de Pierre Assouline

en savoir plus

La République des livres
N° 38 Les livres volés de Jean-Luc Godard

N° 38 Les livres volés de Jean-Luc Godard

Par Jacques Drillon

Les vieillards qui pètent.

*

Le condamné qui soudoyait le bourreau pour être étranglé avant d’être brûlé vif.

*

Les obsolètes : les gracieuses voix de sopranos d’avant-guerre, légères, au vibrato serré, un peu nasales, pointues, spirituelles : Yvonne Printemps, Suzy Delair, Annick Simon… Ce n’est pas seulement leur type de voix qui a disparu, mais un genre entier de féminité, celle qui s’attachait à cette voix.

*

Michel Piccoli récitant en quarante minutes la liste des communes du Var.

*

Les trente compositeurs ayant écrit leur premier morceau de musique entre trois et huit ans : Pistocchi, Schumann, Strauss, Purcell, Wieck, Busoni, W. A. Mozart, Eckert, Vaughan Williams, Weichsell, Smetana, Enescu, S. Wesley, Ouseley, Furtwängler, Crotch, Saint-Saëns, Prokofiev, J. F. Berwald, Rheinberger, Langgaard, Czerny, Cowen, Darewski, Herz, Stanford, Korngold, Chopin, Humperdinck, Fridman.

*

Les phrases entendues cent fois à l’école : « Un jour tu oublieras ta tête », « Un bon ouvrier a de bons outils », « Tu fais ça chez toi ? », « Si tout le monde faisait comme toi ! » (variante : « Si je te le permets, il faudra que je le permette à tout le monde »)…

*

Le « yoga solidaire ».

*

Sami Frey, qui avait appris par cœur les Je me souviens de Perec en les recopiant inlassablement.

*

Le petit-fils du vicomte d’Alton disant à Jean-Yves Tadié : « Vous savez, Proust, ce n’était qu’une relation de vacances ! »

*

Le livre le plus volé en librairie : l’édition de poche de Voyage au bout de la nuit.

*

La plaque à la mémoire de Malik Oussekine, incrustée sur le trottoir de la rue Monsieur-le-Prince. On marche dessus :
 

*

(Suite)
Rue Malik-Oussekine, à Carhaix-Plouguer (Finistère), rue Malik-Oussekine, à Plougonven (Finistère), rue Malik-Oussekine, à Billy-Montigny (Pas-de-Calais), rue Malik-Oussekine, à Fresnes-sur-Escaut (Nord), rue Malik-Oussekine, à Givors (Rhône), rue Malik-Oussekine, à Varennes-sur-Seine (Seine-et-Marne), place Malik-Oussekine, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), place Malik-Oussekine, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), salle Malik-Oussekine, à Auchel (Pas-de-Calais).

*

Les plumes des ailes d’oiseaux, qui s’écartent lorsque l’aile monte, pour laisser passer l’air : quand l’aile redescend, les plumes se resserrent, et opposent à l’air une résistance remarquable.

*

Godard, qui s’entendait dire, quand il était petit et qu’il racontait quelque chose qui n’était pas arrivé : « Ne raconte pas d’histoires ! » Puis qui, quand il a été grand, et qu’il a essayé d’obéir à ses parents, de ne pas raconter d’histoires dans ses films, s’est entendu dire : « Mais il faut raconter des histoires ! »

*

Les blagues est-allemandes, que la police recueillait, archivait.

*

Les coups de téléphone publicitaires, qu’on reconnaît au silence qui précède la connexion (le Maroc, c’est loin, même au téléphone), et qu’on peut interrompre avant même que le pauvre diable ne commence son baratin sur l’isolation des fenêtres.

*

(Suite)
La vengeance. On vous appelle, et vous n’avez pas le réflexe de raccrocher. Vous entendez : « Bonjour Monsieur, combien avez-vous de fenêtres chez vous ? » Répondez alors : « Je ne peux pas vous le dire de mémoire. Une seconde, je vais compter. Je pose l’appareil. » Vous vous remettez au travail, ou vous vous faites un café, enfin vous laissez passer cinq bonnes minutes. Puis vous reprenez le combiné : « Merci d’avoir patienté. J’ai compté : j’en ai une. »

*

(Dernière minute)
Les lecteurs du « Monde » votent pour élire les 101 meilleurs romans. Chacun doit en proposer cinq. Palmarès des dix élus, par ordre croissant:
10. La promesse de l’aube
9. Les misérables
8. Belle du seigneur
7. L’étranger
6. 1984
5. Le seigneur des anneaux
4. Cent ans de solitude
3. À la recherche du temps perdu
2. Voyage au bout de la nuit
1. Harry Potter
Cherchez l’intrus.

j.drillon@orange.fr

(Tous les vendredis à 7h 30)

Si vous n’avez pas reçu le lien sur lequel cliquer pour accéder à ces Petits Papiers, c’est que vous n’êtes pas abonné. Vous pouvez le faire en écrivant à j.drillon@orange.fr, en mentionnant « m’abonner » dans le champ « sujet » ou « objet » du message.
Les deuxième et troisième séries (Papiers recollésPapiers découpés) feront l’objet d’une publication en volume et ne sont plus en ligne. La première (Papiers décollés) a été publiée sous le titre Les fausses dents de Berlusconi (Grasset, 2014).

Cette entrée a été publiée dans Les petits papiers de Jacques Drillon.

Comments are closed.