de Pierre Assouline

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La République des livres
Le temps tel le grand Condor des Andes

Le temps tel le grand Condor des Andes

De quoi parle-t-on lorsqu’on parle du Chili aujourd’hui ? De l’insécurité permanente créée par le narcotrafic et de l’indice de la peur au plus haut à Santiago et Iquique. Des difficultés du pouvoir à réformer la Loi fondamentale après la victoire de la droite conservatrice et de l’extrême-droite aux élections au Conseil constitutionnel. De la récente décision du président (de gauche) Gabriel Boric d’envoyer l’armée patrouiller dans le nord (région de Tarapaca) afin de refouler les milliers de réfugiés vénézuéliens qui fuient leur pays la misère au ventre, confinant de facto ces migrants dans une kafkaïenne zone grise où ils ne sont ni régularisés ni expulsés. Et à la rentrée, c’est du Chili du président Salvador Allende dont on parlera à l’occasion de la commémoration du cinquantième anniversaire de son suicide dans son palais assiégé et bombardé par les forces putschistes du général Pinochet. De ces Chili façonnés par l’histoire immédiate, les medias nous parlent et nous parleront abondamment. Mais il existe un Chili immémorial, un pays fait paysage, dont seule la littérature peut nous entretenir en nous touchant vraiment par le déploiement de tous les moyens de la fiction. La tache que s’est assignée Cordillera (328 pages, 20 euros, Le Cherche-Midi), le premier roman de Delphine Grouès.

C’est peu dire qu’elle y est à son affaire. Le Chili est non la seconde mais l’autre patrie de cette Française depuis qu’elle a soutenu en 2007 sa thèse de doctorat sur Cris et écrits de l’opprimé : le bandit et le soldat dans la poésie populaire chilienne (1880-1973). Mais loin de la forme académique, seul un roman, avec tout ce que la fiction peut autoriser de sensible et de pénétrant, lui permettait d’élever un chant d’amour à la fameuse Cordillera de los Andes, dans l’admiration revendiquée de Roberto Bolaño, Gabriela Mistral et José Donoso. La Cordillère… Un personnage précédé par sa légende car la plus longue chaine de montagne continentale du monde est bien le personnage principal, et le plus attachant d’une intrigue qui n’en manque pas. Impérieuse, elle observe ceux qui viennent s’y lover. Deux catégories de visiteurs : ceux qui cherchent des prétextes pour y rester et ceux qui en trouvent vite pour en redescendre. Au vrai, c’est un monstre.

Le défi narratif est assez gonflé mais l’auteure tient sa note juste de bout en bout de cette histoire de déracinements. Nous sommes d’emblée plongés dans l’intimité des Silva, une famille chilienne des premiers temps de l’autre siècle qui vit aux pieds de la Cordillère et que l’on suit sur une trentaine d’années. Un clan autant qu’une famille. Chacun de ses membres joue sa partition à commencer par le père, le plus fermé, celui qui s’exprime le moins ; ses deux fils sont aux antipodes l’un de l’autre sans que l’un soit le négatif de l’autre, pas plus l’amateur de poèmes que le gardien de troupeau, celui s’enivre de l’odeur du plomb des imprimeries et celui qui se royaume au faîte des montagnes. Il ne fait pas bon s’égarer sur le territoire des Silva. Une entaille à la joue est le signe à jamais qu’on a croisé leur chemin. Mais si la mort rôde partout, si elle guette et attend, c’est aussi que l’épidémie de petite vérole s’étend de village en village et décime les enfants. Pour la fuir, l’éloigner de l’agonie fiévreuse de son frère et ne pas « attraper la mort » à son tour, le grand-oncle aveugle fait de son petit-neveu de 7 ans un lazarillo, canne blanche qui sera son bâton de vieillesse. Ainsi viendra à l’enfant la passion de la poésie, à force d’entendre son maitre la dire d’un village à l’autre pour gagner quelques centavos. Tant et si bien que le duo ne se parle plus qu’en octosyllabes. L’important est de partir le plus loin possible et d’échapper à la suffocation des mines.

Si l’on secoue ce roman tenu par une écriture sèche et sans apprêt, il en tombe des poèmes façonnés par les décimas, autrement dit quatre strophes de dix vers octosyllabes, « ce que les Espagnols ont pu nous léguer de mieux ». Comment n’être pas fasciné par l’idée même de ces massifs qui serpentent continûment durant quelques 7000 kms au long de la côte occidentale de l’Amérique du sud ! On conçoit que cela ait pu nourrir tant de mythes locaux et irriguer l’imaginaire de tant de romanciers et de poètes. Ceux du Chili n’y ont pas échappé même si ses montagnes ne sont pas les plus impressionnantes, fût-ce en Patagonie, où ils tutoient en moyenne à 2500 mètres quand chez les voisins ils s’élèvent facilement au-delà de 6000 mètres. La forêt n’y est pas moins luxuriante.

On sent à chaque page que la romancière, manifestement nourrie de real maravilloso à la Alejo Carpentier (Le Royaume de ce monde, 1949), s’est puissamment imprégnée des paysages, leur végétation, leurs parfums, leurs lumière- et, à certaines pages, on devine qu’elle les a souvent parcourus à cheval puis à dos de mule, parmi les guanacos, cousins de lamas domestiqués, les cactus et les eucalyptus sans oublier le rare cocotier, variante locale et majestueuse du palmier à miel. On voit la Cordillère onduler. Lorsqu’on en gravit la montagne, on entre à l’intérieur. Ainsi disent-ils.

« Parfois, dans la Cordillère, les épines vous arrachent un bras, les cailloux tapis sous de verts pâturages lacèrent vos pieds. Les failles, la silice à vif, l’eau nappe les sombres crevasses. L’ombre noir s’empare des parois., le froid vous saisit et ne vous lâche plus, la nuit s’étire et s’étire, si longue que le jour semble avoir disparu à tout jamais. »

Pourquoi les Silva vont-ils payer pour les autres ? La vie est mal faite, voilà tout. Il n’y a pas d’explication pour ces pudiques qui ne se grisent pas de mots si ce n’est les mystères chuchotés du côté de Pachamana, la Terre-Mère au sol ambré, et les énigmes murmurées par les esprits mapuches, ces gens de la terre dont la mère Selva est issue et qui furent les indigènes du Chili avant l’arrivée des Espagnols. Des taiseux que la nature, par sa force tellurique, rend éloquents et élégiaques. De quoi donner du souffle à leur épopée telle qu’ici rapportée au passé simple avec empathie par l’auteure, les sens aiguisés et décuplés par la pénétration de la Cordillère. Le temps n’y est pas marqué par des dates mais par des époques et des saisons. Lorsque le père dit « C’est la guerre », c’est au conflit du Pacifique (1879-1884) déclenché par l’expansionnisme chilien qu’il fait allusion, un affrontement armé pour une querelle de frontières avec le Pérou et la Bolivie et la volonté de s’approprier le salpêtre du désert d’Atacama où le froid brûle la terre davantage que le soleil.

Le temps règne sur ces âmes tel le grand Condor des Andes, animal-emblème de ce pays avec le cerf Huemul, tellement plus laid et charognard que lui mais si fascinant lorsqu’il se déploie de toute son envergure. Le temps est incarné par la terre; vibrante de toute sa force minérale, elle demeure à jamais quand les humains qui la foulent ne font que passer. La Cordillère était un mythe. Cordillera en fait un conte. De leur rencontre, une étincelle a jailli dont Delphine Grouès a fait un roman qui désormais ajoutera à sa légende. Rien n’est plus vrai que ce bloc poétique chu de là-haut.

(Photos D.R.)

Cette entrée a été publiée dans Littérature de langue française.

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commentaires

850 Réponses pour Le temps tel le grand Condor des Andes

FL dit: à

Finalement le film de Pasolini lui aura fait beaucoup de bien.

Phil dit: à

Douglas Kennedy

Découvert avec un récit de voyage en Égypte en 1988, spontané et bien enlevé, qui donne le regret que Leigh Fermor eût réchauffé des souvenirs vieux de quarante ans pour sortir les siens, de récits.
Depuis, l’esprit des États-Unis le (pré)occupe, high tech generation devenue inculte en moins d’une géneration, qu’il voit héritière des sectes déistes. Père Irlandais pur sucre, mère juive newyorkaise pur sucre, de quoi vous coller au sujet, dear Bloom
Merci miss Neuhoff, metoo, no bloque buster qui tonne. Penserai à vous quand verrai Pauline Peyrade en librairie, mieux que les papelards conseils écrits de travers trombonés. Notez que le Debray se lit et relit, brillant testament littéraire avant casse-pipe.

D. dit: à

Yen a marre du condor.

Bloom dit: à

Mix intéressant, dear Phil, dans la lignée de Soli Lifschitz ou de Chaïm Herzog, de Belfast (le père de ce dernier surnommé le « rabbin du Sinn Fein »).
J’entame un cure américaine cet été!

D. dit: à

De la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens
2 Co 13, 11-13

Frères,
soyez dans la joie,
cherchez la perfection,
encouragez-vous,
soyez d’accord entre vous,
vivez en paix,
et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous.
Saluez-vous les uns les autres
par un baiser de paix.
Tous les fidèles vous saluent.

Que la grâce du Seigneur Jésus Christ,
l’amour de Dieu
et la communion du Saint-Esprit
soient avec vous tous.

D. dit: à

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
Jn 3, 16-18

Dieu a tellement aimé le monde
qu’il a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas,
mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Celui qui croit en lui échappe au Jugement ;
celui qui ne croit pas est déjà jugé,
du fait qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu.

B dit: à

 » Partant du principe que la dignité se mesure au mérite, le gouvernement choisit, dans le cas d’une telle loi, d’indexer le droit de survivre à une activité factice, non rémunérée et déléguant toujours davantage le destin des pauvres aux mécanismes iniques de l’administration. »

Tribune du journal Le Monde, contre la réforme du RSA.

Jean Langoncet dit: à

@Yen a marre du condor

Tant que vous n’aurez pas écouté, mis en ligne et commenté avec attention chacun des titres interprétés par Simon et Garfunkel lors du fameux concert du duo à Central Park en 1981, l’ombre du condor continuera de planer sur ce billet (vert andin)

D. dit: à

Tu es au RSA, Bérengère ?

D. dit: à

Bérénice, pardon. Putin de correcteur de mes coquilles.

Jean Langoncet dit: à

@ Putin de correcteur de mes coquilles

Tiens, calimero, je t’accorde que l’extrême droite française a su évoluer pour donner d’elle-même une image présentable / présidentiable : elle est passée du pétainisme au putinisme ; prochaine étape, le macronisme ?

D. dit: à

Dis-donc Jeannot, tu causes à qui au juste ?

D. dit: à

Dylan est pas mauvais en textes mais question musique ses compositions sont nulles. Il avait des aptitudes mais s’est endormi sur ses lauriers.
C’est pas à son âge avancé qu’il va réussir à rattraper ça, Bob.

rose dit: à

Nulles.
Quatre ans qu »on se le tape sans rien dire.
Sinon, la drague à seize ans.
Roxane est dans le cloître, comptant ses sous pour payer le restau alors qu’elle n’aime pas les huîtres (ça fait un bon moment que c’est nous qu’on paye) :
https://www.instagram.com/reel/CsWfWO1A3Pd/?igshid=MmJiY2I4NDBkZg==

C un autre nom que le zob. Mais y a un z je vous rassure.

rose dit: à

Le zgeg.
J’ai ri.
Chez moi, on savait tout, même la kalach.et le noeud coulant.

Enfin, quand même, dans le local poubelle, merdalors.

Jean Langoncet dit: à

@‘The Trees’ renvoie aux arbres auxquels on pendait les noirs, ces ‘Strange Fruit’ que chante Billy Holiday, et qui faisaient l’objet d’un commerce lucratif de cartes postales dans ces contrées accueillantes

Calimero aurait-il fait de petits Huemuls ? They’re selling postcards of the hanging
https://www.youtube.com/watch?v=hUvcWXTIjcU

D. dit: à

J’aime pas sa voix. J’aime pas sa guitare vulgaire (et Dieu sait comment j’aime la guitare dans toute sa noblesse), j’aime pas son petit swing mou minable. J’aime pas ses harmonica merdiques. J’aime pas du tout, c’est plus fort que moi, ni sa copine Joan Baez du même tonneau.

rose dit: à

Quatre ans que l’on se tape Dylan pour se voir lire le 3 juin 2023 qu’il n’aime pas du tout ce type là.

D. dit: à

A la base c’est quand même le folksong qui me donne la nausée. Rétablissons la vérité. Cette musique m’est insupportable. Pour moi elle réunit tous les travers, tous les défauts qu’on ne devrait pas trouver dans la musique. Évidemment pour moi ses hérauts ne peuvent que porter l’opprobre et susciter mon indignation d’avoir choisi les pires voies musicales alors que tant d’autres s’offraient. La vérité est qu’ils n’étaient sans doute capables que de ça.

rose dit: à

2016.
Sept ans.
Misère de nous.

rose dit: à

La vérité est qu’ils n’étaient sans doute capables que de ça.

Comme tout le monde.
Comme chacun.

D. dit: à

Je les considères pour ce qu’ils sont eux et leur public : respectivemrnt des sous-musiciens et des amateurs de sous-musique. Ne comptez jamais sur moi pour donner un blanc seing à la sous-musique sous le prétexte d’avoir une gueule et des messages. C’est niet. Fin de l’analyse. Bonne nuit mo jeannot-lapin.

Jean Langoncet dit: à

@Misère de nous

Mon bivalve vous remercie de cette observation ; plus que quelques années à tirer

Samuel dit: à

Pourquoi parfois rien n’est plus drôle que le malheur ?

Damien dit: à

Le roman de Bret Easton Ellis, apparemment personne ne l’a lu ici :

« Les éclats », dans lequel il revisite l’année 1981 et la bande de lycéens hyper-privilégiés des collines d’Hollywood dont il avait fait les personnages de son tout premier livre, Moins que zéro. (EaN)

Je me demande : quel est le lectorat de ce livre, si jamais il y en a un, car d’accord chez le libraire il est exposé en grosses piles, mais des piles qui ne se réduisent pas, comme si aucun acheteur ne s’était pointé. Une mévente ? Quand même, il y a des passionnés de cet auteur, depuis « American psycho » ou « Lunar Park » (pour ce dernier, je partage). Alors, je l’ai feuilleté plusieurs fois, et beaucoup de choses m’ont rebuté. D’abord, l’impression d’être un voyeur se repaissant de scènes sexuelles mettant en scène des ados. Un grand nombre d’actes charnels, parfois à la limite du viol, lorsqu’un adulte s’y met. Deuxio : les marques commerciales qui foisonnent. C’est trop, et ça gâche tout. Cet impérialisme de la marque est typique des ados. Donc, « Les éclats » est-il un roman pour ados ? On dirait. mais ce qui me gêne le plus est cette narration au ras des pâquerettes — l roman fait six cents pages au moins. Tout est décrit sans ellipse, comme dans un film porno. Le moindre détail est roi. Chaque minute compte, chaque seconde. Bref, il me semble qu’il s’agit d’un roman vraiment désespéré, qui n’aurait pas été édité si l’auteur avait été inconnu. Ceci étant, c’est une première impression de ma part. Il faudrait aller plus loin, mais c’est vraiment… rébarbatif. Il faudrait s’immerger dans cette prose. Vous voyez, Bloom, je préférerais m’immerger dans Céline, le relire, le lire, ou que sais-je. Si Léautaud ressuscitait, et que le pavé de B E Ellis lui tombait sur le pied, il dirait : « Oui, vous avez raison mon cher Damien, et puis… ça coûte cher, un livre ! au moins 25 € sinon plus… je ne peux pas me le permettre, alors que j’ai dans ma bibliothèque la Correspondance de Stendhal… » Eh oui, les amis, c’est bientôt le moment de relire « La Chartreuse », ça c’est formidable ! Bon dimanche à tous, 5 h 46… A bientôt.

renato dit: à

Italo Calvino
Les enfants et les souris nous gouverneront

Dans vingt ans, si je vis, je serai un vieillard : quand je pense à la vie dans vingt ans, il est naturel que je me demande ce que deviendront les vieillards. La vieillesse est aujourd’hui plus sûre et plus confortable qu’autrefois — j’entends cela dans un sens pratique et matériel —, et elle le sera de plus en plus ; mais les vieux comptent de moins en moins, ils « signifient » de moins en moins. Dans la comédie de la vie humaine, le vieillard était un personnage omniprésent : positif ou négatif, mythique — magique ou ridicule — grincheux, il fallait toujours composer avec lui. Mais aujourd’hui déjà, ce personnage a quitté la scène ; dans la famille, il n’a plus sa place ; la société tend à l’expulser. Aujourd’hui déjà, dans une grande partie de l’Amérique et de l’Europe occidentale et orientale, les personnes âgées se voient attribuer des territoires géographiquement et socialement séparés du reste de l’humanité, des « réserves » plus ou moins dorées, des zones tempérées et calmes habitées presque exclusivement par des retraités et des médecins.
Il est probable qu’à l’avenir le sillon séparant la cité productive de l’anti-cité du repos sénile, qui ne cesse de s’étendre, s’approfondira ; que personne n’osera plus mettre les pieds dans le monde des vieux, sauf si le moment est venu pour lui d’y entrer et de ne plus en revenir ; et que l’image de cette sorte d’au-delà terrestre, sans cesse affleurant et sans cesse chassé de la conscience, sera chargée d’attributs extraordinaires, de pouvoirs bienfaisants ou maléfiques. Peut-être y aurait-il alors des jeunes qui, dans leur rébellion contre le monde de leurs pères, se réfugieraient dans les terres taboues du pays de leurs grands-pères et y perdraient leurs traces. Ils réapparaîtraient dans des raids rapides qui jetteraient la consternation dans la ville, considérés par les uns comme des hordes de maraudeurs, par les autres comme les hérauts d’une nouvelle loi que les vieillards auraient élaborée dans leur solitude contemplative et transmise aux jeunes fugitifs par de mystérieuses initiations.
Ici, la réflexion sur l’avenir des personnes âgées nous amène nécessairement à nous interroger sur l’avenir des jeunes, voire des enfants et des nourrissons, car les expériences de vie collective de l’enfance seront déterminantes : les rites d’initiation qui marquent l’entrée dans la société seront anticipés dans les premières années de la vie.
Au cours des vingt prochaines années, la vie de la petite enfance connaîtra les moments les plus difficiles de l’histoire de l’humanité. Ayant depuis longtemps effacé l’image du père, estompé l’image de la mère (qui ne rentre du travail que le soir), l’enfance va se défaire de nombreuses occasions de névroses et en acquérir de nouvelles. On peut se consoler en se disant que, quelle que soit l’enfance qui le touche, celui qui vit à cet âge ne sera pas sauvé de la névrose, et comme les parents sont certainement deux névrosés, l’enfant a tout à gagner à les voir le moins possible. On peut s’attendre à ce que la névrose au travail augmente chez les hommes, alors que chez les femmes — dès qu’elles seront capables de ne plus penser aux tâches ménagères — elle aura tendance à diminuer ; de sorte que les tâches techniques et administratives seront de plus en plus confiées aux femmes ; ce qui généralisera la séparation précoce des enfants d’avec leur mère.
Où les enfants resteront-ils pendant la journée ? Les crèches et les jardins d’enfants — même s’ils sont construits en grand nombre — seront inaccessibles en raison des embouteillages permanents. Le réseau de jardins d’enfants le plus moderne restera presque désert, car les enfants ne pourront y être emmenés ni par leurs parents, déjà harassés et épuisés par les problèmes quotidiens du travail et du retour à la maison, ni par les transports publics, qui ne pourront pas se garer devant les maisons.
Le système de « laisser les enfants à la voisine », pratiqué aujourd’hui par un grand nombre de femmes actives, se répandra au point que dans chaque immeuble ouvrier, il y aura des femmes au foyer qui, pour une somme modique, prendront en charge des enfants par centaines, et n’ayant pas d’espace pour les contenir, les laisseront se répandre en grands troupeaux sur le domaine public, provoquant des barrages routiers et dévastant les supermarchés. Tels des bergers suivant un troupeau en pâture, les camarades n’interviendront qu’en cas d’extrême nécessité pour tenter d’endiguer le mouvement du troupeau, qui se déplacera selon sa propre autonomie et son obstination imprévisibles. Il deviendra vite évident que si l’enfant n’abandonne pas le troupeau, c’est le troupeau lui-même qui le protège mieux que n’importe quel tuteur adulte.
Le flux des véhicules (de toute façon très lent et soumis à des arrêts constants) sera obligé de s’arrêter chaque fois que la chaussée sera envahie par une phalange de nourrissons apprenant à marcher ; on verra des camions et des autobus faire des roues et des embardées poussés par une charge de nourrissons.
Force imparable de la nature, ces multitudes de bambins se jetteront comme des sauterelles sur les marchandises laissées sans surveillance (les centres de vente en libre-service auront complètement remplacé les petits magasins). Seule la musique pourra influencer le troupeau, l’attirer dans une direction ou le faire fuir par des sons désagréables ; les instruments les plus utilisés seront les cymbales, les sistres, les crécelles, les buccinas, les maracas. Mais le soir, avec la fatigue et le sommeil, une flûte ou un flageolet suffiront aux bonnes voisine pour reprendre le dessus et entraîner la file d’attente béante.
Dans ces transhumances urbaines quotidiennes naîtront un nouveau système d’apprentissage, un nouvel univers de croyances et d’images, une nouvelle langue (il y aura une première fusion des vagues migratoires qui convergent vers les métropoles depuis tous les continents), une nouvelle façon de voir le monde, avec la communauté des pairs comme première réalité, avec le stock de biens toujours renouvelé comme forêt et pâturage et printemps perpétuel, avec les véhicules comme bêtes féroces.
Un seul animal de la zoologie ancienne continuera à imposer son image : le rat. Les systèmes de dératisation de plus en plus meurtriers auront conduit à la sélection d’une race de souris résistantes à tous les moyens d’extermination, peut-être immortelles, qui se reproduiront sans cesse, disputant à l’homme la possession de la métropole. La lutte pour la survie pourrait développer chez ces rongeurs des facultés mentales si supérieures qu’ils pourraient élever d’autres animaux sous terre et les utiliser dans la lutte contre l’homme : serpents, crocodiles, pieuvres.
Comme jadis le hurlement des loups, les hommes enfermés dans leurs maisons écouteront chaque nuit en tremblant le couinement de millions de rats, qui s’élèvera plus haut que le rugissement des Boeing et des fusées, promettant que le règne animal vaincu ressurgira de sous terre.

4.6 — 6.43

rose dit: à

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rose dit: à

Samuel dit: à
Pourquoi parfois rien n’est plus drôle que le malheur

Parce que à toute chose, malheur est bon.

rose dit: à

C’est la raison. J’en suis témoin.
La connerie n’est jamais ancrée dans un personnage de la comedia dell arte. À chacun sa chance de s’en extirper.

rose dit: à

En tout cas, Claire P. sait que Le Christ s’est arrêté à Eboli est un chef d’oeuvre. Je l’ai remarqué.

rose dit: à

Moi, je propose, que cette biologiste, après avoir enregistré 500 interactions depuis 2020 dans son bateau, soit embarquée de son plein gré par un grand marin, sur place, dans le détroit de Gibraltar.
https://www.leparisien.fr/video/video-ne-criez-pas-ne-leur-jetez-rien-dessus-ce-quil-faut-savoir-et-faire-quand-on-est-attaque-par-des-orques-02-06-2023-LRW76CFXXZEWHO25QVI4FPNXBE.php
De manière à ce qu’elle constate, de visu, l’effet que cela fait d’être attaqué par un troupeau d’orques.

rose dit: à

dans son bureau.
Qu’elle navigue. Aille voir sur place et nous reparle de la « curiosité » des orques.

closer dit: à

Voyons Rose, on est pas « attaqué » par une bande d’orques! Les mamans orques et leurs petits « interagissent » avec nous…
De même les deux ou trois nageurs par an qui se font bouffer par des requins en Australie ou ailleurs ne sont pas attaqués par des requins…Les requins interagissent avec eux.
Les loups et les ours interagissent avec des centaines de brebis et de chèvres tous les ans dans les Alpes et les Pyrénées…
Tout ça c’est la faute des bergers, des nageurs et des bateaux de pêche.

closer dit: à

« La collaboration Staline-Hitler » de Jean-Jacques Marie.

Où il est démontré que la seule personne en qui Staline a eu véritablement confiance était Hitler.
Soljenitsyne l’avait déjà compris dans « Le Premier Cercle ».

closer dit: à

Bizarre, mes messages, bien innocents, ne passent plus…

Mary Curry dit: à

« Nul ne peut dire encore si Alexis Sanchez, attaquant star de l’OM et meilleur buteur de l’histoire du Chili, restera en Ligue 1 la saison prochaine. Mais lui sait parfaitement d’où il vient : Tocopilla, ville fantôme du nord du Chili coincée entre l’océan Pacifique et le désert d’Atacama. Le Mag est parti sur les traces du joueur, là où vit toujours sa famille et où tout a commencé »

https://www.lequipe.fr/Football/Article/Sur-les-traces-d-alexis-sanchez-a-tocopilla-village-chilien-du-bout-du-monde/1399856

et alii dit: à

profondeur surface:
mouvement support surface:
viallat:
 » La peinture est un fait en soi et c’est sur son terrain que l’on doit poser les problèmes. Il ne s’agit ni d’un retour aux sources, ni de la recherche d’une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. D’où la neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur expressive. »
bon dimanche

DHH dit: à

@jazzi
merci de m’avoir oriente sur cette intervention d’Anne Maron Baron que j’avais ratée alors que je suis assidue de ses critiques de grande qualité sur RCJ
a l’ecouter j’ai l’impression qu’elle u a apprecié la même chose que moi, a savoir la qualité de la mise en scene plate et scrupuleuse de cette rencontre banale rapportée a la monstruosité de son objet
mais j’aurais aime le dire aussi intelligemment et finement qu’elle et peut etre ce qu’elle en dit si bien est-il de nature à amender votre impression sur ce film

Jazzi dit: à

Oui, DHH.
Mon assoupissement à la sortie du film était essentiellement dû à des problèmes de prostate qui m’obligeaient à me lever plusieurs fois dans la nuit.
Depuis, j’ai subi une embolisation prostatique, et je dors à nouveau comme un un bébé bienheureux !

D. dit: à

Les émeutes de France font la une de nombreux médias étrangers dont CNN.
Les touristes annulent en masse leur séjour. Les monuments et musées parisiens prévoient une fréquentation quasi-désertique d’ici 1 à 2 semaines. La saison touristiques représentant 3 % du PIB est d’ores et déjà fichue. Cela pour un refus d’obtempérer d’un individu conduisant sans permis.

Merci de tirer rapidement leçons de tout ça. Car si une vie est une vie, l’altération considérable et croissante de la vie de dizaines de millions de Francais est l’altération considérable et croissante de la vie de dizaines de millions de Français.

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