de Pierre Assouline

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La République des livres
De l’importance des prix dans la vie littéraire

De l’importance des prix dans la vie littéraire

Il était temps ! On aurait même dû commencer par cela : s’interroger sur l’origine et l’acte de baptême de cette chose étrange que le monde entier nous envie (oui, même la Chine) et qui est l’un des piliers de l’exception culturelle française : « la vie littéraire ». On ne saurait trop la définir. Mais de tout ce qui la constitue, les prix en sont certainement l’un des piliers inébranlables. Si aujourd’hui il n’est pas une institution, pas un club, pas un village qui ne s’enorgueillisse à raison de décerner son propre prix littéraire chaque année, c’est à l’Académie française qu’elle le doit.

Le regretté Marc Fumaroli faisait remonter très précisément la naissance du phénomène à 1671. Cette année-là, pour la première fois, l’Académie française décernait le prix d’éloquence lancé par Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) et présenté comme un prix de dévotion. Il était remis le jour de la Saint-Louis, le discours devait s’achever par une prière à Jésus-Christ et le vainqueur gagnait un crucifix ou un bénitier. Désormais, un chèque assorti d’une médaille, tout de même. Nous avons connu des éditeurs qui, pour compenser les maigres à-valoir qu’ils concédaient à leurs auteurs, leur promettaient en compensation de secouer leurs réseaux du côté du quai Conti pour en faire tomber un prix dûment doté. Et ça marchait ! (inutile d’insister, pas de noms).

Depuis, c’est une avalanche. Près de soixante-dix prix chaque année attribués à des romanciers, des poètes, des biographes, des historiens, des universitaires, des philosophes. Nul ne s’en plaindra. L’écrivain relevant la race des bipèdes confinés chez eux toute l’année, il apprécie qu’on l’invite sous la coupole pour recevoir sa récompense. Ca fait toujours plaisir. D’autant qu’il n’a pas de discours à prononcer, d’autres s’en chargent pour lui. Et puis au moins il voit du monde, ça le change.

Tout cela est parfaitement raconté dans une élégante plaquette de 80 pages réalisée et diffusée (mais pas dans le commerce) par l’Académie française à l’occasion des 350 ans de ce rituel. Plusieurs de ses membres ont été mis à contribution. L’ensemble est instructif, parfois croustillant et écrit dans une langue étincelante, vierge de mots qui échapperaient à l’entendement du commun. Encore que l’on peut y relever à propos d’un certain type de poésie un « encomiastique » qui m’a aussitôt propulsé vers le Dictionnaire de l’Académie française, c’est bien le moins : « qui relève du panégyrique ».

Tout n’alla pas de soi dans l’histoire de cette tradition car il y eut bien des résistances au sein de l’Académie. Au XIXème siècle, on fit longtemps barrage au roman. Le verrou ne sauta qu’en 1911, sans attendre la mort d’un mécène, par la création du Grand prix de littérature de l’Académie elle-même. Le critère pour l’emporter ? « Une inspiration élevée ». Au moins c’est large. Cela autorise les plus folles espérances à d’innombrables mains à plume. De quoi consoler de tous ces prix de Fondation qui nous sont fermés à jamais car, selon les volontés des légataires, ils exigent que nos livres soit d’« une veine mallarméenne » (prix Henri Mondor) quand ils ne doivent pas traiter d’un sujet relatif aux missions catholiques entre le XIIIème et le XVIIème siècle (prix Georges Goyau), ou être « les plus utiles aux mœurs » (prix Montyon). Florence Delay relève non sans ironie que le prix Jacques de Fouchier, dont l’auteur ne devra pas appartenir « aux professions littéraires », attire chaque année de plus en plus de candidats…

Notre petite république des lettres devrait payer sa dette aux comités de lecture de l’Académie. Ses membres, volontaires et bénévoles, doivent parfois s’accommoder d’exigences redoutables. Car si pour remporter le prix Pierre Benoit, il suffit de consacrer un livre à Pierre Benoit, pour gagner le prix Maurice Genevoix il convient que le roman proposé possède « ses valeurs morales et humaines »- encore faut-il s’accorder sur ce qu’elles recouvrent au juste. Car quoi qu’on en dise la vieille dame du quai Conti a toujours su composer avec son époque. Comme l’observe finement Dominique Fernandez, si le prix des familles nombreuses (Cognacq-Jay) stipulait à sa création au lendemain de la première guerre mondiale que l’écrivain devait avoir neuf enfants, la jauge a depuis été abaissée à quatre, ce qui ouvre bien des perspectives.

(photo D.R. et si cela vous fait penser à un drapeau, tant mieux)

Cette entrée a été publiée dans vie littéraire.

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commentaires

1 236 Réponses pour De l’importance des prix dans la vie littéraire

B dit: à

Hong Kong, quelle bonne idée. Pour la révolution des parapluies cependant Poutine arrose en balles et bombes bien réelles . Bientôt les radiations.

rose dit: à

Si Poutine prend la responsabilité écrasante de déclencher une troisième guerre mondiale, son sort sera celui de Hitler.
Nous devrons faire oeuvre de solidarité et réparer les dégâts prendra un temps énorme. Ce sera peut-être le moyen mis en œuvre pour que les pays émergents soient à égalité monétaire avec les autres.
Et la réduction d’énergie sera drastique obligatoirement.
On ne sort jamais gagnant d’une guerre mais exténué oui.

Marie Sasseur dit: à

08/03/2022

« Thoughts away, you heavy clouds of autumn!
For now springtime comes, agleam with gold!
Shall thus in grief and wailing for ill-fortune
All the tale of my young years be told?

No, I want to smile through tears and weeping.,
Sing my songs where evil holds its sway,
Hopeless, a steadfast hope forever keeping,
I want to live! You thoughts of grief, away!

On poor sad fallow land unused to tilling
I’ll sow blossoms, brilliant in hue,
I’ll sow blossoms where the frost lies, chilling,
I’ll pour bitter tears on them as due.

And those burning tears shall melt, dissolving
All that mighty crust of ice away.
Maybe blossoms will come up, unfolding
Singing springtime too for me, some day.

Up the flinty steep and craggy mountain
A weighty ponderous boulder I shall raise,
And bearing this dread burden, a resounding
Song I’ll sing, a song of joyous praise.

In the long dark ever-viewless night-time
Not one instant shall I close my eyes,
I’ll seek ever for the star to guide me,
She that reigns bright mistress of dark skies.

Yes, I’ll smile, indeed, through tears and weeping
Sing my songs where evil holds its sway,
Hopeless, a steadfast hope forever keeping,
I shall live! You thoughts of grief, away! »

Lesya Ukrainka

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/79/Monument_%C3%A0_Lessia_Oukra%C3%AFnka.jpg/1280px-Monument_%C3%A0_Lessia_Oukra%C3%AFnka.jpg

JC..... dit: à

MARDI 8 MARS 2022, 5h53, 7°, temps calme

IIIème GUERRE MONDIALE

Ne nous leurrons pas, elle a toujours été en cours, WWIII, depuis l’effondrement de l’utopie communiste en URSS et ailleurs, et le départ de Mao, le Stalin des famines, du goulag, aux yeux bridés.

Simplement, elle faisait des morts autrement qu’aujourd’hui.

Vouloir éradiquer la violence de la guerre, c’est prendre les humains pour ce qu’ils ne sont pas : des mammifères supérieurs, préoccupés de sagesse…

JC..... dit: à

JOURNEE DE LA FEMME, AUJOURD’HUI

« Le nombre de viols de femmes au Brésil a augmenté de 3,7% en 2021 par rapport à l’année précédente, avec 56.098 cas enregistrés, soit un viol toutes les dix minutes, selon un rapport publié lundi 7 mars. » (Le Figaro)

et alii dit: à

douleurs extrêmes malgré les antalgiques
bonne journée

JC..... dit: à

PRESIDENTIELLE GAULOISE

Douze candidats ! Un seul qui a la carrure d’un Bébé d’Etat puisqu’il TUTOIE la crapule soviétique…

On est prié de ne pas se marrer, et de voter comme il convient pour conforter le pays dans son rôle de puissance mondiale en devenir !

JC..... dit: à

Courage, et alii !
Bonne journée

et alii dit: à

merci JC

renato dit: à

À propos de prix. Grenville Davey (1961), le sculpteur lauréat surprise du prix Turner 1992 (année où tout le monde attendait Damien Hirst gagnant) est décédé.

renato dit: à

Le sermon de Kirill (et sa référence à la gay pride) est un moment significatif de la stratégie de l’autocrate russe : démontrer que le modèle de démocratie libérale ne coïncide pas avec le progrès, mais uniquement avec l’hégémonie occidentale, qui en tant que telle doit être rejetée, au nom des autres et de valeurs traditionnelles. Enfin, un outre façon de dire « fascisme ».

renato dit: à

opus ! outre > autre

renato dit: à

Et depuis quand le modelé russe (et orthodoxe) coïncide avec le progrès ?

rose dit: à

Et alii.

Lâchez prise.
& Et alii
Marchez, marchez, marchez.

Courage à vous,

et alii dit: à

rose,merci de votre attention;il y a longtemps que je ne peux presque plus marcher, surtout sans l’aide d’une canne même pour me déplacer dans ma chambre, et ce sont justement des jambes que je souffre; ça va un peu mieux maintenant, et ça passera évidemment, et moi aussi!
bonne journée

Jazzi dit: à

Merci Passou pour le TWIT’VITESSE !
Et merci pour Voltaire, car c’est pas sa faute si sa statue est tombée par terre…

Jazzi dit: à

et alii, marcher ou fumer, il m’a fallu choisir !
ça fait bientôt deux mois que je n’ai plus tiré sur une cigarette…

et alii dit: à

bravo, jazzi; vous speedez pour fuir les compliments maintenant!
n’oubliez pas que je me gère moi-même, et peu portée à aller dans le sens des flèches;
cette guerre m’affecte beaucoup, et les enfants sur les photos, comment ne pas penser à eux?

Jazzi dit: à

« « Les poings desserrés » est certes un film « russe », mais tourné en Ossétie du nord par des acteurs locaux en langue ossète. Je ne vois pas bien en quoi le fait de refuser de le commenter sur le Lézard aide en quoi que ce soit les ukrainiens… »

Oui, closer, et contrairement à toi j’ai beaucoup aimé le film. L’histoire du boycott pro ukrainien, comme je le disais au boug, est une excuse bidon. Je ne parle pas de tous les films que je vois et cela ne tient pas forcément au fait que je considère le film en question bon ou mauvais. C’est très mystérieux de savoir pourquoi un film vous inspire un compte-rendu ou pas.
Là, en l’occurence, c’est, je pense, également un problème de saturation. Il existe un fort mouvement du jeune cinéma russe et aussi chinois qui s’adonne, avec virtuosité, à une esthétique de la laideur : laideur des sentiments, des paysages post apocalyptiques industriels, etc.
A cela, « Les poings desserrés » ajoute la problématique de liens familiaux intriqués jusqu’à l’inceste (un mélange des enfants et des parents terribles de Cocteaux, à la sauce ossète !). Un peu too much pour moi et irrésumable en quelques lignes…

renato dit: à

Avez-vous vu Red Rocket, Jacques ?

renato dit: à

J’ai apprécié, Jacques cette histoire d’un homme pathétique et embu de lui-même, qui a hâte de pouvoir parler aux autres, de se souvenir du peu qu’il a fait et de toutes les injustices qu’il croit avoir enduré.

et alii dit: à

Cocteaux, QU’ en dit petit x ?

Jazzi dit: à

Un cocktail des cocteaux !

JC..... dit: à

« Un cocktail des cocteaux ! »

Un jean, des jeans !

bouguereau dit: à

..si c’est havec 2 pite olive dans la culotte je préfère un coquetelle avec marlène qu’elle dit bonne clopine

bouguereau dit: à

C’est très mystérieux de savoir pourquoi un film vous inspire un compte-rendu ou pas

se polir le chinois sur un siège emmanuelle avec un canon à fumée..léonardo srait jaloux de ton sfumato baroz

bouguereau dit: à

Il existe un fort mouvement du jeune cinéma russe et aussi chinois qui s’adonne, avec virtuosité, à une esthétique de la laideur : laideur des sentiments, des paysages post apocalyptiques industriels, etc

c’est vite dit baroz..c’est pas hassez sourcé

bouguereau dit: à

Vouloir éradiquer la violence de la guerre, c’est prendre les humains pour ce qu’ils ne sont pas : des mammifères supérieurs, préoccupés de sagesse…

hau moins essayons de le singer jicé..là tu fais un peu la madame du bordel pour pas haller au charbon..t’as encore l’age..tous les gouts sont dans la nature qu’elle dit bonne clopine

bouguereau dit: à

ça fait bientôt deux mois que je n’ai plus tiré sur une cigarette…

que maigret aille faire une enquête sur tes substituts et t’es chocolat encore

Marie Sasseur dit: à

https://www.academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/sureau_4_discours_de_m._francois_sureau-avec_pagination.pdf

« Mesdames et Messieurs de l’Académie,

 

Avant de m’asseoir parmi vous, suprême récompense des talents incertains d’eux-mêmes, laissez-moi rester quelques instants debout parmi les vivants et les ombres. Aux vivants je dois ce remerciement que je ferai tout à l’heure. Quant aux ombres, je voudrais faire apparaître, bien sûr, celle de La Fontaine, qui fut un moment avocat à Paris et reste à jamais le plus vivant d’entre nous, lui qui dormait vingt heures sur vingt-quatre et ne se réveillait que pour la poésie et pour l’amour ; mais l’ombre aussi de Chateaubriand exposé pour toujours au silence et au vent de la mer, et celle de Deniau revenant du Panshir, et celle de Jean d’Ormesson parlant d’Augustin avec Ayyam Wassef, et j’étais ébloui, et cet éblouissement n’a pas cessé. Je m’en serais voulu d’annexer ainsi, à l’instar d’un député des candidatures multiples, d’autres fauteuils que le mien, si je ne m’étais souvenu que l’Académie, c’est une Compagnie dans laquelle on entre, et non une circonscription dont on hérite. Qu’elle soit aussi la Compagnie des morts a tout pour me réjouir. Plus qu’à Barrès, dont le délire antisémite ne parvient cependant pas à faire oublier ni ce qui l’unissait à Proust, ni l’amour d’Aragon, je pense aujourd’hui à Hugo, qui a souffert pendant vingt ans sur son île de voir la police partout et la justice nulle part ; Hugo, l’inlassable avocat des États-Unis d’Europe et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; Hugo auquel mon prédécesseur à ce fauteuil a peut-être consacré son plus beau livre et qui écrit dans Les Châtiments un vers que nous ne devrions pas pouvoir lire aujourd’hui sans frémir :

« Ma liberté, mon bien, mon ciel bleu, mon amour

Tout l’univers aveugle est sans droit sur le jour. » « 

Marie Sasseur dit: à

11 mars 2022 17h49

Jean Langoncet dit: à

Un baveux de papiers disais-je

Jean Langoncet dit: à

Un baveux de papiers > un baveux de papier dans les petits papiers

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