Le couteau de Salman Rushdie, c’est le langage
Si l’on veut juger le degré d’intégration d’un britannique d’origine indienne à la société anglaise, il n’est pas de meilleur baromètre que le sens de l’humour. La chose est un cocktail improbable, immatériel et immarcescible de différents éléments de natures diverses qui se manifeste in fine par l’understatement, figure de rhétorique connue en français sous le nom de litote, d’euphémisme. Autrement dit, la faculté d’exprimer en dessous de la vérité. Pas de meilleur exemple que Salman Rushdie, écrivain de langue anglaise, natif de Bombay en 1947, de langue maternelle ourdou, élevé dès l’âge de 13 ans à la Rugby School (Warwickschire) puis à King’s College (Cambridge). Malgré tout ce que son nouveau livre Le Couteau (Knife, traduit de l’anglais par Gérard Meudal, 23 euros, 268 pages, Gallimard) peut avoir de fond sombre et tragique, de même que son passionnant entretien accordé à Olivia Gesbert pour la Nouvelle Revue Française (No 657, 184 pages, 20 euros), il y fait preuve d’un réjouissant humour décalé que les Français qualifient généralement de « typiquement anglais » lorsqu’ils sont en panne lexicale. De fait, il a si bien intégré cette pente de caractère devenue une marque de fabrique qu’il ne peut s’en défendre depuis toujours quelle que soit la circonstance. En 1987, j’avais passé tout un après-midi à bavarder avec lui à Londres, chez lui à St Peter’s Street dans le quartier d’Islington. Le regard courroucé, sa femme m’avait ouvert la porte avant de la prendre et de me la claquer dans le dos. Etrange expérience. Il est vrai qu’ils étaient en plein procédure de divorce. Je venais à sa rencontre pour écrire son portrait à l’occasion de la parution française du Sourire du jaguar, récit journalistique de son équipée dans le Nicaragua révolutionnaire. Après avoir rapidement liquidé le sujet car le livre, assez médiocre, ne […]
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