de Pierre Assouline

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La République des livres
La vocation des archives privées est-elle de le rester ?

La vocation des archives privées est-elle de le rester ?

Voilà un bien étrange phénomène : de temps en temps, on voit apparaître sur la place publique des fonds d’archives que les chercheurs cherchaient en vain depuis des lustres. Soit ils en savaient l’existence par la rumeur des colloques mais ignoraient tout de leur contenu exact faute d’y avoir jamais eu accès. Soit leur existence même leur était inconnue. Et bizarrement, lorsque ces papiers sont enfin dévoilés le plus souvent à la surprise générale, nul ne s’interroge vraiment sur leur origine jusqu’à enquêter sur leur provenance, alors que l’établissement de la source devrait être en principe posé comme un postulat avant tout examen et comme un préalable avant son exploitation. Deux cas très récents concernant l’histoire littéraire du XXème siècle devraient défrayer la chronique.

L’affaire Proust d’abord. En cette année du centenaire de l’attribution du prix Goncourt au deuxième volume d’A la recherche du temps perdu, les éditions de Fallois ont frappé un grand coup en publiant en pleine rentrée littéraire Le mystérieux correspondant et autres nouvelles inédites (188 pages, 18,50 euros). Une fois n’est pas coutume, passons rapidement sur le contenu : des ébauches, des fragments, des bouts dont l’intérêt est dans l’ensemble médiocre et scolaire sur le plan littéraire. Et pour cause : ce sont des textes de jeunesse, que l’auteur avait lui-même écartés puisqu’ils n’ont même pas nourri sa future cathédrale de prose, mais plutôt ses nouvelles Les Plaisirs et les jours.

Plusieurs de ces textes inédits traitent de l’homosexualité, thème qui n’est pas anodin dans l’univers proustien. Si le proustien s’ennuiera fermement à sa lecture, le proustologue s’en emparera avec gourmandise. Le cas de tout chercheur et généticien avec le moindre papier inédit. On apprend à cette occasion que Bernard de Fallois (1926-2018), homme de qualités, éditeur remarquable et proustien éminent, qui avait exhumé et reconstitué les manuscrits de Jean Santeuil (1952) et de Contre Sainte-Beuve (1954) en préparant sa thèse de doctorat sur la genèse de la Recherche, avait donc conservé par devers lui depuis soixante-dix ans sept cartons constituant un fonds d’archives proustiennes. Viennent-ils de la cave de Suzy Mante-Proust, nièce et héritière de l’écrivain qui avait ouvert sa cave et ses armoires au jeune thésard ? Ou d’ailleurs ? Ou les deux ? Nul ne sait et peu font l’effort de savoir.

Dans une note de l’éditeur, il est dit que « Bernard de Fallois avait exprimé formellement l’intention de mettre à la disposition des chercheurs l’ensemble des archives qu’il avait rassemblées », qu’il voulait éviter leur dispersion aux enchères et faire connaître plus complètement l’œuvre de Proust. Soit, mais que ne l’a-t-il fait de son vivant depuis les années 50, lui qui était parfaitement au fait de toutes les questions sans réponse que se posent les proustologues faute de certaines archives qu’il détenait et dont, aujourd’hui encore, nul ne connaît précisément l’origine ni l’inventaire ? Patientons encore un peu puisque par testament, son détenteur les a léguées à la BnF.

Le cas Genet ensuite. En lisant la dernière livraison des Cahiers de l’IMEC (No 12, automne 2019), on découvre sous la plume experte d’Albert Dichy, directeur littéraire de l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine, que Me Roland Dumas vient de lui faire don de trois valises pleines de carnets, cahiers, bloc-notes, lettres, dessins, scénarios que son client lui avait confiées quelques jours avant sa mort en lui disant :

« Merci de prendre soin de mes manuscrits ; vous en ferez ce que vous voudrez ».

L’avocat (et futur Garde des sceaux et ministre des Affaires étrangères du président Mitterrand) avait noué des liens d’amitié avec l’écrivain pendant la guerre d’Algérie ; et depuis, il gérait son œuvre littéraire et théâtrale, intercédait en son nom pour faire libérer des militants allemands et palestiniens. Rien de moins surprenant à ce que ses papiers rejoignent le fonds Jean Genet (1910-1986), l’un des plus anciens et des plus consultés de l’Imec. Ces documents inédits sont relatifs aux quinze dernières années de sa vie (les brouillons d’Un Captif amoureux, les textes sur les Black Panthers et les Palestiniens). Mais puisqu’il ne s’agit pas de sa vie privée (et quand bien même…) mais de son travail d’écrivain et de son engagement intellectuel, pourquoi Roland Dumas a-t-il attendu trente-trois ans pour s’en défaire quand tant de biographes, chercheurs, étudiants, thésards ont hâte de les consulter ?

Là encore, la question ne sera pas posée. Par définition, un fonds d’archives ne relève pas du domaine public lorsqu’il se trouve dans des mains privées. Mais lorsque ses détenteurs sont réputés faire grand cas de l’Histoire et de la Littérature avec force majuscules, Qu’ils savent l’importance que les chercheurs accordent aux trésors dont ils sont les détenteurs jaloux et le plus souvent secrets, ne sont-ils pas agités par un cas de conscience ?

(« Jean Genet à une manifestation de Black Panthers à Yale. 1970. Photo Leonard Freed/Magnum : « Marcel Proust vers 1891 » photo D.R. ; « Jean Genet » photo Alvaro Heras-Gröh)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire.

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commentaires

601 Réponses pour La vocation des archives privées est-elle de le rester ?

Janssen J-J dit: à

Quelquies expressions courantes du patois charentais ne pourraient point faire de mal à la RDL, hein :

qu’est’ou qu’o’l’est ?
qu’est ce que c’est ?
qu’ou’r’est’ou ?
qui est ce ?
jh’seu benaise
je me sens bien
o’m’fait zire
ça me dégoute
du linghe bian de bughée
du linge propre (après la lessive)
o’l’est point cabourne
c’est lourd ! (ce n’est pas creux)
tieu drôle est ben cheti
ce jeune garçon est bien maigre
comment l’est t’ou emmarouillé ?
comment est-ce emmellé ?
faudrait p’têt ben changher tielle gueille de bonde
il faudrait sans doute changer ce tissus de bonde
4 gouttes d’eau dans une coquille d’aillan
se dit quand on n’utilise que très peu d’eau
p’us counit qu’un mâle de luma
plus maladroit qu’une limace (mâle …)
y z’aviant fait Pâques avant Rameau
ils ont eu un enfant avant 9 mois de mariage …
tacher de faire en sorte
essayer
tourne et vire
hésiter
cré fi(ls) d’la mère !
interjection pour marquer l’étonnement
o’l’a ni goût ni gounasse
ç’a n’a pas beaucoup de goût
as tu fini de beller comme une oueille
as tu fini de crier comme une brebis
lou qu’pensiant qu’o l’étiant facile aviant qu’à zou faire
celui qui pense que c’est (c’/ce/cela : « o » : nominatif) facile n’ont qu’a le faire (le/ce/cela : « zou » : accusatif)
qu’est’t’ou qu’o’l’est qu’a dit qu’a l’a ?
A dit qu’o’l’est qu’a’l’est malade
c’est clair, non ?

A
a
elle
acacher
presser fortement
acourser (s’)
se poursuivre
affeurdillée
frileuse
agrâlés
(pieds) échauffés (par la marche ou la chaleur) voir « grâler »
aillan
gland du chêne (une coquille d’aillan)
aive
eau
aigail
rosée
ajhasse
pie
ajhuer
aider
aisine
espace ou l’on a ses aises
aquiller
voir « cruchtoler »
aneut
aujourd’hui
angrote
lezard
arrocher
jeter
a’c’t’heure
maintenant, ‘a cette heure’
(c’est aussi une expression de remplissage)

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B
beun’aise
‘bien à l’aise’ (jh’seu beunaise ….)
benaise
coiffe, genre quichenotte
bespagne
maïs (blé d’Espagne ?)
beurnicacer
lambiner
bourder
caler, ou appuyer
busoter
voir nigheasser
bughée
lessive (‘du linghe bian de bughée’)
bourin
âne (animal)
beurlière
anse, ou poignée souple (voir aussi ramelle)
bail ou baille
baquet
bassée
récipient pour abreuver les bêtes
balots
lèvres (‘avancer les balots’: faire la moue)
balai
hangar
bougner
cogner
bouère
boire
bastiot
panier
boure
litière faite avec de la bruyère (masculin: du boure)
bouillée
taillis, groupe de petits arbres
burgot
frelon
buffer
souffler sur quelque chose (le feu)
bouzit
ver de terre (‘coupeur de bouzits’: paysan)

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C
cagouille
escargot
chabrol ou chabrot
mettre du vin dans la fin du bouillon de la soupe
chavant ou chabant
chat-huant (l’oiseau)
charpiot
enfant petit et chétif
chafouin
fouine, belette (?)
cagnot
chien
chabanais
réserve pour le foin ou la paille
cruchtoler
jucher en déséquilibre
creusilles
trous du nez
cabourne
creux intérieurement
cabardos
à l’envers (retourner) [gabaye ou gascon ?]
cendrille
mésange
canevelle ou cannevelle
bambou (ou l’on suspend les boudins et les saucisses)
cabardos
sens dessu dessous (prononcer ‘cabardosse’)
cabole
épi de maïs avec les grains
cabolon
épi de maïs sans les grains
chéti
pas fort, pas habile, pas courageux
cabaner
pour les volets: les mettre en tuile
carabistouilles
manigances
cassereaux
morceaux de tuiles ou de faïence
carrassonnes
piquets (de vigne)
cagrou
(faire le): ne pas se sentir en forme
counit
maladroit (prononcer le ‘t’)
crouster
collation (faire croustet), goûter, faire 4 heures
charpir
étirer la laine
chapia
chapeau
carquelin
galle du chêne (provoquée par le Cynips)
coutais
couteau
creux
étang
clie
partie ouvrante de la cloture des champs (une clie)

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D
douil
grande cuve en bois pour transporter la vendange de la vigne au pressoir
(mais aussi en Français dans le vieux Larousse du XXième siècle de 1928: cuve de 7 ou 8 hectos, dans le Sud-Ouest, même définition)
douillat
petit douil
daune
fille
devantot
tablier (que l’on met « devant »)
dou
du
drôle
garçon
drôlesse
fille
déjhouquer
se déjhouquer: se lever (pour les poules, et par analogie … pour les humains)
d’où-r’est-tou
où est ce … ?
d’où-r’est-t’y
d’où est il ?
dalle
chéneau ou gouttière
déviroullée
déboussollée
devanteau
petit tablier
det
doigt
dret
droit (marcher droit)
dail
faux (on dit aussi: daillot)
dejhouquer (se)
quitter son perchoir (pour les poules), et par extension, se lever, pour les humains
déjhobrer (se)
se débarbouiller

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E
émailler (s’)
s’informer
ébarouir
se fondre, pour le bois: se disjoindre
enguignoler
emmeller
emmarouiller
emmeller
embeurdoirer
salir en graissant avec un produit quelqconque
écharogner
enlever les morceaux en les déchirant
éparouir
(à l’éparouir: à l’étalage)
escripet
piège à oiseaux (rond)
éplire
éclore
épivacer (s’)
se gratter par terre, pour les oiseaux
écarlager
écarter les genoux
escorer
étayer (surtout une charpente)
éparée
surface

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F
frelasser
bruit de choses qui s’entrechoquent
fricot
ce que l’on mange avec du pain: par exemple des gratons
feutres
chaussons, pantoufles
fusciner
fouiner
frairie
fête locale
fraichin
odeur désagréable (de poisson ou d’oeufs)

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G
godalle ou godaille
sinonyme de chabrot : vin dans la fin de la soupe
gabaye ou gabaïe
dialecte nord Gironde et Charentes
gheneuil
genoux
garamacher
marcher on ne sait où
gaghe
récipient
ghens
gens (‘boune ghens’)
gueille
étoffe (souvent usagée) (une gueille de bonde …)
guingaçons ou gringarçons
semances (petits clous)
goûnasse
faible goût: ‘o’ l’a ni goût ni gounasse’
grâler
faire griller (les marrons)
gouziller
mettre en morceaux
grelailler
tamiser
garganelle
gorge (dans la garganelle : avaller)
gosser
tailler en copeaux (surtout avec un couteau)
godailler
pour le tissus: faire des plis qui tombent mal
signifie aussi boire souvent …
gherbaude
déjeuner de fin de vendange

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J
jhouquer (se)
se percher (pour les poules), et par extension, se coucher, pour les humains
jhouquoir
perchoir
jhoualle
terre cultivée en jardin entre 2 rangs de vigne plus espacés
jharser
se dépenser bêtement, en gachant beaucoup d’énergie
jhanser (la place)
balayer
jhuille
lanière de cuir utilisée pour lier un joug aux cornes d’un boeuf

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L
lou
celui
luma
limace

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M
mâte
fané ou flétri
mitan
milieu
migheot
pain trempé dans du lait ou du vin pour faire quatre heures
margagne
défaut dans un tricot
aussi: une reprise

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N
nijhasser (ou nigasser ?)
synonime de busotter
s’attarder, avoir l’air de travailler, sans travailler vraiment
nore
bru

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O
o’
ce, ça, cela, … (sujet, nominatif)
o’l’est …
c’est …
oueille
brebis
ouiller
faire le plein (en Français aussi !)
ouillette
entonnoir
otout
aussi

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P
patrouiller
marcher dans l’eau ou dans la boue
pezelle
herbe sauvage très apprécoée des lapins
pigouiller
jouer avec l’eau
pichoter
jouer avec l’eau
palène
grande herbe (coupante)
palisse
haie (‘oun anguile de palisse’ : un serpent)
piron
oie mâle
pautrignage
bourbier
pinier (ghemmé)
pin (gemmé)
pitaler
patauger
pauticher (se faire)
se faire pelloter
pilot
tas (un gros pilot)
plainier
plan, de niveau, de plein pied
pendiller
suspendre
pigaillé
tout taché (surtout les taches de rousseur ?)
platusses
plies (espèce de sole (poisson))
pimpiner
s’infiltrer (en parlant de l’eau)
pimer
synonime de siler (crier en gémissant,
surtout en parlant d’un enfant)
pigasser
se dit d’un oiseau, ou d’une poule
qui mange en piquant avec son bec quelque chose de dur (par exemple du pain sec)
pupue
huppe (l’oiseau)
peutasser
rapiécer

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R
remeuil
mamelle de la vache
règhe
fond du sillon
rabousiner
froisser
racasser
faire du bruit
ramelle
anse (synonime de beurlière)
rabaler
trainer (en particulier les sabots)
roughet
os
reguigner
se dit pour quelque chose qui n’est pas à sa place (« o r’guigne »)

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S
souseillant
avantageux (à l’usage)
souberne ou sous-berne
inondation
(les bernes sont sous l’eau …)
s’ti s’t’elle
dit il ou dit elle
aussi expression qui remplace le ‘heuuuuu’ en Français
siner
sentir, renifler
siler
crier en gémissant
sincer
laver par terre (avec une since (serpillère))
sau
sel
sciat
sceau
souillarde
arrière cuisine

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T
tabant
taon
tantot
apres midi
tapiot
petit récipient
timbre
grand baquet en fonte pour faire boire les vaches
tra
poutre (trabs en latin !)
touiller
remuer (un liquide) (aussi en Français)
tabarée
grande quantité
tieu ou thieu
ce (ou celui-ci)
tielle ou thielle
cette (ou celle-ci)
tourniquasser
tourner en rond
tapiner
repriser

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V
vous’aut
un « vous » générique et indéfini, contaction de « vous autres »
(vous’aut aviant qu’à zou faire …)
vime
tige d’osier (pour attacher les sarments de vigne par exemple …)
virounat
le tournis (« o’m’donne le virounat » : cela me fait tourner la tête)

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Y
y
il, ils

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Z
zirou
dégouté
zigougner
faire en abimant (ou maladroitetement)
(par exemple: utiliser des ciseaux qui ne coupent pas)
zou
ce, ceci, cela, (complement d’objet direct – acusatif :
‘jh’allons zou faire’)

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