits avec l’idée qu’ils seront faciles à lire, non ce sont là des livres d’adultes, de bons et vrais romans, signés par des auteurs réputés pour leur sérieux, des auteurs de haut rang, Stendhal et le Rouge et le Noir, Flaubert et l’Éducation Sentimentale, des recueils de nouvelles de Tchekhov, de Maupassant, des nouvelles éparses d’Henry James, et bien d’autres encore, Moby Dick, les Frères Karamazov et bien d’autres encore, que du beau monde, que de la grande littérature, que du lourd, du très lourd. Samuel n’a que quinze ans et il a déjà lu tous ces romans.
N’est-ce pas là une situation inhabituelle, bien peu courante, une situation tout à fait exceptionnelle, quel autre enfant peut se vanter d’avoir lu tous ces livres à cet âge, aussi jeune.
Alors que s’est-il passé monsieur le détective, montrez votre dossier, déballez le fait marquant qu’on en finisse, dites comment les choses ont brutalement basculé ? Comme le disent Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Adrian Monk, tous ces détectives célèbres, tous ces autistes atteints du syndrome d’Asperger, cette maladie qui les empêche de mentir, ils ne connaissent rien d’autre que la seule vérité, ils ne peuvent même pas mentir à leurs amis, ils sont incapables de comprendre que l’amitié exige de savoir mentir à ses amis, l’amitié se construit sur le mensonge, sur l’acceptation réciproque du mensonge amical, un mensonge amicalement partagé comme seul lien d’amitié, comme preuve d’amitié, mais leurs amis ne leur en veulent pas pour autant à ces autistes, ils connaissent leur mode de fonctionnement, leur obsession pour la vérité, leur sens du détail et leur mémoire exceptionnelle, conséquences de cette pathologie de la vérité, cette maladie sociale qui est pour eux à la fois un don et une malédiction, donc comme le disent ces handicapés du mensonge, voilà ce qui s’est passé.
Samuel termine sa classe de seconde. Il est destiné à un bel avenir, il va entrer en première S, en attendant de rentrer en première S, Samuel rentre chez lui.
Un jour du mois d’avril, juste après les vacances de Pâques, il rentre de l’école, il trouve son père, assis dans la cuisine, la tête entre les mains, une lettre est posée devant lui, sur la table de la cuisine, posée sur la nappe orange, une belle nappe avec de grandes feuilles vertes de lierre, posée sur la table de la cuisine.
Samuel s’approche de son père, pose son regard sur la lettre, de là où il est, il reconnaît de loin l’écriture de sa mère (…)
Si on pose à cet instant la question à Samuel de savoir ce qu’est la littérature, de quoi parlent tous ces romans qu’il a lus jusqu’à présent, qu’il a dévorés jusqu’à présent, ce qu’il en a retenu, ils parlent tous, dirait-il, d’un homme assis dans sa cuisine, tenant sa tête entre ses mains, une lettre de sa femme posée devant lui, sur la table de la cuisine, sa femme, son épouse, l’histoire de sa femme, l’histoire de sa mère.
Sa mère est partie, si elle était morte les choses seraient différentes, mais elle est partie avec un autre homme, son amant, celui qu’elle aime plus que son mari, plus que son fils, elle les abandonne, tous les deux, son père et lui, pour cet autre, voilà ce que dit la lettre, posée sur la table de la cuisine, il s’approche de son père se tenant la tête entre ses mains, Samuel pose sa main sur l’épaule de son père qui se tient la tête entre ses mains, elle est partie avec un autre homme, sans doute le trouve-t-elle plus beau que son père, sans doute est-il plus riche que son père, sans doute est-il plus attentionné que son père, sans doute se sent-elle enfin exister pleinement sous le regard de cet homme, sans doute est-il un homme mieux que son père en tous points, sans doute ses raisons de partir sont-elles compréhensibles, sans doute sont-elles légitimes, sans doute faudrait-il écrire l’histoire du point de vue de la mère pour comprendre cette légitimité, ou simplement lire cette lettre qu’elle a laissée, sur la table de la cuisine, dans laquelle elle explique clairement, de son point de vue, les raisons de départ.
Le fait est qu’elle s’en va, sans doute aime-t-elle cet homme plus que son père et plus que son fils, c’est évident, elle ne demande pas le divorce ni la garde alternée de leur enfant elle s’en va tout simplement, c’est évident, tous les livres parlent de cette histoire, toujours la même histoire, ils ne cessent d’en parler, ils en parlent sans rien expliquer, sans chercher à comprendre, ce n’est qu’un prétexte pour écrire leur histoire, une aubaine pour ces auteurs d’être tombés sur cette femme, pour ces adeptes du rebondissement, ces experts de la mauvaise nouvelle, toujours en quête du bon sujet, bien saignant, bien tragique, pour ces auteurs experts en dramaturgie, experts en rebondissements d’une grande intensité dramatique.
Samuel est en train de vivre un grand moment tragique d’une grande intensité dramatique, cette histoire, l’auteur l’a voulue ainsi, l’auteur l’a écrite ainsi, parce que le monde fonctionne ainsi.
Quand ce n’est pas la guerre, les massacres, l’exil, la misère, la grande famine, quand rien de tout cela ne plane à l’horizon paisible d’une famille paisible vivant dans un coin paisible de la planète, l’auteur du roman s’arrange toujours pour trouver un autre moment d’une grande intensité dramatique d’une autre nature, d’un autre genre, mieux adapté aux circonstances, adapté aux circonstances et aux conditions de vie de gens menant une vie paisible, loin de la guerre, des massacres, de l’exil, de la misère, de la famine.
Nul besoin d’historiens, d’anthropologues, d’ethnologues, de psychologues, il ne s’agit là que d’une petite histoire tragique dans la grande histoire paisible, c’est ainsi que les hommes et les femmes sont faits, ils sont faits de cette eau-là et de cette chair-là, c’est ainsi qu’ils fonctionnent. Il se produit tellement de choses bien plus graves à chaque seconde dans le monde, bien plus tragiques, il n’y a pas de quoi fouetter un chat, mettre son poing dans la figure de ce type qui est parti avec sa femme, à la limite son père l’aurait fait, mais son père est un homme bon, et généreux, à aucun moment il ne lui viendrait à l’idée de fouetter un chat, ce n’est pas dans sa nature de fouetter les chats, il laisse ce passe-temps cruel à d’autres, plus cruels que lui.
Samuel laisse son père dans la cuisine, il monte dans sa chambre, trouve une enveloppe sur son lit, pour Samuel, c’est écrit sur l’enveloppe, il reconnaît l’écriture de sa mère, il ouvre doucement l’enveloppe, regarde la lettre, pliée en trois, à l’intérieur, Samuel ne prend pas la lettre, il ne la sort pas de son enveloppe, il ne déplie pas la lettre pliée en trois pour la lire, lui qui a déjà lu tant de romans ne souhaite pas lire cette lettre, une lettre de quelques lignes, ou une très longue lettre, ou alors une lettre de quelques mots juste pour indiquer une adresse, l’adresse où elle vit à présent, quelques mots disant juste voilà mon adresse Samuel, viens me voir Samuel, au plus vite, je t’attends.
Que cette lettre contienne quelques mots pour indiquer une adresse ou un numéro de téléphone, quelques lignes ou une lettre de plusieurs pages, qu’importe, là n’est pas la question, là n’est pas le problème, qu’elle contienne quelques mots, quelques lignes ou plusieurs pages, il refuse de lire cette lettre. Lui qui a déjà ouvert tant de romans, lu tant d’histoires, refuse d’ouvrir cette lettre, peut-être parce qu’il a lu tous ces romans, s’il n’avait lu que quelques livres il l’ouvrirait probablement cette lettre.
C’est un fait, il ne la lit pas, il ne peut pas la lire ou alors il ne veut pas la lire, qu’importe, le fait est qu’il ne la lit pas.
C’est un fait, rien de plus, dans d’autres cas, des cas différents du sien, dans la plupart des cas, les cas les plus fréquents d’un point de vue statistique, un lecteur ayant lui-même ouvert une multitude de romans ne considérerait pas comme un obstacle insurmontable d’ouvrir cette lettre, quitte à se retrouver comme son père maintenant dans la cuisine, la tête entre les mains, en train de se dire qu’il ne comprend pas, il ne comprend pas cette lettre qu’il vient de lire, il n’en comprend pas le sens, il n’en comprend pas la signification.
Ceux qui lisent ces romans ne finissent que très rarement pliés en deux et se tenant la tête entre les mains après avoir lu ces romans, dans ce cas plus probable, statistiquement, les lecteurs de romans lisant cette lettre se retrouvent eux-mêmes encore plus pliés que la lettre elle-même qu’ils viennent de déplier, ils se retrouvent tellement pliés et repliés sur eux-mêmes que dans ce cas le plus probable, ceux qui ont osé déplier cette lettre ne réussiront jamais plus à se déplier, à se remettre droit, d’aplomb, à la verticale, dans ce cas ils restent pliés jusqu’à la fin de leurs jours.
Le cas de Samuel est différent des autres cas, les autres cas ne l’intéressent pas en l’espèce, même s’ils sont statistiquement plus probables ils n’ont valeur ni de règle généralisable, ni d’exemple à suivre, pas de règle à généraliser qui puisse s’étendre à son cas, l’englober lui-même dans cette généralité.
Dans son cas il remet la lettre pliée en trois dans l’enveloppe sans la lire puis il range l’enveloppe contenant la lettre pliée en trois de sa mère dans un tiroir de son bureau, c’est désormais sa place, dans le tiroir de son bureau.
Voilà le fait. Le fait est qu’à partir de ce jour Samuel cessera d’être un bon élève, il cessera aussi d’être le dévoreur de romans qu’il était.
Une raison plus complexe, plus subtile, plus sophistiquée serait sans doute la bienvenue, préférable, dans ce contexte particulier, parfois la vie manque cruellement de subtilité, il en est ainsi, il faut s’y faire, les raisons les plus triviales sont souvent les bonnes, faut-il en inventer d’autres, plus subtiles et plus complexes, au motif qu’elles sont trop primaires, trop triviales.
D’autant qu’un fait n’est pas, et ne sera jamais une cause, ce fait n’explique pas en soi le changement de comportement de Samuel dans la mesure où un même fait peut engendrer une multitude de comportements différents, divers et variés, c’est un fait bien connu. Le mieux qu’on puisse faire c’est estimer cette multitude de réactions à un même fait sous forme statistique, dire il y a, par exemple, soixante pour cent de chance que ce fait précis induise tel comportement, rien de plus.
Une mère part avec son amant, d’accord, elle quitte son foyer, parfait, elle abandonne son mari et son fils, très bien, mais à partir de ce fait-là, le fils peut réagir de mille manières différentes. Il n’est pas obligé d’arrêter de lire du jour au lendemain, au contraire, Samuel peut très bien commencer par lire cette lettre avant de se remettre à lire d’autres histoires dont sont faits les romans, se dire que cette lettre n’est après tout qu’un roman parmi d’autres, un roman particulier dans la multitude de romans existants. Samuel n’est surtout pas obligé de préférer lire, par la suite, les livres de critique littéraire, préférer ces livres de critique littéraire aux romans, il n’est pas non plus obligé d’éprouver du dégoût à la moindre vue du moindre roman.
Au contraire, statistiquement, il peut, plus probablement se plonger dans les livres, plus probablement continuer de dévorer les romans après avoir lu cette lettre, plus probablement éprouver du dégoût devant ceux qui ont la prétention de se livrer à l’analyse critique de la lettre et des romans.
Il peut même probablement vouloir lui-même devenir écrivain, probablement raconter son histoire sous la forme d’un roman, une très longue lettre en réponse à cette lettre, une lettre-fleuve qui ressemble à un roman, un roman pour réparer le préjudice de la lettre, un roman qui l’aide à combler cette faille, un roman qui le mène vers une résilience, c’est là la réaction plus probable, tous les écrivains peuvent en témoigner, le roman est en soi-même une source de réconfort, une source même de consolation, il l’est autant pour celui qui le lit que pour celui qui l’écrit.
La critique littéraire non, elle n’est certainement pas une source de consolation, elle ne l’a jamais été et elle ne le sera jamais, tous les critiques littéraires peuvent en témoigner. Non, la critique littéraire n’a aucune vertu consolatrice, elle ne permet pas de réconforter, de soigner les blessures de l’âme, les failles de l’existence, elle ne mène jamais, ni ses auteurs, ni ses lecteurs, vers une possible résilience, lire un roman oui, d’accord, mais lire des livres de critique littéraire non, jamais. Même pas sous la forme d’une critique de ce roman que Samuel aurait pu éventuellement écrire en vue de trouver un chemin le menant vers une possible résilience, la critique d’un éventuel roman-médicament écrit par Samuel pour se soigner lui-même, par la mise en roman de ce moment tragique de l’histoire de sa vie, la critique d’un éventuel roman futur décrivant cet épisode de sa vie, de cet événement, cette catastrophe, ce drame.
Voilà le fait tel qu’il apparaît dans toute sa factualité.
Faire venir des témoins à la barre, rien de plus facile, Samuel a deux bons amis, ils peuvent témoigner, ils sont ensemble depuis la maternelle, ils habitent dans le même quartier, quelques maisons les séparent, depuis leur plus jeune âge ils sont inséparables, ils sortent ensemble, ils jouent ensemble dans la même équipe de handball à Chambéry, Mathieu Moine et Walter Lemercier.
Leurs pères sont eux-mêmes, aussi, amis depuis leur enfance, ils ont grandi ensemble. Ensemble, les trois pères supportent leur équipe, pas vraiment la leur mais l’équipe où jouent leurs trois gamins, ils assistent ensemble aux matchs de handball. D’abord contre les équipes régionales, quand ils sont encore petits, pupilles, minimes, ensuite en nationale, quand ils sont plus grands, les pères hurlent de joie quand un des trois marque un but, pendant les matchs ils ont chacun trois fils, tous les trois ont trois fils, d’ailleurs les trois jouent comme s’ils étaient neuf. Tous trois comme trois frères, Sam, Walt, et Matt, les pères hurlent leurs noms, les trois fils sont les piliers de l’équipe, ils sont costauds en défense, de vrais blocs de béton, en attaque ils sont rapides, complices, amis, frères, à eux trois ils en valent dix, comme des mousquetaires, quand les trois sont sur le terrain ils sont imbattables, si un des trois se fait bousculer, malmener, agresser, par un adversaire, les deux autres lui règle son compte, si les autres joueurs de l’équipe de l’agresseur arrivent alors à sa rescousse, ils y vont de leurs poings, ils n’ont peur de rien, ni de personne, ils ressortent du terrain le nez en sang, les pères sont fiers d’eux, fiers de leur courage, fiers de leur amitié, de leur fraternité.
Leurs mères aussi sont amies depuis l’enfance, les mères aussi assistent aux matchs, elles hurlent pendant les matchs encore plus fort que leurs pères, surtout quand un des trois se fait agresser, les trois mères se mettent à insulter l’agresseur, les trois sont à deux doigts d’entrer toutes les trois sur le terrain pour lui régler son compte, comme si elles étaient toutes les trois la mère de ce fils.
Les deux autres mères sont choquées en apprenant l’histoire de la mère de Samuel, elles ne s’y attendaient pas, disent-elles, elles avaient bien des soupçons, bien sûr, les soupçons sont toujours présents, on soupçonne toujours, sur les trois femmes cela peut bien arriver à l’une d’entre elles, c’est statistiquement prouvé, le soupçon plane toujours, il plane probablement sur chacune, chacune sait qu’elle peut le faire tout en soupçonnant les deux autres de pouvoir le faire à sa place.
C’est probable, elles le savent, il suffit que l’occasion se présente, qu’une éventualité rende possible cette probabilité, qu’une occasion improbable devienne possible, une possibilité qui ne se présente qu’une fois dans sa vie, qui ne se loupe pas, c’est plus que probable. Mais de là à passer à l’acte, quand même, de là à abandonner son foyer, quand même, il y a des limites à tout, même aux probabilités, en tout cas elles n’auraient jamais cru possible que cela arrive, pensent-elles, ou bien pensent-elles le croire, le croient-elles, parce qu’elles y ont pensé, sans y croire, elles l’ont cru, sans y penser.
«
Désormais rompus à la connerie ambiante, je zappe un tas de commentaires — sous peu ce sera le sort de tous les archaïques.
@hamlet dit: 5 août 2019 à 8 h 10 min
Vous voulez noyer le poisson dans l’eau ?
Ce qui me frappe dans votre écriture c’est que votre personnage se construit entièrement en parlant dans de grands monologues intérieurs, pour que le lecteur sache tout. On pénètre ainsi dans sa conscience intérieure.
Il traverse la vie quotidienne comme s’il s’agissait d’un périple initiatique. Il semble en exil.
Je pense aussi à la façon dont vous avez approché Bartleby. Un homme dont l’identité s’efface peu à peu, qui se dissout jusqu’à accepter sa propre mort. Lui a trouvé le moyen d’unir l’objectif et le subjectif. Ne se protège plus. Moment de mutisme intense.
Votre dernière remarque, hors écriture : rien ne peut relever le vide des discours politiques. Rien ne peut rassurer ni dire ce qui va se passer.
sketch où il veut devenir un élève moyen :
»
Par la suite Mathieu et Walter constatent des changements chez Samuel, son comportement n’est plus le même, ils remarquent ce fait, Samuel se renferme sur lui-même, ils voient ses notes dégringoler, ils veulent l’aider, à tel point que Samuel finit par les fuir, il s’isole.
Pour finir Mathieu et Walter se retrouvent seuls en première S, Samuel va dans une première technique, pour passer un bac technique, arrête le hand, passe ensuite un BTS, les deux autres font des classes préparatoires, pour préparer leur entrée dans une grande école, une de celles qui sont destinées à Samuel qui, lui, de son côté, passe un BTS.
Samuel n’est pas là à sa place, c’est évident, se disent ses professeurs, ce gamin respire l’intelligence, il est doué, c’est évident, doué de sa tête, doué de ses mains, il n’est pas à sa place dans cette filière. Ses profs viennent le voir pour le lui dire, ils l’aiment bien, pour eux Samuel est un O.V.N.I., un extraterrestre débarqué de son O.V.N.I. par hasard dans leur classe. « Qu’est-ce que tu fous là Sam, lui demandent-ils, tu sais qu’après le BTS, lui conseillent-ils, tu peux passer des concours pour entrer dans une école d’ingénieur ».
Les professeurs sont bienveillants à son égard, prévenants et bienveillants, Samuel les regarde, leur sourit, hausse les épaules, il se sent bien, là, pense-t-il sans le leur dire, bien à sa place, à cette place, pense-t-il, qui n’est pas sa place, pensent-ils, d’ailleurs il n’a plus vraiment envie d’être à sa place, il préfère être ailleurs qu’à sa place.
« Chacun doit trouver sa place dans le monde, lui dit un jour un de ses professeurs, sur un ton bienveillant, il existe une place pour chacun dans ce monde, ajoute-t-il prévenant, il faut trouver la tienne Samuel, trouver ta place’.
« Merci m’sieur », lui répond Samuel , sans lui dire qu’il sait bien où est sa place mais il n’a pas envie d’y être, il préfère laisser sa place à d’autres, même si ces autres sont moins à leur place à cette place, qui n’est pas la leur, que lui-même serait mieux à sa place s’il était à leur place, pense-t-il, sans le dire à ce professeur, qui prévenant, voudrait l’aider à trouver sa place.
Les autres élèves le regardent aussi comme un étranger, débarqué là par hasard, le plus grand des hasards.
D’où sort ce type, se demandent-ils, avec ses allures de bourge, ses allures de premier de la classe qui pourtant refuse d’être le premier de la classe.
C’est un véritable chamboulement quand les choses ne sont pas à leur place, se disent-ils, chacun doit être à sa place dans ce monde, pensent-ils comme les professeurs dont ils ignorent qu’ils pensent comme eux.
C’est qu’eux, les autres élèves de ces filières techniques, ils viennent des quartiers défavorisés, pour la plupart ils sont d’origine arabe ou africaine, leurs parents ou leurs grands-parents viennent du Maghreb ou d’Afrique, eux sont nés en France, ils ne viennent pas d’Afrique, mais des hautes barres d’immeubles situées sur les hauteurs de Chambéry, c’est là où vivent les enfants dont les parents viennent du Maghreb et d’Afrique habitent, pas comme Samuel, lui vit dans une villa, dans un quartier bourge, loin du bruit des vélomoteurs qui réveille la nuit, des sirènes des voitures de pompiers, des voitures de police qui réveillent la nuit, quand il y a eu du grabuge dans le quartier, du bruit chez les voisins, quand les couples s’engueulent la nuit, le bruit incessant de cette angoisse d’un avenir incertain, des lendemains difficiles, des vies difficiles, les existences sacrifiées bruyantes, tout ce qui fait mal dormir la nuit.
Les autres seraient en droit de le prendre mal, prendre Samuel en grippe, le malmener, le tyranniser, en faire leur souffre-douleur, ils sont en nombre, lui est seul, ils peuvent imposer leur loi, la loi des grands nombres.
Il n’en est rien, au contraire, dès le premier jour, à la cantine, Samuel, son plateau entre les mains, scrute les tables, il choisit sa table au premier coup d’œil, pas celle des bons élèves, ni des trop mauvais, Samuel les a repérés, il sait lesquels sont les bons élèves et lesquels seront les trop mauvais élèves.
Avec son plateau il se dirige vers la table des élèves moyens, ni bons ni mauvais, les moyens le regardent venir vers eux, pourquoi n’a-t-il pas choisi une autre table, pensent-ils, la table des bons élèves, le réfectoire est immense, il reste encore des tables libres, il devrait s’asseoir seul à une table libre, se disent-ils, là est sa place, pensent-ils, seul à une table libre, sa place est d’être seul.
Pourtant, quand il arrive à leur table, les élèves moyens se poussent pour le laisser passer, ils lui font de la place, l’accueillent parmi eux, ils lui laissent une place. Dès qu’il est assis sur sa chaise, l’un d’eux lui passe la carafe d’eau en aluminium, Samuel le remercie et remplit son verre, d’où sort ce type, se demandent les autres sans le lui demander, ils savent bien qu’il peut être le premier de la classe s’il le veut, mais il ne veut pas l’être, ils l’ont tout de suite compris, il a choisi son camp, leur camp, le camp des moyens élèves.
Les autres, les élèves moyens se disent qu’il s’agit d’une erreur, il s’est juste trompé de table, ils lui pardonnent cette erreur, dès demain tout va rentrer dans l’ordre, se disent-ils, il va s’asseoir à une autre table, la table des bons élèves ou une autre table où personne n’est assis, une table vide, en bout de réfectoire. Il leur faut attendre le lendemain pour découvrir qu’ils se trompent, ils ont jugé trop vite Samuel, il ne fait rien par hasard, il se trompe rarement, ses qualités d’analyse sont efficaces, le lendemain il vient à la même table, la leur, à sa place, la sienne, à la table des élèves moyens, et encore le lendemain, et encore les jours d’après, Samuel vient s’asseoir à leur table, la table des élèves moyens, il vient s’asseoir à cette table à la même place, sa place à cette table des élèves moyens est devenue la sienne, à présent les autres la lui gardent quand il arrive en retard, si un autre élève veut s’asseoir à la place de Samuel les autres lui disent que cette place est déjà prise par quelqu’un, quelqu’un d’autre, un des leurs, un autre élève moyen.
Au début, les autres ne la comprennent que très moyennement, cette présence de Samuel à leur table, ils ne la comprennent même pas du tout, cette attitude pour le moins inattendue leur paraît inconvenante, cette attitude ne leur convient pas, elle n’entre pas dans le cadre des attitudes compréhensibles, elle n’entre pas dans le cadre de leur compréhension.
Eux rêvent de réussite, ils n’ont pas assez de moyens à leur disposition, de compétences, de talents, ils ne sont pas aidés par un environnement trop bruyant. Ils ne sont pas assez bons, ni à l’école, ni au foot, sinon ils ne passeraient pas à côté de cette chance, quand on a une chance de pouvoir réussir on ne passe pas à côté, quand on a une chance on la saisit, pensent-ils, on ne passe pas à côté de la possibilité de se faire une place au soleil, de devenir riche, pour assurer son avenir et celui de ses enfants, voire assurer aussi l’avenir de ses parents.
C’est pour cette seule raison que leurs parents sont venus vivre ici, dans ce pays, pour que leurs enfants aient une meilleure chance de s’en sortir, une chance de réussir, de vivre dans une grande maison, de rouler dans une belle voiture. Ce type chamboule leur lecture du monde, leur grille de compréhension du monde, d’un monde coupé en deux, entre ceux qui disposent de toutes les chances de réussir et les autres, ces sacrifiés dont ils font partie, ceux qui ne réussiront jamais parce qu’ils n’ont aucun talent, aucune possibilité de réussir dans la vie.
Leurs sœurs ont mieux réussi qu’eux, leurs sœurs ont fait des études de droit, de gestion, de médecine, de biologie, maintenant leurs sœurs sont avocates ou médecins, ou elles travaillent dans des cabinets d’audit comptables ou des grands groupes pharmaceutiques. Leurs sœurs oui, mais eux non, d’ailleurs ce type à leur table leur fait penser à leurs sœurs, il a une tête à faire d’autres études, pas une tête à se retrouver en section technique, maintenance industrielle, électrotechnique, les moteurs, la soudure, il n’a pas une tête à faire de la soudure.
Samuel n’imagine pas ces questions qu’ils se posent à son sujet, il ne dit rien, il les écoute parler de foot, des complots, des mensonges des journalistes et de la Palestine, lui se tait, il n’a rien à dire, il est juste content d’être assis à leur table, à la table des moyens élèves. Les autres finissent par accepter son silence, les autres s’habituent à sa présence, à son mutisme. Il doit avoir un problème, pensent-ils, c’est évident, ils ne savent pas lequel, ils aimeraient le lui demander, pour savoir mais aussi pour l’aider, ils ont fini par l’avoir à la bonne.
Samuel reste toutes ces années assis à cette même table des élèves moyens, à la même place de cette même table, avec eux, enfermé dans ce réfectoire et son mutisme, durant toutes ces années, même si, quand il rentre chez lui le soir, il commence à lire des livres d’un genre particulier, même si, le soir, après avoir mangé avec son père, il monte s’enfermer dans sa chambre pour lire des livres que les autres, ceux de sa table, les élèves moyens avec lesquels il est assis au réfectoire, ne lisent pas.
Samuel lit, non pas des livres pour se divertir, pour se changer les idées, non pas des romans, mais des livres de critique littéraire, il lit aussi des revues littéraires dans lesquelles se trouvent des critiques littéraires, pour le moment il n’écoute pas encore sur France Culture les interviews d’écrivains, ces émissions où les écrivains parlent de leur livre qu’ils portent en eux depuis des années, cela vient plus tard, comme aller sur le blog de critique littéraire, cela vient aussi plus tard, pour le moment Samuel lit seulement des livres et des revues de critique littéraire.
«
sketch où il est dit qu’il se prépare à un avenir critique, ou de critique :
»
Dans la chambre de Samuel il n’y a que des livres de critique littéraire que les autres élèves de son âge ne lisent pas, des livres de critique littéraire et une lettre pliée en trois dans une enveloppe enfermée dans le tiroir de son bureau, cette lettre est à présent le seul roman présent dans sa chambre, un roman d’un genre spécial, il en convient, un roman très particulier qu’il convient de lire plus tard, quand il sera enfin prêt.
D’autres élèves suivent d’autres filières spéciales, des filières où l’on parle de critique littéraire, d’autres filières plus proches de la critique littéraire que cette filière technique suivie par Samuel.
Des filières où les élèves apprennent à développer leur esprit critique et leur sens de l’analyse, ces filières plus proches de la critique littéraire aident les élèves qui les suivent à aborder la critique littéraire, une critique qui exige de la part de ceux qui s’y livrent d’être dotés d’un esprit critique développé.
Ces élèves développent leur esprit critique et leur sens de l’analyse en suivant un enseignement spécifique où ils apprennent la transtextualité et l’analyse narratologique,
Où bien ils apprennent aussi à rédiger des dissertations de philosophie afin de développer leur sens critique, et aussi le sens de la rhétorique et de la dialectique pour remettre à leurs professeurs des dissertations convenables.
Des dissertations traitant de questions diverses relatives à la critique littéraire et aux romans, est-ce que le roman sert uniquement à s’évader, l’histoire est-elle un roman, pourquoi lit-on des romans, un personnage médiocre peut-il faire un bon personnage de roman, le roman peut-il être une arme pour défendre ses idées, le roman sert-il à s’évader de la vie ou à expliquer la vie, des multitudes de questions de dissertations philosophiques qu’il convient d’aborder avec discernement.
Les meilleurs d’entre eux se retrouvent par la suite dans des grandes écoles, ils deviennent le plus souvent experts en finances, en placements financiers, ils deviennent aussi managers de grandes entreprises, responsables marketing dans de grandes entreprises fabriquant des parfums ou des sacs à main.
Parfois ils deviennent, eux-mêmes, à leur tour, professeur de philosophie pour apprendre à leur tour à leurs élèves comment développer leur esprit critique et leur sens de l’analyse, pour la plupart, ces professeurs de philosophie finissent par écrire eux-mêmes des romans dans lequel ils développent leur esprit critique et leur sens de l’analyse.
Samuel se voue à un autre destin, il crée sa propre filière, il s’invente lui-même une filière à la mesure de ses objectifs, une filière sur mesure. Les livres de critique littéraire présents dans sa chambre ne préparent à aucune grande école, ils préparent à un autre objectif, ses livres de critique littéraire sont des instruments de mesure utilisés pour réaliser des expériences, comme dans un laboratoire, non pas plusieurs expériences dans le cas de Samuel mais une expérience unique, d’autres peuvent utiliser ces mêmes instruments de mesure en vue de réaliser d’autres expériences, des expériences d’un autre genre, ce n’est pas le cas de Samuel.
Une fois son BTS obtenu, contrairement aux autres élèves moyens de sa table, ces élèves moyens avec qui Samuel a mangé durant toutes ces années, assis à la même table, à la même place de cette même table, contrairement à eux Samuel n’a pas de mal à trouver un travail, dans une grande société américaine qui fabrique des caisses enregistreuses.
«
Horreur, une femme!
Hurkhurkhurk!
Renato, il est certain que statistiquement une haine x, y, z, armée par une loi fondatrice fera plus de morts que dans un pays où le lobby des fabricants n’a pas encore réussi à s’imposer.
sketch où il est dit qu’il trouvera peut-être sa place :
»
Les trois garçons, amis d’enfance sont restés amis, durant leurs études ils ne se voient plus guère, maintenant qu’ils ont terminé leurs études ils se voient plus souvent. Samuel ne les fuit plus, au contraire il aime bien leur compagnie, ils se retrouvent souvent, ils sortent ensemble, pour boire des bières ensemble, ils ne font plus de handball à Chambéry, maintenant ils jouent au squash, ensemble, au tennis aussi, aux jeux vidéo avec la console de jeu de Mathieu, comme des enfants.
Mathieu, de son côté, a trouvé sa place, Matt le défenseur costaud de l’équipe de hand fait Sciences Po avant de devenir reporter photographe, c’est vrai qu’il a l’air d’un baroudeur avec sa veste à grandes poches, son pantalon à grandes poches, ses chaussures hautes, il parcourt le monde, couvre les zones de conflit, les grandes catastrophes, naturelles, humaines, les massacres, les famines, les cataclysmes et il prend des photos.
Walter, de son côté, est professeur de philosophie, il a commencé une thèse en philosophie de l’art, l’art de la philosophie, l’esthétique, éthique et esthétique, esthétique et politique, la représentation, l’expression, le sens… Il ne parcourt pas les zones de conflit mais l’Italie, la Toscane, Venise, Rome, les grandes villes-musées, les villages-musées, les régions-musées, les pays-musées, il donne des cours, participe à des colloques, rédige des articles dans des revues, comme Mathieu il prend des photos, passe du temps bénévolement au sein d’associations pour la sauvegarde du patrimoine, en Toscane, dans le reste de l’Italie, en France, partout où il y a du patrimoine à sauver, il signe aussi des pétitions, pour la sauvegarde du patrimoine.
Samuel aime les écouter parler de leur travail, de leurs occupations, de son côté il a moins de choses à raconter, il se contente de les écouter. Samuel ne leur parle pas de ses lectures, quand Walter parle de Nietzsche, Hegel ou Kant, Samuel fait celui qui ne les connaît pas, celui qui n’en a jamais entendu parler, il pose des questions.
Quand Walter s’adresse à Samuel il simplifie, vulgarise au mieux, au plus simple, la représentation, l’expression, le sens, il lui parle comme on parle à un enfant. Samuel le voit bien, lui qui est habitué à lire des livres de critique littéraire écrits par des intellectuels de haut rang il s’en rend compte, mais il ne lui en veut pas.
Mathieu parle des guerres, des grandes catastrophes, Samuel lui pose des questions, Mathieu lui répond gentiment, il simplifie, vulgarise, les bons, les méchants, les différences entre sunnites et chiites, les enlèvements de journalistes, les prises d’otages, l’aide humanitaire, il lui parle comme on parle à un enfant, Samuel le sait, il ne lui en veut pas.
Une autre personne peut aussi témoigner, Fanny, amie d’enfance des trois garçons, elle habite le même quartier, quelques maisons les séparent, tous les quatre sont inséparables depuis leur enfance. Les trois garçons sont amoureux d’elle, bien sûr, depuis l’enfance, la petite enfance, depuis la maternelle, ils aiment son visage ovale, pas rond mais ovale, une parfaite symétrie ovale avec son menton moins ovale et ses deux yeux bleus rêveurs, comme une Vénus de Botticelli, celle du coquillage et l’autre aussi, l’autre Vénus, celle du printemps, le printemps de Botticelli, même si elle ressemble plus à celle du coquillage.
Lors de son premier voyage à Florence, Walter envoie une carte postale à ses deux amis, chaque carte représente un des deux tableaux de Botticelli, ceux où Botticelli représente Vénus, Samuel reçoit la Vénus du coquillage, Mathieu celle du Printemps, au dos des deux il écrit la même chose, Botticelli a peint Fanny, écrit-il au dos des deux cartes postales, les deux garçons comparent leurs cartes postales, les deux tableaux, c’est presque la même Vénus, mais Fanny est quand même plus belle, ils sont d’accord sur ce point.
Enfant, Fanny vient souvent chez Samuel, ils s’assoient côte à côte, sur son lit et ils lisent, appuyés l’un contre l’autre, collés l’un à l’autre, si proches qu’ils ne forment qu’un seul corps, un corps unique monstrueux comme celui d’un extraterrestre, avec quatre yeux, quatre mains, deux livres, deux visages, un seul esprit, une âme unique.
Un jour, Samuel a onze ans, le même âge que Fanny, elle a le même âge que Samuel, elle aussi a onze ans, depuis qu’ils sont enfants ils ont toujours eu le même âge, Samuel essaie d’embrasser Fanny, elle détourne le visage, éloigne ses lèvres, il se retrouve avec les lèvres collées sur sa joue, il ne le refera plus jamais, il ne le dit pas aux autres.
Samuel se doute bien que les autres aussi ont essayé, eux aussi ont voulu l’embrasser, même si aucun d’eux ne le dit aux autres, ils le savent, tous les trois s’en doutent, c’est évident, ils n’ont aucun doute sur cette question, Fanny détourne son visage trois fois, de la même manière, elle éloigne ses lèvres trois fois de la même distance, les trois embrassent la même joue au même endroit, celui que Fanny leur tend, en détournant la tête, en éloignant ses lèvres.
Ils jouent au tennis tous les quatre, Fanny est de loin la meilleure des quatre, celui qui fait équipe avec Fanny est sûr de gagner le match.
Ses balles sont d’une précision diabolique, les garçons cognent fort dans la balle, comme quand ils jouent au hand, ils cognent comme des brutes, ils croient qu’ils pourront l’avoir par la force de leurs coups, mais Fanny est rapide, elle est rapide et légère, autant les garçons sont lourdauds autant Fanny est légère, tellement légère que ses pieds ne semblent pas toucher le sol, pourtant Fanny est grande, ses jambes sont longues et fines, elle prend le temps de se placer, sur son revers, sur son coup droit, elle prend le temps de s’appuyer sur leur balle, sur la force de leur balle, elle s’appuie si bien sur la force de leur balle que cette balle leur revient encore plus fort, tellement fort qu’ils n’ont pas le temps de se placer pour la renvoyer, elle se place si bien qu’elle place la balle là où elle veut la placer, pour déplacer les garçons, les prendre à contre-pied, à contre-courant, pour les décentrer, les déconcerter, les désorienter, Fanny les désoriente, depuis qu’ils sont enfants, depuis la maternelle, elle les prend à contre-pied et les désoriente, elle leur offre sa joue quand ils visent ses lèvres.
Fanny est institutrice, dans un petit village, proche de Chambéry, sur les hauteurs, dans les montagnes, les enfants de sa classe ne connaissent pas Botticelli, ils aiment son visage, ils dessinent leur maîtresse sur des feuilles de papier, avec leurs crayons de couleur, le jaune pour ses cheveux, le bleu pour ses yeux, le rouge pour ses lèvres, tous des petits Botticelli en herbe, ils reproduisent son visage ovale et ses yeux rêveurs, la représentation, l’expression, le sens… ils ne connaissent pas Botticelli, ils ont l’âme d’un Botticelli même s’ils ne le connaissent pas, Fanny ne les considère pas comme des enfants, elle leur parle comme on parle à des adultes.
«
sketch où l’on apprend qu’il est un lecteur de Richard Shusterman :
»
Il trouve un autre message du site sur lequel il commande ses livres, il lui propose d’autres livres en relation avec le dernier qu’il a commandé, un livre de Richard Shusterman, sans toutefois préciser qu’il est sans doute un des rares à avoir commandé ce livre écrit par un auteur que peu de lecteurs connaissent.
Même dans les milieux spécialisés, peu de lecteurs connaissent Richard Shusterman, à tel point que dans ces milieux spécialisés où peu de personnes connaissent Richard Shusterman, celui qui connaît Richard Shusterman peut être amené à se vanter auprès des autres en exhibant sous leurs yeux son livre de Richard Shusterman, en montrant étonnés que ces autres, qui appartiennent au même milieu spécialisé que lui, ne connaissent pas Richard Shusterman, allant même jusqu’à dire à ces autres qui évoluent dans ce même milieu spécialisé que lui, qu’il est déçu de constater qu’ils ne connaissent pas Richard Shusterman.
Le cas de Samuel est différent, il évolue dans un milieu où personne ne connaît Richard Shusterman, dans le milieu de la réparation de caisses enregistreuses personne n’a de raisons de lire Richard Shusterman, dans le cas tout à fait improbable de tomber sur un individu, comme Samuel, évoluant dans ce milieu spécialisé dans la réparation de caisses enregistreuses, un individu comme Samuel ayant, contre toute attente, lu Richard Shusterman, celui-ci ne dira jamais aux autres, qui eux ne connaissent pas Richard Shusterman, qu’il est surpris, voire déçu qu’ils ne connaissent pas Richard Shusterman, surtout pas pour se vanter auprès des autres qui, comme lui, évoluent dans un milieu spécialisé dans la réparation de caisses enregistreuses, un milieu où il ne viendrait à l’idée de personne de se vanter auprès des autres en exhibant son livre de Richard Shusterman.
Le site de vente en ligne lui propose en vrac d’autres livres de critique littéraire, le plus souvent aucun de ces livres ne l’intéresse, tous ces livres Samuel les a déjà chez lui, il les a déjà lus. Parfois on lui propose un livre inattendu, un livre qu’il ne connaît pas, comme quand on lui avait proposé celui de Richard Shusterman qu’il ne connaissait pas encore à l’époque, il note alors le nom de l’auteur et le titre sur une feuille, ensuite il se renseigne au sujet de ce livre, sur internet, il entre le titre sur le moteur de recherche, au final, le plus souvent, il le commande.
Sur le site d’achat de livres en ligne, les lecteurs donnent leur avis sur les livres et ils mettent une note à ces livres, sous forme d’étoiles, au maximum cinq étoiles, au minimum zéro étoile, ils donnent leur avis pour justifier leur note. Samuel note ces avis, il apprécie ce fonctionnement, il trouve ce système bien fait, avoir l’avis des lecteurs l’intéresse, même si ces avis ne sont pas toujours d’un grand intérêt, c’est bien de jouer le jeu, se dit-il, lui aussi joue le jeu, il a donné son avis et une note sur le livre de Richard Shusterman, c’est le seul avis et la seule note sur un livre de cet auteur.
Samuel fait la différence entre des avis pertinents et des avis non pertinents, parfois même impertinents, ceux des lecteurs qui ne jouent pas le jeu, ceux qui veulent juste faire les malins, juste pour se faire remarquer des autres lecteurs, ceux-là sont rares, le plus souvent les lecteurs se prêtent sérieusement au jeu, avec sincérité, dans le but d’aider les autres lecteurs à bien choisir leur livre, c’est ce que fait Samuel, il joue le jeu le plus sérieusement du monde, il s’est d’ailleurs fait un nom, attendons l’avis de Samuel, peut-il lire parfois dans les avis des autres lecteurs.
Samuel regarde parfois les avis sur des romans, ces livres du genre de ceux qu’il ne lit pas, même si les livres ont des avis enthousiastes, même s’ils ont les meilleures notes, malgré tous ces éloges, cela ne lui donne pas envie de les lire, cela ne l’empêche pas de lire quand même ces avis sur ces livres qu’il ne lit pas.
Samuel lit les avis et les notes des lecteurs sur les grands romans, ceux qui appartiennent à la grande histoire de la littérature, l’histoire de l’excellence littéraire, il lit aussi les avis et regarde les notes sur les moins grands romans, destinés sans doute à tomber dans l’oubli, des livres dont aucun livre de critique littéraire ne parlera jamais, ces livres font parfois l’objet d’avis élogieux de la part de lecteurs enthousiastes, ils leur mettent les meilleures notes, ces éloges ne les empêcheront pas de tomber dans l’oubli, Samuel le sait, même s’il ne les a pas lus, il s’en doute.
«
Dear Bloom, votre portrait de Céline de 23.24 sévèremment bien documenté mais gare à la charge excessive, l’homme mauvais en tout, même face à la mort, qui peut le dire. Gide disait les pamphlets volontairement inefficients parce qu’excessifs. faire passer les lecteurs de Céline pour des crypto-fascistes n’est pas une mince idiotie inconsciente de radiofrance d’aujourd’hui.
dear hamlet, vous écrivez beaucoup, obligez à manier la mollette pour repêcher les voix noyées dans les discours musilo-choucroutiens à la Kraus. prévoyez quelques vacances à saint barth.
sketch où il découvre et accepte les limites de la connaissance :
»
« C’est quoi tous ces livres et ces magazines », demande Fanny en parcourant du regard la chambre de Samuel qui n’ose répondre, il est occupé à continuer d’embrasser son dos, à compter ses petits poils blonds qui dressent la tête sur sa peau sous ses baisers.
Intriguée, Fanny se lève, nue, elle prend des revues parmi celles empilées par terre, elle les passe en revue, les feuillette, « tu lis des revues littéraires maintenant », demande-t-elle.
Elle repose les revues et se dirige vers la bibliothèque. « Où sont passés tes romans, demande-t-elle.
— Au grenier, répond Samuel.
— Tu ne lis que des livres de critique littéraire, demande-t-elle.
Elle croit comprendre, c’est si facile de comprendre, Fanny se dirige vers le bureau, « C’est là qu’elle est, la lettre, demande-t-elle ».
— Oui, répond-il sans intention d’en dire plus, attendant la question suivante, la question à laquelle il s’attend.
— Tu ne la liras jamais, n’est-ce pas, demande Fanny en se retournant vers lui.
— Je ne sais pas, s’entend-il répondre.
Fanny se baisse et prend les trois livres, Antimatière et les deux autres, ces livres que Samuel vient de lire durant dix jours. « Quel drôle de titre, dit-elle, Antimatière, encore un livre de critique littéraire, dit-elle, mais pas celui-là, ajoute-t-elle ».
— Celui-ci aussi, rectifie Samuel, ce livre n’est pas vraiment un roman, c’est un roman-essai, dit-il en lui prenant les livres des mains. Il en ouvre un.
— Tu te souviens lorsque nous lisions ensemble, demande-t-il.
— Oui, je m’en souviens, répond Fanny.
— L’auteur en parle dans ce livre, je veux dire il parle de nous, pas vraiment de nous mais d’une histoire d’amour entre un frère et une sœur, le frère s’appelle Ulrich et la sœur Agathe, l’auteur avait lui-même perdu sa sœur, une sœur de cinq ans sa cadette, c’est dit dans ce livre, dit-il en montrant l’autre livre, Antimatière, cette sœur disparue est devenue un objet de culte.
Samuel prend la main de Fanny.
— Nous nous aimons n’est-ce pas, demande-t-il.
— Oui, répond-elle,
— Je veux dire nous nous aimons depuis toujours n’est-ce pas Fanny, insiste-t-il.
— Oui depuis toujours, répond-elle.
— Nous non plus n’étions pas seuls lorsque nous lisions, la lecture est un acte solitaire, ajoute-t-il sans lui laisser le temps de répondre, en principe chaque lecteur lit seul, mais nous, nous ne lisions pas seuls.
Fanny le regarde en souriant.
« Dans ce livre le frère et la sœur explorent leurs sentiments, dit-il, plus exactement leur sentiment amoureux, celui qu’ils éprouvent l’un pour l’autre, ils essaient de le comprendre, de le mettre en rapport avec leur intellect, de le situer par rapport à la connaissance qu’ils en ont ».
Samuel ouvre le livre et lit quelques lignes du chapitre s’intitulant Souffle d’un jour d’été, ces lignes sur la plainte des cœurs à la fois pleins et vides de cette extase mystique, l’impossibilité de saisir l’existence de cette extase dont on ne peut que constater la présence, ensuite il referme le livre.
« Il a raison n’est-ce pas, demande-t-il, nous ne pouvons rien connaître de notre sentiment amoureux, la connaissance est une mise à distance, un éloignement, dès que notre connaissance essaie de s’emparer de ce sentiment d’extase il s’éloigne et disparaît, il part en fumée, se désagrège dans l’espace, dit-il, les discours savants ne donnent pas accès à ce monde, les discours savants sur l’extase amoureuse ne disent jamais rien de l’extase amoureuse, dit-il ».
— Pourtant, en le disant, répond Fanny, tu fais bien fonctionner ton intellect, dire que la connaissance ne peut s’en emparer c’est en soi une connaissance, dit Fanny qui, sans le savoir, se met à parler comme le personnage du livre, comme la sœur, Agathe.
— Oui, répond Samuel, c’est exact, cela ne remet pas pour autant en question les possibilités de notre intellect, au contraire c’est suivre le chemin de notre intellect que de savoir que nous ne pouvons avoir aucune connaissance de notre amour, c’est mieux ainsi n’est-ce pas, c’est mieux de ne pas chercher à savoir, demande-t-il à Fanny.
Elle vient s’allonger auprès de lui, se coller à lui, elle l’embrasse longuement avant de répondre « oui Samuel, c’est bien mieux ainsi ».
«
sketch où l’on passe de la critique à la béatitude :
»
« Merci d’avoir pris ma défense », dit-il à Fanny en la prenant dans ses bras.
Ils ont éteint les lumières, ils sont allongés sur le canapé du salon, un plaid polaire sur eux, dans le noir, par la fenêtre ouverte ils peuvent voir les étoiles dans le ciel, le plaid est si étroit qu’ils doivent se serrer étroitement pour qu’il puisse les recouvrir.
« Tu ne l’aurais pas fait, répond-elle.
— Non, dit-il, je ne l’aurais pas fait.
— Pourtant tu en sais plus long que lui avec tous ces bouquins et ces revues que tu lis, dit-elle.
— Je n’en sais rien, répond-il, je n’en suis pas sûr, tu sais Fanny, poursuit-il après un moment de silence sur le ton de celui qui est sur le point de révéler un secret ou d’avouer un crime.
« En plus de tous ces livres et ces revues de critique littéraire, depuis quelques années j’ai l’habitude d’aller sur un blog littéraire, il est fréquenté par des passionnés de lecture, la plupart sont de sacrées pointures, des érudits qui en savent bien plus long que moi sur les livres, parmi eux il y en a un qui signe ses commentaires Yorick, ce type est un clown triste, désespéré, il en veut au monde entier, il aimerait que les livres puissent rendre le monde meilleur, il exaspère les autres avec sa quête d’absolu, les autres ne le supportent pas, quand ils s’adressent à lui, le plus souvent pour l’injurier, ils ne l’appellent pas Yorick, ils l’appellent toujours mon pauvre Yorick, c’est idiot n’est-ce pas d’imaginer que les livres puissent changer le monde, je n’y ai jamais cru, et pourtant j’ai l’impression que quelque chose a changé en moi après avoir lu ces trois livres ».
— Peut-être, dit Fanny, que les livres ne font rien d’autre que révéler des choses que nous avons déjà en nous avant de les lire, de nous en faire prendre conscience.
— Tu as sans doute raison, dit-il, peut-être est-ce parce que j’étais diminué, à cause de la fièvre, j’étais en position de faiblesse, peut-être est-ce ainsi qu’il nous faudrait toujours lire, en position de faiblesse, en étant soi-même diminué, je ne prétends pas avoir parfaitement compris ces livres, avoir saisi précisément les intentions de ces auteurs, sans doute ma lecture est-elle erronée, mais ce n’est pas grave de se tromper, cela n’a pas d’importance, c’est comme dans ces expériences scientifiques où une erreur de manipulation permet de faire une découverte.
« Tu n’as pas trouvé étrange cette histoire de Walter, lui demande-t-elle, sur le moment je lui en ai voulu mais maintenant, je ne sais pas pourquoi, je suis presque prête à lui pardonner sa malhonnêteté, ajoute-t-elle ».
Samuel ne répond pas, il ne sait quoi penser du mensonge de son ami, de ce roman se réclamant d’une vérité écrit sur la base de la malhonnêteté d’un de ses personnages.
« C’est drôle, dit-il soudain, aucun des livres de critique littéraire que j’ai lus n’aborde cette question, pourtant je crois les avoir tous lus, mais aucun de ces auteurs n’a imaginé une semblable situation, sauf peut-être le dernier livre que j’ai lu, Antimatière, l’auteur s’explique sur ce titre à la fin du livre en revenant sur la définition première, l’antimatière représente l’équivalent de toute la matière visible, chaque particule présente dans l’univers possède son antiparticule, les deux naissent au même moment, chacune est en tout point identique à son double, mais dotée d’une force exactement contraire, si les deux se rencontrent, elles se neutralisent, annihilant leurs forces respectives. Cette antimatière existe partout dans l’univers mais nous ne pouvons la voir ni la percevoir, elle nous est invisible et imperceptible, l’auteur reprend cette image pour l’appliquer à nos sentiments, comme si nous-mêmes possédions en nous ces deux entités, une matière perceptible et agissante et une autre imperceptible et contemplative, les deux sont capables de s’annihiler si elles entrent en contact, reprenant les schémas de Robert Musil, il nomme la première l’intellect, une force de l’esprit qui engendre des sentiments qui nous poussent à agir, cette force est générée par la connaissance des choses, leur compréhension, leur analyse, la seconde il la nomme le sentiment, une force de l’âme qui nous emmène vers le chemin de l’amour, d’une extase mystique ».
« Ce que tu dis me fait penser à Pascal, répond Fanny en pressant plus fort son corps contre celui de Samuel, du moins le souvenir que j’en ai gardé de l’école, ses discours sur l’infini, sur la joie et la béatitude ».
En prononçant le mot béatitude Fanny se presse un peu plus fort encore contre Samuel.
Leurs corps sont à cet instant joints l’un à l’autre de manière si parfaite qu’aucun espace ne les sépare. Chacun d’eux perçoit le désir physique de l’autre, dans cette situation d’autres qu’eux auraient mis fin à cette étrange conversation, se seraient arrêtés de parler pour laisser s’exprimer leur désir, pour laisser leur corps assouvir la puissance de ce désir, sans doute ces autres qu’eux auraient mis fin brutalement à cette discussion, pour laisser la brutalité de leur corps assouvir ce désir, pour ensuite reprendre cette conversation, pour la reprendre calmement, après avoir laissé la brutalité de ce désir s’exprimer.
D’autres qu’eux auraient agi ainsi mais pas eux, ces mots chuchotés faiblement, comme si leurs âmes avaient déjà entamé cet acte d’amour, leurs âmes font déjà l’amour, non pas comme il est dit dans le jargon des manuels de sexualité sous la forme de préliminaires à l’acte amoureux mais déjà dans l’acte lui-même.
Ces étoiles qu’ils regardent dans le ciel nocturne, à travers le cadre de la fenêtre ouverte, sont comme des draps dans lesquels ces âmes s’ébattent pour assouvir leur désir.
— La joie et la béatitude, répète Samuel, c’est bien de ce sentiment dont il s’agit lorsque l’auteur parle de cette antimatière, la matière qui s’y oppose est constituée de sentiments liés à notre volonté, des idées qui agissent comme un moteur de la vie, ces convictions fondées sur une espérance qui poussent les êtres à se battre dans le but de parvenir à un objectif précis que nous appelons le bonheur.
— Il me semble que cette dualité est présente aussi chez Pascal, répond Fanny.
— Lui aussi oppose l’espérance vaine d’un bonheur à la joie, répond Samuel, c’est comme si cette dualité dont tu parles, qui oppose le bonheur et la joie, qui oppose l’espérance fondée sur un bonheur à venir à la joie du présent, cette dualité existe pour chaque idée, pour chaque pensée qui vivent en nous à chaque instant.
— La peur aussi, chuchote Fanny, la peur peut pousser notre esprit à vouloir comprendre nos sentiments, pour les maîtriser, la peur est aussi une raison qui explique notre désir de connaître.
— La peur, répète Samuel comme si ce mot faisait intrusion pour la première fois dans son esprit.
« Oui la peur aussi, tu as raison, comme celle, ajoute-t-il après un moment de silence, qui nous fait croire qu’en lisant tous les livres de critique littéraire nous pouvons être un jour capables de prendre le risque de lire une lettre laissée un jour, par une mère, sur le lit de son fils, en agissant ainsi, dit Samuel d’une voix faible comme s’il s’adressait à lui-même tout en commençant à retirer les vêtements de Fanny, nous ne faisons rien d’autre que vivre notre vie à l’extérieur de la vie ».
«
sketch où l’on passe de la critique à l’autodafé :
»
Samuel déménage toutes ses affaires à l’exception de la lettre de sa mère, celle qui est restée toutes ses années au même endroit, pliée en trois dans le tiroir du bureau, cette lettre Samuel ne la prend pas avec lui, elle n’a pas sa place dans leur nouvelle maison, elle n’a plus sa place dans sa vie.
Elle n’a plus de raison d’être, se dit Samuel au moment où un soir, seul chez lui, dans sa cuisine, cette cuisine où il avait trouvé son père se tenant la tête entre les mains, il place l’allumette sous l’enveloppe, dans un angle de l’enveloppe.
Samuel avait imaginé le faire en présence de Fanny, il avait imaginé la scène, une cérémonie, un rite, une mise en scène, il avait imaginé procéder à ce passage de témoin en présence de témoins, avec aussi ses amis Mathieu et Walter. Il avait imaginé leur expliquer dans ce cérémonial le sens de son acte, ils auraient compris, il avait la certitude qu’ils auraient compris.
Comme ces rituels où des enfants se piquent le bout du doigt pour mélanger leur sang, pour sceller leur amitié, sceller leur amour, à la vie à la mort, croix de bois croix de fer si je mens je vais en enfer.
Un cérémonial comme les enfants le font quand ils trouvent le corps d’un oiseau mort dans leur jardin. Il nous faut l’enterrer, disent-ils, avant de faire un trou dans le jardin, mettre le corps au fond du trou, mettre sur le corps des fleurs ou une image découpée dans un livre, ils organisent ces funérailles avec leurs amis, comme les grands, il ne faut pas être seul devant une tombe. Ils organisent ces funérailles avant l’heure du goûter, les mères les appellent par la fenêtre pour leur crier que le goûter est prêt, ils calculent l’horaire des funérailles en fonction de celui du goûter, comme les adultes, ils doivent manger après les funérailles, organiser des agapes, des tartines de confiture et un bol de chocolat au lait, pour que la vie reprenne ses droits, après les funérailles les vivants doivent continuer de vivre.
Samuel aussi avait imaginé organiser ces funérailles avec ses amis, avec Fanny, pour ne pas procéder à cette cérémonie en son absence, dans son dos, il avait imaginé sa présence, au moment où il brûlerait cette lettre, où il brûlerait ce roman laissé par sa mère, dans ses pensées Fanny est présente au moment de cet autodafé.
Alors pourquoi Samuel est-il seul quand il place l’allumette sous l’angle de l’enveloppe, est-ce pour éviter les questions, des questions auxquelles il n’a aucune réponse, des questions comme « pourquoi tu ne la lis pas avant de la détruire », pour éviter de s’entendre « dire tu veux que je la lise pour toi », ou entendre dire « si ça se trouve elle te donne simplement son adresse pour tu ailles la voir, là où elle vit aujourd’hui, elle ne t’a pas abandonné elle a juste déménagé, elle t’attend depuis toutes ces années, dans cette lettre elle a aussi laissé son numéro de téléphone, elle attend ton appel depuis toutes ces années, elle continue sans doute encore, aujourd’hui, d’attendre ton appel Samuel ; ou pour s’entendre dire dans la lettre elle dit qu’elle est malade, elle part parce qu’elle ne veut pas que ton père et toi assistiez à son agonie, pour s’entendre dire si tu ne la lis pas alors le remord te poursuivra toute ta vie, tu regretteras toute ta vie de ne pas l’avoir lue, Samuel tu as passé toutes ces années à lire ces livres de critique littéraire, toutes ces heures passées à lire ce blog littéraire juste pour être prêt un jour à affronter cette lecture, maintenant tu as découvert que c’était un leurre, que même en lisant tous ces livres tu ne serais jamais capable d’affronter cette lettre, d’assumer cette lecture, d’accord Samuel, mais ce n’est pas une raison pour ne pas la lire, Samuel tu t’es trompé d’accord mais ne fais pas cette bêtise ».
Non, Fanny n’aurait jamais tenu ce discours, prononcé ces paroles, au contraire, dans ce rituel qu’il imagine, Fanny est à ses côtés, elle ne cherche pas à le déstabiliser par ses questions, à mettre le doute dans son esprit, au contraire elle lui apporte son soutien, toute son empathie.
« Ne t’en fais pas Samuel, lui dit-elle, je suis là à tes côtés, je resterai toujours là à tes côtés, je ne t’abandonnerai pas », lui dit-elle, dans ce rituel qu’il a imaginé.
Fanny est là, Mathieu et Walter aussi sont là pour assister à cette cérémonie. D’autres aussi sont là, l’auteur du livre Antimatière, et aussi l’auteur du roman-essai, ce dernier se tient en retrait, habillé comme sur cette photo qu’il a vue de lui, dans son uniforme militaire, Samuel ne l’imaginait pas aussi grand, il le voyait plus petit, petit comme son colonel Stumm, cet homme est plus grand, bien plus grand, il se tient en retrait et il sourit en acquiesçant de la tête aux paroles de Fanny, comme pour dire à Samuel oui, il faut la croire, elle sera toujours là pour toi, elle te dit la vérité, Samuel le croit, il a confiance en cet homme.
Une autre personne est là aussi, dans cette cérémonie qu’il a imaginée dans sa tête, lui aussi a accepté de venir assister à cet autodafé, cet autre c’est Yorick.
C’est curieux se dit Samuel, je ne l’aurais pas imaginé comme ça lui non plus. Ce Yorick ressemble à mon père, se dit-il, mais mon père d’avant, pas mon père d’après la lettre dans la cuisine, pas ce père qui s’est laissé mourir au fil des jours mais l’autre, le père d’avant la lettre, celui qui venait voir les matchs de hand avec les autres pères.
Ce Yorick n’est pas un pauvre Yorick, au contraire c’est un Yorick rayonnant, un Yorick heureux et flamboyant.
Tu vois que j’avais raison, lui dit Yorick un sourire aux lèvres, les livres peuvent changer la vie de ceux qui savent les lire.
Yorick lui explique, en lui tendant la boîte d’allumettes, qu’il faut éviter de laisser son esprit prendre les chemins de l’amertume. Cette amertume, lui dit-il, n’a jamais existé et elle n’existera jamais dans les livres, au contraire, ajoute ce brave Yorick, ils sont le meilleur remède pour combattre cette amertume et les aigreurs de l’âme. Samuel se sent heureux, ils ont tous répondu à son invitation.
Samuel regarde noircir l’enveloppe, elle s’enflamme brusquement, d’abord l’angle de l’enveloppe contenant la lettre pliée en trois, Samuel regarde la lettre se replier sur elle-même, se recroqueviller, la flamme arrive jusqu’à ses doigts, là où il la tient, entre deux doigts, il doit à présent cesser de la tenir, il doit la lâcher pour ne pas se brûler les doigts, elle tombe dans un coin de l’évier, Samuel est seul dans sa cuisine, n’éprouvant à cet instant ni joie ni tristesse, il la regarde se consumer, jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucune trace, aucun débris permettant de reconnaître le moindre mot, la moindre lettre de cette lettre pliée en trois qui se replie à présent sur elle-même avant de tomber en cendres, seulement des cendres, un amas de cendres, Samuel la regarde se consumer, disparaître jusqu’au bout, sans l’avoir jamais lue.
«
(dernier) sketch sur la vie merveilleuse :
»
ils postulent pour une petite école, cette école n’a que deux classes, la directrice vient de partir à la retraite, Fanny prend sa place, le mari de la directrice est aussi instituteur dans la même école, il part à la retraite en même temps que sa femme, Samuel prend sa place, les deux prennent la place de ce couple d’instituteurs, une petite école primaire située dans un petit village, un coin paumé dans les montagnes, sur les hauteurs d’Albertville. Personne ne veut aller dans cette petite école, personne ne veut se retrouver dans ce coin perdu, ça tombe bien cette école est pour eux, à présent c’est la leur.
Fanny et Samuel rencontrent le couple d’instituteurs retraités, ils ont passé plus de trente ans dans cette école, expliquent-ils, ensemble dans cette école, une école n’ayant que deux classes, la classe des petits et la classe des grands, tous les deux, ce couple d’instituteurs, chacun dans sa classe, a appris à lire, à écrire et à compter à des générations d’enfants, durant toutes ces années passées dans cette petite école, l’un s’occupant de la classe des petits, l’autre de la classe des grands, séparant chaque groupe d’élèves de sa classe en sous-groupes, selon leur âge et leurs compétences, séparant petits et grands dans les classes des petits, et petits et grands chez les grands, cette petite école dans ce petit village perdu dans les grandes montagnes. Ils ont même eu leurs propres enfants comme élèves, ils les ont eus quand ils étaient petits et aussi quand ils étaient grands.
« Nous avons eu la chance d’avoir eu une vie merveilleuse, dit l’institutrice en serrant la main de son mari ».
— Nous sommes heureux de prendre la suite, répond Fanny en serrant la main de Samuel.
Ils se serrent la main avant de se quitter, nous repasserons vous voir disent les prédécesseurs à leurs successeurs en leur serrant la main.
«
On peut examiner le cas Céline sous tous ses aspects, il n’en reste pas moins que « Voyage au bout de la nuit », de 1932, reste un aérolithe énorme tombé dans la production de l’époque. Tout le désespoir contemporain surgit soudain. L’absurdité de la vie humaine (qui a germé dans les tranchées de 14-18) éclate en la révolte contre l’aliénation, le racisme, la solitude urbaine, l’homme moderne pataugeant dans ses angoisses, errant dans une planète en train de se transformer en immenses banlieue, et tout ça dans une langue parlée d’une vitalité et d’une invention personnelle extraordinaires. Le noir rayonnement demeure intact.
Désormais rompus à la connerie ambiante, je zappe un tas de commentaires
renato dit: 5 août 2019 à 8 h 22 min
Cet endroit devient la poubelle des nuls, un dépôt d’âneries, une vitrine où des bouffons complexés viennent exhiber leur nullité inguérissable, un dépotoir où des frustrés pondent allégrement des énormes Perles de Blog.
Il y a ici une odeur chaque jour plus forte à bêtise vaniteuse, à incompétence déguisée en érudition, à ignorance se donnant en spectacle.
Il y a trop de gens qui fréquentent ce blog pour des raisons pathologiques. C’est un endroit qui ressemble de plus en plus à la cour de récréation d’un asile de fous.
Les pires on les reconnaitra, d’ailleurs, à leur façon d’aboyer comme des enragés à ce message.
Je plains vraiment son directeur de devoir surveiller ce refuge pour handicapés du talent.
Entre x qui tire sa révérence , bloom et ses traductions absolument subversives ( je n’aurais pas imaginé un retrait si plein de gouaille et retenu, c’est un exploit! Je ne parviens souvent qu’à l’explosion ) que ne s’est il pas écrit hier soir.
Pablo, si je vous retranche de ce tas d’esprits délabrés automatiquement au vu de la tournure il faudrait aussi ne pas oublier les nombreux qui ajoutent à l’intérêt du lieu . Quant à l’autre segment où je continue de patauger il est nécessaire , toute cocotte comporte sa soupape, il nous faut nous détendre, prendre l’air, nous amuser. Impossible pour moi en tout cas de garder le nez dans le guidon, je n’en suis pas capable , vous gardez le cap sur le sérieux et ben y’ en a qui ne sont pas moins sérieux que ce cap mais qui ne font pas semblant.
@hamlet dit: 5 août 2019 à 9 h 37 min
Votre OVNI est passé dans le ciel de la RDL. Nuit des étoiles. Sillage lumineux. Puis rien.
Il reste une incertitude, quelque chose en suspens comme un rêve éveillé, réveillé. De texte en texte rien n’est resté semblable, prévisible. Tout se métamorphosait.
Au début cela semblait fait de bric et de broc, de notes d’écriture. Quelque chose de gribouilleux flottant entre les eaux des commentaires. Puis une sorte d’attraction s’est établie. Et ça a fait une vie. Le brouillon préparatoire d’une vie. Une fiction possible. Une métamorphose de vous en roman. Vous vous êtes fictionné par l’invention d’une autre vie, bercé par son rythme intérieur.
Écrire pour maintenir un contact avec L’homme sans qualités…
Votre non-roman est volatile, comme vous le vouliez, égaré dans le flux des commentaires et des billets comme le fut celui de Sergio sur son blog.
Vita Sackville-West écrivait à Virginia Woolf* le 19 février 1927 : » […] l’étrangeté des êtres humains me frappe de plus en plus fortement. […] Ici, nous ne sommes qu’une collection de gens rassemblés pêle-mêle du fait de circonstances purement fortuites, sans qu’il y ait entre nous le moindre lien hormis l’endroit où il se trouve que nous séjournons. […] »
Correspondance 1923-1941 – traduite de l’anglais par R. las Vergnas (pour Stock).
En cette rentrée de septembre, on va » poublier » 336 romans français .Pourquoi écrire « poublier » ? C’est une contraction de publier et oublier car environ 300 romans seront la fois publiés et oubliés dans un même élan sur deux mois. Si déjà 36 romans français sont analysés et commentés en détail dans les journaux, et non pas réduits à l’argument de quatrième de couverture… c’est pas si mal.. Bref, la grande casse de septembre.
Jacques Drillon, » fourchette » comme terme de gantiers est dans le Littré, mais pas « Étagère »…
« Bartleby est donc un générique, dans le sens où je l’employais. Mais en réalité, il n’existe pas de Bartleby. Ce n’est pas un personnage réaliste »
Clopine et MC (qui l’eût cru ?), certes Bartleby est un personnage emblématique, mais pour moi il existe bel et bien dans le roman éponyme de Melville. La preuve, on le reconnaît partout et surtout en soi. Qui n’a eu la tentation un beau jour, et après avoir toujours dit oui à tout de dire non, stop, j’arrête !
On a tous en nous de Bartleby…
« On a tous en nous quelque chose de Bartleby », sorry !
« « poublier » ? C’est une contraction de publier et oublier »
Moi j’y lis surtout « d’envoyer à la poubelle », Paul !
Faut-il lire et envoyer à la poubelle le roman inédit d’hamlet ?
A première vue, cela semble uniquement bavard. Rien de descriptif. Des mots des mots des mots, pour dire quoi ?
Il n’y a rien en nous de Samuel !
(il est vrai que j’applique ici le conseil d’hamlet, critiquer un « roman » que je n’ai pas lu…)
« C’est un endroit qui ressemble de plus en plus à la cour de récréation d’un asile de fous.
Les pires on les reconnaitra, d’ailleurs, à leur façon d’aboyer comme des enragés »
Hélas, Pablo75 et Chaloux, vous n’êtes pas les derniers à aboyer ici au moindre commentaire !
Me voici arrivée à la moitié de mon été… Passé avec Bourdieu.
Je grille de rendre compte de cette lecture (même inachevée) évidemment.
Et il n’y aurait guère qu’ici que je pourrai trouver des interlocuteurs à ce sujet, a priori.
Sauf que…
(ici, les raisons habituelles, qui vous lassent tant, dans leur ressassement, que vous m’en imputez la responsabilité, alors que je persiste à penser que leur cause m’est extérieure).
Donc j’en suis arrivée à la conclusion que si je veux trouver un lecteur qui, ici, veuille bien dialoguer, m’indiquer où à son sens j’ai tort et où j’ai raison, me dire son sentiment et m’aiguiller, je ne dois pas « balancer » mes petites réflexions avant de tâter le terrain.
Et de savoir si ça intéresse qui que ce soit, ou non ?
« « poublier » ? C’est une contraction de publier et oublier »
c’est une réminiscence de Sollers!
Mais, même si tous se récusent, je me réserve, évidemment dans la mesure où notre hôte débonnaire me laisse faire, le droit de balancer ou non ce que je veux…
Réponse de Passou, Clopine !
« Bourdieu, cet été, préférez ne pas ! »
Jazzy,comme tu fréquentes les maisons d’édition, tu sais comme moi l ‘espoir des d’auteurs publiés « en septembre »,jeunes ou moins jeunes, q ils sont les élus du grand steeple chase.. fin aout certains subissent humainement un véritable calvaire en voyant les semaines passer et cherchant dans les pages culture des quotidiens et magazines une mention de leur ouvrage.. en vain..au fnd, il y e entre 30 et 4O titres qui s’en tirent au maximum et font l’actualité… il y a les attachées de presse qui ne savent plus quoi dire à ces auteurs à la dérive et en attente du plus petit article..et certains directeurs littéraires qui mentent comme des arracheurs de dents en faisant croire à la carrière d’un livre alors qu’eux mêmes n’y croient pas vraiment..quelle système perturbant humainement mais qui économiquement a sa logique puisque les libraires fournissent trésorerie aux éditeurs.
Et Alii, j’ai utilisé cette expression « poublier » dans « le Point » il y a bien longtemps.. et je la tenais d’un libraire parisien.. et ça m’avait enchanté…mais tant mieux si Sollers l’a utilisée….oui, j’aime bien ce qu’il écrit sur la folie médiatique, un de ses grands sujets.dans le JD, à ne époque, il nous entretenait de ses dialogues avec une libraire.
Le choix de « prefer », vocable latin, plutôt que du saxon « rather » (I would rather not) inscrit le style de Melville dans la droite ligne de l’anglais victorien, qui puise à la source latino-romane de la langue, à quelques exceptions près (la poésie de Gerald Manley Hopkins, par exemple).
Stylistiquement parlant, le premier écrivain authentiquement américain est Mark Twain, l’antithèse du très classique Henry James (qui était tellement plus anglais que les Anglais qu’il décida de devenir anglais). La filiation native se poursuit avec Faulkner, Steinbeck, Hemingway, Kerouac, et les Noirs américains, poètes de la renaissance de Harlem (Langston Hughes), Richard Wright, James Baldwin, Ralph Ellison. A la fin des années 50, le divorce est consommé: la littérature américaine est stylistiquement et lexicalement distincte de l’anglaise.
I’d rather not
@Paul Edel dit: 5 août 2019 à 9 h 49 min
« A force d’être poussé comme ça dans la nuit, on doit finir tout de même par aboutir quelque part, que je me disais. c’est la consolation. « Courage, Ferdinand, que je me répétais à moi-même, pour me soutenir, à force d’être foutu à la porte de partout, tu finiras sûrement par le trouver le truc qui leur fait si peur à eux-tous, à tous ces salauds-là autant qu’ils sont et qui doit être au bout de la nuit. c’est pour ça qu’ils n’y vont pas eux au bout de la nuit ! »
[…]
« A l’estaminet des mariniers, je venais souvent tout seul encore, à l’heure morte qui suit le déjeuner, quand le chat du patron est bien tranquille, entre les quatre murs, comme enfermé dans un petit ciel en ripolin bleu rien que pour lu.
là, moi aussi, somnolent au début d’une après-midi, attendant, bien oublié que je croyais, que ça passe.
J’ai vu quelqu’un arriver de loin, qui montait par la route. J’ai pas eu à hésiter longtemps. A peine sur le pont je l’avais déjà reconnu. C’était mon Robinson lui-même. Pas d’erreur possible ! « Il vient par ici pour me rechercher ! que je me suis dit d’emblée… Le curé a dû lui passer mon adresse !… Faut que je m’en débarrasse en vitesse ! »
A l’instant je le trouvai abominable de me déranger au moment juste où je commençais à me refaire un bon petit égoïsme. »
Céline – Voyage au bout de la nuit (Gallimard)
J’ai du mal à lire de longues tartines sur écran, mais le « roman » de hamlet m’intéresse, du moins pour les quelques passages que j’en ai lus. Il y a un « ton dexter » qui tranche avec les éructations bolcheviques que hamlet nous a sorties ces derniers mois…
Débrouillez-vous pour le faire publier sur papier dexter/puck/hamlet!
Bon, jazzi, j’ai compris. Je n’en ferai donc pas état ici !
Mieux vaut en rire : et au moins, l’écrire, ce compte-rendu de lecture, ce qui me permettra de distancier.. . Et d’éclaircir mes idées. Même sans aucun lecteur en vue. Snif.
Pourquoi aller chercher un animal domestique pour après l’abandonner ? pour en faire cadeaux à des enfants crétins et irresponsables comme leurs parents ?
Closer, il serait plus facile à lire, aussi, si Hamlet le remettait « dans l’ordre ». Je sais bien qu’il cherche visiblement à « rompre » avec les normes (par exemple, pas de scène d’exposition, aucune descriptions des personnages, des actes les plus apparemment « insignifiants », comme si tout tendait à une sorte d’énorme panneau indicateur, comme un doigt dessiné sur un mur vous indique une issue, une démonstration dont on ne verrait que l’injonction. M’enfin comme la lecture est ardue (ce qui n’est certes pas forcément un défaut !) et qu’on ne voit pas où l’auteur « veut en venir », à part ce doigt comminatoire, on se sent un peu « sous terre »,comme dans le labyrinthe d’un métro : on ne sait pas trop où se trouve la station où l’on va remonter à l’air libre, ni quand la rame va arriver, on sait seulement qu’il y aura des arrêtes, des stations différentes les unes des autres, et que l’auteur vous a enfermé dans le train.
J’ai arrêté à la seconde ou troisième station. S’il y avait un plan qui m’indiquait leur nombre, et la direction générale qui fait qu’on passe de l’une à l’autre, ça aiderait un peu le lecteur asséché, là.
Ceci n’est pas un jugement de valeur du texte, ni sur sa beauté ou sa pertinence, ni sur l’usage éventuel qu’on pourrait en faire. Ceci est une description de mes difficultés de lecture, simplement, hein ! Pas taper !!!
les sketches d’Hamlet sont moyennement caustiques, je le lis sans ressentir grand chose, comme un succession de mots dont je devine une certaine cadence qui anime celui qui les rédige, une sorte de performance de l’absurde, il me manque l’étincelle, c’est trop mental pour moi, mais cela, je sais depuis longtemps. Ca manque de chair, d’éclairs, de nourritures terrestres, de saveurs, d’interdits. C’est à la littérature ce que Dalida est à la chanson, Paroles, Paroles, Paroles.
I didn’t prefer to use my yes again
Ça :
Pourquoi n’en parles-tu pas en privé avec Clopinou, Clopine, puisque c’est lui qui t’a mis le Bourdieu en main ?
D’accord avec vous, Paul Edel, Céline aurait dû s’arrêter avec Mort à Crédit. Ou être buté en 37-38 par un Ur-Herschel Grynszpan. Ainsi, il n’aurait pas eu de sang sur les mains. Seulement, le Ferdine était rongé de l’intérieur par la Haine & les circonstances lui permirent d’actionner le grand déversoir.
A propos de son oeuvre, Michael Ferrier (qui a consacré sa thèse à la musique dans Céline) parle d’un grand éclat de rire… Malgré toute l’affection et l’admiration que je porte à l’auteur de ‘Fukushima’, je suis en désaccord total. Si Le Voyage & Mort font rire & grincer, le reste est d’une purulent.
Côté anglo-celte, l’aérolithe était déjà tombé en 1922 avec Ulysses, et notamment le monologue de Molly Bloom, pour moi le plus drôle et le plus émouvant morceau de littérature jamais produit, un tout petit cran au-dessus de Beckett, et qui peut se lire hors contexte, comme la mort de la grand-mère dans la Recherche. Yes.
hamlet,
« je kiffe pas, mais grave », plutôt, non?
« le « roman » de hamlet m’intéresse »
Il pourrait le publier par souscription ?
Sinon, hamlet, Edilivre publie tout et c’est gratuit. A condition de ne pas recourir à leurs services divers et variés.
« mais tant mieux si Sollers l’a utilisée….oui, j’aime bien ce qu’il écrit sur la folie médiatique, un de ses grands sujets.dans le JD, à ne époque, il nous entretenait de ses dialogues avec une libraire. »
Sollers est un pseudo-écrivain, un scribe, qui recopie les autres. Rien de personnel chez lui. Ce n’est littéralement pas un auteur. Sur la « folie médiatique », comme vous dites PaulEdel, Sollers a recopié sur Debord. C’est d’autant plus incongru que Debord méprisait Sollers, et l’a insulté à plusieurs reprises. Mais celui qui outrage la profession des lettres, c’est Sollers, avec ses livres illisibles et d’ailleurs que personne ne lit plus.
« En cette rentrée de septembre, on va » poublier » 336 romans français »
Il y a peu c’était au moins le double, Paul. Faut-il s’en réjouir ? Mais il me semble que la rentrée s’est dédoublée avec les romans de la rentrée de janvier ?
Bloom, Céline, s’est magistrale reconverti avec sa trilogie allemande. Un homme qui n’abandonne pas son chat dans la débâcle, n’est pas totalement mauvais. Et sa description de première main de l’Allemagne en ruines est un monument indépassable de la littérature !
s’est magistralement reconverti, ou plutôt à superbement rebondi !
Du point de vue littéraire, bien sûr…
Delaporte et Chantal, rien à dire sur « Midsommar », que vous deviez aller voir ce week-end ?
Ravages de la connerie augmentée: A Belfast, le Titanic fait recette grâce au Titanic Center qui disneylandise sa rencontre avec l’iceberg. A quelques centaines de mètres de là, les chantiers navals où il fut construit, comme le furent des centaines de bateaux de la Royal Navy, font naufrage & passent sous administration judiciaire. Les 130 employés qui y travaillaient encore ont reçu leur lettre de licenciement. Voir l’article en ligne du Guardian ‘Harland and Wolff shipyard expected to go into administration’.
Les deux immenses grues jaunes des « gantries », surnommées Samson & Goliath & construites par Krupp (!), dominent la ville depuis le milieu du 19s. Même si elles symbolisent le sectarisme du pouvoir protestant (des la création de la province d’Irlande du Nord en 1920, les ouvriers catholiques en furent exclus), elles font partie intégrante du patrimoine & de l’identité de la ville. Les travaillistes proposent de nationaliser le chantier naval, on parle de repreneurs…
Les mirages virtuels remplacent & effacent le réel. Heureusement les hommes relèvent la tête & réagissent. La Grande Confrontation approche.
Jazzi, je ne crois pas qu’on ait atteint le double ! tu dois compter globalement en comptant les romans étrangers publiés, eux aussi en septembre. En septembre prochain 524 romans français ET étrangers sortiront,contre 567 l’année passée. Donc en diminution de 9%.. environ.
Vu « Mon frère » de Julien Abraham, dimanche après-midi au Forum des Halles.
Enième film sur la condition des jeunes banlieusards, traitée ici sous le prisme de la violence familiale. Le public, jeune, métissé et nombreux dans la salle, entre deux poignées de popcorns, semble s’y reconnaître.
Rien de très réjouissant…
http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19584454&cfilm=263798.html
« Closer, il serait plus facile à lire, aussi, si Hamlet le remettait « dans l’ordre ».
Je ne peux pas en juger, Clopine, car je n’ai lu que des passages çà et là. Mais ce que j’apprécie, c’est le ton décalé de notre ami dexter, son humour au second degré et sa façon de ne jamais être sérieux. Peut-être se prend-il très au sérieux dans sa Ford intérieure (copyright San Antonio), mais il réussi à bien le cacher dans son expression…Ça m’amuserait d’en lire plus sur papier.
Sans vouloir vous vexer Clopine, tout en vous vexant, je sens plus l’écrivain chez lui que chez vous. Votre truc, là où vous êtes excellente, c’est la chronique, le documentaire, le journalisme. Je vous l’ai déjà dit mais vous avez fait semblant de ne pas entendre…
A vrai dire, Paul, je fréquente et connais très peu les maisons d’éditions. Et n’ayant jamais été publié en tant que romancier, je connais encore moins le problème…
Qui racontera la solitude de l’attaché de presse n’ayant aucun article à signaler à ses auteurs ?
Comédie ou tragédie contemporaine ?
renato dit: 5 août 2019 à 12 h 25 min
Ça :
–
Très bon. Merci de défendre la cause animale en ayant relayé ça, renato.
Des 4 chats que j’ai eus, 2 ont été adoptés auprès de fondations et se sont avérés être les plus intelligents, affectueux et attachants.
Il y a bien sûr une raison, Jazzi 12.27, mais je n’en ferais pas état ici. (plus !). Tu dois bien comprendre pourquoi, non ?
Et B.B., D. !
https://www.fondationbrigittebardot.fr/editorial/abandon-animal-crime/
Pas encore Jazzy, j’attends que mon pourvoyeur de tickets de cinéma réintègre sa permanence syndicale, après son annuel « retour du pays natal », le Mexique.
J’espère que ce sera un peu plus corsé que les aventures post-a(b)dos d’Hamlet, une nième resucée descriptive d’alcoves pâles, trois poils qui brillent sous beletégeuse, errances au tout d’un ?, migraines philosopheuses, orteils qui ne se touchent mais, bavardons encore… je t’ai dégotté un méconnu et je fais mon intéressant Hourra !! De descriptions anti-touristes à s’en user tellement les oreilles à propos des bouquinistes en bord de quais de Seine, qu’on regrette un bon Gabin qui se barre avec son cleb’s.
Par politesse, je ne vais pas m’étendre, mais ne comptez pas sur moi pour mettre un franc dans le cochon.
Ce roman à sketches, hamlet, peut-on en connaître le titre ?
D. dit: 5 août 2019 à 13 h 31 min
Ma femme et moi avons deux chats; en outre elle s’occupe bénévolement de quelques chats errants du Parc André Citroën (alimentation, soins vétérinaires …)
Le Parc André-Citroën n’est plus ce qu’il était, Soleil vert !
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PARC ANDRE-CITROEN 1992
15° arr., rue Saint-Charles, rue Leblanc, quai André- Citroën, rue de la Montagne-de-l’Espérou, rue de la Montagne-de-la-Fage, M° Balard
Le territoire de Javel, au sud de Grenelle dont il est séparé par l’actuelle rue Cauchy, est resté englobé dans le fief de Vanves appartenant à l’abbaye de Sainte-Geneviève jusqu’à la Révolution, date à laquelle il fut rattaché à la commune d’Issy. Aux XVII° et XVIII° siècles, seuls les champs et les prés occupaient cette terre souvent inondée par la Seine dont les débordements formaient des javeaux ou javelles, îlots mouvants de sable et de limon. C’est ce lieu inhabité et excentré, où seul se dresse, en bordure du fleuve, un ancien moulin reconverti en guinguette, que choisit le comte d’Artois pour y implanter en 1778 la manufacture de produits chimiques des sieurs Peeters et Alban dans laquelle il a investi. Cette usine va bientôt fabriquer exclusivement le produit mis au point par les deux industriels, un mélange d’hypochlorite de potassium, de chlorure de potassium et d’eau, connu sous le nom d’Eau de Javel.
D’autres établissements vont suivre et en 1860, lorsque
le hameau de Javel est annexé et incorporé au 15° arrondissement de Paris, petites industries et cultures maraîchères se côtoient. L’urbanisation reste faible et la population, peu nombreuse et très modeste, se compose de journaliers agricoles, d’ouvriers et de chiffonniers.
C’est l’année 1915 qui va marquer, pour plus d’un demi-siècle, la véritable orientation industrielle de Javel avec l’installation, par l’ingénieur André Citroën (1878- 1935) de son usine du quai de Javel (quai André-Citroën en 1958), qui fabrique des obus pour contribuer à l’effort de guerre. C’est dans cette usine qu’il entreprend, au lendemain du conflit, la fabrication en série d’une voiture dont la première est livrée en 1919 et qu’il met au point, en 1934, sa fameuse traction avant.
L’usine, dont le transfert pour la banlieue s’organise à partit de 1976, ferme définitivement ses portes le 11 novembre 1982, libérant 23 hectares de terrain rachetés par la Ville. Avec les parcelles adjacentes rendues disponibles par le départ d’autres entreprises qui suivent ce mouvement général de désindustrialisation, la Ville dispose de 35 hectares en bordure de Seine, limités par les rues Balard, Saint-Charles et Leblanc, pour y mener l’une des plus importantes opérations contemporaines d’urbanisme, apportant un changement radical dans l’aspect et les structures sociologiques du quartier. Autour du parc André-Citroën, pièce majeure du projet, s’élève au nord une zone associant logements, bureaux et commerces et, au sud, une zone d’habitation, l’immeuble de bureaux le Ponant de Paris par l’architecte Olivier-Clément Cacoub (1989) et l’Hôpital européen Georges-Pompidou par l’architecte Aymeric Zubléna (2000).
Le parc André-Citroën, inauguré en 1992, est l’œuvre des architectes Patrick Berger, Jean-François Jodry et Jean- Paul Viguier et des paysagistes Gilles Clément et Alain Provost.
Avec ses 14 hectares descendant en pente douce vers la Seine, ce parc vient s’inscrire comme un jalon dans la continuité des jardins historiques se succédant en bordure du fleuve depuis les Tuileries, avec les jardins des Champs- Élysées, l’esplanade des Invalides, le Champ-de-Mars et les jardins du Trocadéro. Son originalité tient dans l’étroite association entre l’architecture – verre, pierre, bois – et le végétal, qui se combinent et s’imbriquent autour du thème conducteur de l’eau, omniprésente sous toutes ses formes, tour à tour dormante ou jaillissante : bassins, jets, fontaines, canal et, bien sûr, fleuve.
Les contrastes de couleur et d’atmosphère, marqués par la nature même des végétaux, s’imposent d’emblée dans le Jardin blanc, minéral, et le Jardin noir, très dense, qui forment les abords du parc.
Les deux grandes serres, orangerie et jardin austral, de 15 m de hauteur et de largeur sur 45 m de longueur, en constituent une sorte de porte monumentale, encadrant un parvis de pierre d’où jaillissent une centaine de jets.
La vaste pelouse, cernée d’une lisière d’eau, est bordée côté sud par un canal et côté nord par la succession des six Jardins sériels, auxquels correspondent six petites serres, où les végétaux sont associés symboliquement à un métal par leur couleur, aux sens humains par leur aspect et où sont représentés les différents états de l’eau : le Jardin doré, associé à l’or, fait appel à un sixième sens et évoque l’évaporation de l’eau ; le Jardin argenté, associé à l’argent, fait appel à la vue et évoque l’eau sous forme de rivière ; le Jardin rouge, associé à l’oxyde de fer, fait appel au goût et évoque l’eau sous forme de cascade ; le Jardin orange, associé au mercure, fait appel au toucher et évoque l’eau sous forme de ruisseau ; le Jardin vert, associé à l’étain, fait appel à l’ouïe et évoque l’eau sous forme de source ; le Jardin bleu, associé à l’oxyde de cuivre, fait appel à l’odorat et évoque l’eau sous forme de pluie.
Vers le fleuve, le Jardin des métamorphoses, au sud, transcrit les modifications de la nature au fil des saisons tandis que le Jardin en mouvement, au nord, est une sorte de pré sauvage évoquant le vagabondage naturel des fleurs, dont les graines sont portées par le vent ou par les oiseaux.
Depuis la construction du viaduc destiné à la ligne C du RER (1996) et l’aménagement du quai, le parc s’étend jusqu’à la Seine qui est comme intégrée au jardin.
Mais dans le XVe, Soleil vert, vous avez le choix !
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PARC GEORGES-BRASSENS 1977-1985
15° arr., rue des Morillons, rue Brancion, rue des Périchaux, M° Convention ou Porte-de-Vanves
Les abattoirs de Vaugirard avaient été construits de 1894 à 1897 par l’architecte Ernest Moreau sur l’ancien lieu-dit des Morillons, où les cultures maraîchères avaient remplacé au XIX° siècle le vignoble planté d’un petit raisin noir appelé le périchot qui s’y étendait au XVIII° siècle. Ces abattoirs, dont les installations occupaient 72 000 m2 de terrain, dépendaient de la Ville et étaient destinés à l’abattage des bovins, chèvres, moutons, porcs et volailles. De 1904 à 1907, les architectes G. Just et Ernest Denis construisirent tout à côté, sur la rue Brancion, le nouvel abattoir hippophagique de la Ville et son marché aux chevaux, portant la surface totale des équipements de Vaugirard à 88 000 m2.
La décision de mettre fin au fonctionnement des abattoirs fut prise en 1966 et les bâtiments, dont l’activité cessa progressivement à partir de 1969, étaient démolis en 1975.
Sur le terrain libéré, il fut décidé de créer un vaste espace vert et des équipements collectifs – crèche, école, club du Troisième âge – dont le besoin se faisait sentir dans ce quartier qui avait connu une forte expansion démographique. La réalisation en fut confiée à l’architecte paysager Daniel Collin et aux architectes Alexandre Ghiulamila et Jean-Michel Milliex.
Aménagé de 1977 à 1985 sur près de 8 hectares, le parc a été baptisé en 1982 en hommage à Georges Brassens (1921- 1981) qui avait demeuré non loin, rue Santos-Dumont, et dont le buste en bronze, signé André Grek, orne le jardin.
A l’entrée principale du parc, rue des Morillons, les deux taureaux en bronze du sculpteur animalier Auguste-Nicolas Cain, provenant des jardins du Trocadéro (1878), rappellent les activités des anciens abattoirs dont un certain nombre d’éléments ont été conservés et restaurés : les deux pavillons carrés ainsi que les bornes en granit de cette entrée ; le beffroi de la halle à la criée, qui se reflète dans un grand bassin ; côté rue Brancion, la halle du marché aux chevaux, à la charpente métallique, qui accueille tout les week-ends depuis 1987 un marché aux livres anciens et d’occasion ; la porte en pierre (angle Morillons-Brancion) surmontée d’une tête de cheval, par le sculpteur Jules Dechin ; enfin le buste du docteur Emile Decroix, vétérinaire qui avait encouragé la consommation de la viande de cheval (rue Brancion).
Le terrain d’escalade, situé au pied de la colline – artificielle – au sommet de laquelle un belvédère offre une vue générale sur le parc, a été formé à partir des pierres qui formaient les chaînes d’angle des anciens pavillons des abattoirs.
Une vigne de pinot noir, plantée sur 1 000 m2 en 1982, rappelle l’ancien vignoble du XVIII° siècle et la vendange est effectuée, tous les ans, avec la participation des enfants des écoles du quartier. Le parc possède également un rucher pédagogique, une roseraie de plus de 500 pieds représentant 27 variétés et un jardin de senteurs de 80 espèces de plantes odoriférantes, plantes médicinales et plantes aromatiques dont les étiquettes sont traduites en braille à l’attention des mal voyants.
Au croisement d’allées, un touchant Âne tirant sa carriole, en bronze, grandeur nature, est l’œuvre du sculpteur François-Xavier Lalanne (1992).
Les équipements collectifs ont été conçus et intégrés dans l’esprit du lieu : le club du Troisième âge s’est installé dans le pavillon de gauche de l’entrée principale ; la crèche, rue des Morillons, occupe un ancien hangar à fourrage du marché aux chevaux, réhabilité par Alexandre Ghiulamila et Jean-Michel Milliex qui ont choisi, pour l’école voisine, une architecture rappelant celle de la halle aux chevaux.
Pour ceux qui veulent en savoir plus !
https://www.edilivre.com/histoire-des-jardins-de-paris-jacques-barozzi-et-marie-christine.html/
Jazzi, je crois qu’Hamlet, tout déterminé qu’il soit, doit être tout de même assez anxieux du « test » qu’il fait passer ainsi à son texte. Les lecteurs de la Rdl étant, littérairement parlant, aussi indulgents et bienveillants qu’une bande de piranhas devant une boîte (fermée) de thon, livrée sans décapsuleur.
S’il est humain (ce dont je ne saurai douter), il doit trouver qu’il y a fort peu d’erdéliens qui se sont donnés la peine de lire ses textes. A part l’inévitable réaction disons positive de qui-tu-sais, Chantal tombe dessus à bras raccourcis, je m’esquive un peu derrière la difficulté de lecture, et toi, faisant du Jazzi pur sucre, tu cherches à en savoir plus…
La seule réaction qui doit le soulager, c’est le conseil de Closer, intéressé et envisageant carrément l’édition…
Quand on sait ce qu’écrire (ou, dans mon cas, tenter d’écrire) signifie, les tripes qu’on peut mettre dedans, le temps et l’énergie, on comprend l’insupportable de l’attente du « retour sur écriture » (comme on dit « retour sur investissement ») et la déception de voir qu’il n’y a pas de « hourras », de « vivats », ni de jeunes filles pour dérouler le tapis rouge et lancer des pétales de rose.
Je voudrais dire à Hamlet qu’il prenne son mal en patience. Les vrais marqueurs de ce blog, Paul Edel, notre hôte aussi s’il y consent, les éclairés comme DHH et les curieuses bienveillantes comme Lavande s’y mettront eux aussi.
et il faut qu’il se souvienne que ce n’est pas parce qu’une oeuvre est incomprise qu’elle mérite de l’être, et qu’il en est de la littérature comme des roses : celles qui s’épanouissent lentement, et dont on ne savoure pas le parfum d’emblée, sont souvent celles qui résistent le mieux et réussissent, in fine, à remporter l’adhésion.
Courage et patience, Hamlet, voilà tout. Et croyez en vous !!!
« Delaporte et Chantal, rien à dire sur « Midsommar », que vous deviez aller voir ce week-end ? »
Je vais y aller, patience.
Poublier, publier…Un mouvement analogue au Québec, distingue pour le courrier informatique le Courriel du Pourriel, Paul Edel!
MC
Soleil vert dit: 5 août 2019 à 14 h 12 min
D. dit: 5 août 2019 à 13 h 31 min
Ma femme et moi avons deux chats; en outre elle s’occupe bénévolement de quelques chats errants du Parc André Citroën (alimentation, soins vétérinaires …)
–
…eh bien j’ai déjà vu votre femme et je lui ai même parlé ! Elle s’occupait en effet d’un gros chat gris bien nourri, genre chartreux, que vous connaissez dans doute. Le monde est petit.
« Votre roman est volatile » n’est pas « votre roman est volatil »
Une seule lettre vous manque et tout est modifié!
Sa courtoisie, si rare dans les grandes villes, lui fait ressembler à ces petits bourgeois de Sempé
ce n’est pas le fait ressembler?
out ce livre semble tourner autour de La lettre volée d’Edgar Poe, et de ses interprétations. Lacan conclut à ce propos, pour sa part, qu’« une lettre arrive toujours à destination », ce que conteste Derrida, démontrant dans cette « dernière correspondance » qui ouvre le livre qu’une lettre peut ne pas arriver à destination. C’est l’occasion pour lui d’examiner le rôle de la poste dans nos échanges : il écrit avant qu’Internet envahisse nos vies, mais il pressent que tout ce que l’écriture a mis en oeuvre dans les relations humaines, et dans la littérature, va changer, voire disparaître. Ce n’est pourtant pas la fin de l’histoire
SUR LA CARTE POSTALE DE Derrida;il y a aussi une lettre sur le bureau des lettres en restance en France, bureau dont j’ai oublié le nom
Oui, mais après ça, il peut affronter les doigts dans le nez tous les lecteurs de maisons d’édition, Clopine !
Le test est rude, mais l’accueil est mitigé, tous les espoirs sont permis…
(combien de refus à ce jour, hamlet ?)
Beaucoup de problèmes au Parc André Citroën.
Entretien insuffisant des dallages, des parements de pierre et des pièces d’eau dont une grande partie située au sud-ouest est laissée totalement à l’abandon depuis une bonne decennie si ce n’est plus.
Impossible de visiter les serres, la plupart du temps fermées. Alors qu’elles ont coûté une fortune au contribuable.
Beaucoup de problèmes de sécurité : fort trafic de drogue dans les recoins, personnes très alcoolisées sur les pelouses. Envahissement et privatisation d’espaces par des particuliers qui installent quelques heures des tables ou même des tentes, et des sonos personnelles.
Surveillance très insuffisante faute d’effectifs suffisants. Rondes occasionnelles d’agents d’intervention de la ville de Paris avec vetbalisations exceptionnelles, donc peu efficace. Tout ces comportements inciviques ou delictueux favorisés par les fortes concentrations de logements sociaux alentour, vouluss par la Ville mais pas gérés correctement dans ses conséquences. Ou bien très naivement ou démagogiquemrnt (organisations de manifestations culturelles qui font très peu recette et ne font que masquer le problème de fond).
Résultat : les personnes dans la norme deviennent minorité et préfèrent aller ailleurs, craignant pour elles-mêmes ou leurs enfants, abandonnant de plus en plus le terrain à ceux qui le prennent par la force.
Même les appartements en bordure du parc se déprécient : delinquance et incivilités dans le, quartier, augmentation en flèche des cambriolages et risque de crue centennale qui ravagerait tous les rez-de-chaussée et les sous-sols (parkings, chaufferies, transformateurs, surpresseurs eau potable etc..)
Bah, je me suis fendue d’une critique expéditive et de mauvaise foi, je trouve çà sain dans un débat sur des sketches littéraires.
Hamlet n’aime pas la littérature consolante, je ne vais pas me lancer dans la critique littéraire consolante, qu’on ne compte pas sur moi pour faire la tarte de service, d’autant qu’il ramène toujours son deux pièce service et manipule ses interlocuteurs, en se contorsionnant.
La fin est tellement cucul la praline en se renfermant comme un happy end de Walt Disney, sur le bonheur instituteur qu’on dirait une image d’Epinal propulsée par la macronie chantante.
Et ces redites dans le texte, sonnent comme une cloche maladive, qui tournent les viscères à l’envers.
La lettre brûlée, pour qui a lu Boulgakov c’est une descente d’escalier sans floches au tapis, sans odeur de cramé, entre une redite de la lettre au père de kafffeka sans les sanglots, et le feuilleton du samedi soir.
Peut – être ai-je trop lu trop vu, que je sature à tout berzingue, mais mon petit doigt me dit que si je montre çà à un critique à la langue bien affûtée, ce n’est pas l’aspect puzzle du texte, ses fragments, mais sa langue qui manque de nerfs pour tenir un lecteur éveillé.
Je lis cela comme une constipation émotionnelle, comme quelqu’un qui réduit son gaz, essaye de diluer ses rancoeurs en ironie.
C’est trop court pour installer une vraie émotion, trop long pour faire rire sur une jubilation.
De plus je le rappelle le lecteur a tous les droits, surtout celui de lire à partir de ses propres prismes, pour moi je cale, désolée.
Jazzi, je me demande si ton « Périchot » ne serait pas en réalité « Périchaux ».
La cité voisine, de fort mauvaise réputation, tenant son nom de ces vignobles dont il reste une petite parcelle au sud du parc Georges Brassens.
À la fin de la guerre, le dépôt central des rebuts de Paris RP centralise les courriers rebutés avant sa dernière décentralisation en 1967 sur Libourne. Le 20 mars 1967, est en effet installé en Gironde le Centre des Recherches du Courrier (CRC), désormais seul centre national de traitement des rebuts de La Poste. Le CRC a trois missions : les recherches (d’un destinataire), la conservation (classement et garde) et la liquidation (par destruction, vente ou don) des objets rebutés. L’ultime transformation n’est que nominative, le centre devenant le Service Client Courrier (SCC) en juin 1994.
http://www.ladressemuseedelaposte.fr/Le-service-des-rebuts-etiquette-et
En 1962, Jacques Marette, ministre des Postes & Télécommunications, décide que ses services se doivent de répondre aux lettres des enfants à destination du Père Noël, lettres qui étaient habituellement versées au Dépôt Central des Rebuts de Paris. La psychanalyste Françoise Dolto, soeur du ministre, est chargée de rédiger la première carte-réponse, illustrée par Chag, que le service des rebuts enverra en retour de tout courrier identifiable destiné au Père Noël. Dès cette date, la pratique s’installe et évolue, toujours gérée par le service des rebuts, devenu le Centre des Recherches du Courrier (CRC) et installé à Libourne en 1967. Des cartes mises sous enveloppes sont réalisées chaque année, expédiées de Libourne par un très officiel « secrétariat du Père Noël » mis en service de la mi-novembre au 31 décembre. Aujourd’hui, c’est plus d’un million de lettres du monde entier que reçoit ce secrétariat.
Au commencement, on écrivait Périchot, D. !
http://www.francegenweb.org/wiki/index.php?title=Clos_du_Périchaux
Très mauvais état des jardins de Paris et de ses fontaines. De même que ses rues et ses monuments ! Mes livres sont là pour en conserver la mémoire…
J’aime beaucoup l’âne de Lalanne, D., pas toi ?
Tu vas voter pour qui aux prochaines municipales ?
https://www.monnuage.fr/point-d-interet/lane-a101088#gallery-modal
D :Beaucoup de problèmes au Parc André Citroën.
Excellent résumé de la situation.
Désormais, lorsqu’on marche en ville, on croirait vivre dans Die andere Seite; seulement, à la place du grand horloge de la Place Centrale il y a maintenant les téléphones espèce de démiurge qui semble administrer la vie de ses utilisateurs : soumis, dépassés par leur propre mise en scène. Est-ce un hasard si Kubin conclut le roman avec la sentence : « Le Démiurge est un hybride » ?
téléphones espèce > téléphones, espèce
« Excellent résumé de la situation. »
Oui, mais le plus important c’est que le jardin en mouvement, imaginé par Gilles Clément, n’est plus du tout en mouvement. C’est une friche immobile !
Est-il nécessaire de nourrir les chats errants, il y a de plus en plus de rats dans les jardins de Paris !
Une enquête de Sciascia sur un qui a préféré pas :
Un ouvrage intéressant dans le catalogue, renato
https://www.adelphi.it/libro/9788845933936
A HongKong aussi, ils préfèrent ne pas, Bloom !
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/04/hongkong-pekin-assimile-les-militants-prodemocratie-a-des-forces-abjectes_5496472_3210.html
Jazzi, crois-tu que l’orgueil d’Hamlet va l’autoriser à revenir parmi nous, après sa mise en ligne de textes qui lui ont forcément demandé du travail et du temps ? Ou bien va-t-il se réfugier derrière un mouvement de cape, tournant les talons tout en jetant derrière lui ses feuillets : « je m’en vais d’ici, tenez, manants, regardez un peu ce que vous avez dédaigné, sots que vous êtes… » ?
Va-t-il hausser les épaules et se réfugier dans un croisement des bras bartlebyesque ?
Le reverrons-nous sous ce pseudo d’Hamlet, ou bien, dans quelque temps, plus sournoisement, sous un nouveau masque ?
Autant de questions qui devraient nous commander d’aller retourner lire en détail ce qu’il a bien voulu (« daigné » ? ) mettre à notre portée. Mais j’avoue que j’y rechigne un peu.
Il faudrait que d’autres s’y mettent… Bloom, Pado, Delaporte, D., MC : alors ? Ne pouvez-vous faire en sorte qu’Hamlet ne claque pas définitivement la porte de la RDL ?
Tu veux pas aller ramasser tes patates, dis, Clopine ?
Récoltées, mises à l’abri dans la cave, les premières dégustées étaient excellentes (avec goût de noisette, D.)
Va donc, eh, !
« Il faudrait que d’autres s’y mettent… Bloom, Pado, Delaporte, D., MC : alors ? »
Mère Clopine veut mettre au travail ceux qu’elle n’aime pas. C’est très sympa ! Elle veut qu’on bosse, et en plus gratuitement, alors que c’est si simple de ne pas lire les boniments de ce pauvre hamlet. Je vous ai déjà dit, Mère Clopine, que j’étais pour l’abolition. Et je suis aussi pour l’abolition d’hamlet, qui est un zigoto sans qualité aucune, et dont je saute les commentaires, surtout quand ils sont longs comme ça : ça va pas la tête !!!
hamlet s’en remettra, Clopine.
Pourquoi ne demandes tu pas au femmes de le lire : rose, Bérénice, ed, Lavande, DHH… ?
Mais je l’ai déjà dit, Jazzi : relis mon premier post à ce sujet, j’en appelle à DHH et Lavande… Rose et Bérénice me paraissent sans doute plus « électrons libres », moins impliquées que les autres dans la vie du blog, voilà tout.
En fait, il faudrait que tout le monde s’y mette, pour tenter d’élaborer des lectures croisées. Mais est-ce ce qu’Hamlet veut, ou bien.. voir plus bas… La cape, le tournage des talons, les feuillets jetés derrière l’épaule…
Mais je le crois plutôt aussi tremblant que n’importe quel brasseur de mots, au moment de s’apercevoir que des vrais yeux de vrais gens vont vraiment lire ses mots.
Donc, s’il est dans la seconde posture (ce que je préfèrerais, bien sûr, puisque c’est si souvent la mienne, et que c’est bien entendu la plus humaine, trop humaine) et non dans la première, le maximum de lectures lui sera favorable, dans un sens ou un autre…
@Hamlet
Vous avez recouru à une forme d’autoédition qui ne sert pas votre texte
Comment se faire une idée de la chair d’une prose qu’on découvre par petits bouts, écrite en un format qui vous renvoie en permanence à la ligne, et dont le texte vous arrive par bribes de manière aléatoire, au hasard des séquences « non codantes » qui entrelardent sa transmission et en perturbent le rythme
Si vous attendez des familiers de ce blog des réactions avisées et sereines sur votre ours il faut leur en offrir une présentation plus compacte et mieux lisible
Une solution :En faire un fichier adressé à Passou et le prier de l’envoyer à ceux des commentateurs qui en feraient la demande ,
Jazzi, alors là rien n’est moins sûr.
Je veux dire qu’il n’est pas sûr qu’on s’en remette, d’écrire, et d’être lu.
Et vois-tu, les mots si durs de Chantal, la posture si dédaigneuse de Delaporte, tout cela me donne de l’empathie pour Hamlet.
Mais encore une fois peut-être que je me trompe, et que c’est toi, ou les cyniques, qui avez raison.
Seul Hamlet pourrait nous le dire !
DHH, votre réaction rejoint la mienne, quand je décrivais ma lecture comme aussi pénible qu’un voyage en métro, avec stations, sans air, sans but et sans trajet.
IL faudrait une mise en ligne commode, d’une part. Et une direction claire, de l’autre…
Clopine,on a compris tout le pathétique de ton appel
réponse:
J’aimerais mieux pas
Vous mangez des patates ce soir, Delaporte ?
@hamlet
lu les dernières variations de votre non-roman. Cette lettre jamais lue, ce roman jamais lu et ces grandes plages où les points-clés de L’HSQ et des « Désarrois de… » viennent submerger la narration. L’essai éclaire le roman et réciproquement. L’écriture est extrêmement fluide dans les derniers « sketchs ».
Pour le métier d’enseignant ai pensé à Wittgenstein à Offertal. (période compliquée de sa vie).
Son désir de rester dans la moyenne quand il est au collège ? Une tenue de camouflage.
De temps à autre viennent se glisser avec beaucoup d’ironie des plages de blogs, de sites littéraires (étoiles d’évaluation), une obsession pour la critique littéraire.
La vie de Samuel est comme un rêve, agglomérant des souvenirs réels et des situations aberrantes, surréalistes, impossibles (la vieille sorcière et le bouquiniste). Des livres aimés et d’autres inventés. Un puzzle qui explique votre choix : réunir des sketchs déjà parus sur la RDL (encore un élément rêvé). Le problème de la logique devient une notion bizarre, excentrique.
Je suis heureuse d’avoir mis un e par erreur à volatil. c’était pour rejoindre une histoire que vous ne connaissez pas, co-écrite par Paul Edel et Di Brazza sur les volatiles d’une basse-cour nargués par des oiseaux sauvages et leur dialogue : savent-ils qu’ils doivent mourir ?
La lettre de sa mère, le seul roman qu’il ne veut pas lire et qu’il détruira…
Charoulet, je n’ai pas lu. Ne peux vous répondre. (J’avais assez à faire avec vos feuillets qui pleuvaient comme à Gravelotte !) Je n’arrivais pas à ralentir le tempo de la lecture à cause de leur abondance. J’aurais aimé lire lentement. Mais il y avait comme un retour sur le même thème, ressassé et retourné dans tous les sens. Épuisant ! Une spirale irrésistible, un mouvement de toupie…
Votre écriture est élitiste, adressée à des amateurs de Musil, Kafka, Wittgenstein, Thomas Bernhard. Elle peut provoquer une non-compréhension, voire être dédaignée comme un jargon. Closer ne s’y est pas trompé.
Dans votre quête d’honnêteté, vous ne vous reconnaissez qu’un talent d’amuseur : « sketchs »… En réalité, c’est un tourbillon de pensées tentant de vous mener jusqu’à vos propres limites. Vous l’interrompez dans ce faux épilogue de conte de fées. Manque : « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants » !
Burlesque et tragique, il est. Laconique aussi.
« Ce dont on ne peut parler… »
La tentative d’hamlet d’afficher ici un dazibao ne me semble pas la meilleure des réussites.
Peut-être que, puisque vous participez de la culture d’une gauche obsolète, en bon garçon que vous êtes, vous êtes encore persuadé que pour paraître intelligent il faut noircir beaucoup de papier. Un brin de concision, mon ami, pas tout le monde peut compter sur l’alignement des planètes comme ce fut le cas de Musil, Joyce, Proust ; et puis, croyiez-vous vraiment que certains d’entre nous ont du temps à perdre avec votre logorrhée ?
Cela dit, je ne sais toujours pas si vous seriez d’accord pour allouer la faramineuse quantité d’argent phagocyté par les astronomes à une campagne qui viserait à soulager la pauvreté.
Le 18 h 56 min pour hamlet, naturellement.
« pathétique », mon appel, Paul ?
Plutôt bienveillant, à mon sens. Faire appel à vous pour discuter d’un texte, ici, me semble tomber sous le sens : vous êtes un professionnel de la chose.
Le problème pathétique, à mes yeux, est celui de l’orgueil, et je crains qu’Hamlet ne lui soit bien trop confronté pour tenir le choc, en réalité.
Mais vous (au fait, je pense que nous ne tutoyons pas vous et moi, je me trompe ?), vous qui SAVEZ ce qu’écrire veut dire, votre silence est bien dur.
Enfin, c’est vous qui voyez, hein.
63 ans, déjà :
Clopine, rien de plus dégoutant que de faire miroiter un espoir, une carrière à quelqu’un en l’abreuvant de compliments..Un lecteur des « premiers » manuscrits dans une grande maison d’édition (ne parlons même pas de critique littéraire dont Hamlet s’est bcp moqué à une certaine époque..) n’a pas à payer les auteurs en monnaie de singe.ça s’appelle du mépris.On doit la vérité -enfin celle qu’on ressent à la lecture avec bien sûr toujours l’hypothèse d’une gaffe ou d’une erreur énorme.. donc,garder une certaine humilité.
je trouve que vous prenez tout ça bien légèrement.comme un jeu.
hamlet, vous ne manquez pas de conseiller-e-s!
mais vous êtes assez libre dans vos jeux;puissiez vous choisir la meilleure solution pour vos projets en écriture sans vous crisper sur la RDL
: 5 août 2019 à 19 h 26 min
VOUS AVEZ RAISON 100fois , puisse Hamlet vous entendre
Le keuf les a tous mis en garde à vue, au sanatorium pour vieux, avec sa dactylomanie.
Et ça marche. Sont tous retournés en maternelle à enfiler des perles sur le collier de pâtes.
la littérature façon poulet tendori, ça va les bourrer pour un moment.
Il faut proposer ton texte à des teens, qui sortent du backroom, au bout de la nuit. Ils sont open minded.
sans commentaire:
https://www.thisiscolossal.com/2017/04/amazing-terrarium-and-flower-cakes-created-by-iven-kawi/
« ZOO » par Paul Klee 1918, oil on canvas, on paper laid on cardboard 23 x 17.
Personne n’a pensé au mouvement « occupy »(wall street)
Tout à fait de l’avis de Pablo.
Je voudrais tout de même faire une petite mise au point.
Prétendre qu’on connait des Bartleby avec les exemples donnés par la Tréponéma von Brayono, c’est démontrer qu’on lit comme un gaufrier. Convenir ensuite qu’on ne connait pas de Bartleby, c’est admettre qu’on a lu comme un gaufrier.
Mais ce n’est pas la même chose. Il y a contradiction absolue, même si la Tréponéma ne la voit pas.
Bref, il faut choisir, soit de bavasser à tort et à travers, comme la Tréponéma,- soit de ne pas bavasser à tort et à travers, au contraire de la Tréponéma.
Ça non plus, ce n’est pas la même chose.
Ginevra Bompiani : « Aujourd’hui, les livres meurent d’editing »
[pour italophones]
La littérature d’Hamlet c’est de la merbe en bâton, disons-le. Mais ce qu’il est s’y lit à livre ouvert, -ce n’est pas triste et il est bien imprudent. Une femme, quelle horreur!. Mais on ne va tout de même pas passer les vacances sur ce résidu de dînette (si chose dire! Hurkhurkhurk!).
Cela dit, demain matin, plus vexé qu’un pou entre deux deux ongles, Hamlet vous dira que c’est le résumé d’un chef-d’oeuvre qu’il a maquillé (et que personne n’a reconnu), qu’il n’a jamais cru qu’il saurait écrire, qu’il s’en fout, qu’il s’est bien moqué de vous.
Quelques réaction à l’interview mise en ligne à 20 h 23 min :
[encore pour italophones]
Meine Sätze erlaütern dadurch, dass sie der, welcher mich versteht, am Ende als unsinnig erkennt, wenn er durch sie –auf inhen- über sie hinausgestiegen ist. (Er muss sozusagen die Leiter wegwerfen, nachdem er auf ihr hinaufgestiegen ist.) // Er muss diese Sätze überwinden, dann sieht er die
quel snobisme, Chantal..pour noyer le poisson avec Wittgenstein.. « Mes propositions s’expliquent par le fait que ceux qui me comprennent me reconnaissent à la fin comme absurdes, alors qu’à travers eux – sur eux – ils les ont dépassés.etc. etc.
Ah bon, je réfléchirai ailleurs, alors, bonne nuit.
Jacques Marette, ministre des Postes & Télécommunications… La psychanalyste Françoise Dolto, soeur du ministre…
Le ministre et sa soeur étaient respectivement l’oncle et la mère du chanteur & fantaisiste Carlos, de son vrai nom Yvan-Chrysostome Dolto.
Je garde un souvenir ému de mes années passées Place Jacques Marette, devant l’entrée du Square George Brassens. Le coin n’a pas trop changé en mal. Il y a peu, j’ai eu le plaisir d’apostropher vigoureusement 3 ‘militants’ d’En Marche arrière qui tractaient au marché de la Convention.
Ah, sinon je voulais dire que le « volatil » de Christiane était le plus évident du monde :
On ne fait pas d’Hamlet sans casser les « e ».
(c’est vrai, là je joue. Par contre, quand je dis ce que je pense à Hamlet, à savoir que le lire est difficile, je ne joue pas à la légère. Je suis tout simplement sincère, exactement comme vous le préconisez, PauL)
Non, Chaloux, je ne crois pas qu’on revoie Hamlet de si tôt. On verra bien si j’ai tort, ou raison.
Un homme qui n’abandonne pas son chat dans la débâcle, n’est pas totalement mauvais.
Un peu fastoche, Baroz: Bébert était goy.
6.54 « Mes propositions sont éclairantes en ce que quiconque me comprend, les reconnaît à la fin pour des non-sens lorsqu’il a sauté au travers d’elles, sur elles, au-delà d’elles. (Il doit, pour ainsi dire, rejeter l’échelle, après avoir grimpé par elle). Il doit dépasser ces propositions pour voir correctement le monde ».
Meine Sätze erlaütern dadurch, dass sie der, welcher mich versteht, am Ende als unsinnig erkennt, wenn er durch sie –auf inhen- über sie hinausgestiegen ist. (Er muss sozusagen die Leiter wegwerfen, nachdem er auf ihr hinaufgestiegen ist.) // Er muss diese Sätze überwinden, dann sieht er die
Welt richtig
je ne vois pas ce qu’il y a de snob dans cette citation …
« Vous mangez des patates ce soir, Delaporte ? »
Oui, dans une piémontaise. Je suis fidèle à la patate. Jacuzzi, à propos, je suis allé voir Midsommer. Je vous en dirai deux mots quand vous serez là, si ça vous intéresse.
ouh la la quel joyeux ramdam ! alors là j’avoue que je n’avais pas prévu un tel ramdam.
mais c’est juste des petits sketchs autobiographiques écrits autour et à partir de ce blog.
j’ai passé pas mal de temps sur le blog de passou, j’y ai passé de bons moments, rencontré des personnes aimables, sympathiques, bienveillantes, et ça c’est génial, je veux dire quand on voit ce qu’il se passe dans le monde, savoir qu’il existe un petit coin paisible où des personnes parlent de livres en toute quiétude ça peut que nous rassurer sur la nature humaine.
et voilà, du coup comme j’avais l’intention d’arrêter de venir ici, parce qu’il faut bien tourner la page et passer à autre choses, je me suis dit que j’allais mettre sur ce blog ces petits extraits biographiques, parce que leur leur place est ici, au milieu des commentaires, et parce que je n’ai jamais vraiment parlé de moi ici, personne ne me connait, il me semblait que c’était une façon polie de saluer et remercier tout le monde.
d’ailleurs j’avais déjà envoyé ces petits sketches à passou il y a plusieurs années, quand je les avais écrits, mais franchement qui cela peut intéresser à part passou, vous qui fréquentez ce blog et mes proches qui me connaissent et qui ont été touchés par ces confessions, parce que je n’ai pas trop l’habitude de me confesser, surtout montrer aux adultes le regard enfantin que j’ai toujours continué de porter sur le monde, passé un certain âge continuer de voir le monde comme un enfaat c’est assez mal vu, sauf pour ceux qui vous aiment et vous évidemment.
et puis sérieux, qui peut lire aujourd’hui un livre qui parle de Richard Shusterman et l’empirisme pragmatique et logique ?
et voilà, du coup je vous remercie quand même de les avoir lus, quant à vos réactions négatives c’est pas grave, ne vous en faites pas pour ça, je n’ai jamais envisagé la possibilité d’être un écrivain, quand on lit et qu’on admire Robert Musil on relativise toutes espèces de prétentions personnelles.
voilà, c’était juste un petit cadeau pour vous, et même s’il n’a pas grande valeur cela reste quand même un petit cadeau, prenez-le comme ça !
BàV
Reviens Hamlet reviens tu me manques nan ne t’en va pas nanh naanh reste avecmoué reste avec toutézamis deu la hèrdéhèle qui t’haiment.
« je ne vois pas ce qu’il y a de snob dans cette citation … »
Pour un ex-journaliste du Point, parler de Wittgenstein c’est du snobisme. Il sort son revolver.
Hamlet, Shusterman est il un auteur accessible ? Qu’avez vous lu de lui? Il enseigne toujours selon wiki, avant vous je n’avais jamais rencontré son nom comme des centaines, milliers d’autres. Je n’ai lu tous vos sketches, un ou deux m’ont été agréables et je me suis meme demandé s’ils ne pouvaient être rangés dans la rubrique – nouvelles- trop de lumière sur l’écran en extérieur et le soir je préfère le papier. Je remets mon exploration à plus tard pour les non lus.
Au Fort de Brégançon, la première dame de France prend un peu de repos :
» savoir qu’il existe un petit coin paisible où des personnes parlent de livres en toute quiétude ça peut que nous rassurer sur la nature humaine. »
Ou l’art de se foutre de la gueule du monde. Hamlet est furieux, en réalité, évidemment…
Je vais vous le dire tout franchement tout bonnement, Hamlet. Vous manquez absolument de simplicité.
Vous ressemblez à ma belle-mère (sans passage devant le Maire, je ne sais pas trop comment la qualifier, alors j’emploie ce terme-là pour la situer commodément), le jour de la mort de son mari.
Elle était tellement en colère, tellement furieuse que le mari en question ait osé « lui faire ça ». Mourir (et donc arrêter d’être à son service exclusif), d’une part, et oser, par son enterrement, déranger l’ordre de sa journée, qui était devenu une sorte de sacrement inviolable…
Alors, devant la tombe ouverte, ma belle-mère s’en est pris au croque-mort.
J’ai vu le moment où l’employé des pompes funèbres allait tourner les talons, tant le mépris affiché était cinglant.
C’était la colère qui était en elle, et qui ressortait comme ça, à gros bouillons…
On dirait un TGV ou alors c’est que le décorateur a été payé pour démoraliser le monde.
un mot de DERRIDA depuis sa carte postale:destinerrance
La poésie comme la pensée de l’être affirme, donc, un h muet qui sentencie à mort l’autre – les mots sont ceux de Derrida – pour penser le soi depuis ce dehors, qu’on ne vit pas, mais qu’on construit. Notre portée ne nous appartient pas, on hérite l’impossible errance d’avec. La destinerrance, autre mot de Derrida, revient à cette affirmation du propre du destin, des aléas d’un amour qui « me veut à mort ». Destiner à l’autre c’est demander d’errer au langage. Là où la politique et la poétique sont au seuil de la pensée et de l’écriture.
http://www.ruedescartes.org/articles/2016-2-errances-d-avec/5/
vous trouverez de nombreux textes sur la toile à l’entrée destinerrance et sur le h d’havec comme écrit par Derrida
le Mac Arteum de Châteauneuf-le-Rouge dans les Bouches-du-Rhône, propose un voyage initiatique avec son exposition Destinerrance. Réunissant une vingtaine d’artistes issus d’univers artistiques et culturels divers, l’exposition invite à questionner les notions d’espace et de temps, de réel et d’imaginaire, en s’intéressant à l’errance, l’orientation, la désorientation et l’incertitude de la destination.
https://deuxieme-temps.com/2017/04/27/expo-destinerrance-mac-arteum/
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