N° 120 La blanchitude de l’huître
Les obsolètes : La Marseillaise, à minuit sur France Culture, en fin de programme. Pendant qu’elle sonnait, triomphale et guerrière, on commençait à éteindre les lumières, les techniciens rangeaient leurs affaires, on entendait des bruits de clefs, on se disait au revoir. Après les derniers accords, pom po-pom, tous les potentiomètres étaient mis à zéro, la console s’assoupissait, tout le monde partait. Puis elle a été diffusée plus tard, de plus en plus tard, et puis il n’y a plus eu de nuit du tout.
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Charles d’Orléans : « Bien sanglé fus d’une étroite courroie, Que par âge [il] convient que [je] me délie. » Saint-John Perse : « Le faucon du désir tire sur ses liens de cuir. » Universalité des métaphores.
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(Suite)
Les poètes musiciens
Charles d’Orléans, qui écrit : « Très belle, bonne, jeune et gente », enchaînant les adjectifs par sonorités communes, belle à bonne par b, bonne à jeune par n, jeune à gente par j ; Baudelaire, qui, dans « Le souvenir luisant de son limon amer », enchaîne souvenir à luisant par i, luisant à son par s, son à limon par on, et limon à amer par m. Universalité des oreilles.
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Les enfants qui sortent d’une école de riches, repérables à leur vêture, leur assurance, leur aisance, leurs cheveux propres.
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Pendant la création scandaleuse du Sacre du printemps, en 1913, la voix de Florent Schmitt, qui s’élève au-dessus des huées : « Taisez-vous, les grues du XVIe ! »
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Le stylo-bille de Giacometti
Les rides de Giacometti, comme des parenthèses épaisses autour de la bouche
Les cheveux de Giacometti, bouclés mousseux
Les lunettes de Giacometti, lourdes
Les mains de Giacometti, costaudes
Les poches sous les yeux de Giacometti, profondes
Le cendrier de Giacometti, plein
L’écriteau de Giacometti : « Je suis au café. »
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Encore meilleure, plus forte, plus débordante que la première gorgée de bière : la première huître.
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Haïr ceux que le texte de Maeterlinck, dans Pelléas et Mélisande, fait sourire ou ricaner.
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Les obsolètes : Les musiques « ravissantes ».
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Les livreurs de viande de boucherie, avec leur blouse blanche à capuche, comme des pénitents.
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À chacun son émoji :
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Ce musicien de l’Orchestre Philharmonique de Vienne après un concert conduit par Alfred Cortot. On lui demande : « Qu’a-t-il dirigé ? » Il répond : « Lui, je ne sais pas. Nous, nous avons joué la première symphonie de Brahms. »
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Personne ne sait
Qui diable peut bien employer l’expression « celles et ceux » en privé, dans une conversation normale, sans micro ni caméra.
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La difficulté qu’il y a, presque toujours, à parler à des tiers de quelqu’un de présent sans le gêner.
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Bulgomme recto / Bulgomme verso (la nouvelle Affaire Dreyfus dans les ménages).
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Dernière minute
Les raisonnements stupides
Dans Libération: « Alors, pourquoi ces crispations autour de «pass»? Déjà, parce que c’est un anglicisme. C’est la première justification de l’Académie française pour rejeter «pass». Car les anglicismes, c’est mal. Sauf cabine, redingote, tabou, véranda, bifteck ou même bol. Tous ces mots, et des quantités d’autres, ont un jour été empruntés à l’anglais, puis ont parfois changé de forme, se sont transformés. Et aujourd’hui, personne ne s’insurge de leur utilisation. »
Précisément, cabine, redingote, tabou et bifteck ont été francisés, alors que pass ne l’est pas…
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André Tubeuf est mort. Combien reste-t-il de musicographes qui ont du talent?
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Le Muray de la semaine
« Chantal m’appelle. Catherine m’appelle. Jacques me rappelle. Nathalie m’appelle. Catherine me rappelle. Catherine me rappelle. Edna m’appelle. Rébecca m’appelle. Rébecca me rappelle. Rébecca me rappelle encore. Ah ! celle-là ! Encore moins envie de lui parler qu’aux autres ! Et pourtant, la règle est aussi simple qu’implacable : quand une femme est tirée il faut la voir. »
(Ultima necat, T. IV)
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La troisième série de petits Papiers (Papiers découpés), parus sur Bibliobs.com, fera l’objet d’une publication en volume et n’est plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014), la deuxième (Papiers recollés) sous le titre Le cul rose d’Awa (Du Lérot 2020, disponible sur commande, en librairie ou chez l’éditeur.
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