de Pierre Assouline

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La République des livres
N° 36 Le monologue de la tricoteuse

N° 36 Le monologue de la tricoteuse

Par Jacques Drillon

Les gens qui ont chez eux un tableau qui pend de travers. Insupportable. « Vous permettez ? »

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Le ton compassé, en tout cas « soutenu », qu’on prend inévitablement lorsqu’on s’adresse au vendeur d’un magasin de luxe.

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Se colleter / se coltiner. Se colleter avec une difficulté / se coltiner tout le boulot.

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Cette très vieille dame, qui a promené un bloc de foie gras pendant trois ou quatre jours en pleine canicule. Il pue, il est vert, personne n’en veut. Elle se récrie, car elle l’a cuit elle-même. Les convives se bouchent le nez et tiennent bon ; elle le mange toute seule. Que croyez-vous qu’il arriva ? Ce fut le foie gras qui creva.

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L’incipit de Voyage au bout de la nuit :
« Ça a débuté comme ça. »
L’incipit de Mort à crédit :
« Nous voici encore seuls. Tout cela est si lent, si lourd, si triste. Bientôt je serai vieux. Et ce sera enfin fini. »
L’incipit de D’un château l’autre :
« Pour parler franc, là entre nous, je finis encore plus mal que j’ai commencé. »
L’incipit de Nord :
« Oh oui, me dis-je, bientôt tout sera terminé. »

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Les tricoteuses. Autrefois « Mort au tyran ! » ; aujourd’hui : « Polanski en prison ! »

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Le goût de John Ford pour les personnages (stéréo)typés : le sage (fumeur de pipe), le vieil ivrogne rigolo, le jeune excité qui veut en découdre, l’innocent illuminé, l’homme rongé par un passé mystérieux, le lâche (à jamais lâche)…

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L’être humain, 70 kg, 75 battements cardiaques à la minute ; la chauve-souris, 30 gr, 1200 battements : le monde à l’envers.

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Les Monologues du va gin tonic.

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Jean-Yves Tadié, qui a oublié, dans sa magnifique biographie de Proust, de raconter son enterrement. « Je ne comprends pas comment j’ai pu ne pas en parler… si vous voulez c’est une sorte de traumatisme. Finalement, c’est ça : j’étais tellement frappé par la mort de Proust que je n’ai pas eu le courage de l’enterrer. »

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La voix douce, ostensiblement pacifique, écœurante, de l’écolo baba coule. Une voix d’archevêque.

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L’Angleterre, où les gilets jaunes sont portés par les flics.

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On a évalué précisément le poids de la fumée d’un cigare (poids du cigare moins poids de la cendre), le poids de l’âme (poids d’un mourant moins poids du mort). Poursuivons. Entre une heure du matin et cinq heures, on perd 400 gr, soit 100 gr par heure de vie, 100 gr d’existence corporelle. En admettant que la courbe d’amaigrissement soit constante, un individu de 80 kg devrait donc cesser d’exister au bout de 800 heures, soit 33,33 jours. Pfuit, plus rien, envolé, un pet sur une toile cirée. Seulement, au bout de trois jours sans boire, on meurt. Le bien fondé de cette théorie ne sera donc jamais vérifié.

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L’art de demain sera moral ou ne sera pas :
 

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Nicolas Appert, qui inventa sous l’Empire L’art de conserver, pendant plusieurs années, toutes les substances animales et végétales (1810). Il fit fortune avec ses conserves (destinées à la marine), et puis, après Trafalgar, faillite. On jeta son corps dans une fosse commune, où, faute de stérilisation, il se décomposa lamentablement.

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Une grille de Noël, mais qu’est pas un cadeau :

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Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

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